C'était toujours difficile pour la jeune Ailìs de voir sa mère pleurer, surtout pour une petite fille de six ans et pourtant, cela arrivait bien trop souvent. La jeune rouquine frappait discrètement à la chambre de sa mère, aux environs de 10 heures du matin alors qu'elle-même était levée depuis un moment, faisant les cents pas dans le salon sans trop savoir si quelqu'un viendrait enfin se soucier de savoir si elle avait au moins prit son petit déjeuner, heureusement qu'elle n'avait pas école ce jour-là. " Maman ? " Pas de réponse. Elle poussait doucement la porte, légèrement hésitante avant de rentrer dans la chambre de ses parents, y trouvant sa mère seule, assise sur son lit à avaler une dose de médicament certainement trop forte pour elle. " Maman, ça va ? " Mrs Halvey relevait la tête doucement, plongeant son regard dans celui de sa fille. Non elle n'allait pas bien, d'ailleurs est-ce qu'il lui arrivait parfois de se sentir heureuse ? Rien n'était moins sûr, quelques larmes encore fraîches qui brillaient d'ailleurs sur ses joues témoignaient de la souffrance qu'elle ressentait à cette instant. " Tu as prit ton petit-déjeuner ma chérie ? " La jeune enfant fit non de la tête, presque instantanément. " Où est papa ? " Un silence soudain pesant d'à peine quelques secondes envahit la pièce alors que la jeune mère semblait chercher une réponse qui ne perturberait pas trop sa fille. " Il est parti... se promener... je crois. " Encore une réponse construite de toute pièce, la jeune fille poussa un léger soupire. Elle ne voyait presque jamais son père et cette journée s'annonçait être bien triste pour un dimanche. " Je vais prendre mon petit-déjeuner. " Lança-t-elle tout en quittant la pièce, sans même chercher à lancer un nouveau regard à sa mère.


" Papa, maman, je suis rentrée ! " Une journée de lycée comme les autres, Ailìs avait déjà bien grandit, adieu jouets et poupées et bonjour les premiers petits copains et les sorties en tout genre. Il faut dire que la jeune fille avait beaucoup de succès et ne se gênait pas pour en profiter. " Tu as passé une bonne journée ma chérie ? " Un sourire, un bisou, rien de mieux pour finir la journée en beauté, la jeune lycéenne avait rarement droit à ce genre d'accueil et ne pouvait que s'en réjouir. Seulement, quelques heures plus tard, alors que la demoiselle s'apprêtait à rejoindre son lit, des cris résonnèrent dans la maisons, une nouvelle dispute de ses parents qu'elle avait, certes l'habitude d'entendre, mais qu'elle supportait difficilement, ce soir là. " Où est-ce que tu vas ? " Un sac sous le bras, sa veste mise négligemment sur le dos et le coeur battant, elle se retourna, fronçant légèrement les sourcils. " Où je vais ? Parce que ça t’intéresse maintenant ? Je me casse, je vous laisse vous gueuler dessus tranquillement, j'ai autre chose à foutre moi ce soir. " Puis elle partit en claquant la porte derrière elle, sans trop savoir où aller.
C'est ainsi que sa vie prit un tournant pour le moins imprévisible, entre les sorties répétitives, l'alcool à outrance et les mauvaises fréquentations, ses notes chutèrent à vue d’œil et sa motivation de réussir sa vie futur avec. Pourtant, elle était intelligente et promise à une brillante carrière mais c'était sans compter le climat familial qui n'avait rien d'idéal.


" C'est papa qui t'a fait ça ? " " Non je... je suis tombée dans les escaliers ne t'en fais pas pour moi... " La jeune fille s'approcha de sa mère, le regard noir, sentant la colère monter peu à peu en elle. Plongeant son regard dans celui de son interlocutrice, elle répéta, lentement, dans l'espoir qu'enfin on arrêterait de lui mentir, s'attardant un instant sur l’œil contusionné de sa mère. " Je te pose la question une nouvelle fois, est-ce que papa t'a frappé ? Ne me prends pas pour une idiote ! " Voyant sa mère fondre en sanglot, elle comprit. Toutes ces années à voir sa mère pleurer et son père partir sans raison, toutes ces années à entendre les cris incessants de ses parents sans que personne ne puisse rien y faire, tout s'expliquait enfin. " Où est-il ? " Elle lança un regard au niveau des escaliers et, sans attendre la rouquine monta les marches quatre à quatre puis se dirigea dans la chambre de ses parents. Elle s'approcha de son père, le regard chargé de haine et se stoppa à quelques centimètres de ce dernier. " Tu veux savoir ? J'ai vraiment honte d'avoir un père comme toi, pour moi tu es juste un sacré salopard, une ordure, rien de plus ! " Comme une brûlure sur la joue, son oreille se mit à siffler soudainement, elle venait de se faire gifler par son propre père, pour la première fois de sa vie. Sans perdre de temps, elle poussa ce dernier contre le mur et descendit les escaliers rapidement. " 'Man, tu viens avec moi, on se casse d'ici, t'as rien à foutre avec un minable pareil. " Sa mère se contenta de faire non de la tête. " Tu plaisantes ? T'as vraiment envie de t'en prendre plein la figure toute ta vie ? " "Ma chérie il faut que tu comprennes, j'aime ton père et... " Ailìs lui coupa la parole puis posa son doigt sur la bouche de sa mère. " Non, je ne veux pas en entendre plus. Tu ne veux vraiment pas partir ? Libre à toi, moi j'en peux plus de vos histoires, j'arrête tout, je me casse, tu as fais ton choix, à moi de faire le mien. " Ni une ni deux, la miss avait préparé une partie de ses affaires pour prendre le premier avion et partir loin, le plus loin possible de cette baraque de fous.


Tout s'était passé très vite, un voyage en avion qui donnait plein d'espoir à la jeune fille qui avait tout abandonné dans l'histoire d'une vie meilleure, des turbulences, un avion qui semblait tomber à pic vers le sol, Ailìs ferma les yeux, se cramponnant où elle pouvait, persuadée de vivre ses dernières secondes puis un trou noir qui sembla durer des jours. Elle se réveilla sur la plage, les vêtements trempés et usés et un mal de crâne à se taper la tête contre un mur... ou plutôt un arbre au vu des circonstances. Elle vécu quelques jours une vie pour le moins primaire, se nourrissant de ce qu'elle trouvait et avec les moyens du bord puis elle rencontra vite d'autres personnes dans la même situation qu'elle. Parfois, elle avait l'impression de vivre un mélange de Robison Crusoé et une espèce de science fiction, au vu des dires des habitants de cette île. Beaucoup d'entre eux lui racontaient des histoires à dormir debout sur des vampires vivant, vampires de qui elle devrait se méfier si elle ne voulait pas qu'on la vide de son sang en moins de temps qu'il fallait pour le dire. Ce genre de légendes l'avait toujours fait marrer, pour elle c'était clair, elle n'avait qu'à vivre au mieux pendant un moment puis elle trouverait un moyen de partir, histoire de retrouver un semblant de civilisation un peu moins... étrange.
Seulement, un soir, elle rencontra un homme dans un bar, un homme fascinant, presque envoûtant duquel elle buvait les paroles depuis de longues minutes déjà. " Si tu veux je peux te montrer un endroit sûr, j'habite non loin d'ici, tu n'as qu'à me suivre, il y a assez de place pour deux. " La jeune fille n'avait rien d'une naïve et était même particulièrement méfiante habituellement, mais cette fois-ci c'était différent. Elle était seule, fatiguée, elle avait besoin de se changer un peu les idées et ne pouvait certainement pas rester dans son coin pendant longtemps encore. Sans même penser aux conséquences, elle le suivit, omnibulée par le charme de son hôte puis, sans avoir le temps de réagir, elle s'était retrouvée dans un salon lugubre, face à un homme d'une froideur terrifiante qui lui parlait d'un air solennel et totalement détaché. Il semblait vouloir la mettre à l'aise mais rien à faire, elle n'avait qu'une envie : s'enfuir en courant mais plus le temps passait et plus elle avait l'impression que c'était certainement la plus mauvaise idée qui pouvait lui passer par la tête. " Assied-toi donc, ne reste pas debout. "  Ses jambes, qui semblaient jusqu'alors incapables de lui obéir se dirigèrent automatiquement vers le fauteuil que le mystérieux inconnu lui pointait du doigt. " Je vais t'apprendre en quelques mots les quelques règles à respecter pour devenir mon esclave. " Esclave... Ce mot lui paraissait tellement loin auparavant et voilà qu'à présent, elle apprenait que sa naïveté l'avait conduit à devenir l'esclave d'un vampire du nom de Nikolaï Levinson Todorov, qu'à présent le piège venait de se refermer sur elle et que qu'elle n'avait aucune façon d'en sortir vivante si ce n'était d'obéir à ses ordres et de tenter de faire oublier son caractère de cochon en marchant droit. En étais-elle capable ? Rien n'est moins sûr puisque comme on dit : "chassez le naturel, il reviendra vite au galop. "