Manathan, ou la jungle civilisée. Toute une population de fous et d'avares. Tout un dynamisme de barbares organisés qui se font la guerre pour 20 cents. Née dans un contexte économique aux allures chaotiques, la jeune Pandore n'eut pas le choix sur sa destinée : Earn money baby était son slogan, incrusté sur son front, taillé au cuter sur ses poignets. Surtout quand on a déjà 3 frère et deux sœurs, au final, une grosse famille moyenne, ça a besoin de petits bras pour se financer.

Au diable les études, le travail fera le reste. Dès qu'elle le put donc, elle se plongea dans un monde impatient et égoïste. Caissière la journée, serveuse le soir, elle avait un dynamisme qu'on lui enviait. Toujours de bonne volonté pour se faire du fric, mais réticente à l'idée de balancer ça pour ses frangins. Et ce qui devait arriver arriva, elle se fit émanciper lors de sa crise d'ado incomprise. Grosse connerie parce qu'elle n'y connaissait rien à la vie en solitaire. Elle fut prise de panique et se retrouva coincée dans des magouilles afin d'avoir une vie quelque peu potable. De dealeuse d'un soir, elle finit par se retrouver face à une bande mécontente de son caractère indomptable. Si la police n'était pas intervenue à temps, c'en serait terminé de Pandore Graves ; la jeune rebelle trop rebelle pour gagner dignement sa vie.

C'était plus fort qu'elle, elle avait besoin de ressentir la vie, de vibrer. Au début indécise, elle fini par s'orienter vers la musique. Son look pouvait en dire long sur son style ; toujours vêtue de noir et d'argent, des breloques énormes pendant aux bras, des chaussures démesurées, des yeux cachés derrière une montagne de mascara. Let's rock together, elle aimait le feu de la guitare, les bombardements de la batterie, le rythme de la basse. Au début novice dans le domaine, elle se contentait d'un instrument. Mais il lui fallait plus que ça, elle devait être au centre, être reine et capteur de tout. Il s'avéra que sa voix chevronnée (par l'effet du tabac peut-être?) convenait parfaitement à l'ambiance requise du style bâtard des groupes de banlieue. La scène devint rapidement un échappatoire à sa vie de miséreuse caissière. Tout devait s'embraser, s'enflammer, brûler, les gens devaient brûler ensemble, l'osmose !


«  BURN BURN, FOR US, FOR THEM, FOR YOU »

Son profil de passionnée et d'acharnée souleva quelques fan fidèles. Se comptant sur les doigts de la main au début, puis petit à petit, le groupe rempli des salles auparavant inexplorées. De la dizaine, les suiveurs passèrent à une centaine. On appréciait la fougue désinvolte de cette jeune femme à peine formée qui se donnait corps et âme sur la scène. Un peu de médiatisation du peuple (site web, réseaux sociaux, etc) et la carrière de la Graves fut « lancée ». A moindre mesure seulement, il s'agissait simplement de remplir une salle contre une liasse de billet. Mais Pandore aimait le cash, et acceptait toute les propositions. Tandis que son portefeuille se gonflait, que sa gueule s'embellissait, elle n'aspirait plus qu'à une chose : Faire vivre son nom. Non pas en popularité, mais être estimée à juste prix.

Dire qu'un jour dans l'année de sa vingtaine, on lui proposa un contrat avec un sponsor pour sortir un semblant d'album. Dire que pour cela elle n'avait qu'un bateau à prendre. Dire que le premier voyage de sa vie l'aura menée à sa propre fin. Destin ou fatalité ? Il fallut que ce petit bateau de croisière soit comme aspiré par une nappe brumeuse et inquiétante. En une heure à peine, la moitié des passagers étaient noyés au fond de l'océan, l'autre débarquait à la nage sur une île aux allures fâcheuses.

La voilà, la rock girl, perdue au milieu de démons dont elle n'aurait même pas imaginé l'existence. Son instinct de survie lui chuchota alors un comportement à suivre : Retour à la source, elle ne devrait compter sur personne à partir de ce jour.