Dont’ say you need me, It’s understood

Cela faisait deux jours déjà que la belle Nina arpentait les rues de la capitale. Le premier jour, un petit motel avait suffi à faire son bonheur. Avide de repos, elle n'avait pas été très regardante quant à la qualité des lieux, tâchant avant tout de préserver son petit pécule et d'éviter de le dilapider inutilement. Le deuxième jour cependant, le lit grinçant et la minuscule douche l'avaient agacés suffisamment pour qu'elle ne laisse plus de pourboire et fasse savoir à la réception son mécontentement.

Une façon comme une autre de se motiver à trouver rapidement un travail plus ou moins honnête, histoire de dégager très vite de ce taudis. Avec un salaire fixe, elle pourrait louer un petit appartement dans un coin tranquille et recommencer cette nouvelle vie à laquelle elle aspirait depuis tant d'années.

Alors dès la nuit tombée, elle enfila rapidement son pantalon fétiche de cuir noir, des bottes à talons vertigineux qui lui offraient bien dix centimètres de plus, la faisant dépasser tout le monde d'une bonne tête, et le petit haut en dentelle noire qu'elle s'était offert lors d'un séjour à Paris. Un peu de maquillage, noir toujours, les cheveux tirés en arrière et elle était fin prête à partir en quête de patrons en manque de personnel.

Elle avait repéré deux endroits susceptibles de l'accueillir, pour un temps du moins. Tout d'abord il y avait ce bar, Killer Burger ou un truc du genre. Mais le fait de ne pas pouvoir goûter quelques humains après le service l'avait franchement refroidie. L'autre possibilité était le bar à striptease, moins reluisant, mais plus dans son genre. Bien qu'elle n'ait jamais été tentée de s'abaisser au striptease ou à la prostitution, servir des verres dans un tel lieu lui paraissait plus naturel que de faire le service en tenue strict dans un restaurant bien propret. Les endroits sales et mal fréquentés avaient été son lot quotidien en d’autres temps, alors ce n’était pas une boîte de strip branchée qui allait lui faire peur, bien au contraire.

À peine hésitante, elle finit par prendre la route pour les Plaisirs Coupables, bien décidée à convaincre le patron de l'engager au bar ou ailleurs. Tant qu'elle pouvait garder ses vêtements, au fond, elle se fichait du job qu'on lui refourguerait.

Arrivée à l'entrée, elle constata que l'endroit était plutôt bien gardé. Une petite dizaine de personne s'était massée devant des vigiles très costauds qui ne laissaient pas passer n'importe qui. Une fois son tour venu, elle adressa au jeune homme face à elle son plus beau sourire, bien qu'elle dût baisser la tête pour le regarder.

Dix centimètres de trop...

Sans trop tergiverser, il l'invita à entrer tout en bloquant les visiteurs suivants pour un petit contrôle d'usage.

Elle, elle était déjà loin dans le couloir qui menait à la salle principale, s’intéressant très peu à ce qui l’entourait. Seul son objectif comptait et ce dernier avait les poches remplies de fric. Nonchalamment, elle marcha donc jusqu’au bar et s’installa sur un tabouret vide. Les quelques regards que lui jetèrent les hommes présents ne lui firent ni chaud ni froid. Elle n’était pas là pour ça. Toute son attention était concentrée sur le gaillard qui faisait le service. Si elle arrivait à attirer suffisamment son attention et à attiser sa curiosité, elle aurait une chance d’arriver à ses fins. Alors sa main se leva dès qu’il jeta un regard dans sa direction, et c’est à peine souriante qu’elle commanda un verre de sang. Dès qu’elle fut servie, elle offrit un pourboire généreux en attrapant le poignet du barman, délicatement. Exerçant une douce pression, elle l’attira à elle et lui murmura au creux de l’oreille.

Sauriez-vous conseiller une jeune femme tout juste arrivée dans cette ville, à la recherche d’un travail honnête ? Peut-être que votre patron aurait quelques suggestions à me faire ?

Ses yeux verts plongèrent dans ceux du barman. Maintenant un contact visuel à en faire pâlir plus d’un, elle attendait sa réponse en croisant les doigts de sa main libre.

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Dont’ say you need me, It’s understood

Pour qui la prenait-il ? Pensait-il vraiment qu’une femme de son acabit s’abaisserait à jouer les putains pour quelques mâles en rut incapable de se trouver une demoiselle sans avoir à monnayer sa présence et ses faveurs ?

Sa respiration s’accéléra et ses traits se durcirent, signes de son mécontentement qui ne tarderait pas à se manifester, de manière plus ou moins violente selon si la dame décidait d’éviter un esclandre… ou pas. Bouillonnante de rage, l’envie de lui flanquer une gifle ne manquait pas, mais se concentrant sur la raison de sa venue, elle retint son geste et se contenta de lui serrer fermement et sans aucune douceur le poignet entre ses doigts, histoire de lui faire comprendre qu’elle n’était pas n’importe qui.

Elle n’avait jamais été douée pour se contenir, pouvant s’abandonner complètement à la rage qui semblait ne jamais cesser de corrompre son âme, si elle en avait effectivement une. Mais avec le temps, elle avait fini par se maîtriser, plus ou moins. Tout du moins suffisamment pour s’éviter un maximum d’ennuis inutiles. Et ce soir, elle tâcherait d’éviter de rater un boulot rentable pour un minable serveur sans cervelle. Et visiblement un vampire tout aussi minable, sans expérience semblerait-il. Car s’il avait été vampire depuis au moins aussi longtemps qu’elle, il saurait que les femmes de son espèce ne s’adonnaient pas à ce genre de chose, même lorsqu’elles se trouvaient au fond du gouffre.

Une parfaite danseuse dis-tu ? Et bien on peut dire que tu as le sens de l’humour au moins.

Son visage en disait long sur ses sentiments et l’ironie dont elle faisait preuve dans sa réponse, stratagème lui permettant d’éviter un langage fleuri qu’elle trouvait plus efficace mais moins approprié à la situation.

Je ne suis pas de celles qui se vendent corps et âme pour quelques maigres revenus. Si tu veux une catin, cherches en plutôt du côté des humaines, il y en a à foison. J’ai d’autres qualités à mettre à profit qu’un peu de chair nue…

Elle relâcha son étreinte, suivant le regard du barman discrètement, persuadée que le patron ne devait pas être bien loin à garder un œil sur son établissement. Soudain, elle aperçut un gaillard qui n’avait rien des clients primitifs de l’endroit, ça ne pouvait être que lui à n’en pas douter. Faisant comme si elle n’avait rien remarqué, elle reconcentra toute son attention sur son verre de sang, le sirotant du bout des lèvres, jetant quelques brefs regards à son interlocuteur qui l’ennuyait déjà.

Alors ? Disposé à me proposer quelque chose d’intéressant ?

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Un brin de voix la sortit brusquement de ses rêveries, la désintéressant au passage complètement de ce pauvre Logan. Toute son attention reportée sur le vampire qui l’interpelait, elle en oublia même le petit malentendu d’il y a quelques instants. Les choses sérieuses pouvaient enfin commencer. Car il ne faisait aucun doute de l’identité de celui qui l’accostait.

Pas décontenancée pour un sous, elle fit face à cet homme élégant, offrant par la même une vue imprenable sur son dos à Logan qui en profiterait à n’en pas douter pour mater ses fesses. Détail dont elle se fichait éperdument.

Une femme d’envergure dites-vous ? Plutôt flatteur. Je conçois qu’il ne soit pas facile à un débutant d’appréhender les choses de la vie et différencier ce qui risque de lui nuire de ce qu’il peut à raison insulter. Mais il faudra qu’il apprenne rapidement s’il ne désire pas finir en plusieurs morceaux, à rôtir au soleil. Pas tout le monde n’a ma patience d’ange.

Tout sourire, elle marqua une pause afin de reprendre une gorgée de liquide, le stresse lui asséchant la langue. Mais aussi histoire de pouvoir réfléchir rapidement à ce qu’elle allait lui répondre. A quoi était-elle bonne au juste ? A part à se foutre dans une merde sans nom ? Elle faillit s’étrangler avec le sang en repensant à son dernier job qui avait plutôt mal tourné. Mais après tout, son dernier employeur n’était plus là pour témoigner. Aucune chance qu’il donne de mauvaises informations à son sujet, là où il se trouvait à présent. Bien bien en dessous de son établissement.

Un petit sourire au coin des lèvres, elle fixa le vampire tout en reposant son verre.

Et bien, je peux déjà vous dire que je ne suis pas qualifiée dans l’éducation d’un jeune vampire maladroit. Mais j’ai d’autres talents à mettre au service d’un établissement comme le vôtre, ayant déjà eu l’occasion de travailler dans des lieux similaires. Mais jamais sur la scène, que ce soit claire.

Toujours souriante, elle regarda brièvement l’humaine qui se tortillait un peu plus loin, sur une musique trop forte et lancinante, tous les yeux de l’assemblée de mâles à ses pieds, rivés sur son cul ou ses seins. Limite la bave aux lèvres. Ils étaient pathétiques et elle n’enviait pas la moindre le sort de la jeune femme, objet de désir qui n’avait plus rien d’un être vivant.

Hum, j’ai déjà officié comme garde à l’entrée, ou au bar pour le service. Sinon des petits travaux de secrétariat ne me posent pas de problèmes, bien au contraire. Bref, je ne suis pas difficile et m’adapte rapidement. A vous de voir ce dont vous avez besoin par ici.

Intérieurement, elle priait de ne pas être engagée au bar aux côtés de l’abruti congénital au regard lubrique derrière elle. Elle préférait de loin pouvoir castagner les indélicats à l’entrée, ou s’isoler dans le bureau à quelques menus ouvrages. Moins elle verrait les morceaux de viandes en lingeries fines et le barman, mieux elle s’en porterait.

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Pas le service, pas le service, pas le service, se répétait-elle intérieurement en attendant la réponse de son potentiel patron. Lorsque le couperet tomba, elle dut s’accrocher au bar et serrer très fort le rebord en bois pour ne pas montrer sa très grande désapprobation. Il fallait qu’elle préserve les apparences, elle n’était pas dans une position qui lui permettait de refuser le moindre travail, aussi crétins furent les nouveaux collègues. Alors elle hocha positivement la tête, un sourire crispé sur les lèvres. Elle avait affronté bien pire que Logan en matière de vampires désagréables. Quelques temps à ses côtés ne la tuerait pas. Replaçant une mèche de cheveux rebelle qui lui chatouillait le nez, elle se redressa, dépassant ainsi clairement la majorité des clients présents et se plaça face à son nouveau patron.

J’espère que ça ne contrariera pas votre barman de partagé son job avec moi. S’il le désire, je m’occuperai essentiellement de ces messieurs et lui laisserait les demoiselles.

Un bref coup d’œil dans la salle suffisait à constater que les femmes se faisaient rares hormis les danseuses. Une petite boutade qu’elle avait eue envie de lancer histoire d’affirmer sa position de dominante. Car à présent ce serait elle qui ferait la loi derrière ce bar. Elle était plus forte, plus expérimentée et sans aucun doute avait plus mauvais caractère que lui.

Elle tourna la tête pour voir la réaction de Logan, plongeant son regard dans le sien, sondant tout son être, à l’affut de la moindre réaction. Vu comme il tenait son bar, il aurait sans doute du mal à le partager avec quelqu’un d’autre, d’autant plus si c’était une femme plus douée que lui et qui plus est susceptible d’engendrer bien plus de pourboires que lui. Aaaah les pourboires, rien qu’en y pensant elle se sentit soulagée, revigorée. Ne plus avoir à penser à l’argent, ne plus avoir à se soucier de ce genre de tracas quotidiens. Pouvoir se concentrer sur l’essentiel et profiter de l’instant présent. Elle n’attendait que ça. Dans cette euphorie passagère, elle en oublia presque que certains points restaient à régler. Alors elle se retourna vers Zephyr, croisant les bras.

Si vous me proposer un salaire décent, je peux commencer quand vous le désirez, dernière le bar ou dans la paperasse.

Certes, elle était pressée de trouver quelque chose, mais pas au point de se vendre pour trois fois rien. Autant dépouiller quelques humains isolés, au moins elle aurait de quoi se nourrir à volonté avec en prime un peu d’argent de poche. Mais ce n’était plus le genre de vie qu’elle souhaitait mener. Elle se faisait trop vieille pour ça. Enfin vieille… tout était relatif.

Peut-être pourrions-nous aller parler des détails en privé ? Je ne voudrais pas l’empêcher de travailler et servir les clients. Nous lui avons déjà pris bien plus de temps que nécessaire.

Non, elle n’avait pas franchement envie d’avoir un spectateur pendant les négociations qu’elle mènerait avec le boss. Autant régler tout ça dans son bureau, à l’abri des curieux.

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Enfin il l’invitait à passer dans son bureau, il était temps ! Même si au fond, elle n’aurait pas pensé réussir à le persuader aussi rapidement. Certains aimaient à se faire désirer, se faire implorer, surtout s’ils n’avaient pas vraiment de job à fournir. Le genre d’attitude qui l’agaçait au plus haut point. Fort heureusement, il n’était pas de cette trempe là et semblait plutôt correct… enfin pour un vampire.

Avec grand plaisir.

Avant de s’écarter du bar, elle jeta un regard plein de malice à Logan, à la limite de la provocation. Elle avait bien compris qu’elle ne serait pas la bienvenue derrière le bar et ainsi, elle le narguait déjà, se réjouissant de pouvoir l’enquiquiner un maximum pour lui rendre la monnaie de sa pièce. On n’insultait pas une femme comme elle sans s’en mordre les doigts. Et ses petits doigts potelés, elle allait les lui faire bouffer jusqu’au coude.

Gentleman, le vampire lui ouvrit la porte, l’invita à entrer et à s’installer, ce qu’elle ne tarda pas à faire. S’enfonçant dans le fauteuil, elle croisa les jambes et se mit à l’aise, le regard fixé sur son interlocuteur, toute ouïe. L’endroit était plutôt sympathique, un peu simple, de loin pas aussi extravagant que ce qu’elle avait pu voir auparavant. Il s’en dégageait d’avantage une ambiance de travail un minimum sérieux, que les bureaux tape à l’œil, du genre bling bling pathétique que les patrons de lupanars adoraient arborés. Ils se prenaient toujours pour des boss invincibles et aimaient jeter à la figure de leur visiteur le fric qu’ils se faisaient en exploitant des gamines. En repensant à l’un d’eux qui avait fini cloué sur son siège en cuir rouge, encordé avec quelques-unes de ses chaînes en or et la bouche remplie de vieux billets, elle se surprit à sourire bêtement. Mais elle n’était pas là pour rigoler, alors elle se reprit rapidement, se reconcentrant sur la raison de sa présence ici.

Mmmh comme ses propos sonnaient doux à ses oreilles. Du fric, du sang, tout ce qu’il lui fallait. Tout sourire, elle se pencha un peu en avant, le fixant toujours.

Vos conditions me semblent parfaites. Et je me réjouis tout particulièrement de découvrir notre petit coin de pause.

Plus besoin de courir à travers la jungle pour se mettre un humain sous la dent ! Plus besoin de s’épuiser à la tâche pour des maigres résultats ! Quel soulagement.

Tout à fait ravie de faire affaire avec vous « Patron », je suis certaine que notre collaboration sera fort agréable. Vous pouvez m’appelez simplement Nina.

Romanov, Romanov… ce nom russe sonnait si familier à ses oreilles. Elle avait longtemps vécu à Moscou et des Romanov, il y en avait à foison autant dans les rues que dans les livres d’histoire. Il ne pouvait venir que de la région. Peut-être même l’avait-elle déjà croisé ! Un instant, elle se mit presque à stresser qu’il n’ait déjà entendu parler d’elle ou même pu entendre quelque chose, rumeur ou autre. Il ne fallait pas qu’il sache, rien. Jamais rien. Alors elle ne lui donnerait pas son nom de famille, pas avant d’être sûre qu’il n’y avait aucun risque.

Mais me permettrais-je une question ? Votre nom sonne si européens. D’où venez-vous ?

Y aller subtilement, pas à pas. Elle avait un peu de mal à se détendre, mais tâchait de ne rien n’y laisser paraître. Au pire elle interrogerait Logan, il devait être trop bête pour se douter de quoique ce soit. Il fallait qu’elle respire profondément, qu’elle ne montre rien de ses inquiétudes. Franchement, qui pourrait se souvenir de quelques massacres il y a 300 longues années ! Personne… ça n’intéressait réellement personne. Alors, cesse de paniquer pour rien, se disait-elle. Elle avait un job, un patron qui s’annonçait fort plaisant et une réserve sans limite de sang. Retrouvant peu à peu son calme intérieur, elle resta suspendue à ses lèvres, se penchant encore d’avantage pour qu’il ait une vue imprenable sur son décolleté.

Ne vous sentez surtout pas obligé de répondre, je me montre parfois trop curieuse. Mais l’Europe est un continent absolument magnifique, peuplé de gens fort… intéressant. Il tient une place particulière dans mon cœur.

Un sourire au coin des lèvres, qui se voulait tous sauf innocent, elle tentait avec une grande réussite de masquer ses doutes et inquiétudes. Quoi de mieux qu’un peu de charme tout sauf subtile ? Elle en avait à revendre et il n’était pas difficile d’en faire usage quand le destinataire était aussi charmant.

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A voir sa tête, elle s’était fait grillée du premier coup. Décidément, elle n’était vraiment pas douée. La subtilité et elle, ça faisait deux. Là tout de suite, elle avait terriblement envie de filer, de se barrer et de le laisser en plan comme un con. Maintenant, il allait lui poser des questions et il ne lui ficherait pas la paix avant qu’elle ait craché tout ce qu’il voudrait savoir. Elle aurait mieux fait de faire comme si de rien n’était et de s’abstenir de poser la moindre question. Oui patron, bien patron, au revoir patron.

Mais elle et sa grande gueule, et cette curiosité maladive. Elle se maudissait sincèrement d’être après toutes ces années, toujours aussi nulle en matière de soustraction discrète d’informations. La soustraction n’avait jamais posé problème, le souci c’était bien la discrétion. Un rouleau compresseur, voilà à quoi elle s’apparentait le plus !

Un simple nom en gage de confiance, il vous en faut peu.

Son nom complet… hum. Elle déglutit péniblement, baissant la tête brièvement pour ce faire, qu’il ne voit rien, ne remarque pas la salive qui avait de plus en plus de mal à glisser dans sa gorge. Puis elle se redressa, callant son dos contre le dossier du fauteuil, les jambes croisées, celle du dessus balançant doucement, lentement, subtilement, de bas en haut. Les hommes étaient toujours fascinés par les femmes avec de longues jambes, d’autant plus lorsque ces dernières les agitaient sous leur nez, comme une invitation à quelques mouvements de gymnastiques des plus acrobatiques.

Nina Stark. Ce n’est pas très chantant, n’est-ce pas.

Pas chantant ça c’est sûr. Et ce malgré la pointe d’accent qui avait montré le bout de son nez, de ceux qui roulent les R et donnent un peu plus de douceur à la rigueur de l’allemand, mais ça n’avait rien d’agréable comme langue. Bien qu’elle l’adore et n’hésite pas à le parler à chaque occasion qui se présentait. Même si depuis son arrivée à Heartkiller, à part pour hurler sur ses proies qui n’y comprenaient rien, elle n’avait pas vraiment eu la chance de pouvoir s’entraîner un peu.

Mais voilà, c’était dit. Surement que ça ne lui dirait absolument rien, car de toute façon elle n’avait jamais eu la moindre maladresse dans des établissements de strip-tease du côté de la Russie. En Italie oui, en Allemagne parfois, en Angleterre, ça c’était certain. Mais pas en Russie, non non non ! Alors il ne saurait surement pas qui elle était, ce qu’elle avait fait et comment avaient finis ses anciens patrons. Enfin pas tous. Pour la plupart, elle avait été une fidèle et loyale employée. Mais à chaque fois, un élément perturbateur faisait son entrée fracassante et brisait tous ses efforts pour se tenir correctement. Qu’il s’agisse des danseuses, des clients ou même des serveurs, il y en avait toujours pour faire chier leur monde ! Et elle n’avait aucune patience. Et qu’on ne lui demande pas de pardonner ou fermer les yeux ! Quand on dépassait les bornes avec elle, on le payait et pas qu’un peu. Elle n’était pas du genre à faire dans la demi-mesure.

J’apprécie également de savoir avec qui et pour qui, surtout, je travaille. Mais nous ne sommes pas pressés et nous aurons tout le temps de faire plus ample connaissance. D’ailleurs, quand désirez-vous que je commence ?

Changer de sujet lui paraissait un bon moyen de l’embrouiller et lui faire perdre le fil. Cela couplé à la panoplie complète du charme féminin, déployé dans toute sa splendeur et avec talent, il ne pouvait qu’oublier les petites questions qui devaient le tracasser. Tous ses gestes étaient tournés vers lui, son regard fixé au sien. Croisant et décroisant les jambes à intervalle régulier, qu’il contemple son corps parfaitement moulé dans le cuir et la dentelle.

Ah et il faudra me dire si vous avez certaines exigences vis-à-vis de vos employés. Sur le plan vestimentaire par exemple ou d’autres choses qui vous semble indispensables. Je tiens à ce que notre collaboration se passe au mieux et soit un réel plaisir pour l’un… comme pour l’autre.

Un réel plaisir oui… il n’avait pas l’air de mauvaise compagnie et au fond, sa perspicacité et sa capacité à ne pas se faire embobiner du premier coup la satisfaisait grandement. Il serait un patron comme elle en avait eu si peu souvent. Un de ceux qui gagnent à être connu, pour qui l’on tâche d’être le plus loyale possible. Qui vous motive à donner le meilleur de vous. Elle avait l’œil pour ses choses-là, et M. Romanov promettait une collaboration particulièrement intense et exquise.

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L’entretien commençait à s’éterniser et elle n’appréciait guère ce face à face improvisé qui risquait à tout moment de la mettre dans une position délicate. Elle n’avait pas l’intention de trop mentir, car de toute façon, si quelque chose lui paraissait suspect il serait du genre à aller vérifier de lui-même. Et puis ses crimes n’étaient au fond pas si terribles que ça pour la plupart. Vivement qu’ils concluent et qu’elle puisse filer se boire un verre. Elle avait faim. Elle crevait de faim même. Une bonne petite chasse la détendrait à coup sûr. Une petite escapade dans les bois serait plus agréable que de se faire servir par ce crétin de Logan. De toute façon, elle devrait le supporter chaque jour durant pour les quelques prochaines années, si tout se passait normalement.

Elle suspecte ? Nooooooon mais voyons ! Qu’elle idée saugrenue. Elle l’avait pensé si fort que cela avait dû se voir sur son visage faussement angélique.

Bon, elle commencerait demain, ce qui ne lui laisserait au final pas beaucoup de temps pour se préparer, mais tant pis. Elle ferait avec, comme d’habitude. Et tant qu’à faire, elle trouverait un moyen de l’amadouer comme tous les autres. C’était un homme après tout, avec les mêmes réflexes, les mêmes désires et les mêmes pulsions. Vampire ou pas, puissant ou pas. Il restait un mâle que quelques charmes féminin rendaient aussi primitif que l’odeur épicée d’un sang de qualité. D’ailleurs il la reluquait déjà alors qu’elle n’avait pas trop forcé sur le côté vestimentaire. Qu’est-ce que ça donnerait avec une jupe bien taillée et quelques accessoires savamment assortis.

Elle eut un petit rire mesquin lorsqu’il parla du couvant, s’imaginant arriver en col roulé et jupe de nonne. Et puis quoi encore…

Un verre, ça sera avec plaisir.

Déjà il se relevait et quittait le bureau, l’invitant à sortir. Elle ne se fit pas priée et parti devant l’attendre sur un tabouret moelleux juste au coin, alors qu’il fermait les lieux à clef. Mais à peine le verre de sang fut-il servi, qu’il s’échappa comme un malotru et tout ça pour ces garces d’humaines. Elle aurait du mal à les supporter celles-là et prendrait soin d’en rester le plus loin possible. Alors assister à des petites querelles du genre. Pas son truc. Elle lui adressa un sourire des plus faux culs et reporta son attention sur Logan qui la dévisageait depuis quelques minutes déjà. Levant son verre dans sa direction, elle ricana doucement. Bientôt il paierait son attitude goujat et stupide.

A votre santé cher collègue.

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