Qu'est-ce qu'elle était belle. C'était comme une déesse descendue sur terre. Elle te paraissait à la fois si lointaine et finalement si proche. Assise sur ton tabouret, les jambes s'agitant dans le vide, tu observais cette femme, cette statue de glace qui t'éblouissait par sa splendeur. T'aurais voulu être comme ça toi aussi plus tard. Avoir des cheveux légèrement ondulés, brillants, un teint pâle et des lèvres fines et rosées. La perfection quoi.
« Haruna, arrête de me fixer comme ça voyons ! » Tu baissais automatiquement les yeux à cette réflexion. Tu avais oublié que ta mère n'aimait pas que tu sois là pendant qu'elle se faisait maquiller et coiffer dans les loges, elle t'avait tolérée cette fois-ci parce que tu lui avais promis d'être sage et quasi transparente. Toutefois, il fallait croire que même sans avoir dit un mot ta présence l'irritait. Tu te demandais bien pourquoi. Pourtant t'avais rien fait de mal, tu la regardais juste de loin, comme toujours. Parce que pour une mère, tu la trouvais bien distante. Et dans un sens tu en étais blessée dans ton coeur de petite fille.

La maquilleuse se rata, elle mis du crayon noir à côté, c'est sur toi que la faute retomba. « Bon ça suffit, tu vois, tu déranges Hye Sun ! s'écria ta mère avant de se tourner vers la concernée, n'est-ce pas qu'elle vous dérange ?! Regarde Haruna ! Elle n'arrive pas à se concentrer avec une enfant dans ses pattes ! Va attendre dehors. » Tu vis la maquilleuse tenter de s'interposer mais elle fut freinée immédiatement par ta mère qui demanda à un des deux vigiles de te faire sortir. Alors que tu n'avais strictement pas bougé d'un cil cette fois-ci. Tu étais étrangement sage même pour une petite fille. Tu parlais pas trop, t'observais beaucoup, on aurait presque pu te confondre avec le décor tellement t'étais transparente. Le vigile te hissa sur son dos comme un sac à patate et te ficha dehors en prenant tout de même le temps de t'indiquer poliment comme s'il parlait à une poupée de porcelaine et en articulant bien - ce qui te vexa un peu parce que tu avais beau avoir sept ans t'étais pas idiote - où se trouvait ta loge personnelle. En gros, il voulait te dire maladroitement d'aller dans ta chambre, de t'enfermer et de ne pas faire de bruit jusqu'à la fin de la séance photo à laquelle ta mère participait.

Tu te rendis donc dans cette loge, en traînant le pas, la tête baissée à regarder tes pieds. Toi, tout ce que tu voulais c'était te rapprocher de cette femme, de ta mère. Tu n'avais pas voulu l'embêter, t'étais restée tranquillement dans ton coin à te faire oublier, mais décidément c'était un échec de plus qui s'ajoutait à ta liste. Dans ta chambre, tu retrouvais tes poupées et tes peluches, de fidèles amies et c'est avec amertume que tu commençais à jouer avec, sans véritable envie, par défaut.


« Haruna, va sortir le sac qui traîne dans le hall, c'est du pain rassi on peut pas donner ça aux clients ! » C'était la voix de ton père. Le japonais comme on l'appelait ici, tout simplement parce qu'il était japonais, et oui. Toujours affolé celui-là, on aurait dit qu'il gérait une fourmilière pourtant vous étiez juste à la tête d'un petit resto sans grande ambition. Une boîte familiale, quoi. Obéissante, tu t'emparas donc du-dit sac et le hissas dans tes bras tellement il était lourd. Car mine de rien, le pain quand il y en avait beaucoup ça pesait une tonne ! En plus, on pouvait pas dire que t'étais musclor alors forcément... Passant par la cuisine, tu fis bien attention de savoir où tu mettais les pieds histoire de pas glisser sur un objet non-identifié et de faire un roulet-boulet magistral devant tout le monde. Tu passas ainsi prudemment devant les fours, l'odeur de la nourriture envahissant tes narines au passage, puis te dirigeas vers la porte de sortie de secours. Encombrée, tu tentais de libérer une de tes mains aussi bien que possible, mais rien à faire. Alors que tu galérais comme une nouille, tu entendis subitement de drôles de bruits dehors. Tu reconnus la voix de ta petite soeur, mais la personne à qui elle semblait parler tu n'arrivais pas à mettre de visage dessus. A coup sûr, elle parlait encore avec des inconnus et ça ne te plaisait qu'à moitié. Tu voulais pas faire la soeur envahissante, enfin la mère poule, mais t'aimais pas que ta petite soeur de six ans parle avec des gens toute seule dehors, on savait jamais sur qui on pouvait tomber. Tu tenais bien trop à elle pour la laisser se faire kidnapper. Ta petite soeur c'était aussi ta protégée, t'étais toujours prête à encaisser les coups pour elle ou à lui éviter les ennuis. Elle disait que t'étais son ange gardien. C'était mignon. Ca te faisait sourire à chaque fois. En fait, à défaut d'avoir une mère présente, vous aviez fait sans. Et toi, t'avais toujours ressenti le besoin d'être la figure maternelle, de t'occuper des plus petits que toi. Vous aviez certes votre père qui était très présent pour vous, mais il était aussi très occupé par le restaurant alors c'était toi qui t'occupais de tes frères et soeurs. Tu les emmenais à l'école, tu séchais les cheveux des plus petits, tu les aidais à faire leurs devoirs et en parallèle avec les plus grands vous travailliez en tant que serveurs au resto. Comprenez, ça évitait d'employer des gens extérieurs, ça faisait des économies et vous ça vous faisait de l'argent de poche en plus de l'argent que vous receviez chaque mois de la part de votre "mère". Genre... genre celle qui se souvenait une fois par moi qu'elle avait des enfants. Une mère qui ne vivait jamais avec vous, sa carrière étant trop prenante voyez-vous. Elle préférait chanter et s'occuper de son business plutôt que galérer avec son mari et ses enfants. Comme quoi, l'instinct maternelle c'était pas universel... Donc en compensation vous receviez de l'argent une fois par mois à mettre sur votre compte. Comme si l'argent pouvait remplacer la présence maternelle... Enfin bref. Tu soupiras à cette pensée et finis par ouvrir cette fichue porte d'un coup de rein, plus pratique. Là, dans la rue, tu retrouvas ta petite soeur, seule, la bouche en coeur. Tu arquais un sourcil en la voyant plantée là sans interlocuteur à qui s'adresser. Déposant le sac dans un coin tu regardas ensuite à droite et à gauche pour voir si tu n'apercevais pas quelqu'un. Mais nope, personne à l'horizon. Décidément, soit le type était vite parti, soit ta soeur était schizo. Tu préférais quand même croire qu'elle ne l'était pas. « Dis, avec qui tu parlais ? » En zozotant, et en pointant du doigt la ruelle qui se profilait sur la gauche elle te répondis d'un air tout à fait naturel, enfantin, presque angélique.« Bah avec le monzieur. Mais est parti là-bas. Il était zentil. » Tu te penchas de nouveau pour scruter la ruelle mais rien à faire. C'était bizarre. Ca disparaissait pas aussi vite un bonhomme. Enfin soit. Tu poussas ta soeur devant toi pour rentrer à l'intérieur, comme si de rien était.


Le bruit du vent, celui des feuilles qui crissaient en se frottant les unes aux autres, les rires des enfants. T'étais vraiment bien plantée-là, dans l'herbe au beau milieu du parc. Vous êtiez là depuis le début de l'après-midi. Un dimanche de vacances comme tu les aimais. Rien à faire, à part rester le nez en l'air. La fainéantise dans toute sa magnificence. T'avais rendu ton tablier pour la journée. Ton père non, mais lui c'était un acharné du travail et il ne pouvait pas concevoir le fait de fermer le restaurant un dimanche ! C'était 1,7% de son fiche d'affaire, hors de question ! Enfin toi, un jour tranquille au parc, tu crachais pas dessus. Ca faisait bien longtemps que tu t'étais pas reposée. Trop longtemps. T'avais même oublié ce que c'était de rien faire. D'un oeil tu surveillas quand même ta soeur et ton petit frère. Parce que ça avait beau être une journée ensoleillée, parfaite en tous points, t'aurais pas voulu en perdre un en route comme le petit poucé. Mais non, R.A.S, ils jouaient tranquillement. Tu remis alors tes lunettes de soleil sur ton nez et poursuivis ta séance de bronzage. Toutefois, tu ne pus t'empêcher de chopper dans ton sac un de tes livres de cours. La fille qui savait pas ce que voulait dire le mot "repos" en fait. Tu disais de ton père... t'étais pas mieux. Surligneur en main, tu parcourais ta leçon des yeux en essayant de synthétiser au maximum dans ta tête pour que ça passe mieux, que ton cerveau le digère mieux en fait. Et voilà que tu étais partie pour une bonne heure de révisions.


Le soleil commençait à baisser. Déjà les nuages couvraient ses rayons. Tu te décidas enfin à fermer ton bouquin. Il était temps de rentrer. Vous alliez pas passer une nuit dans le parc ! Rassemblant tes affaires, tu commenças à te bouger et tu fis signe à tes gosses de se rameuter. Toutefois, un problème survint lorsque ta petite soeur revint les yeux en larmes. Tu te mis à paniquer en voyant qu'elle avait du mal à parler. T'avais pas l'habitude de la voir comme ça, elle qui était toujours contente normalement. Entre deux sanglots elle t'expliqua plus ou moins clairement ce qui lui était arrivé et le fait était qu'elle avait perdu une de ses barbies. Sourire aux lèvres pour la rassurer, tu lui enlèvas les cheveux que ses larmes avaient collés à ses joues et lui pris les mains. « Ah ne t'inquiètes pas ! Attends, je prends les affaires et on va aller la chercher, elle doit pas être bien loin. » Tu fourras tout en vitesse dans ton sac et pris la main de ta petite soeur et celle de ton petit frère. Ils t'emmenèrent sur les lieux du crimes là où tu commenças tes recherches. Bien vite, tu finis par regarder dans les buissons parce que la poupée disparue n'était nulle part. C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Tu te demandais même si ta soeur l'avait vraiment pris et si elle n'était pas tout simplement à la maison. Ou alors, si une gamine ne l'avait pas emportée avec elle par inadvertance. Au bout d'une heure, tu finis par baisser les bras définitivement. T'avais pas retrouvé la poupée. Tu te sentais un peu fautive vis-à-vis de ta petite soeur de ne pas pouvoir tenir ta promesse. Mais tu oublias vite lorsque tu vis un type assis sur un banc avec tes petits frères et soeurs l'encadrant de part et d'autre. Eu... T'étais pas franchement d'accord pour qu'un inconnu vienne leur parler. T'étais pas xénophobe non, pas du tout, mais ce type, un américain apparemment, tu le sentais pas du tout, mais alors pas du tout. Ni une, ni deux tu les rejoignais sur le banc d'un air pas franchement amical et conciliant. Toutefois, tu n'eus pas le temps de dire un mot que ta soeur s'interposa. « Regarde Haruna, c'est le monzieur de l'autre zour ! Regarde ce qu'il m'a donné ! » Tu considèras trois secondes l'objet que tenait fermement ta soeur dans sa main. Il ne t'en fallut pas plus pour sentir la moutarde te monter au nez. Il avait offert un collier en or à ta soeur ? mais WTF ?! T'aimais pas trop les cadeaux de ce genre toi. Les cadeaux empoisonnés. Instinctivement tu pris le collier des mains de ta soeur et glissas à son oreille. « je t'ai déjà dit de ne pas accepter ce qui vient des inconnus ! C'est peut-être un truc volé. » Le type rapliqua sans que tu l'ai vu venir et s'empressa de se déculpabiliser. « Je voulais juste lui faire plaisir, elle pleurait et... » Tu ouvris de grands yeux face à l'inconnu. Et de quoi je me mêle ? T'étais pas foncièrement méchante d'habitude. Au contraire ! T'étais plutôt la fille mignonne, souriante, gentille, bisounours en fait. Mais t'aimais pas qu'on touche à ta famille. Tu les sentais venir les gens louches et il en faisait parti. Aussi, t'allais pas te gêner pour le remettre en boîte. Prenant un air froid, tu quittas des yeux ta soeur et te redressas de toute ta hauteur pour lui faire face. « Et vous êtes ? » Oui, la question qui casse tout... T'étais pas énervée. Non, à peine. « Enfin, merci pour votre cadeau, mais je pense que ça va aller maintenant. Vous pouvez l'offrir à votre petite-amie, elle sera contente. » A la base tu voulais lui dire "vous pouvez l'offrir à votre mère" mais t'étais pas assez tranchante pour te le permettre. Aussi, tu lui remis le collier dans les mains avant de tourner les talons en vitesse, le laissant comme un pauvre con, tout seul, au milieu du parc.
Oui, fallait toujours que tu protèges les plus petits. Comme une mère lionne. Et voilà où ça t'avait mené... Si t'avais su à l'époque tu te serais montrée plus civilisée. Tu l'avais énervé. Il s'était vengé de toi. Et t'avais atterri sur cette île. Esclave d'un vampire ! Qui l'aurait cru ?! Pas toi. T'avais même mis du temps à percuter que le type du parc s'avérait être un incube. Parce que chez toi, les incubes... Késako ?! A la base, il voulait prendre ta soeur parce qu'elle avait le profil pour devenir une future succube. Mais il avait fallu que tu t'interposes. Pas futée.

T'avais tué deux personnes. Faut dire aussi qu'on t'avais pas laissé le choix... Ils l'avaient fait exprès de laisser le sang couler sous tes yeux. Comment t'aurais pu résister ? T'étais addict à l'hémoglobine. T'étais un monstre. Tu te couvris les yeux pour ne pas voir le massacre. Le goût du sang restait imprégné dans ta gorge, il t'était impossible de faire comme si de rien était. T'avais tué des gens, merde ! Des gens qui avaient peut-être, certainement même, une famille. Qui avaient des parents, une fratrie, des enfants même. T'étais une meurtrière en fait. Chancelante, tu te relevais en t'aidant du mur. C'était la première fois que tu tuais. C'était la première fois tout court que tu buvais du sang à la souche. Tu avais toujours refusé. On t'avait cédé tes caprices au début. Mais plus maintenant. Ils disaient que tu étais une mauvaise succube parce que tu aimais trop les humains, tu te sentais trop proche d'eux, alors que tu étais dorénavant un vampire. Il fallait y remédier. Pour ça, il voulait te mettre la vérité en face et te faire tuer des personnes. Te faire voir à quel point tu n'étais PAS humaine. T'étais morte. Un corps mort. Tu saisis le pied d'une chaise en bois près de toi et le brisais pour en faire un pieu. Inconsciente. Idiote. Tu comptais sérieusement mettre fin à tes jours ? Tu sentis le regard pesant de ton maître près de toi. Encore pétrifiée tu n'arrivais pas à enfoncer ce satané pieu. T'arrivais pas à mettre fin à tes jours. Pathétique. C'est le mot que sorti le vampire en s'avançant vers toi. Il te prit le visage dans sa main et se mit à te rire au nez. Dans un élan d'énervement tu retournas le pieu et l'enfonça à moitié dans l'abdomen de ton maître. T'avais pas eu assez de force et assez de volonté pour l'enfoncer plus que ça. Aussi, il n'allait certainement pas mourir. Mais être énervé ça c'était plus probable. « Dis-moi Haruna, es-tu si folle que ça ? Ose encore me toucher et toute ta famille te rejoindra dans la tombe ! » Sa voix fit résonner la pièce et te perça les tympans. Tu fermais les yeux en attendant qu'il se calme, comme une gentille petite. Mais tu ne regrettais pas ton geste, oh que non. T'aurais même aimé le tuer. D'ailleurs, qu'il ose encore menacer ta famille et il ne serait pas étrange que tu le brûles pendant son sommeil. Tu le craignais sans le craindre. Il était barbare, tu étais réfléchie, enfin en temps normal parce que là... Et tu savais que les gens impulsifs pouvaient faire un faux pas à tout moment qui leur seraient fatal. Alors tu attendais le bon moment. Tu ne comptais pas rester avec lui indéfiniment. Oui, tu avais des pensées noires. Mais vue ce qu'on te faisait endurer tu pensais que c'était légitime. Dix ans qu'ils t'avaient enlevée à ta famille, qu'ils t'avaient tuée et transformée en vampire et qu'ils t'obligeaient de leur ramener des humains en les charmant en te menaçant de s'en prendre à ta famille. Tu étais patiente. Mais ta patience avait des limites. « Hors de ma vue ! » Tu serais les mâchoires et t'exécutais. Croisant Idris sur le seuil de la porte, le type par quoi tout avait commencé en fait, celui qui voulait capturer ta soeur mais que tu avais énervé de trop, tu ne lui fis aucun signe et préféras le snober, la tête haute.
Dans ta chambre, tu restas assise un bon moment, le regard dans le vide pendant que des esclaves de ton maître s'activaient autour de toi. T'avais tué deux hommes... Oui, t'étais toujours horrifiée. T'arrivais pas à te l'enlever de la tête. « Madame ? Monsieur Idris a fait livrer une robe pour vous, pour le repas de ce soir, je vous la pose ici ? » Tu relevas la tête vers l'esclave. Madame ? Ca te faisait bizarre d'entendre ça. Madame ça sonnait vieux. Pourtant tu ne vieillissait pas. T'aurais dû avoir 43 ans et pourtant... Enfin, au moins tu étais belle et tu resterais belle, ce n'était pas un mal loin de là. Regardant la robe en question, tu te levas pour la prendre dans tes mains. Il t'avait fait livrer une robe ? Et il croyait que tu allais la porter en plus ? Il n'avait pas encore compris que tu aimais choisir toi-même tes vêtements ! Non définitivement tu ne la porterait pas. Ce n'était pas dans tes goûts en plus. Et tu aimais être bien habillée. Tu commençais à ressembler à ta mère. Tu t'étais immergée dans le monde de la mode comme pour retrouver un lien avec ta famille. Tu poussas un soupir au souvenir de ta famille puis entrepris d'ouvrir ton impressionnante penderie pour trouver quelque chose d'adapté. Tu allais certainement passé une heure à trouver la bonne robe, les bonnes chaussures et les bons accessoires mais qu'importe ! Tu avais le temps. Certes, cela aurait été plus simple d'enfiler cette robe mais tu ne voulais rien accepter qui vienne d'un ennemi. Car dans ta tête, Idris c'était clairement ton ennemi.


Au fil du temps, tu étais devenue distante. Certainement dû au fait que tes yeux innocents avaient vu trop d'horreurs sans y être préparés. Tu avais passé trente années de ta vie avec ton premier maître et son espèce d'incube. Trente ans de ta vie, de ta précieuse éternité, fichus en l'air. T'avais été vendue, vendue au plus offrant sur le marché aux succubes d'Heartkiller. T'étais ensuite passée de maître en maître. Un objet c'est comme ça qu'on te voyait. Et tu n'aimais pas ça. Tu voulais être considérée comme égale aux autres. Et pas comme une machine qu'on met en route quand on a besoin d'aller chercher des humains. T'étais pas la poupée mécanique de qui voulait. Et pourtant t'étais là. Une nouvelle fois au marché des succubes, en vente. Poupée en porcelaine en vitrine de magasin. Ton visage n'arborait aucune expression. Tu étais habituée à vivre ça. Tu pouvais prédire ce qui allait se passer. Un vampire allait surenchérir, il allait t'acheter, tu allais finir chez lui, et demain tu serais de nouveau dans la forêt à charmer les humains. « Adjugé pour 3000$ ! » Tu levas les yeux. Alors, qui était le nouvel acquéreur ? Tu restais quelques secondes figée en voyant une crinière rousse flamboyante passer devant toi et se faire accompagnée par deux gardes au coin dépôt ventes. Une vampire cette fois-ci ? Sans savoir pourquoi ça te redonnait un peu de baume au coeur. Elle n'avait pas l'air aussi désagréable que tes précédents maîtres. Tu étais curieuse de voir comment ça allait se passer. En tout cas tu aimais bien son style, elle était originale pour une noble, t'aimais bien. Tes yeux recommençaient à pétiller. Pourvu que cela ne soit pas un mirage. Pourvu que tu puisses te fier cette fois aux apparences.