Bonjour mon amour, comment se passe ton reportage ? Fais attention que les Bermudes ne te prennent pas car il y a un somptueux repas qui t’attends à la maison ce soir. Tu me manque. Rentre vite. Je t’aime.
Alana Jessalyn Emerson raccroche son cellulaire et le range dans son sac, le sourire aux lèvres. Ses cheveux d’un roux éclatant flottent derrière ses épaules tandis que ses talons claquent sur le trottoir. A dix-huit ans, la demoiselle respire la joie de vivre alors que d’autres se morfondent pour leurs poids ou leurs mensurations.
Bonjour maman ! Dit-elle en poussant la porte d’une boutique. Le carillon résonne pendant que les deux femmes s’entrelacent.
Tu as déjà préparé tes affaires ?
Oui, tout est prêt. J’ai hâte de découvrir la Colombie. Et puis je retrouverais Ava là-bas.
Fais attention à toi, on ne sait jamais qui il y a derrière l’écran.
Maman, combien de fois devrais-je te le dire ? Fais-moi confiance. Et puis Alejandro sera là.
C’est bien ça le problème. Il est tellement imprévisible avec tous ces tatouages et cet air de vaurien.
Alana sert les poings, voilà que sa génitrice se remet à lui dire des méchancetés sur l’homme qu’elle aime et qu’elle compte un jour épouser. Certes, il est un peu plus vieux mais deux ans, ce n’est pas la mort ! Et puis, de toute façon, son choix est fait.
Je dois y aller lui répond-elle sur un ton qui n’engage aucune contrepartie.
Mais Jess’, attends !
Cependant, sa fille est déjà montée dans sa voiture. Elle ferme les vitres et met en route l’autoradio. Une douce musique se répand dans l’habitacle ce qui lui permet de lui dénouer les nerfs. Elle enclenche la première et s’en va sur la route qui borde les falaises de Monaco. Oui, elle vit dans la principauté avec l’argent de son homme. Profiteuse ? Non car elle participe aux frais en vendant des produits de luxes. Parfois, elle devient même mannequin pour essayer de gagner quelques sous de plus.
Mesdames et messieurs, un flash spécial !
La jolie rousse monte le volume sachant que quelque chose de grave à dû se passer pour que les programmes soient interrompus. Néanmoins, elle continue de diriger d’une poigne experte la Ferrari d’un beau noir ébène.
Le présentateur Alejandro Vicente Elvarez ainsi que son équipe sont portés disparus au large des Bermudes. Voilà quelques temps déjà qu’ils ne donnent plus signe de vie et rien ne se laisse voir sur l’océan. Ils s’étaient rendus là-bas pour …
Les oreilles de la demoiselle bourdonnent. Elle n’entend plus rien à part, peut-être, quelques sifflements aigus. La route se brouille devant ses yeux et le bolide fait de plus en plus de zigzags. Quelques voitures klaxonnent mais rien n’y fait, la conductrice est déconnectée de la réalité. Quelques secondes plus tard, une violente collision lui fait percuter le volant et l’emmène droit dans le ravin. Sa ceinture se bloque, lui cassant des côtes. L’airbag se déclenche, le pare-brise éclate et les mains qu’elle met devant son visage ne suffiront pas à la protéger. Tout tourne autour d’elle. La réalité s’efface, son monde vacille. De violentes douleurs l’assaillent de partout et lui arrachent un cri qui ne sortira jamais de sa bouche. Une forte odeur d’essence se répand dans l’air et c’est le noir total.

Bip … Bip … Bip …
Des sons réguliers qui l’éveillent peu à peu. Un plafond d’un blanc presque aveuglant. Où est-elle ? Alana voudrait bouger mais aucun ordre ne parvient à faire se lever ne serait-ce que le petit doigt. Au fur et à mesure qu’elle émerge de son sommeil digne de la belle au bois dormant, une douleur lancinante lui vrille les côtes à chaque nouvelle inspiration tandis qu’un concert de batteries a décidé de se produire au fin fond de son crâne. Où est-elle ? Des voix étouffées lui parviennent. Tantôt des pleurs, tantôt des rires. Elle sent quelque chose dans son nez qui lui insuffle de l’air. Serait-ce … ? Pourquoi est-elle transfusée ? C’est quoi tous ces tuyaux qui sortent de son corps. Où est-elle ?
Alana, mon ange, tu m’entends ? Murmure une voix près de son oreille.
La demoiselle tourne le visage vers cette voix étrangère et découvre un visage qui ne lui est pas familier. C’est pourtant des traits doux qui lui opposent un regard inquiet où brille néanmoins une lueur d’espoir. La jolie rousse sent son cœur se serrer rien qu’à l’idée de savoir ce que cette phrase peut provoquer. Elle inspire du mieux qu’elle peut en laissant échapper une grimace lorsque ses côtes meurtries protestent face à cette soudaine demande.
Qui êtes-vous ? Prononce-t-elle d’une voix éraillée comme sortie d’outre-tombe. Dans les yeux de l’inconnue brille alors une douleur sans nom. Un découragement total qui lui fait tomber les épaules et fuir le regard de la malade. Combien de temps mettra-t-elle à se souvenir de sa mère ? Son passé restera-t-il trouble ?