Noir. Noir. NOIR. Explosion sourde. Il y en a partout, à tel point que je ne distingue que ça. Je me retourne dans mon épais cocon, le sourire aux lèvres. Je me sens bien là-dedans, cela a toujours été ma maison, le seul et unique endroit que je connaisse. Le liquide épais et visqueux dans lequel je me baigne toute la journée est confortable, et me procure la chaleur dont j’ai besoin pour survivre. Et puis, il y a cette voix. Je l’entends me parler presque toute la journée, il m’arrive de me dire que c’est ma maison qui me parle. Ma maison est donc très gentille. Douce et chaleureuse à la fois, elle me rassure lorsque je commence à m’agiter et me chante des berceuses lorsque je ne parviens pas à m’endormir. Dans ma maison, c’est vraiment le paradis. Sauf que, il faut toujours un mais aux bonnes histoires. Celle-ci ne fait pas exception. Ce mais si peu convoité, le voici : au terme de nombreuses semaines à habiter seul dans ma maison, une explosion de couleurs viens me titiller le coin de l’œil. Puis, c’est au tour de voix plus fortes les unes que les autres, de venir perturber mon existence pourtant si paisible jusque là. C’est alors que l’on me sort complètement de chez moi ; on est venu me kidnapper par la force. Je me fais littéralement agressée par un flot perpétuel de lumière et de couleurs. Mes yeux me piquent et je ne vois plus que des tâches difformes. La vie en dehors de chez moi n’est faite que des formes indéfinies qui me donnent le tournis. Je veux retourner à la noirceur de mon cocon. Le brouhaha incessant de mes kidnappeurs manque de peu de me percer les tympans, chez moi, les voix de l’extérieur étaient atténuées. Je me sentais bien. Vraiment bien. Là, s’en est trop. Il faut que je fasse savoir mon mécontentement. Sauf que je ne sais pas comment leur dire, ils ne parlent pas la même langue que moi. Sans plus attendre, je fais ce que tout le monde aurait fait à ma place : je hurle de toutes mes forces.
Maladroitement, je m’approche des deux nouveaux arrivants, m’accrochant aux divers meubles présents pour pouvoir les observer alors qu’ils s’avancent dans la pièce. Leurs visages, éclairés par quelques flammes vacillantes de bougies, me semblent assez chaleureux. Des personnes ne venant ici que pour pouvoir donner un peu d’amour à un orphelin n’en ayant jamais reçu assez jusqu’alors. Ils considèrent les lieux d’un regard bienveillant, admirant le lieu ou leur futur enfant a évolué pendant un certain temps. Finalement, le regard de la femme se pose sur moi. Je me recule, tentant de ma cacher tant bien que mal derrière le coin du meuble alors qu’elle me dévisage d’un regard impénétrable. Puis, son visage se fend en un sourire mutin et ravi, alors que son regard se teinte d’un nouvel éclat, pétillant.
« Allez, approche. N’es pas peur. » me souffle-t-elle d’une voix apaisante, avant de rire légèrement. Sans savoir pourquoi, je me mets aussitôt à rire avec elle, laissant échapper un éclat tonitruant. Et lorsqu’elle s’approche pour me prendre dans ses bras, je me laisse faire, lui tendant même les bras pour qu’elle puisse se saisir de moi plus facilement. Alors qu’elle me soulève pour venir me porter contre son cœur, je pose ma tête contre sa poitrine avant de fermer les yeux. Déjà, je lui faisais confiance ; le lien était fait.
« Dis moi Axel, que seras-tu lorsque tu seras plus grand ? » me demande subitement ma mère adoptive, tout en claquant la couverture de l’épais livre qu’elle tient posé sur ses genoux, faisant s’envoler quelques grains de poussières. Détournant les yeux, le regard perdu dans le vide, je réfléchis un instant à cette question subite.
« Je serais un vampire ! » je déclare alors tout en bondissant sur mes pieds, relevant légèrement ma lèvre supérieure pour faire apparaître mes dents tandis que je laisse s’échapper un faible sifflement.
« Comme dans les histoires que tu me racontes ! » j’ajoute alors, dire d’argumenter un peu mon choix. J’essaye de rendre mon attitude menaçante, mais au lieu du frémissement de peur que je m’attends à retrouver du côté de ma mère, seul un léger éclat de rire me parvient. M’attrapant par le bras, elle me ramène alors à elle pour m’ébouriffer légèrement les cheveux, faisant virevolter mes bouclettes autour de mon visage.
« Les vampires n’existent pas. » me souffle-t-elle tandis que son rire se calme légèrement et qu’elle me prend sur ses genoux, fixant ses prunelles dans les miennes.
« Le mieux que tu puisses espérer est de reprendre les outils de ton père. » soupire-t-elle alors, sûrement mal à l’aise de briser ainsi mes rêves d’enfant. Moi, je ne peux m’empêcher de froncer le nez. Je ne considère pas son mari comme étant mon père. Il n’est qu’un vil personnage, à peine bon à me remonter les bretelles et à se souvenir de mon nom. Il n’a décidément pas la carrure d’un véritable père, contrairement à ce que j’ai bien pût le croire aux premiers abords.
Installée devant le four à bois, j’observe en silence le pain se mettre à gonfler au milieu des braises. Une bonne odeur se répand peu à peu dans la pièce tandis que celui-ci commence à lever, ne pouvant que m’envouter un peu plus. Emerveillé, j’observe toujours cet étrange phénomène qui me fascine tant, lorsque je reçois un coup dans les côtes.
« Bouge de là gamin, tu gènes. » crache alors mon père adoptif d’un ton bourru, alors qu’il me met subitement à l’écart, me poussant sans vergogne. Je ne peux m’empêcher de laisser échapper un grognement, alors que je frotte mon bassin endolori avec vigueur, essayant de faire fuir la douleur venant s’ajouter à celle de tous les bleus qu’il m’a déjà laissé sur la peau.
« Pourquoi tant d’agitation, père ? » je lui lance, ne pouvant m’empêcher d’apparaître un peu sarcastique face à lui. Cette fois, c’est de sa bouche que sort un grognement pénible, alors qu’il fait rapidement volte-face, me toisant d’un regard noir. Il s’approche alors de moi d’une démarche lourde, mais je ne bouge pas, préférant me grandir face à lui que de reculer. M’empoignant par le col, il me plaque alors contre le mur de briques derrière moi, faisant claquer ma tête contre la paroi.
« Parce que tu fais mal ton boulot, abruti. » Un instant, ses doigts se crispent un peu plus autour du bout de tissu qui me sert de haut, avant de se relâcher subitement. S’écartant, il part de nouveau trifouiller au niveau du four, en laissant s’échapper un reniflement particulièrement dédaigneux.
« Je te nourris, je t’élève et toi tu n’es qu’un sale empoté, toujours à trainer dans mes pattes. » me glisse-t-il méchamment avant de sortir quelques pains du four et de se diriger de nouveau vers la porte, me laissant seul dans la pièce, tandis que je me laisse glisser au sol, anéanti.
« Il ne m’aime pas. » je souffle finalement dans l’oreille de ma mère, tandis qu’elle me tient dans ses bras, me caressant doucement les cheveux pour me réconforter. Je ne retiens qu’avec difficulté quelques nouveaux sanglots, alors que mes plaies recommencent à me lancer. Mon torse se soulève à toute vitesse, alors que j’ai du mal à reprendre mon souffle.
« Ne dis pas ça. » me glisse-t-elle d’une voix suppliante. Pourtant, elle sait aussi bien que moi que j’ai raison. Depuis le début, il m’a très bien montré qu’il considérait mieux ses enfants biologiques que moi, ne levant jamais la main sur eux alors qu’il s’en donnait à cœur joie sur moi. Ma mère adoptive laisse échapper un profond soupir, avant de me déposer un baiser sur le front, se mettant à me bercer de façon protectrice.
Assis sur le bord du lac, une réserve de cailloux plats sur les genoux, je m’amuse à faire des ricochets, dérangeant la surface calme de l’eau. Des soupirs s’échappent d’entre mes lèvres de temps à autre, simples échos de ceux que pousse sans cesse mon âme, depuis bon nombre d’années à présent.
« Quelque chose ne va pas ? » s’élève alors une voix non loin de moi. Mollement, je fais volte-face, dévisageant un instant la nouvelle venue, avant de me tourner de nouveau vers le lac, la mine défaite, au comble du désespoir.
« Tout va bien. » Je sens une présence à côté de moi alors que du coin de l’œil, je peux percevoir la jeune femme s’asseoir à mes côtés. Sa chevelure blonde brille au soleil, alors qu’elle trempe ses pieds dans l’eau.
« Je n’en ai pas l’impression. » laisse-t-elle échapper sur le ton de la confidence alors que je tourne doucement la tête dans sa direction. Je hausse brièvement les épaules ; je ne peux rien faire, impossible de changer les intuitions des gens par la force de la pensée. Et puis, il faut dire qu’elle n’a pas tord non plus.
« Moi c’est Lorena. » Je la dévisage un instant, sans me douter une seule seconde à quel point son existence ébranlera ma vie future, avant de lui adresser un faible sourire.
« Axel. »Mon cœur bât à tout rompre dans ma poitrine, alors que je m’arrête, haletant, les mains appuyées sur les genoux tandis que je tente tant bien que mal de reprendre ma respiration. Ce qui n’est pas chose aisée, il faut le dire. Peut-être que Lorena et moi n’aurions pas dû énerver mon beau-père, mais peu importe. Je n’aime pas cet imbécile et la jeune femme m’a tout de même bien fait rire.
« Axel ? Je… Je peux te dire quelque chose ? » s’élève alors la voix de la blonde derrière moi. Elle n’a pas l’air amochée le moins du monde par notre course, ne paraissant pas même essoufflée. Je prends encore quelques instants pour me remettre de notre course effrénée avant de me redresser pour lui faire face, toujours légèrement haletant.
« Ouais ? » je lui demande alors, tout en adoptant un air légèrement soucieux. Ce n’est pas la première fois qu’elle s’apprête à me faire une confidence, mais c’est bien la première fois que je la sens si fébrile. C’est pourquoi je me sens plus fébrile moi aussi, partageant l’émotion de mon amie sans même savoir d’où celle-ci lui vient.
« Je… » commence-t-elle difficilement.
« Je suis un vampire. »Assis sur le pavé, recroquevillé sur moi-même, je laisse mon corps être parcouru de soubresauts alors que m’échappent quelques sanglots. C’est la première fois que j’explose ainsi, complètement à bout de nerfs alors que je viens de subir une nouvelle souffrance, à cause de mon père adoptif. Soudainement, j’entends des bottines battre le pavé, jusqu’à ce que quelque s’arrête, juste à côté de moi. Séchant maladroitement mes larmes, je redresse légèrement le visage, reconnaissant la silhouette de Lorena, se détachant en contrejour du ciel nocturne, en cette chaude journée d'été, la nuit se dessinant derrière elle. J’ai une boule dans la gorge, tandis que je m’adresse à elle d’une voix tremblante.
« Transforme-moi. » Elle secoue la tête de façon négative avant de venir s’asseoir près de moi, sa main effleurant la mienne.
« S’il-te-plaît. Je n’en peux plus. » je finis par lui dire, adoptant un ton suppliant alors qu’un nouveau sanglot m’échappe, la gorge toujours nouée. Regardant au loin, la jeune femme ne me répond d’abord rien, avant de tourner doucement la tête dans ma direction, me dévisageant un instant, la mine attristée.
« Tu es sûr que c’est ce que tu veux ? » Je hoche la tête de façon positive. Je n’ai jamais été aussi sûr de vouloir quelque chose.
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Il doit être huit heures du soir, lorsque je me réveille enfin, au terme d’une longue journée de sommeil. Ma mère adoptive, tout d’abord affolée par mon temps de sommeil considérable et surtout à cause de mon cycle de sommeil décalé, a fini par se faire une raison face à mon refus de quitter ma chambre tant que le soleil est encore haut dans le ciel. Même mon père adoptif ne m’a pas embêté plus que cela, se contentant de m’envoyer préparer les boules de pain durant la nuit, pour qu’il puisse ensuite les placer dans le four au petit matin. Tant de choses qui font que je n’ai pas revu la clarté du soleil depuis un certain temps et qui engendrent l’idée que je ne la verrais sans doute plus jamais. C’est ce à quoi je pense alors que je tire les rideaux de ma chambre, pour observer les flocons de neige tombant sans discontinuité au dehors.
« Tu devrais descendre, il y a de l’agitation en bas. » s’élève alors la voix de Lorena, adoptant un ton soucieux que je ne lui connais que trop peu. M’arrachant à la contemplation du dehors pour me tourner dans sa direction, je hoche doucement la tête avant de la suivre dans le couloir. Des éclats de voix me parviennent effectivement d’en bas, avant que ne se fasse entendre le bruit d’une chute. Horrifié, je dévale les escaliers à toute vitesse, le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine.
« Non ! » je hurle finalement en voyant le monstre qui me tient lieu de père, enserrant un couteau dans son poing alors que, écroulé devant lui, git le corps de ma mère. Des larmes se mettent subitement à rouler sur mes joues alors que je me précipite jusqu’à elle, tombant à genoux aux côtés de son corps inerte.
« Tu dois mourir, toi aussi… Je vais te tuer ! » je hurle de nouveau alors que je relève la tête en direction de l’homme face à moi, le dévisageant avec fureur. Mais avant que je n’aie eu le temps de faire quoi que ce soit, je distingue Lorena se précipitant sur lui afin de lui planter ses crocs dans le cou, avant de laisser tomber son corps sans vie au sol. Un instant, je fixe le cadavre de l’homme que je hais tant, avant de relever les yeux vers la blonde. Je n’ai même pas le temps de finir d’ouvrir la bouche que déjà, elle prend la parole.
« Je t’ai empêché de faire quelque chose que tu aurais fini par regretter. » dit-elle de façon désinvolte, tout en haussant brièvement les épaules. S’approchant de moi, elle me saisit alors par le poignet, avant de m’entraîner à sa suite.
« Allez viens. Mieux vaut ne pas rester là. »Cela fait près d’une semaine que nous sommes dans ce hangar désaffecté. Plongé dans une torpeur perpétuelle, je n’ai pas pipé mot depuis que nous avons quitté ma maison, encore sous le choc de la mort des miens. Tout s’est passé trop vite. Je n’en veux pas à Lorena d’avoir tué mon père adoptif, bien au contraire, même si j’estime que cette mort à été bien trop douce pour lui.
« On ne peut pas rester là éternellement. » finit par s’élever la voix de la blonde, au beau milieu de la nuit. Je ne lui décoche pas le moindre regard.
« Tu ne peux pas te laisser dépérir, il faut que tu te nourrisses. » insiste-t-elle alors face à mon absence de réaction. Sa longue chevelure lui bât le creux des reins alors qu’elle s’accroupit pour se mettre à ma hauteur. Doucement et dans un geste presque maternel – de mon point de vu tout du moins –, elle pose sa main sur ma joue, y dessinant des arabesques avec son pouce alors qu’elle me profère une caresse délicate.
« Il faut que tu viennes avec moi. » Aussitôt envahi par une envie de m’étant pas propre, je m’en doute bien, je me relève tel un pantin, en même temps qu’elle, alors qu’elle se détourne de moi pour s’approcher de la porte.
« Nous sommes amis n’est-ce pas ? » je lui demande finalement alors que, se retournant vers moi, la jeune femme soulève un sourcil, adoptant un air intrigué.
« Alors donne-moi ma liberté. Je te suivrais tout de même. » Un instant, elle parait hésiter, se mordillant doucement la lèvre inférieure dans une attitude gêné. Puis, au bout de quelques minutes de silence insoutenable et contre toute attente, elle finit par hocher la tête de façon positive avant de se détourner de moi à nouveau, afin d’aller offrir son corps à la nuit.
Des siècles durant, nous avons foulé le sol de diverses terres, semant la terreur le chaos où nous passions. A l’instar de nos jeux d’autrefois, alors que je n’étais encore qu’un gamin, nous nous divertissons aujourd’hui tout autant, mais de manière plus sanglante, très certainement. Ainsi, pendant plusieurs années, nous n’avons pas trouvé mieux à faire que de jouer à celui qui ferait le plus de victimes, leur arrachant leurs cœurs sans en éprouver la moindre compassion. Ou alors, nous jouions à détruire leurs vies, s’introduisant dans leur passé, les détruisant des mois durant avant de les achever en nous délectant de leur sang. Mais alors que notre route croise celle des Bridgestone, les choses se font soudainement plus sérieuses qu’à l’accoutumée.
« Je vais aider les Bridgestone à détrôner les Levinson. » j’annonce un jour à Lorena alors que la jeune femme me tourne le dos. Sa chevelure blonde virevolte derrière elle lorsqu’elle se tourne dans ma direction. S’approchant de moi, elle place la paume de sa main sur ma joue, tandis que son visage s’approche du mien et que nos souffles se mêlent.
« Je voulais savoir ton avis à ce sujet, marraine. » Elle se recule brusquement, se braquant comme elle ne l’a jamais fais auparavant. Ses sourcils se froncent alors que se traits se déforment sous l’emprise d’une colère que je ne comprends pas, ne remarquant d’ailleurs pas tout de suite sa réaction.
« Comment m’as-tu appelée ? » demande-t-elle alors, me décrochant un froncement de sourcils.
« Marraine ? » Aussitôt, elle se redresse et s’époussette, tout en me foudroyant du regard. Tournant les talons, elle s’éloigne alors, me jetant simplement par-dessus son épaule :
« Fais ce que tu veux, ça ne me regarde pas. » avant de disparaitre au coin de la ruelle.
La tête de ma victime se détache soudainement de son corps, roulant au sol pour venir s'échouer sous le pied d'un homme châtain devant me surpasser de deux têtes. Je lui lance un regard intrigué alors qu'il porte une main à son oreille et place l'autre face à ses lèvres, afin de me faire signe de me taire et d'écouter. M'exécutant, je tends moi aussi l'oreille. Seul me parvient un silence devenu tout à fait inhabituel, n'ayant pas pût s'imposer durant la prise de pouvoir du château. Prise de pouvoir qui semble d'ailleurs s'être terminée cette nuit, à entendre le calme s'étant instauré au sein des murs de pierres.
« Il semblerait que la guerre soit finie. Les Bridgestone et leurs alliés ont réussi. » me glisse-t-il, un sourire satisfait peint sur ses lèvres. Je ne réponds pas, contentant d'arborer un air pincé ne convenant certainement pas avec le fait que j'ai pris part au parti gagnant. Envoyant virevolter la tête un peu plus loin, l'homme s'approche alors de moi, son sourire satisfait toujours figé sur ses lèvres. Plaçant sa main sur mon épaule, il me flatte alors de quelques tapes amicales.
« Vous avez fait un bon travail. » me glisse-t-il avant de se reculer, laissant retomber son bras le long de son buste. Instinctivement, je me nettoie l'épaule en l'époussetant.
« Merci. » je réponds froidement. Son sourire s'efface légèrement tandis qu'il adopte un ton morne afin de faire face à mes traits pincés.
« Et maintenant ? » me demande-t-il contre toute attente. Je me contente de hausser brièvement les épaules avant d'adopter un air plus décontracté.
« Je ne sais pas encore. » Après tout, je suis seul à présent, et il va falloir que j'apprenne à apprivoiser une nouvelle vie.
Elle m'a abandonnée, me laissant seul à cause de mon choix.
« Les Bridgestone sauront vous remercier. Vous pourrez avoir une chambre au château. Et elle aussi. » Je fronce les sourcils, ne sachant pas trop de qui il veut parler. Suivant son bras tendu du regard, je découvre alors la silhouette de Lorena, se détachant de l'ombre d'un pilier. Un large sourire apparaît sur mes lèvres à sa vue. Je ne pensais plus être en mesure de la revoir un jour et pourtant, elle est toujours présente.
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Je dépose la dernière malle au milieu des autres m'appartenant, dans la pièce qui va me tenir lieu de chambre au sein du château des Bridgestone. Soudainement, des bras se glissent sur mes épaules, se profilant jusqu'à mon torse où elles lancent l'empreinte d'une douce caresse alors que Lorena m'enlace par derrière.
« Alors voilà, cette fois on se fixe vraiment... » conclut-elle. Je sais que le fait d'avoir un habitat fixe ne l'enchante guère. Elle est bien trop habituée au statut de femme itinérante pour cela, mais je dois avouer que de mon côté, il devenait dur de continuer à bouger sans cesse. Après tout, j'ai passé une bonne partie de mon enfance à attendre de pouvoir finalement avoir une famille et une maison, alors cela était contre nature de ne pas me poser durant toutes ces années. Elle finira sans doute par s'y habituer, elle aussi. Je suis tout de même heureux qu'elle n'ait pas décidé de partir.
« On dirait bien. » Elle laisse échapper un profond soupir avant de dénouer ses bras, s'écartant légèrement.
« C'est bien parce que c'est toi. Je ne l'aurais pas fais pour tout le monde. » me glisse-t-elle avant de s'éclipser de la pièce. Aussitôt, un sourire mutin apparaît sur mes lèvres alors que je me sens envahi par un bonheur immense.
Mon regard se pose sur Daenerys qui, sagement assise dans un coin de la pièce, contemple le spectacle de mes autres esclaves, hommes comme femmes, exécutant quelques prouesses - pour la plupart sexuelles - que je leur ai ordonné de faire. Ce regard attise aussitôt la fureur de Lorena qui, après m'avoir donné une tape sur le sommet du crâne, quitte la pièce à grandes enjambées. Tout d'abord abasourdi, je la regarde claquer la porte derrière elle avant de m'élancer à sa poursuite. Je la trouve dans sa propre chambre, en train de fouiller ses placards en faisant des gestes pressés.
« Qu’est-ce que tu fais ? » je m’empresse de lui demander, la gorge nouée alors que je m’attends à une réponse qui risque de ne pas me plaire.
« Je m’en vais. J’en ai marre de ta façon de la regarder sans cesse. Tu deviens mou. Tu me fais pitié. » Je n’ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit que déjà, elle se presse en direction de la porte, me bousculant au passage avant de s’en aller. Derrière elle flotte cette impression que je ne la reverrais plus jamais.