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blablabla ça arrive
(+) Et voilà que tu te trouvais là, attablée au milieu de tout cet apparat de faux-culs gentiment pouponnés, décorés comme des sapins de noël avec leur air pincé à tenir conversation comme s’ils étaient de grands amis qui entretenaient les relations. Toi, t’avais été claire, à ce repas t’en ferais pas plus que le strict minimum. T’allais pas sourire comme une dinde pour faire plaisir à ces messieurs, de toute façon, les sourires forcés ça se voit toujours alors autant pas sourire du tout plutôt que faire la grimace. Arès semblait être du même avis que toi puisqu’il paraissait bien pensif, concentré sur son bol de sang A positif et ses couverts en argent plus que sur la conversation. Quant à Hermès, il faisait des efforts pour converser, étant d’un naturel plus social que toi ou même Arès. Disons surtout que ton frère tentait de mettre un peu d’ambiance dans ce calme dérangeant. Enfin toi tu comptais ouvrir ta bouche qu’en cas de nécessité, de nécessité urgente. T’écoutais leur conversation d’une oreille distraite, de toute façon tu pouvais pas faire la sourde, l’autre Serbe parlait tellement fort que cela aurait été difficile. C’était à se demander s’il cherchait pas volontairement à se faire remarquer plutôt, à ce qu’on admire sa conversation, sa culture, son opinion. Tout ça, tout ça. Pourtant sa culture elle avait pas l’air de voler très haut, en conservateur enfermé dans ses idées fixes. Oui, ce monsieur t’avait pas l’air très ouvert et le fait qu’il parle de la crise qui touchait vos voisins roumains avec dérision avait quelque peu tendance à t’irriter. Comme si lui, son pays était un modèle économique. On y croit… Toutefois tu le laissais débiter ses âneries, t’aurais bien eu envie de le secouer un peu et de le faire descendre de son piédestal, ça aurait été risible, facile aussi, mais tu préférais faire la bonne fille qui dit rien, n’approuve pas non plus, tu tenais pas à entacher la réputation de ta famille bien que tu n’en pensais pas moins. Un prince qui ne connaissait qu’à moitié les filons de l’économie et les politiques des pays voisins… c’était une blague ? Enfin toi tu trouvais pas ça très sérieux pour un représentant, t’espérais ne pas être la seule d’ailleurs à voir son incompétence, parce que c’était quand même inquiétant.

« Et je crois savoir que vous avez changé le directeur principal de l’Aéroport il y a peu… le précédent, Sire Kostas n’était-il plus en état d’endosser une responsabilité si lourde ? » Ahah. Il était sérieux ? Il allait continuer ses blagues involontaires encore longtemps comme ça ? Parce qu’à ce rythme d’ici ce soir t’allais pouvoir te faire un lexique de ses phrases mémorables en les écrivant sur ta serviette et pourquoi pas les diffuser ensuite dans tous les royaumes ? Enfin non, bref. Tu ne pus t’empêcher de répondre du tac au tac à ce prince à peine sorti des jupes de sa mère en constatant à quel point il avait écorché le nom de votre assemblée politique ; joyau de votre société et fierté nationale. « L’Aréopage. L’assemblée qui siège le jeudi se nomme l’Aréopage. Je crois que votre langue a dû fourcher. Et effectivement le précédent directeur est décédé il y a peu, un assassinat dont je me suis chargée personnellement de l’affaire. » Silence de mort. Avec ça, il allait peut-être moins se l’ouvrir, du moins tu l’espérais, ça te ferais bien de plus l’entendre parler. Ô Calme revient par pitié… « Ah oui, je crois que je fais une erreur par mégarde. » Bah voyons. Tu arquais un sourcil en écoutant la suite de la conversation. « Veuillez me pardonner avec les heures de voyages, ce spectacle magnifique qu’il nous a été donné de voir tout à l’heure et l’agréable compagnie que j’ai autour de moi, je peux vite me tromper. » Ah… ok tu voyais le bonhomme arriver de loin avec ses gros sabots. En plus d’être vantard, c’était un petit comique ! Eh ben il les cumulait dit-donc. Oui, enfin toi ça te faisait pas trop rire. Si ta belle-mère, elle, semblait bien l’apprécier et rire même quand cela n’était pas nécessaire, toi tu restais de marbre. Il s’était excusé, il était pas non plus totalement idiot mais reste qu’un invité qui se fourvoyait à table et essayait de masquer son erreur aussi maladroitement t’avais pas vraiment envie de créer une alliance avec son pays, peu importe s’il avait le marché d’or le plus important du continent. Toi tu préférais plus l’Empire de Chine ou même le Royaume Anglais, au moins là-bas les gens étaient sérieux, rien à voir avec le bouffon que t’avais sous tes yeux et qui s’agitaient dans tous les sens. Ton père t’adressa un regard légèrement teinté de noir face à ta réflexion. Tu faisais comme si tu l’avais pas vu, t’en tenais pas compte -même si tu décidais de te taire à l’avenir- il avait qu’à pas faire l’intello sur les sujets qu’il ne maîtrisait pas, toi tu défendais tes traditions et ton pays comme une lionne, ne lui en déplaise. T’étais pas là pour le mettre à l’aise, s’il faisait une bourde c’était de sa faute. Toi ça te serait jamais venu à l’esprit d’aller dans un pays et de parler comme un moulin si tu connaissais pas le quart de l’histoire dudit pays. Tu prenais les choses à cœur, surtout en politique, voir trop. T’étais d’autant plus froide lorsque le pays en question exerçait un régime tyrannique sur ses habitants, t’avais tout bonnement horreur des dirigeants qui prenaient le peuple pour des esclaves et justifiaient leur pouvoir en transformant l’obéissance civile en devoir et la force en droit légitime. Non c’était pas comme ça que tu abordais la justice et l’Etat. Tu préférais de loin le contact avec la population et les négociations. Après tout, un état sans peuple ça serait comme un verre sans liquide à l’intérieur, ça servirait à rien. Oui, la comparaison est dérisoire, mais puisque t’avais le regard fixé sur ton verre depuis quelques minutes comme s’il allait en sortir un lapin blanc t’avais pas trouvé mieux. C’est dire en tout cas à quel point tu te faisais chier. T’avais même pas envie de faire dévier la conversation sur un sujet vraiment intéressant, à quoi ça aurait servi ? T’étais même pas sûre qu’il aurait compris de quoi tu parlais l’autre. Non, à la place tu préférais subir le blabla de ce chameau. D’ailleurs, il avait pas soif à force de débiter ? Visiblement non. Tu trempais ta cuillère dans ton bol de sang et la portait à ta bouche. Oui, elle était bien loin la gamine qui ne voulait pas se nourrir de sang humain et qui avait fait la grève de la faim dans le but de sensibiliser tout le pays. T’avais bien compris que tu pourrais pas vivre en autarcie toute ta vie en consommant seulement ton sang, si tu voulais vraiment faire bouger les choses fallait que tu sois en bonne santé et que tu puisses taper du point sur la table pour aider ton père et tes frères et sœurs à faire de votre ambition commune une réalité. Cohabiter pacifiquement avec les humains… Rien que le mot « cohabitation » ça faisait jaser et dresser les cheveux de ta belle-mère qui voyait les humains comme des choses. Oui, des objets malléables, certainement sans vie, sans pensées, sous-espèce à votre service. Toi t’étais pas de cet avis. On t’avais toujours appris à défendre les plus faibles que toi et à respecter autrui. T’avais vécu avec des humains pendant tes déplacements, tu les avais vu vivre et t’en avais conclu que leur vie était tout aussi précieuse que la tienne et que sans eux t’aurais bien du mal à vivre, tu serais tout simplement une loque qui peut plus bouger, desséchée, plus morte que vivante. Alors pour ça, ils méritaient que tu t’intéresses à eux et que tu les considères comme des êtres vivants et pensants. Enfin bref, les humains c’était même pas le sujet. Non,  le sujet c’était que t’étais en train de manger face à un parfait abruti. Parfait, parce qu’on pouvait pas faire mieux niveau idiotie et maladresse et face, parce que t’avais tout bonnement eu la meilleure place à table, t’avais vue sur le Serbe.

Moment du dessert, moment de dénouement de cette soirée, t’allais pouvoir rentrer dans tes appartements. Bientôt… question de minutes. Derrière toi tu sentais Erika venir vous servir le plat. Un cœur en gelée goût O négatif avec de la Narcisse, une fleure grecque dont le parfum t’évoquait ton enfance. Oui, bon, les fleurs c’était surtout pour la déco, il était pas question de les manger mais ça rajoutait une touche de gaieté. Les mains sur les cuisses t’attendais patiemment que tout le monde ait son dessert posé devant lui avant de commencer à manger, les convenances obligent. C’était sans compter sur ta mère et son éternel vice, celui d’ouvrir la bouche au moment le moins opportun. « Ah, je crois qu’il est temps de passer aux choses sérieuses. » Regard vers ton père, ton premier réflexe à chaque fois. Il semblait mal à l’aise, ce n’était pas bon signe. Arès fronçait les sourcils d’un air perplexe tu haussais légèrement les épaules pour lui confirmer que tu savais pas ce qu’il se passait. Surprise ? Surprise de mauvais goût, tu le sentais. « Je crois que nous avons oublié de vous en faire part, mais la décision a été prise d’accepter la proposition de mariage entre notre Athéna et votre seigneurie, Sire Roman Jovanovic  » Tu te mis à rire intérieurement. Respirant à pleins poumons, te répétant « The Lord is testing me, the Lord is testing me ». Oui, effectivement, ils avaient un peu oublié de te le dire. Toi, principale intéressée, celle qui avait maudit le connard devant toi depuis le début de la soirée. Tu devenais vulgaire, t’en avais plus rien à foutre, de toute façon tu pouvais bien dire ce que tu voulais dans tes pensées, tu affichais en revanche un air froid, impassible, comme si ta réaction à cette nouvelle c’est justement que t’avais pas de réaction. Ton père offrait une mine bien pâle, tu savais qu’il s’était encore fait bouffer par l’autre belle-mère, vénale. T’avais dit qu’il fallait trouver une solution à votre dette, tu t’étais pas proposée comme solution, nuance. Saloperie. Tu laissais échapper enfin un petit rire nerveux, le genre de rire qui veut tout dire sur ta pensée. Pour la première fois le guignol savait plus où se mettre et n’ouvrait pas la bouche, heureusement pour lui sinon tu lui aurais fait fermer directement. Les mâchoires serrées, tu reprenais de la poigne, fixant droit dans les yeux ta belle-mère sans la moindre once de gentillesse, t’avais juste envie de la virer du palais avec toute l’armée royale à ses fesses. « Eh bien, mieux vaut tard que jamais comme on dit. C’est toujours préférable de savoir ces choses-là avant le mariage que pendant la cérémonie n’est-ce pas ? » Fausse ironie. Bras de fers entre deux femmes que tout oppose en fait. Tu croisais les bras justement sur la table pour marquer ta fermeté. Non, la situation te plaisait pas tellement même si Eros, le poète de la famille, cet imbécile avait commencé à applaudir mais s’était aussitôt ravisé en voyant qu’il était seul et qu’il n’y avait pas de quoi se réjouir. En fait, t’étais un bloc de marbre, une pierre pas contente, genre un dragon qui avait envie de cracher le feu et tout faire cramer. Mais tu te savais plus forte que ça, si c’était de cette façon que ta belle-mère voulait t’écarter du pouvoir, elle pouvait se mettre le doigt dans l’œil jusqu’aux narines. Ok, t’allais l’épouser l’autre, après tout, les mariages dans les familles royales en général c’était pas des mariages d’amour donc avec lui ou avec un autre ça t’importait peu même si du coup tu savais que t’aurais pas de grandes conversations avec ton époux, mais t’allais justement en profiter pour donner plus de pouvoir à ton pays. La Serbie était un pays avec beaucoup de richesses, des alliances fortes avec des pays qui vous étaient hostiles, t’allais jouer là-dessus pour améliorer vos relations dans le monde entier, surtout chez les ottomans. Voyons le positif dans toute situation n’est-ce pas… De toute façon, t’allais pas faire un scandale même si c’était pas l’envie qui te manquait. Tu restais droite, confiante autant que possible et fière. Après ce coup de massue sur la tête, plus rien ne pouvait t’atteindre, pour sûr. Et alors que ton frère, Arès, se levait d’un bond comme pour crier à l’injustice, tu le freinas en lui attrapant le poignet et en exerçant une pression pour qu’il se rasseye. Tu ne savais pas comment il avait réagi à ton geste lui qui voulait toujours te protéger comme si t’avais deux ans, mais ton regard et tes pensées étaient ailleurs. « Bon. Eh bien puisque tout va bien, Athéna, pourrais-tu nous jouer un morceau au piano ? » Voix pincée de ta belle-mère, conquérante suprême. Tu exploses. La goutte d’eau. Fallait pas non plus te prendre pour une conne t’étais loin d’être soumise, surtout pas à elle. Tu te levais d’un coup, surprenant certainement l’assemblée, jetais avec force ta serviette sur la table. « Je pense plutôt que je vais rejoindre ma chambre, je suis désolée, du travail m’attend. » Excuse bidon, tout le monde l’aura saisi, t’as dit ça juste pour pas avoir tout le monde à dos et par politesse même si dans le cas présent la politesse ça passait en second plan et voilà que tu partais sans demander ton reste. En plus c’est vrai, t’avais de la paperasse. Et tu préférais de loin travailler qu’assister à leur mascarade plus longtemps. T’étais la reine du calme et souvent la plus modérée de ta famille mais fallait pas non plus en jouer, t’avais du répondant et parfois un sale caractère.

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