Caleb avait laissé Soraya dormir. Elle avait patrouillé une bonne partie de la nuit précédente et elle avait besoin de repos. C’est lui qui irait à la chasse aux victuailles. Il comptait aller un peu plus loin que d’habitudes. En chemin, il relèverait les collets, puis passerait sûrement pas les ruines pour voir si certains petits animaux étaient tombés dans ses pièges. Certains jours étaient fructueux, d’autres beaucoup moins malheureusement. Il s’était vêtu sans faire de bruit, veillant à ce que leur planque reste parfaitement dissimulée. Depuis le temps qu’il s’était crashé sur cette île en compagnie de sa sœur, il avait appris à vivre au jour le jour. Chaque nuit passée sans se faire attraper ou étriper était une victoire. Combien de fois les Grimm s’étaient retrouvés pourchassés, traqués par ces saloperies de sangsues ? Il ne comptait même plus. Environ un an de galère dans cette jungle et puis…toujours pas moyen de quitter cet endroit maudit.

Le Marshall fédéral  n’avait pas à craindre grand-chose le jour. Enfin… Il fallait rester méfiant quand même car les bêtes sauvages rôdaient aussi. Et la nuit les vampires prenaient le relais. De quoi dormir tranquillement, n’est-ce pas ? C’est pourquoi les Grimm vivaient plus le jour que la nuit. Ils commençaient leur journée vers 15h de l’après-midi pour la finir le lendemain matin vers 8/9 heures. Après, ça dépendait aussi de leurs besoins. Tout n’était pas réglé comme du papier à musique. La nuit ne tarderait pas à tomber, mais Caleb était ce qu’on pouvait appeler un guerrier aguerri. Déjà parce qu’il avait un passé dans les forces de l’ordre bien rempli et puis parce que depuis qu’il était ici, il n’avait pas chômé pour sauver sa peau et celle de sa sœur.

Deux heures plus tard, la besace bien pleine, il décida qu’il était temps de retourner au bercail. Il n’aimait pas laisser Soraya seule trop longtemps. Il veillait sur elle. C’était son devoir en tant que grand frère. Mais elle en faisait souvent qu’à sa tête. Il fit un petit détour par les ruines, celles où justement Soraya se rendait régulièrement avec cet idiot de Nik. Un bruit de pas, absolument pas discret d’ailleurs, lui parvint. Caleb marqua un temps d’arrêt. Il avait les sens sûrs, mais il avait comme un doute. Pourtant, il ne pouvait pas dire qu’il croisait du monde dans cette jungle. Alors il s’avança doucement, en tentant de faire le moins de bruit possible. Sauf qu’on ne fait pas toujours ce qu’on veut, n’est-ce pas ? Mais rien ! Non, sérieusement, il n’y avait personne. Peut-être qu’il hallucinait au final. De crainte de se déshydrater, il but quelques gorgées d’eau. C’était mieux que d’halluciner à tout-va. Ça pouvait vite devenir dangereux en plus.

Il poursuivit sa route jusqu’aux ruines qu’il venait enfin d’atteindre. Mais là, son ouïe ne lui fit pas défaut une seconde fois. Il était certain d’avoir entendu quelqu’un. Il se stoppa net, écoutant. Et contre toute attente, une voix se fit entendre. Ah bah tiens ! Un humain dans le coin. Ça change des suceurs de sang, n’est-ce pas ? La voix n’avait pas l’air très sûr, un brin effrayé aussi. Elle paraissait jeune. Les arts martiaux ? C’est le genre de réplique qu’on entend dans les films lorsque justement on ne sait pas se battre pour un sou. Cela le fit sourire. Il n’avait pas beaucoup d’occasion de sourire en plus dans cette jungle. Caleb, qui avait quand même un instinct de survie très développé, se planqua dans un endroit où il pouvait observer les lieux sans être vu. Depuis le temps qu’il venait ici, il connaissait le coin comme sa poche.

Il étudia le gamin –bah il devait même pas avoir 20 ans, alors pour lui, c’est un gamin-, inspectant s’il était armé ou pas. Sait-on jamais ?! A première vue, il n’avait pas l’air dangereux. C’était plus du style « je suis apeuré, j’ai rien mangé depuis des lustres, où est ma maman ? »

Mais il ne fallait pas toujours se fier à ce qu’on voyait. On peut être désagréablement surpris si on se contente de ne pas creuser un peu plus. Après quelques secondes à l’observer attentivement, Caleb haussa les épaules. S’ils devaient se battre, le Marshall aurait facilement le dessus. Il était un homme surentraîné, et le combat au corps-à-corps n’était certainement pas un problème. Surtout contre un humain. Mais qu’est-ce qu’il était jeune ! C’était tout de même malheureux de se retrouver coincé ici sans avoir rien vécu. Le frère Grimm décida enfin de quitter sa planque, puis de se diriger vers le gamin. Caleb était de plus armé, alors le gringalet n’avait qu’à bien se tenir. Parce que ce n’était certainement pas avec sa branche morte qu’il risquait de faire quoi que ce soit.

« Les arts martiaux, hein ?! Désolé de te décevoir, mais j’ai comme un doute. » dit-il en s’avançant prudemment vers le gamin.

Il s’était arrêté à bonne distance. Qui sait si le môme ne va pas prendre peur et faire un geste inconsidéré ? Autant établir un périmètre de sécurité.

« Tu devrais souffler un peu. Il fait encore jour. Ils ne seront pas de sortie avant une heure ou deux. » l’informa-t-il, ne se doutant pas une seconde que le jeune homme ne savait rien.

« Je m'appelle Caleb, et toi? Je ne te veux aucun mal… Cela fait longtemps que tu es sur cette île ? Comment es-tu arrivé ici ? »

Peut-être qu’en le faisant un peu parler, il arrêterait d’être sur ressort, comme s’il craignait de se faire attaquer à tout bout de champ. Ce que Caleb comprenait parfaitement. Depuis qu’il était sur cette île, il était rare qu’il passe 48h sans se retrouver avec un vampire aux fesses.