"Tu es piégée ma chérie, arrête-toi là, abandonne la partie." De là où tu es, tu observes cette femme, ta reine, Erin Moldavan, première du nom. Tu photographies la scène, celle d'une souveraine tyrannique qui s'amuse aux échecs avec sa nourriture pour son besoin de distraction personnel avant de la dévorer. En ce qui te concerne, tu sais que cette banale partie de jeu finira dans le sang et tu prends pitié pour cette pauvre fille, cette humaine qui est arrivée ici depuis peu et qui risque fort de mourir sous tes yeux alors qu'elle semble apprécier cette maudite reine. Pauvre petite, elle ne la connait pas et toi tu te dis à ce moment-là "que c'est beau l'innocence, ou plutôt, la naïveté". Puis, tu fronces les sourcils d'un air contrarié et tu te remets à balayer le sol. Tu fais la même chose depuis maintenant trois mois. Oui, trois mois que tu es ici, c'est long, et tu comptes chaque jour qui passe en faisant une croix avec un cutter sur l'encadrement en bois de ton lit, là où personne n'ira chercher. Tu espères que ce cauchemar finira. Plus que tout, tu comptes y mettre un terme. Toi, te garder prisonnier pour faire le ménage ? Même pas en rêve. Tu n'es pas assez docile. Enfermé entre quatre murs tu commences à devenir fou, à voir le plafond se rapprocher dangereusement pour t’étouffer, les autres esclaves dépérir sous les coups de fouet et toi-même tu te vois faiblir parce qu'on te pompe trop de sang... et encore, tu n'es pas le plus à plaindre. Aussi, chaque soir tu procèdes à ce petit rituel. Tu inscris une énième croix dans le bois, cela en attendant le fameux jour : le départ des Moldavan pour Heartkiller. Cette ville qu'ils comptent mettre à feu et à sang. Car oui, tu es au courant de leur plan. Chez les esclaves tout se sait, il suffit d'écouter une discussion au tournant d'un couloir. De toute façon, en tant qu'esclave on ne te remarque pas, tu n'es pas une menace alors tu peux avoir l'oreille qui traîne, tout le monde s'en fiche. Et toi-même d'ailleurs tu te fous bien de savoir qui sont ces fameux Bridgestone, tout ce qui t'importe c'est qu'à l'arrivée sur leur île, il y aura tellement de bazar et de monde que tu pourras aisément fuir... Car comme dit plus-haut, tu ne comptes pas t'éternisé ici des années avec un couple de vampires cinglés qui peuvent t’arracher le coeur - ou la tête en ce qui concerne Erin - à tout moment. D'ailleurs, au plus tu la regardes et au plus tu es dégoûté des vampires. Certes, tu ne nieras pas qu'elle t'a fasciné dans un premier temps - comment ne pas l'être devant de telles créatures en même temps ? - mais toute cette noirceur et les orgies de sang auxquelles tu as assisté t'ont bien refroidi.
Aussi, alors que tu frottes le sol avec ton balais sans vraiment savoir quoi en faire puisqu'il n'y a pas un gramme de poussière, tu détournes aussitôt les yeux vers l'homme qui vient d'entrer. C'est l'intendant, tu te souviens parfaitement de lui et de son incroyable moustache recourbée que tu trouves on-ne-peut-plus ridicule à ton goût mais qui respecte les traditions roumaines il faut croire... Sans t'arrêter de balayer pour ne pas avoir une remarque, tu écoutes attentivement la conversation de la Reine et de son Intendant. Et alors que celle-ci s'emporte et commence à hausser le ton, tu te concentres sur eux jusqu'à en oublier de faire le ménage. "Intendant, vous êtes quelqu'un qui compte beaucoup pour moi, le saviez-vous ? Et je suis très satisfaite de vos services dans l'ensemble or vous le savez... je n'aime pas les dysfonctionnements de ce type. Donc soit vous trouvez vite une solution, soit je serais contrainte de vous arracher la langue ainsi que votre tête pour l'empailler dans le hall d'entrée, me suis-je bien faite comprendre Intendant ?" Alors que tu plains le pauvre homme d'être son employé, tu la vois finalement se lever de son siège, saluer le vampire et ordonner à deux gardes de lui montrer la sortie. De ta place, tu te sens menacé, certes tu n'as rien fait de mal mais Erin est du genre à s'emporter contre n'importe qui alors tu te fais discret, tu ne bouges pas et surtout, tu baisses la tête pour ne pas croiser son regard. Mais alors qu'elle se rassoit face à l'humaine en disant avec un large sourire "Échec et mat" tu retiens une vive protestation alors que tu la vois s'élancer sur la jeune fille pour plonger dans son cou et la mordre avec frénésie. Tu restes horrifié devant un tel spectacle, comme quelqu'un qui viendrait de voir un fantôme alors qu'autour de toi, les autres esclaves ne changent pas de comportement. Pire, ils restent dans leur mutisme comme si tout cela était normal. Quant à toi tu es le seul à voir que tu vis chez des monstres mais pour ta survie tu reprends ton balais en main prêt à nettoyer. Cependant, tu es stoppé dans ton élan par une main d'ivoire, des doigts fins mais glacés qui te font relever la tête d'un geste ferme. "Quelque chose à ajouter sur ce qu'il vient de se passer Mr. Bergmann ?" Face à la Reine tu courbes l'échine, tu tiens à ta vie alors autant ne pas jouer au plus malin. Tu n'es pas suicidaire et sais où sont les limites à ne pas franchir même si au fond tu bouillonnes et rêves de lui balancer ses quatre vérités en face - ainsi que son foutu balais.
"Bien... Joli minois soit dit en passant. Mais... tiens, tu vas m'être utile. Tu seras mon espion pour une mission, approche." Tu obéis aussi bien que possible en faisant semblant d'être flatté, le visage fermé, un sourire sur le côté alors que tu te projettes dans l'avenir et penses à ta future liberté. En fait, tu n'en as rien à faire de la mission qui va t'être confiée. Tu accepteras, tu n'as pas le choix, si ça peut faire plaisir à ta reine... Qu'elle en profite d'ailleurs puisque dans quelques jours tu ne seras plus là...

Tu cours à en perdre haleine. Derrière toi, tu sens la présence de la vampire te traquer dans la jungle Heartkillienne. C'était trop beau pour être vrai... Cela faisait trois jours que les Moldavan avaient accosté sur l'île. Trois jours que tu t'étais faufilé parmi les citoyens d'Heartkiller en profitant des émeutes et des célébrations pour te détacher de ton groupe d'esclaves. Trois jours encore que tu avais rejoint la jungle à l'extérieur des remparts là où tu t'étais trouvé un refuge et quelques fruits comestibles le temps de chercher un meilleur logement. Cependant, cela faisait aussi trois jours que tu avais plus ou moins senti une présence t'observer. Une fausse impression sûrement, c'est ce que tu t'étais dit. Et pourtant non. La preuve, celle qui t'observait te suit maintenant de près. Désireuse de t'attraper pour ensuite t'apporter à son maître ou boire ton sang. Ta stupidité t'énerve toi-même et tu te promets la prochaine fois - s'il y a une prochaine fois cependant - de faire confiance à ton instinct plutôt qu'à ton esprit critique. Et puisque tu sais qu'elle ne va pas tarder à te rattraper - l'avantage de la rapidité vampirique - tu cherches un stratagème pour sauver ta peau. Seulement ton cerveau à beau s'activer dans tous les sens, avec l'adrénaline et le Diable collé à tes fesses tu ne trouves rien d'ingénieux. Quel con de ne pas avoir prévu de plan B ! Tu aurais dû te douter pourtant qu'un humain comme toi n'aurait pas fait long feu dans cette forêt infestée de vampires, qu'est-ce que tu peux être crédule mon pauvre parfois...
A mesure que tu avances entre les branches tu commences à perdre de ta rapidité. Etant humain tu fatigues plus vite que ces créatures et bientôt tu allais certainement ne plus pouvoir faire un pas tellement ton coeur battait la chamade. Tu pouvais d'ailleurs sentir comme un goût de sang sur ta langue, preuve que tu courrais depuis bien trop longtemps. Cependant, tu ne tiens pas à finir entre les griffes de cette succube, tu as horreur de cette espèce de vampire et tu as tes raisons. Enfin, c'est quand même à cause de cette saleté de Narcisa que tu avais finis esclave chez les Moldavan. Cette peste t'avait bien eu, et toi tu étais tombé comme un bleu dans le panneau. En usant de ses charmes - comme elles le font toutes - tu l'avais cru et c'est comme si tu t'étais directement offert sur un plateau d'argent à la Reine de Roumanie avec un noeud rouge autour du cou. C'est pourquoi, depuis cette histoire, tu ne peux plus encadrer les succubes, c'en devient viscéral. Alors celle-ci ne t'aura pas. Une fois mais pas deux. Tu n'avais pas fait tout ça pour redevenir esclave. Tu commençais à en avoir ton compte de balayer à la place des autres ! D'ailleurs, en y repensant, tu n'avais jamais autant fait le ménage que depuis ces six derniers mois. Et tu en regrettais presque de ne pas avoir suivi les conseils de ton père. Quoi que... non en fait. Tu n'aurais pas été bien plus heureux si tu avais repris la boutique familial pour lui faire plaisir. Ainsi, c'est en courant comme un dératé que tu tentais d'échapper à la succube. Inconsciemment tu savais qu'il en était fini de ta liberté et pourtant tu t'y accrocherais jusqu'à la fin. Comme un pirate qui protège son coffre de toute son âme. Parce que oui, ta liberté à toi c'était comme un gros coffre plein d'or. Tu t'étais battu pour l'avoir, tu avais longuement tenu tête à ton père qui avait planifié toute ta vie et finalement tu étais parti sans rien dire après des jours d'affrontements intensifs. Et puis outre ta liberté mise en jeu, tu n'avais tout simplement pas envie d'être sous les ordres de sangsues. Logique dans un sens. Cependant, alors que tu tentes d'apercevoir ce qu'il se passe derrière toi, tu fais l'erreur de trébucher sur une pierre et voilà que tu dévales la pente. Celle-là on peut dire que tu ne l'avais pas vu venir. Aussi, alors que tu finis ta chute en t'écrasant lourdement au sol, tu grimaces sous la douleur et pose une main sur ton front. Dans ton empressement, tu viens de tout perdre. Là c'est sûr elle va arriver d'une minute à l'autre et tu n'auras même pas eu le temps de te relever, ni même de dire un mot. Toutefois, tu essaies tout de même de te mettre sur les coudes mais tes courbatures et ton mal de crâne t'empêchent de faire un seul mouvement. Tu te sens figé. A la merci dr la vampire. En position de faiblesse et cela te mine.
Ouvrant un oeil, le visage crispé, tu regardes en-dessus de toi la personne qui t'observe. Tu la fixe pendant quelques secondes, comme pour graver dans ton esprit son visage - un visage plutôt jeune d'ailleurs, ce à quoi tu ne t'attendais pas. Maintenant tu sais que c'est fini. Game Over. Il ne fallait pas tomber. Et tu commences déjà à faire le deuil de ta liberté fraîchement retrouvée même si par la suite tu penses bien réessayer de t'enfuir, peu importe là où allait t’amener cette succube tu n'y resterais pas. Alors que tu la sens qui te dévisage sans prononcer un seul mot, au point où tu en es, tu te dis que tu n'as sûrement plus rien à perdre et décides de briser la glace et de tourner la situation à l'autodérision. "Hmm...Belle soirée n'est-ce pas ? En tout cas, j'ai beaucoup aimé notre petit footing nocturne." dis-tu avec un sourire aguicheur qui finit vite en demi-grimace vue la douleur que tu ressens à la tête. On a beau dire, chez toi toutes les occasions sont bonnes pour faire l'idiot et jouer les gentlemans. Andouille va ! Tu ferais mieux de t'occuper du sang qui coule derrière ton oreille plutôt que jouer les Don Juan... Cependant tu ne continues pas sur ta lancée, ton crâne résonne, aussi, dans un soupire, tu baisses les yeux en signe de défaite. Maintenant, elle pouvait bien faire ce qu'elle voulait de toi, tu n'étais plus en état de te défendre ni même de faire le beau parleur. Et alors que la douleur devient omniprésente et s’amplifie tu finis par ne plus rouvrir les yeux et sombrer dans le coma sans te douter une seconde que demain tu auras tout oublier. De cette journée comme de tes six derniers mois d’existence. Rien. Tu ne te rappelleras même plus avoir été esclave d'une Reine vampirique, ce qui dans un sens n'est pas très dérangeant.

Un oeil s'ouvre, puis le deuxième, tu te frottes le crâne sans savoir pourquoi tu ressens une vive douleur. Tu fronces les sourcils, te crispe sous les vibrations qui emplissent ta tête et tu demeures muet, frigide, assis sur un sol humide en terre battue que tu ne reconnais pas. Rien ici ne t'es familier et tu te demandes si tout cela est réel ou si tu es encore dans un de tes rêves. Mais inconsciemment tu sais que tu es bel et bien éveillé. Tu es piégé. Les murs de pierre autour de toi et cette odeur de moisi sont bien la preuve que tu es enfermé dans un cachot. En revanche, pourquoi es-tu là ? Ca c'est une autre question. A part la douleur ressentie au niveau de ta tête tu ne fais attention à rien. Le bruit des flots qui s'abîment contre les rochers te donne la vague sensation d'être dans un phare ou du moins près d'une falaise. Tu sens l'odeur de la mer autour de toi, le goût de l'iode et du sel est comme en suspension dans l'air et tu sens cette saveur amer sur ta langue. Alors que tes yeux commencent peu à peu à s'habituer à l'obscurité tu décides de te lever mais dommage pour toi... cet effort te voudra un terrible raisonnement dans le crâne, comme pour te signaler que tu es allé trop vite en besogne et que ton corps malgré toi est encore lourd. Soulevant la poussière du sol à chaque pas, tu te diriges ainsi en boitant vers la porte en fer de ta cage. Tu t'appuies sur les barreaux, passant le bout du nez à l'extérieur et tu guettes ainsi la venue de quelqu'un. Tu sais que d'une minute à l'autre tu vas avoir la visite d'un homme. Depuis plusieurs minutes tu l'entends faire les cents pas, aller de gauche à droite et de droite à gauche comme une poupée mécanique, tu perçois son pas lourd qui résonne sur le sol, tu te fais une idée de qui il est, à quoi il peut bien ressembler. Mais alors que tu l'aperçois venir dans ta direction, tu te demandes finalement si c'était une si bonne idée de vouloir lui parler. Quelque chose chez lui te rebute. Peut-être l'odeur atroce d'alcool qui le suit comme un voile pestilentiel, peut-être sa démarche étrange qui te ferait penser à celle d'un pirate avec une jambe de bois ou plutôt... ce filet discret de sang qui coule de sa bouche sans qu'il n'en paraisse gêné le moins du monde. Quoi qu'il en soit tu restes les bras enlacés autour des barreaux, la tête à l'extérieur sans reculer ni te raviser. Tu sers les mâchoires et le suit des yeux avec précaution lorsqu'il passe devant toi et fait comme s'il ne t'avait pas vu. Dans un élan de folie certainement, tu prends la parole et l'appelle "le garde" pour être sûr qu'il se reconnaisse. Tu sais que ce que tu viens de faire est de loin la plus stupide de tes idées parce que tu sens que cet homme est dangereux mais tu t'en fiches, tu attends juste de croiser son regard lorsqu'il se retournera. Cependant, tu n'as pas le temps de le voir se déplacer qu'il arrive en face de toi, la bouche ouverte laissant découvrir de longues canines qu'il n'avait pas tout à l'heure. Sous l'effet de surprise tu lâches les barreaux et te recule en arrière dans ta cellule qui finalement ne te semble plus si austère et froide vue ce qu'il se passe à l'extérieur. Mais, alors que d'autres seraient sûrement tombés dans les pommes, cette scène te donne une impression de déjà-vu. Tu n'as pas peur des vampires, ils te semblent 'familiers', tu sais qu'ils existent et cependant tu n'as pas l'impression d'en avoir déjà rencontré un. En fait, tu sembles ne pas te souvenir de grand chose mise à part de ton nom et d'autres informations de bases... Comme si, tu avais un trou noir de trois ans dans ton cerveau. Toutefois tu sais que tu as déjà vu des crocs auparavant, quelque chose en toi te le dit mais tu ne sais pas quoi. La tête baissée, ce sont les paroles du gardien qui te réveillent de tes pensés. "Calme-toi mon petit sinon je serais obligé de te drainer pour que tu sois un peu moins vigoureux. Ah oui, pendant que j'y pense, tu passes en public dans deux jours." Deux jours, ces mots-là résonnaient dans ta tête et tu te demandais ce que le vieux avait voulu dire par "tu passes en public". Et alors que tu souhaites lui poser plus de questions, tu vois qu'il a repris ses tours, son habitude monotone et qu'il ne s'occupe pas de toi.
Tout redevient alors calme. Tu perçois de nouveaux le bruit des vagues, les gouttes d'eau issues de la fuite du plafond qui tombent par terre et rythment les secondes et tu te laissent glisser contre les barreaux de la grille, en position foetal, à essayer par tous les moyens de te rappeler pourquoi tu es là, qu'est-ce qu'il s'est passé et d'où sortent ces vampires.

Les fers aux mains comme si tu étais un pirate qui se dirige vers la potence, tu avances vers l'estrade où d'autres humains sont en exposition, prêts à être vendus. Tu ries intérieurement en voyant tes menottes. Non mais, pourquoi ils vous attachent au juste ? C'est pas comme si vous aviez la possibilité de fuir avec des dizaines de vampires dans les parages... Enfin, ils se donnent un style. Tu suis ainsi le vampire qui te tient en laisse - quelle horreur ! - et te diriges d'un pied traînant vers ce podium qui n'attend que toi. Tu fais exprès de traîner et de regarder un peu à droite à gauche, pas que ça t'amuse, juste que tu n'es pas très emballé à l'idée d'être vendu au plus offrant et d'être observé comme un morceau de viande. Tu ne te gênes d'ailleurs pas pour tirer sur tes chaînes lorsque ton bourreau te malmène un peu trop histoire de lui rappeler que tu es là et qu'il n'est pas en train de promener une poupée de chiffon derrière lui. D'ailleurs, il n'a pas vraiment l'air d'apprécier que tu te rebelles ; l'arrogance et la fierté des vampires... Alors que tu arrives près des autres esclaves, le vampire te libère enfin les mains et c'est avec un sourire ironique que tu te penches vers lui en lui murmurant à l'oreille : "Merci bien, mon chou." Tu sais très bien qu'il pourrait te tuer d'une minute à l'autre, tu n'es pas complètement idiot mais sans savoir pourquoi, tu devines d'avance qu'il ne te fera rien. On abîme pas la marchandise après tout ! Alors tu profites de ta position pour t'amuser un peu. Une dernière fois avant le supplice.

Sous tes yeux, une multitude de vampires se pressent. On dirait qu'ils ont tous reçu une invitation pour l'exposition de viande fraîche de ce mardi matin. Certains sont vêtus comme des dandy, d'autres sont beaucoup plus simples et neutres et d'autres encore semblent sortir tout droit d'une bouche d’égouts. Tu sais que parmi eux se cachent sûrement ton futur maître, alors tu les sondes un par un en tentant de savoir lequel aura la bonne idée de t'acheter. Et alors que ton regard dévie sur la gauche, tu la vois elle. Tu ne sais pas comment, ni pourquoi, mais son visage t'es familier. Tu ne sais pas d'où tu l'as déjà vu mais il est clair que tu la connais. Alors que quelques souvenirs te reviennent en tête, comme des flashs, tu la fixes avec insistance sans t'occuper des enchères qui augmentent de plus en plus haut. Au plus tu la regardes et au plus tu es certain d'avoir déjà croisé son regard azuré. Cependant, il y a un petit quelque chose qui te laisse dans le doute. Dans tes souvenirs, la fille que tu as rencontré était brune, d'un noir corbeau, hors celle qui tu regardes depuis dix bonnes minutes possède une chevelure d'un blond foncé, presque châtain. Ca te perturbe et provoque un désordre fulgurant dans ta tête. Tu ne sais pas comment c'est survenu mais depuis plusieurs jours tu as une partie de tes souvenirs, ceux de ton passé proche, qui se sont volatilisés. Aussi, tu ne te souviens plus comment tu es arrivé sur cette île, et si tu étais seul ou accompagné, quant à cette fille que tu sembles avoir déjà vu quelque part, tu ne sais pas si tu es sensé l'apprécier ou la détester. Le gros flou. Et avec ces quelques brides de souvenirs qui te sont revenus, cela ne fait que raviver toutes les questions que tu te poses.
Toutefois, tu n'as pas le temps de réfléchir bien plus. Un homme arrive vers toi et te prend par le bras pour t'entraîner à sa suite vers le coin "retrait" où les maîtres sont priés de venir réclamer leur prix. Arrivé au guichet, tu es remis à ton acheteur. Et alors que tu gesticules parce qu'on te tient comme un animal ce qui ne te plait pas, un homme brun, dans la quarantaine - du moins en apparence - le visage carré et pas vraiment chaleureux lance un signe de tête aux deux gardes pour leur dire de lâcher prise. Ils te contraignent ainsi à te tenir droit comme un "i" avant de relâcher leur emprise pour partir plus loin et te laisser là, seul, face à cet homme que tu ne connais ni d'Adam, ni d'Eve, celui qui apparemment sera ton maître durant les prochaines années à moins que tu trouves une ruse pour y échapper. Avec un air supérieur et méfiant, tu le suis des yeux alors qu'il tourne autour de toi comme pour évaluer s'il a fait l'affaire du siècle. Sa main vient glisser sur ton menton et te fais tourner la tête à droite et à gauche tel un acheteur qui contemple son nouveau cheval de course. Quant à toi tu fronces les sourcils plutôt dérangé par son attitude. Tu te doutes qu'il doit sentir ton agacement mais tu ne te montres pas pour autant moins méprisant. Tu ne veux pas être un esclave, c'est comme ça, point, qu'il se débrouille avec. Sans t'adresser un mot il se retourne et te fait signe de le suivre. Tu hésites, ne bouges pas d'un pouce, mais fini par avancer en sentant une main te propulser en avant pour te faire marcher. Tu adresses un regard noir à l'homme qui t'a bousculé comme pour lui interdire de refaire ça à l'avenir. Et vue sa tête il devait être humain, peut-être un autre esclave. Ou pas. Peu importe, tu te fichais pas mal de lui. Puis, sans se retourner, ton maître finit par déclamer son identité " Dereck Wilson et toi ?" Tu restes de marbre. Sa voix te déplaît déjà. En fait, tout chez lui te déplaît. Sûrement parce qu'il représente ta nouvelle prison. Quoi qu'il en soit c'est d'un ton morne et détaché que tu lui réponds. "Nikholas... Bergmann." A la limite, il aurait été une femme voyez-vous, tu aurais sûrement été plus chaleureux mais ce n'était pas le cas alors pas besoin de faire d'effort.