Je ne rentrerais pas chez moi pendant deux jours, mon maître me l'avait annoncé au moment où il m'avait ordonné de venir pour effectuer un travail qui ne pouvait pas attendre. Je ne vous cache pas que cela m’inquiétais un peu, je ne serais pas là au cas où il arriverait quelque chose à Mélinda. J'aurais voulu la laisser sous la protection de quelqu'un en qui j'avais une extrême confiance, mais la seule personne à qui je faisais réellement confiance c'était moi, et ce depuis tout petit. C'était une des conséquences de vivre dans la rue, il fallait se méfier de tout et de tout le monde. Cependant, je ne pouvais pas refuser, il se serait douté de quelque chose, moi qui était si loyal envers lui depuis des années. Je dus donc abandonné Mélinda, à contre coeur, lui disant juste, en guise d'instruction, qu'elle ne devait pas être imprudente en mon absence, même si je savais pertinemment qu'elle ne les suivrait pas. Après tout, elle et moi, on se ressemblait énormément. Ayant grandi dans la rue, j'avais développé une certaine imprudence enfantine ainsi qu'un profond dégoût pour l'autorité, qui s'était évanoui maintenant que je devais obéir aux ordres d'un maître. Mon imprudence par contre, n'avait pas disparu, ma relation avec Mélinda en était la preuve. Et malheureusement, elle était aussi imprudente que moi. Parfois, je me demandais ce que serait ma vie si Mélinda était enlevée par un vampire sanguinaire désirant d'en faire une esclave ou une incube. En réalité, j'étais terrorisé à l'idée de la perdre pour de bon, l'idée de la voir partir un expédition avec un sac à dos et son éternel sourire sans jamais revenir après me tourmentait continuellement, et même si elle s'évertuait à me rassurer, cette pensée ne me quittait jamais réellement, demeurant au plus profond de mon subconscient.

Je déambulais dans un des nombreux couloirs que possédait la maison. Lorsque je revenais en ces lieux, je me rappelais tout ce que j'avais dû subir pendant mon année en tant qu'esclave, bien que mon maître fut plutôt clément avec toi. « Jacob. Jacob ! » M'arrachant à ma rêverie, je me dirigeai rapidement vers les appartements du maître des lieux, sachant assurément que celui-ci ne supportait pas d'attendre. Il était déjà tard et la nuit commençait à tomber, je pouvais le voir par la fenêtre. J'entrai dans une salle et m'avançai vers mon maître. Contre toute attente, il me renvoya chez moi, n'ayant plus besoin de mes services pour le moment. J'inclinai la tête et quittai la salle, le sourire aux lèvres. Même si je ne devais rien laisser paraître, j'avais envie de sauter de joie et de courir retrouver Mélinda. Malheureusement, la discrétion m'en empêchait, et les gens qui m'entouraient auraient trouver cela louche que je sois si pressé, moi qui prenais habituellement mon temps. Je tardai un peu à arriver aux portes de la ville, ayant rencontré des tas de personnes. Moi qui était assez sociable, cela aurait paru étrange que je passe mon chemin, sans au moins avoir été les saluer. Je souriais, rigolais, faisais des gestes de la main pour interpeller, mais à l'intérieur, je bouillais d'impatience de retrouver ma bien-aimée. Après plusieurs minutes de courbettes auprès des vampires de la haute société et des excuses auprès de mes amis pour ne pas les avoir rejoint au club, je sortis enfin. J'étais libre de faire ce que je voulais à présent. En courant, comme je n'avais jamais couru auparavant, je rejoignis mon logement, au milieu d'une clairière non loin de la plage, espérant y trouver mon amie. « Mel, Mel mon amour je suis rentré plus tôt, le maître n'avait plus besoin de moi ! » Je ne reçus aucune réponse. « Mélinda, t'es là ? » Je soupirai. Bien que je sus qu'elle n'écouterait pas mes instructions, j'espérais quand même qu'elle le ferait, et qu'elle ne se mettrait pas en danger inutilement, sachant que je ne serais pas là pour lui venir en aide s'il lui arrivait quelque chose.

Contrairement à un humain, je n'avais besoin de rien lorsque je m'aventurais dans la forêt. C'est donc sans hésitation que je me lançai à la recherche de Mélinda en pleine nuit. Je me rendis d'abord à la cascade, lieu qu'elle appréciait particulièrement, depuis que je l'y avais conduit, lors d'une de nos escapades nocturnes. C'était un endroit magnifique qu'on avait l'impression de redécouvrir à chaque fois qu'on s'y rendait, mais c'était aussi un endroit où m'on trouvait facilement la paix, lorsque quelque chose nous tourmentait ou quand on avait simplement besoin de se détendre. Mélinda s'y rendant souvent lorsqu'elle voulait s'échapper de la maison blanche dans laquelle nous habitions. Mais cette fois-ci, il n'y avait personne,. Puis, je partis en direction des falaises, espérant l'y trouver cette fois-ci. A cet instant, je me félicitai d'avoir parcouru la forêt de nombreuses fois déjà, quelqu'un qui venait d'arriver sur l'île, se serait déjà égaré. Mais cela ne risquait pas de m'arriver. Je l'avais traversé tellement de fois, de long en large, que je connaissais chaque clairières, chaque rivières, chaque rochers. Les falaises n'étaient pas un endroit que j'affectionnais beaucoup, je ne saurais pas vous dire pourquoi d'ailleurs, mais Mélinda l'aimait bien, alors je faisais des efforts, et l'y emmenais tout de même. Pourtant, elle ne se trouvait pas non plus aux falaises. Je commençai sérieusement à m'inquiéter. Et si un vampire l'avait enlevé ? Si tel était le cas, je ne pensais pas que j'aurais la force de m'en remettre un jour, la jeune femme étant la seule personne à me combler. Il ne restait désormais plus qu'un endroit où elle était susceptible d'aller se réfugier, la plage. Si je ne la retrouvais pas là-bas, il était probable que je remuerais ciel et terre pour la retrouver. Rapidement, je me dirigeai vers la plage. J'essayai de rester calme, mais si j'avais l'impression que j'allais exploser d'un moment à l'autre.

Après avoir parcouru bon nombre de kilomètres au bord de l'eau, j'aperçus enfin mon coin de paradis. C'était un bout de plage privé, où j'aimais me réfugier lorsque mon maître n'avait pas de travail pour moi, c''était aussi là que j'avais vu le yacht de Mélinda s'écraser et que sans réfléchir, j'avais sauté à l'eau pour la sauver ; c'était là que tout avait commencé, que j'avais enfin recommencé à vivre. Il fallait que Mélinda soit ici, sinon, je n'aurais plus su où chercher. En m'approchant, je repérai un petit tas de vêtements, posé à même le sol. Intérieurement, je priai pour que ce soit les siens. Je m'approchai plus, et inspectai les vêtements. Je soufflai un grand coup, elle devait être par ici. Instinctivement, je me tournai vers l'océan, tenant toujours la robe à fleurs dans ma main droite. Et là, je l'aperçus, nageant au beau milieu du reflet de la lune, sous les étoiles, telle une déesse. La vérité était que j'aurais pu rester des heures à la contempler ainsi, au milieu de l'océan, tellement la vision que j'avais d'elle à ce moment-même me fascinait. A cet instant précis, je me rendis compte de la chance que j'avais de l'avoir. Elle était avec moi, alors qu'elle aurait pu aisément s'enfuir avec un vampire beaucoup plus puissant. J'aurais dû sauter directement à la mer pour la rejoindre, cependant, mes jambes refusaient de m'obéir, et je ne pouvais que rester là, à admirer cette humaine dont j'étais éperdument épris, sachant très bien que d'un moment à l'autre, tout cela pourrait disparaître.

Spoiler: