N'importe quelles mères souhaite que son enfant grandisse dans une famille soudée et heureuse, même celles n'ayant pas l'instinct maternel. Je crois que la mienne avait un problème, à quoi pensait-elle en me laissant aux mains d'un père violent et qui, de plus, était un trafiquant de drogue, qui se servait de son métier de fermier comme couverture, pour ne pas se faire attraper par la police. Étrangement, je ne le craignais pas, même lorsqu'il me frappait après avoir passé une mauvaise journée, autant dire chaque jour. Je savais juste que je n'avais jamais haïs quelqu'un autant que lui, et cette haine grandissait à mesure que j'encaissais les coups sans rien dire. Je savais aussi que j'avais des limites et qu'un jour ou l'autre, je finirais par craquer.

Et c'est à neuf ans que j'ai craqué. Il venait de louper une affaire extraordinaire avec de riches russes qui lui aurait rapporté beaucoup. Je ne m'attendais donc pas à ce qu'il me sert dans ses bras en rentrant. Au contraire, je ne l'avais jamais vu autant en colère de toute ma vie, et cette fois-ci je savais que quelque chose allait changer. Ayant atteint mes limites, je me rebellai pour la première fois, en guise de réponse, il m'envoya son poing dans la mâchoire puis s'éclipsa pour prendre un verre avant "de me finir" comme il me disait sans cesse. Je savais que si j'étais encore là quand il revenait, j'étais mort. Sans réfléchir, je me faufilai dans ma chambre et attrapai le sac que j'avais préparer il y a des mois, au cas où je voudrais fuir. Puis, je sautai par la fenêtre et me saisis de mon vélo. J'étais maintenant prêt à vivre tout seul, car je n'avais pas d'endroits où aller, je n'avais pas d'argent, et je ne voulais mettre personne en danger en allant toquer à leur porte pour leur demander de l'aide.

Je dus me cacher pendant des mois pour ne pas me faire attraper, et vivre du vol de vêtements et de nourriture pour ne pas dépérir. Je vivais clandestinement dans une espèce de cave laissée à l'abandon dans une ruelle du centre-ville. Je ne risquais pas qu'on me trouve ici, puisque ces ruelles étaient réputées pour être le refuge de nombreux criminels, et les gens, ayant pour la plupart peur de ces criminels, ne s'aventuraient guère par ici. Un jour, alors que je me promenais, je fis la connaissance d'une bande d'orphelins vivant comme moi. Ils m'adoptèrent tout de suite et firent de moi leur chef, car d'après eux, j'étais le plus intelligent, et je possédais un charme auquel personne ne pouvait résister. Tous ensemble, nous planifiions nos vols et mettions nos plans à exécution sans jamais se faire attraper. Cela dura dix ans, dix ans de vols, de troc et surtout, de survie.

C'est lors de ma dix-neuvième année que ma vie changea du tout au tout, lors d'une "opération spéciale" comme le disait Dimitri, mon bras droit. Nous avions repéré une homme, paraissant plutôt riche d'après les habits qu'il portait, qui sortait d'un magasin assez luxueux, cette fois-ci, nous misions gros, mais il fallait tenter quand même. Nous avions mis notre plan au point, et au bout d'une semaine, j'allai enfin passé à l'action. Il faisait nuit, et le magasin était éteint. En entrant par la porte arrière, je désactivai l'alarme et me mis en quête de quelques trésors. Cependant, je ne m'attendais pas à ce qu'il reste une personne si tard. Alors que j'étais plongé dans le noir, une main se posa sur mon épaule. « Retourne-toi, et ne bouge pas, sinon j'appelle la police. » Il m'emmena dans son bureau et l'expression que je vis sur son visage me surpris. Je m'attendais à un regard sombre et à un visage menaçant, mais au contraire, l'homme me souriait. « Je t'ai remarqué alors que je me promenais, je savais que tu viendrais. Je voudrais que tu travailles pour moi. » J'étais totalement abasourdi et ne savait plus quoi penser. « Et en quoi puis-je vous aider ? » « Je voudrais que tu défiles pour moi, que tu deviennes mannequin. Je ne sais pas si tu te rends compte de l'immense potentiel que tu as. Et puis de toute façon, tu n'as pas le choix. »

Il s'appelait Slava Zaïtsev, et c'était un des plus grand couturier de Russie. Il me sortit de ma misère et fit de moi une icone de mode adulée dans tout le pays, m'ouvris un monde auquel je n'aurais jamais cru avoir accès un jour. J'avais abandonné la seule famille que j'avais connu pour entrer dans un monde remplit d'argent et de paillettes, ce fut la meilleure décision de ma vie. Elle ne fut plus la même désormais, je jonglais entre photoshoots, essayage et soirée VIP. Étrangement, je m'étais très bien intégré à cette société, à croire que j'y étais prédestiné. Deux ans après que mon sauveur m'ait ouvert les portes de ce paradis, je fis un pari stupide avec un ami. J'étais très curieux au sujet des disparitions concernant le Triangle des Bermudes, mais j'avais toujours pensé que celles-ci avaient une explication logique. Mon ami m'avait donc proposé de me rendre là-bas pour me prouver que ce qui se passait dans cette zone de l'océan étant purement surnaturel. Il n'avait évidemment pas pensé que je relèverais le défi.

Je ne me rappelle pas vraiment mon naufrage, je me souviens juste qu'une femme superbe m'a ramené sur la plage. Jamais je n'avais vu pareille créature. Celle-ci me conduisit tout de suite à son "maître" qui me réduisit en esclavage. A ce moment-là je compris, j'avais perdu mon pari, ces disparitions étaient orchestrées par de sadiques créatures de la nuit avides du sang de leurs esclaves humains. Mon maître fut néanmoins plutôt clément avec moi car il avait d'autres projets pour ma personne. C'est ainsi qu'un an plus tard, je fus transformé en incube, avec mission de ramener de nouveaux esclaves, comme je le fus peu de temps auparavant. Parfaitement intègre, je m'adaptai très vite à ma nouvelle situation d'immortel, et fis construire une maison dans une clairière, loin des regards curieux, et à deux pas de la plage, me facilitant la recherche de nouveaux rescapés. Je pris même le nom de Jacob pour commencer vraiment une nouvelle existence, c'était comme si je naissais à nouveau. Je menais désormais une vie de débauche, et servais mon maître loyalement, vie qui me correspondait parfaitement.

Ma vie fut d'autant plus embellie par l'arrivée de Melinda dans ma vie. Au début, cette femme était juste une naufragée de plus à qui j'avais sauvé la vie et que j'allais ramener à mon maître afin qu'il en fasse une esclave. Mais lorsqu'elle se réveilla sur cette plage et qu'elle déposa un baiser sur la joue, je fus envoûté, je ne pourrais vous dire pourquoi, sa beauté me toucha au plus profond de moi-même et en quelques instants, je m'épris complètement d'elle. Je ne pouvais pas la laisser aux mains de mon maître, malgré tout le respect que j'éprouvais pour lui, et elle ne devait en aucun cas savoir la vérité sur cette île, et sur moi. Je l'a ramenai donc chez moi, où je lui fournissait le nécessaire pour qu'elle puisse vivre confortablement. Au fur et à mesure, une complicité se noua entre nous et nous furent bientôt inséparables, si bien que je laissai quelque peu ma vie d'avant de côté, prétextant avoir trop de travail. Je voulais absolument la préserver de toute l'horreur de cette île, mais elle apprit la vérité tout de même. Nous eûmes une violente dispute, elle me cria dessus, hurlant que je n'avais rien dis et que je lui avais mentis. En guise de réponse, je l'embrassai et la serrai contre moi. Et ce fut le début d'une idylle interdite, plutôt excitante malgré le danger.

SKYFALL ❖ ADELE