Le regard posé sur sa feuille de dessin, Kayne, haut de trois pommes observait, l’œil brillant le chef d’œuvre qu’il venait de faire. Son esquisse représentait une maison avec un toit rouge tombant dans le marron et une petite fleur trônait les pieds de cette maison. A côté d’une colonne d’autres fleurs bleues et vertes se tenait un petit personnage aux cheveux brun. A ses côtés, un autre personnage, plus grand, qui lui tenait la main ; une femme. Sa mère. Et le petit garçon qui souriait à pleine dent n’était autre que son dessinateur. Il était certes petit mais avait déjà un goût pour la perfection déconcertante. Et à en juger par les nombreuses feuilles blanches froissées à ses pieds, on se doutait que ce dessin était quelque chose d’important. Après l’avoir regardé sous tous les angles, le garçon retenu un petit cri de triomphe et couru au chevet de sa mère pour lui montrer. Cette dernière, une femme qui malgré son air jovial et aimable souffrait tous les jours en se battant contre le cancer qui la dévorait lentement de l’intérieur. Elle n’avait pas informé son fils d’un décès probable et ne se sentait ni le courage ni la force de lui expliquer ce que voulait dire le mot mourir. Il était si jeune, si pleins de vie. « Il est magnifique ! Tu t’améliore de jour en jour mon chaton. Et qui est cette femme au côté de l’enfant ? » s’exprima alors la femme d’un ton rassurant tout en accueillant dans ses bras son jeune enfant. « C’est toi maman. La plus belle de toutes les mamans ! » Comment briser un enfant si jeune ? Encore une fois, sa mère refusa de lui parler de ce qui allait bientôt la tuer. Pas ce soir se disait-elle. Mais cela faisait maintenant une semaine qu’elle avait eu les résultats. Qu’allait devenir son enfant ? Où allait-on l’emmener ? Elle chercha à se réconforter à penser qu’il trouverait une gentille famille qui l’élèvera bien mais elle savait depuis une semaine que son fils allait vivre le reste de sa vie avec son père. Monsieur Lawford. Et malgré qu’il ne vivait plus avec eux, il gardait son lien paternel sur lui et le droit ainsi que l’obligation de l’élever si le décès de sa mère. Berçant Kayne dans ses bras, Madame Lawford le regarda fermer les yeux et s’endormir sous sa contine préféré qu’elle lui murmurait à l’oreille : « Dors mon petit trésor, je suis là, près de toi, te berçant tendrement dans mes bras. Dors, dors mon petit trésor, tu sais que même dehors dans le froid, je resterais auprès de toi … »

Des pleurs. Des cris. Un souffle entrecoupé. Puis elle l’a quitté. Le voilà en train de pleurer sur le corps sans vie de sa maman. Elle lui avait offert un dernier présent avant de partir, sachant que la mort venait la prendre, elle avait passé à coup de fils à l’hôpital pour qu’ils viennent chercher son fils. Mais Kayne, malgré son jeune âge ne voulait pas bouger du sol glacé de la cuisine. Il ne voulait pas partir sans elle. Il ne comprenait pas. Pourquoi sa maman ne voulait-elle pas se relever ? Qui étaient ses personnes en blouse qui l’emmenait dans un sac ? Pourquoi lui serrait-ont le bras si fort au point d’en laisser des marques rouges ? Des questions qui resteraient cependant sans réponse. Il avait neuf ans, bientôt dix, il ne comprenait pas encore la vie comme la mort. Pourtant, au cours de ce onze décembre sombre, il venait de comprendre ce que voulait dire mourir. Au bout de quelques minutes de résistance inutile, Kayne se résolu à suivre ses inconnus jusqu’à ce qui se nommait un hôpital. Cela n’ont plus il ne connaissait pas. Il demandait plusieurs fois où était sa maman mais les adultes l’ignoraient, cherchant des informations dans des tonnes de dossiers sans fin. Au bout d’une heure à les observer sans rien faire, le garçon décida de s’approcher d’un d’entre eux et de tirer sur le bout de sa veste pour attirer son attention. Quand son attention il eut, Kayne lui demanda : « Monsieur, monsieur. Où elle est ma maman ? » L’homme le jugea un instant avant de le faire lâcher sa veste d’un geste sec et de se remettre au travail. On ne lui répondait pas. Pourquoi donc ? Peut-être voulaient-ils qu’il cherche tous seul où se trouvait sa mère. Et le garçon n’était pas du genre à avoir peur, il agissait sur ses impulsions. Alors, après avoir vérifié que personnes ne s’occupaient de lui, Kayne sortit de la pièce et se promena dans les couloirs déserts et sombre de l’hôpital. Une odeur nauséabonde flottait dans les allées mais ne semblait pas pour autant déconcentrer le jeune enfant qui ouvrait chaque porte qu’il pouvait atteindre pour voir ce qui s’y trouvait à l’intérieur. Mais il ne tombait jamais sur sa maman. Peut-être que les adultes et elle avait décidé de se cacher pour faire une partie de cache-cache improvisé. Et c’est avec un petit sourire aux lèvres que Kayne se mit à la chercher partout. Sous la table ? Non. Dans le placard de cette chambre ? Non. Derrière cette plante ? Non plus. Après une bonne heure de recherche, l’enfant fut pris de fatigue et s’endormit sur le lit qui lui était le plus proche ; le sol.

Une phrase déplacée. Une main levée. Un corps plaqué contre un mur. Puis la baffle est partis toute seule. Voilà le quotidien de Kayne et son père. Après une recherche biologique pour savoir si le garçon avait encore de la famille, le voilà qui se retrouvait face à son père, Monsieur Lawford pour la première fois. Un homme d’une quarantaine d’année, une balafre sur la joue, les cheveux bruns et le regard noisette et sévère. Un homme qui semblait amical au début mais l’avis que lui portait Kayne changea très rapidement, découvrant le penchant alcoolique et violent de ce dernier. Le jeune homme comprenait petit à petit pourquoi sa mère ne désirait pas lui présenter son père. Monsieur Lawford ne fut pas tout de suite violent avec lui. Il tapait certes quelques fois la main sur la table mais jamais sur son fils biologique. Il se plaignait d’une bière trop chaude ou d’un repas pas assez bon sans réellement lever vraiment la voix. Ce fut un jour, lorsque Kayne avait quinze ans et qu’il était rentré avec un D- que son père commença à lever la main sur lui. « Ramène moi un autre D et ce n’est pas avec la main que tu auras ta claque ; mais avec la ceinture. Menaça-t-il en tâtonnant sa ceinture comme pour appuyer ses propos. Kayne déglutit difficilement et partir dans sa chambre à la hâte. Un début dans la vie difficile, surtout qu’à son établissement scolaire ses camarades se moquaient ouvertement de lui. Alors le garçon se renferma, se montrant indiffèrent et silencieux, se soumettant à son père sans jamais rien dire. Même si Monsieur Lawford trouvait toujours une raison pour se défouler sur lui. Et cela n’avait pour effet que de le blesser intérieurement. Jamais il ne pleurait devant quelqu’un mais laisser ses larmes couler sur ses joues une fois seul dans sa chambre. Chaque soir, il ouvrait la fenêtre de sa chambre et s’enfuyait pour une nuit, loin d’ici. Loin de son père et de la misère de sa scolarité. Il se rendait au cimetière après avoir escalader la grille et arpentait les allées. Toujours le même chemin pour se rendre à la tombe de sa mère. Il s’asseyait alors devant la pierre tombale. Les lettres d’or gravées sur le marbre accueillaient alors les yeux remplis de larmes du garçon. Il attendait chaque soirs que son cœur ne se calme avant de murmurer, les yeux posé sur la pierre, imaginant sa mère se tenant face à lui, l’accueillant à bras ouvert : « Dors mon petit trésor … je suis là, près de toi, te berçant tendrement dans mes bras. Dors, dors mon petit trésor, tu sais que même dehors dans le froid, je resterais auprès de toi … Tu me manques maman …. Dors bien. »

« T’écris quoi ? » Ajoutant une nouvelle ligne à son paragraphe, il mit un point final à son texte et plia la feuille en deux pour pas que la demoiselle à côté de lui ne puisse le lire. Dix-sept ans. Et il devait faire un duo avec cette jeune femme pour le reste de la session. Il ne désirait pas faire équipe avec quelqu’un, depuis ses quinze ans il ne participait plus en classe. Il s’installait au fond de la salle et faisait office de décor. Mais il devait faire avec cette fois, le professeur ne revenait jamais sur une décision, il l’avait bien compris. Kayne se passa une main dans ses cheveux court pour se recoiffer rapidement et tourna son regard indiffèrent vers elle. « Tu dors nue ? » La fille rougit, ouvrit la bouche et la referma. Il sourit intérieurement mais ne montra rien de l’extérieur, comme toujours. « Tu crois quand même pas que je vais te répondre ? » Le jeune homme ne répondit pas et continua ses questions : « Tu as déjà désobéit ? Fais une grosse bêtise ? » Cette question était en réalité désigné à sa propre cause. Et la réponse était claire : « Non. » Il sourit vraiment ce coup-ci. Elle eut peur car il ne souriait pas souvent et lorsqu’il le faisait, il donnait l’impression de préparer un plan diabolique. Mais Kayne ne lui en tint pas rigueur. Il continua son petit jeu, posant des questions intimes et se délecta de la rousseur qui apparaissait sur les joues de son duo. Mais lorsque le son de la sonnerie retentit, Kayne prit ses affaires et partit avant de se faire arrêter par la jeune femme. « J’ai rien noté sur toi ! On va avoir une mauvaise note … Kayne. » Une mauvaise note. Cela ne le dérangeait pas, il en avait plusieurs par semaine. Les baffes, il avait l’habitude. Pourtant, penser qu’elle se prenne une mauvaise note alors qu’elle était la première de sa classe le dérangea. Devait-il ne pas suivre la règle qu’il c’était donné de ne pas parler de lui à personne ? Il faut croire que oui. Car Kayne lui donna rendez-vous au cimetière de sa mère. Jamais il n’avait ramené quelqu’un là-bas. Peut-être était-ce trop rapide mais elle voulait en savoir plus sur lui, alors autant lui présenter sa mère. La jeune femme aux cheveux blonds le suivait, se pressant à son bras lorsqu’un corbeau croissait avant de s’écarter en rougissant. Il lui présenta sa maman et toute la nuit il lui parla de lui et de sa vie. Lorsqu’elle partit, elle le prit dans ses bras et il se surprit à rendre son étreinte en s’accrochant à elle comme pour la retenir. C’était bête de penser qu’elle l’aimait, ne serait-ce qu’un peu mais au fond, c’était beau de rêver.

Un vase renversé. Des cris échangés. Et puis il a claqué la porte derrière lui. Kayne avait vingt et un ans, il pourrait partir de chez son père mais il n’en faisait rien. Même s’il ne le montrait pas, il avait besoin de contact humain surtout d’une famille et son père était le seul membre de sa famille. Shit. Kayne devait le supporter mais il ne pouvait plus. Il le détestait si fort. Mais il ne le disait jamais, il recevait le coup et tendait son autre joue pour le provoquer. Pour lui montrer ce qu’il avait créé avec ses méthodes violentes. Et Monsieur Lawford le savait que c’était de sa faute. Mais son addiction à l’alcool l’empêchait de changer son éducation. Son père était quelqu’un de très porté sur la religion. Son fils devait être impeccable dans tous ce qu’il faisait. Et c’est ce qu’était Maël au début, sauf que depuis quelques temps il en avait marre de s’en prendre pour aucune raison. Alors il provoquait son père pour en recevoir encore plus. Peut-être avait-il des tendances machistes. Et ce soir, devant la tombe de sa mère, comme chaque soir, après avoir chantonné sa contine préférée, il lui demanda s’il devait continuer à se soumettre à son père. Et la réponse qu’aurait donnée sa mère fusa dans sa tête. Elle lui aurait dit de se battre s’il pensait le monde injuste. Kayne, prit d’une nouvelle envie de vivre se releva et revenu dans sa chambre pour s’endormir. Quelques jours plus tard, il n’était pas allé à son établissement scolaire. Il rentrait tard après s’être amusé avec des inconnus et exhibe son premier tatouage à son père. Cela représentait un requin nageant sur ses côtes droites. Il savait que son père avait juste une horreur brute pour les gens tatoués. Kayne sourit alors lorsqu’il se prit un poing gauche dans le menton. Peut-être lui avait-il déboîté la mâchoire mais il s’en fichait. Il avait pris des cours pour se battre et n’était pas prêt à baisser la tête ce soir. Le jeune homme lui rendit alors son coup avec une force qu’il ne modéra même pas. Son père en fut assommé et Ellyots montait dans sa chambre ; c’était sa première victoire face à son père. Et il savait que ce n’était pas la dernière.

« Tu vas demain aux camps et sans discuter ! » Kayne serrait les poings et fixait son père avec un regard rempli de haine. C’était petit cela et mesquin. Tout ce que son père était. Non. Il ne lui obéirait pas. Il n’obéirait pas et lui tiendrait tête. Quitte à finir à l’hôpital après. Il se savait peut être connaître plus de technique au corps-à-corps mais dès que son père était porté sur la bouteille, il en devenait dangereux. Mais qu’importe. Il était prêt. Prêt à lui faire payer toutes ses années de malheurs. Mais Monsieur Lawford ne lui laissa pas le temps, l’alcool lui montant à la tête, il tomba, raide ivre au sol. Kayne fut tenté un instant de jouer au lâche et de se venger sur lui inconscient mais il ne le fit pas, ramenant juste son père dans sa chambre et fit ses affaires. Jamais décidément il ne pourrait lui désobéir. Son père exerçait sur lui une domination bien trop importante et ancienne. Et jamais il ne pourrait lui faire payer un jour tous les coups que son père lui avait admis. Après sa valise faite, il partit à l’armée, silencieux, résigné. L’armée. Réellement, il n’avait pas envie d’y aller. Mais son père l’avait inscrit là-bas et il était obligé de lui obéir ; dure était la vérité. La Première Guerre Mondiale avait été sonné en plus quelques jours avant. Une guerre qui affrontait l’Entente (regroupant France, Royaume Uni, Russie (qui se retira en 17) et les Etats-Unis (en fin de guerre)) contre la Triple-Alliance. (regroupant Allemagne, Italie et L’Autriche-Hongrie.) Une guerre qui s’annonçait destructrice et violente. Une guerre que Kayne allait devoir affronter.

La boue. Le sang. La fatigue. Voilà le résumé de la vie de tous les jours de Kayne aux camps. Il ne baissait pas les bras pour autant. Les personnes autour de lui le voyaient d’un mauvais œil étant donné qu’il était entré en milieu d’année et qu’il était de ce faite le petit nouveau inférieur à tout le monde. Il en prenait des baffes, se faisait bien souvent rabaisser et humilier mais il assurait à chaque fois vouloir rester. La vie ici était bien plus belle que chez son père selon lui, si bizarre que cela est. Il souriait chaque jour à ses camarades et exécutait tous ordres qu’on lui donnait. Il ne se rebellait pas, restait sage et acceptait les coups sans un mot. Mais Kayne, au fond de lui, n’aimait ni ses compagnons d’arme, ni l’armée et encore moins se camp. Malgré cette haine débutante pour tous ce qui l’entourait, il ne donnerait pas le plaisir à son père de revenir à ses pieds, la queue entre les jambes. Jamais. Voilà pourquoi il restait ici et se faisait une place dans cette grande armée. L’armée, malgré le fait qu’il désirait simplement en partir lui apporta technique de combat et maitrise des armes à feux. Il se révéla même excellant stratagème et pris place dans une petite équipe comptant quatre soldats. L’équipe Bêta qu’ils se nommaient. Kayne réussit à entretenir de bon lien avec chacun de ses camarades d’armes. Une équipe unis faisait la réussite d’une guerre ; c’était ce qu’on lui avait appris. Et c’est ce qu’il mettait en pratique avec son équipe. Le vingt-cinq décembre mille neuf ans dix-sept, ses supérieurs vint lui annoncer que lui et son équipe allait partir pour la France. L’avancement Allemande devait être stoppé. Kayne n’avait jamais fait la guerre. Il avait certes déjà provoqué quelques mêlés de poings mais la guerre était une toute autre chose. Une chose qu’il ne voulait pas essayer. Mais c’était la guerre ou son père, il le savait parfaitement. Et le lendemain l’équipe Bêta était prête à partir. Partir vers une mort certaine et douloureuse.

Une balle perdue. Une épaule dénudée. Et puis un cri de douleur. Le corps de Kayne se convulsa sous la douleur mais il continua à avancer pour gagner du terrain. Son équipe derrière lui se combattait tout aussi courageusement. L’un de ses équipiers avait perdu la vie mais tous si attendaient en même temps. Ils savaient qu’ils n’avaient que peu de chance de revenir sur la terre Américaine vivant. Mais alors que les jours avançaient, Kayne se mit à perdre l’équilibre en pleins milieu du terrain. La plaie ouverte à son épaule continuait de faire couler le sang et elle continuait à s’infecter. Lorsqu’il faillit perdre la vie en s’évanouissant d’un seul coup, une décision fut prise ; il devait se faire soigner. Sinon il allait perdre la vie. L’équipe Bêta fit alors demi-tour pour ramener Kayne à la base, en Amérique. « J-je dois … y retourner … » déclara-t-il alors que ce dernier émergeait de son sommeil, allongé et attaché dans un lit. Son regard fit alors le tour de la pièce et il comprit qu’il était déjà arrivé. Il avait abandonné ses camarades d’armes qui étaient sûrement retourné juste après l’avoir déposé ici. Ce n’était pas digne d’un commandant. Ni même digne de lui-même. Mais il dû accepter son échec et dû retourner chez lui après avoir eu l’accord d’un médecin. Il rentra alors chez lui et le soir même les habitudes revinrent. Et là, Kayne ne réagit plus, trop inquiet pour l’heure de la vie de son équipe. Il n’écoutait pas les méchancetés que lui crachait son père. Il n’écoutait pas non plus les ordres que son paternel lui criait dessus. Il était ailleurs. Il était encore sur le camp de bataille. Auprès de ses compagnons.

La fatigue pesait sur ses épaules depuis son retour chez son paternel. La fatigue pesait sur ses épaules depuis son retour chez son paternel. Ce dernier continuait à abuser de lui, lui criant dessus dès que l’occasion se présentait. Mais Kayne n’avait même plus la force de lui répondre. Et puis, il ne comprenait même pas quel intérêt il aurait à répondre. Maintenant âgé de trente ans, il pouvait aisément partir pour faire sa vie. Mais pourtant il restait. Le jeune homme attendait la guérison complète de son épaule avant de partir vers la ville. Et de ce fait, il dû attendre plusieurs mois sous la douce torture des coups de son père avant de pouvoir être apte à partir. Pas de larme versée, aucun mot échangé ce jour-là. Il était parti comme un voleur, ne désirant pas croisé son père encore une fois. Sans affaire de rechange, avec seulement dix dollars en poche, le voilà qui rentre dans le monde des adultes. Alors qu’il passa les premiers jours à se faire tout petit, dormant la plupart du temps dans la rue, sur un banc public, Kayne cherchait à côté activement un emploi qui pourrait financier le début de sa vie. Une affiche, un simple bout de papier qui pourtant apporta un avenir meilleur à Maël. Un boulot certes pas très bien payé mais où il serait nourris et logé. Rien de mieux pour lui. Et puis danser, il savait faire. Marchant d’un pas décidé vers le lieu indiqué sur l’annonce, il ne put retenir un grand sourire se logé sur son visage pendant tout le reste de son voyage.

« Encore une danse beau brun ! » Son corps se mouvait dans de lent balancement remplit de sensualité et de souplesse. Les lumières braquées sur lui faisaient ressortir le bleu océan de ses yeux, le rendant encore plus irrésistible. Il le savait et en jouait parfaitement. Dans une tenue qui en ferait rougir de colère son père, il se trémoussait sans pour autant faire n’importe quoi. Sa chorégraphie était apprise aux gesticules près. Kayne ne voulait pas essayé de faire ses propres pas sur scène, il savait que le sort qui tombait sur ceux qui avait déjà essayé n’était pas des plus doux. Alors il faisait juste ce qu’on lui disait, répondant positivement à chacune des demandes que ses clients lui criaient, agitant leurs billets pour une autre danse ou une danse personnelle. D’ailleurs, l’un d’eux avait levé la main, lui demandant d’approcher alors que Kayne avait à peine fini sa danse. Docile et obéissant, il s’approcha, calant dans les plis de sa tenue de travailler les pourboires et enjambait le client qui le demandait. Le laissant le coller d’avantage à lui, il plongeait ses prunelles dans celle brillantes de désir de son client et attendit ses prochains ordres. « Tu crois qu’une petite danse privée dans les toilettes rentre dans ton menu chéri ? » Fit son client, parcourant la peau dénudée de son dos du bout des doigts. Le danseur le considéra un instant d’un regard sombre, voilé d’une animosité retenue. Il ne faisait pas ce genre de truc. Il avait été clair avec son patron, il dansait, se laissait toucher même mais ne donnerait jamais son corps. Il gardait sa fierté. Refreinant au maximum de lui envoyer son poing dans la figure, il se penchait sur lui pour atteindre son oreille et murmurait comme réponse : « Vous croyez réellement que j’ai une tête de catain ? Excusez-moi, je ne fais pas ça. Mais je peux vous diriger vers mes collègues qui s’occuperont très bien de vous. » Se redressant, il partit s’enfermer dans sa chambre, décidant que sa journée s’arrêterait ici. Même s’il n’aimait pas ces réflexions, il y était maintenant habitué. Cela faisait partis de ses journées. Et s’il n’acceptait pas les avances de ses clients, il n’avait rien à faire ici.

Elle était vraiment belle. Inhumaine. Magnifique. Et elle voulait de lui. Mais lui ne voulait pas d’elle. Ou du moins n’éprouvait pas un vrai désir à coller son corps au siens dans des caresses intimes. Mais plus elle venait le voir, plus elle le rendait adique à elle. C’était fou. Presque magique. Mais il s’en foutait. Il la voulait de plus en plus, jour après jour. Sauf que la demoiselle aimait se faire désirer, le menant en bourrique la plupart du temps. Acceptant un jour un rendez-vous et ne venait pas à ce même rendez-vous le lendemain. Il ne baissait pas les bras pour autant. Car il savait qu’elle était intéressée par lui depuis le début. Chaque jour elle lui glissait dans l’oreille avant de partir des avances plutôt étrange. Elle lui demandait de venir. De venir avec elle. Et Kayne, prit dans le tréfonds de ses yeux accepta et la suivit. Heartkiller. Quel étrange nom pour une île tout aussi étrange. Désorienté et rendu malade par le voyage, il se laissa totalement guidé par la demoiselle qui l’avait amené ici. Et la suite de sa vie ne fut pas du tout ce qu’il avait imaginé, même dans ses jours les plus fous. Il était pris au piège et ce sentiment d’emprisonnement cependant ne pesa pas sur sa conscience.

Jeremiah Miles. Une chevelure coupée court, brune aux pointes blondes. Deux prunelles d’une couleur unique qui le rendait dingue. Un sourire plein de malice et de pétillante qui collait toujours à son visage. Un fin duvet de barbe blond aussi que Kayne avait envie sans cesse de caresser. Et Jeremiah devait le savoir car il se servait pour obtenir du jeune homme tout ce qu’il voulait. Et ce fut en 1923 que Kayne se fit transformer. Il accepta sa nouvelle condition très rapidement même si le fait de croire aux vampires était encore un peu dire à avaler. Mais il fut redevable à son créateur, le servant honorablement sans jamais émettre une prosternation à l’un de ses ordres. Il lui offrit son corps quand Jeremiah en avait besoin, étant redevable à cet homme qui l’avait changé et lui avait fait découvrir une nouvelle vie. Pendant près de trente ans, il lui sut redevable et exécutait ses ordres en silence, docilement. Mais il fut rapidement ennuyé par son maître qui l’oubliait de plus en plus. Kayne étant une personne qui avait besoin d’une grande attention et de tendresse n’était pas comblée et se sentait abandonné. Jeremiah ne s’occupait plus de lui car il était dans une période de pulsion sexuelle pour la gente féminine. Et Kayne se mit à le provoquer, comme il l’avait fait dans le passé avec son père mais cette fois-ci d’une toute autre manière. Il le provoquait sans cesse et continuait de le chercher même après avoir reçu des baffes. La douleur des coups il connaissait et cela n’était presque plus douloureux pour lui. Un jour, son maître, excédé et profondément ennuyé par le comportement de son incube, il lui dit d’une voix froide et autoritaire : « Nous sortons, changes-toi. » Et Maël, content d’être privilégié de la sorte par Jeremiah se fit beau, dans la mesure de ce qu’il possédait et le suivit. Mais ce ne fut pas une balade comme il l’espérait. Le marché aux esclaves comme il l’aimait à l’appelé et se nommait surement ainsi. Voilà où son maître l’avait emmené et laissé là. Et depuis il attend. Il attend qu’un vampire le désire, car il a trop peur pour faire cavalier seul. Il a peur de cette île même s’il s’y sent comme chez lui, il en a peur. Alors il attend.