Je ne suis pas un animal Kay & Jewel « Qui est le maître et qui est l'esclave ? »
C’était la plus grosse, la plus forte, que j’avais connue. – Ma première sortie en mer remontait à mes quatorze ans. Accompagnée d’Eamon bien sûr, j’avais cependant été la seule à manœuvrer son bateau. Il n’était pas question pour mes parents de laisser leur adolescente de fille partir seule, et il n’était pas question pour Eamon que je ne me débrouille pas seule. Le compromis avait donc été trouvé. – Depuis que je naviguais, j’avais connu des tempêtes, mais celle-ci dépassait tout ce que j’avais imaginé. La foudre fendait l’horizon noir, déchirant le ciel en plusieurs parties, et la pluie me giflait autant les joues qu’elle m’agressait les mains. J’avais réussi la traversée de l’Atlantique, entre Galway et les États-Unis, pour rendre hommage à Eamon. Cette tempête m’avait surprise sur le retour, non loin de mes côtes Irlandaises. Tandis que je bataillais avec elle, je pensais à Declan, sur son lit d’hôpital, dans un état incertain. La rafale de vent suivante tira sur les muscles de mes bras agrippés au gouvernail. J’avais tenté de garder le cap, mais j’en étais certaine, cette tempête et ce vent m’avaient fait dérivé très loin de ma position de départ. J’allais y arriver, pour Declan, je pouvais affronter cette tempête, il fallait juste que j’en sorte et je pourrais m’y retrouver. Le vent changea de nouveau de direction, violemment. J’essayais de tenir le gouvernail, et j’oubliais la bôme. Elle me cogna la tête et…
Mon index et mon majeur parcouraient ma cicatrice, cachée par ma chevelure blonde. La bôme m’avait assez violemment frappée pour m’ouvrir la tête, et me valoir quelques points de suture, en plus d’une marque à jamais. Cependant ma longue chevelure cachait l’hideuse vérité, et en dehors du médecin qui m’avait rafistolée, de mon geôlier à quelques mètres de moi occupé à je-ne-savais-quoi, et moi-même, personne ne risquait de découvrir ma cicatrice, à moins de mettre les doigts dessus. Je m’interrogeais toujours sur ses motivations. J’ignorais encore comment j’avais pu atterrir à Belfast, après avoir été assommée en plein tempête au large de l’Irlande – il se garderait bien de me le dire, mon ignorance, ainsi que mon envie de savoir l’amusaient et il n’était pas prêt de me répondre – je ne pouvais m’empêcher de penser à toute cette histoire, ce méli-mélo informe dans mon esprit. Une fois encore j’essayais de démêler les nœuds. Peu importe où il m’avait trouvé et comment, c’était forcément le crâne à l’air. Si ma première question demeurait « Comment ai-je pu atterrir à Belfast ? », la deuxième était sans nul doute « S’il avait l’intention de me vider de mon sang, pourquoi m’avoir fait voir un médecin, et pourquoi avoir attendu que je me réveille ? ». Il était à ce point sadique qu’il voulait me savoir consciente de ma fin ?
Je réfléchissais une nouvelle fois à ma condition actuelle. Jewel Harrington, vampire et prince d’Angleterre de son monde, m’avait réduite en esclavage, comme d’autres humains avant moi. Que je le veuille ou non, il décrétait désormais que je lui appartenais et que je me devais de lui obéir. C’était mal me connaître que de croire que j’allais me laisser dociliser sagement. J’étais une battante depuis toujours, ivre de ma liberté et heureuse de vivre. Je n’étais pas prête de lui obéir, et d’être la petite parfaite esclave. J’allais lui faire comprendre que j’étais, au même titre que lui, un être pensant et conscient de sa condition, doté de sentiments et d’émotions réels. Mais à contrario de lui, je n’essayais pas de le domestiquer pour en faire mon esclave. J’étais à bien des niveaux, meilleure que lui. Mais ne lui donnais-je pas ce qu’il souhaitait en réalité ? Il ne semblait pas s’énerver de la situation, au contraire, ma rébellion à son égard l’amusait plus que tout, même sa sœur, Jézabel Harrington s’en amusait. Je soupirais bruyamment, à son grand dam j’espérais.
Dehors le soleil devait briller haut dans le ciel. J’aurai donné n’importe quoi pour y être, pour sentir le soleil sur mon visage – des mois que je n’avais pas eu l’occasion de le voir – de mettre mes pieds nus dans l’eau de l’océan… Mais je faisais face à mon seul regret : Jewel Harrington n’était pas un idiot. Il connaissait mon ivresse de liberté et ma ferme intention de la récupérer, si bien qu’il ne me laissait jamais réellement sans surveillance, et certainement pas en plein jour. D’un autre côté, où irais-je ici ? Une île, peuplée de vampires, à moins d’avoir un bateau sur une des plages ou non loin, je ne risquais pas de m’enfuir, et j’avais même très peu de chances d’y arriver vivante.
« Je suis un animal diurne, j’ai besoin de soleil. » Râlai-je à l’attention du prince anglais.
J’utilisais le mot « animal » volontairement. Car c’était ainsi qu’il me traitait, comme un animal. Il me gardait en cage, voulait me dresser pour que je lui obéisse, que je l’appelle maître. Ce que je ne ferais jamais, j’en étais certaine. Si j’acceptais de l’appeler « Prince », jamais le mot « maître » ne sortirait de ma bouche. Autant je voulais bien reconnaître le titre qu’il avait parmi les siens, c’est-à-dire Prince de l’Angleterre, autant je refusais d’admettre que je lui appartenais que j’étais son esclave, et donc je ne l’appellerais certainement pas maître.
Je soupirais une nouvelle fois et posais mes yeux sur Jewel Harrington. Il travaillait à je-ne-savais-quoi, et je le dérangeais sûrement par mes dires et mes soupirs, et bizarrement cette idée m’encourageait à continuer.
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Sujet: Re: Je ne suis pas un animal qu'on dresse Mar 4 Juin - 20:41
Je ne suis pas un animal Kay & Jewel « Qui est le maître et qui est l'esclave ? »
Depuis plus de deux millénaires maintenant tu avais été habitué à voir des vampires de plus basses conditions que toi t'envier à la Cour d'Angleterre, te respecter mais aussi te jalouser parfois pour le titre de Prince qui t'incombait. Cependant, tu aurais voulu leur dire qu'ils se faisaient une trop haute opinion de ce qu'était la vie d'héritier. Non, tu ne passais pas ton temps dans des soirées de galas, une flûte de sang à la main à discuter avec toute la crème de la crème vampirique - même si cela faisait aussi partie de temps à autre de tes occupations, tu n'iras pas le nier. Mais, tu ne faisais pas non plus que ce qu'il te plaisait, tu avais des obligations, beaucoup d'obligations ce qui parfois te donnait envie d'étrangler -bien qu'ils fussent déjà morts- tes ancêtres qui avaient instauré toutes ces règles dans votre monarchie. Monarchie qui était certainement le régime le plus exigent et assidu du monde vampirique car chez vous tout était réglé comme du papier à musique, aucune erreur n'était tolérée, et c'en était presque inscrit dans vos gênes. Tu chassais cette pensée de ton esprit car tu devais respecter tes ancêtres, ne pas avilir leurs noms. Comme si t'étais croyant... Au contraire, tu ne croyais en aucune des religions des humains, à quoi bon ? T'étais un être damné, Dieu ne s'intéressait pas à toi, et de ce que tu avais lu -parce que oui, tu avais lu la Bible tout de même pour ta culture personnelle- il devait même te voir comme une erreur de la nature et non comme son enfant. Et en plus tu te nourrissais des humains sans vraiment ressentir de regret. Tu bouleversais toutes les règles de la nature de part ton immortalité, alors effectivement tu n'allais pas croire aux dogmes des humains. Bref, toutes ces questions religieuses, c'était pas le sujet en fait. Le sujet c'était que tes obligations de Prince étaient très lourdes. La preuve, elles te poursuivaient jusqu'à Heartkiller, jusqu'à ton purgatoire dans un sens. Parce que t'étais pas ici pour le plaisir des yeux, c'est le moins qu'on puisse dire. Et c'est donc pour avoir ta journée vacante -ou plutôt ta nuit de ton point de vue- que tu avais pris l'initiative de te lever de bonne heure alors que le soleil commençait peu à peu à décliner dans le ciel. De toute façon, tu n'étais pas quelqu'un qui dormait beaucoup, alors ce n'était pas comme si cela te dérangeait vraiment. Du coup, il était à peine dix-sept heures que tu étais toujours affairé à remplir les papiers qui s'accumulaient sur ton bureau depuis deux jours. Il y avait des lettres de toutes provenances, France, Norvège, Russie, Chine, tes voisins Irlandais, des courriers d'Angleterre, of course, on te tenait au courant des mouvements de l'armée étant toi-même le chef de cette armée, mais aussi des affaires qui survenaient en Grande-Bretagne pendant votre absence à toi et ta soeur, toutefois il n'y en avait aucune de votre père, et dans un sens cela aurait été mal venu si ça avait été le cas puisque c'est tout de même lui qui avait conclu les accords pour vos mariages arrangés -que tu n'avais toujours pas digéré. Et tu devais répondre à toute cette paperasse, user des mêmes langues dans lesquelles elles étaient écrites ce qui, au fond quand on y pense, n'était pas franchement laborieux puisqu'en deux milles ans tu avais appris à maîtriser plusieurs dialectes. Disons que tu avais eu le temps d'assimiler.
Alors que tu signais certains actes qui exigeaient ton accord en plus de celui de ton père, tes yeux s'arrêtèrent sur une lettre dont tu reconnus immédiatement l'expéditeur au vue de son écriture manuscrite assez resserrée et moyenne-âgeuse. Alors comme ça ton frère t'avais écrit... Le Duc de Devonshire. Oui, car dans votre famille il n'y avait que toi et Jézabel, les deux seuls enfants du roi et de la reine, qui avaient eu le droit aux titres respectifs de prince et princesse, les autres enfants du couple, issus d'aventures hors mariage avait été recalés au rang de Duc, Comte... Ce qui était assez caractéristique de votre monarchie, puisque ces vieilles traditions seuls vous les aviez conservées. Il n'y avait plus de Duchesse en France, seulement des nobles sans distinctions et hiérarchie. D'ailleurs, en y repensant ce n'était pas souvent que ton frère t'envoyait du courrier, d'habitude il faisait ses affaires de son côté, s'occupant de son duché, de ses nombreuses résidences, de ses esclaves et de sa femme. Les enfants dits « impurs » de la famille parce qu'ils n'avaient pas pour parents le couple royal mais seulement Gemma Harrington n'étaient d'ailleurs que très peu impliqués dans la vie politique, ils vivaient leur vie de leur côté, sans faire de vague et en prenant part aux réunions et aux décisions seulement quand on leur demandait. Il n'avaient qu'un rôle mineur, et peu de personne savaient réellement qui et combien étaient ces enfants de l'ombre tellement ils étaient peu médiatisés. Contrairement à ta soeur et toi qui étaient les figures de l'Angleterre, les dignes héritiers. La fierté nationale un peu. Ce qui, il est vrai, il faut le dire, avait quelque peu fait gonfler votre orgueil, de sorte que parfois vous pouviez prendre un ton supérieur avec vos demi-frères et soeurs. Tu étendis ton bras pour attraper un coupe-papier qui traînait sur ton bureau afin de savoir pourquoi donc Eadwig t'avait écrit lançant au passage un regard vers ton esclave, Kay, qui semblait perdue dans ses pensées. Chose rare puisqu'elle avait plutôt tendance à parler et à te provoquer en temps normal ce dont tu avais coutume de t'amuser maintenant. Ça te changeait des esclaves muettes et invisibles que tu avais l'habitude de côtoyer et auxquelles tu ne portais qu'une attention superficielle. C'est sûr que Kay avait su se faire remarquer parmi les autres, elle avait une certaine place au milieu de tes esclaves, pourtant quand ton incube l'avait retrouvée et te l'avait amenée, le crâne ouvert et comateuse, tu t'étais vraiment demandé si une humaine aussi frêle allait pouvoir s'en sortir. Il faut croire qu'elle était plus forte qu'elle ne le paraissait. Mais ça tu te gardais bien de lui dire, après tout, elle n'était qu'esclave.
Lisant la lettre de ton frère dans ta tête, concentré, tes yeux suivant les lignes avec application et non en les survolant, tu étais la caricature même de celui qu'il ne faut pas interrompre. Pourtant tu fus coupé dans ta lecture par un soupir et une réflexion emprunte d'agacement, visiblement. Tu relevais la tête vers Kay, qui affichait comme toujours un air de dédain. « Je suis un animal diurne, j’ai besoin de soleil. » Tu esquissais un sourire à cette remarque. Tu savais bien que son silence n'allait pas durer très longtemps, tu aurais pu anticiper le fait qu'elle allait encore se plaindre de son sort et si elle ne l'avait pas fait tu aurais même trouvé cela étonnant. Oui maintenant tu n'étais même plus agacé par son comportement comme tu avais pu l'être avant. Disons que tu ne faisais même plus attention. Enfin plus en privé, en public c'était une autre histoire. Il y avait des limites à tout, surtout aux libertés des esclaves. Lâchant le courrier et le stylo que tu avais dans les mains sur le bureau, tu renversas ton dos contre le dossier de ton fauteuil, et poussais un soupir comme réponse à sa remarque. Ton regard ancré dans celui de Kay, tu remettais à plus tard tes obligations et ta paperasse. « Pour un animal tu parles et te plains beaucoup. » Tu reprenais ses termes sachant parfaitement pourquoi elle s'était comparée à un animal sans en éprouver de l'irritation, tu étais bien trop habitué à ses réflexions pour t'énerver. Parce que oui, tu voyais Kay plus ou moins comme un jouet ou une distraction. Ce qui n'était pas forcément du goût de ton père qui n'aimait pas que tu accordes ne serait-ce qu'une pointe d'importance à tes serviteurs humains, ton stock de sang, ton personnel à tout faire qui devrait selon lui ne jamais dépasser les bornes.
Tes yeux déviants sur la pendule accrochée à l'autre bout de la pièce tu te rendis compte qu'il allait bientôt être six heures de l'après-midi, tu étais là depuis plus d'une heure à présent et tu aurais pu rester encore longtemps ici, concentré dans tes réponses à formuler si Kay ne s'était pas exclamée. Et tu aurais certainement loupé le déjeuner que vous aviez programmé avec Errol, votre archiviste à Belfast qui était ici dans un but professionnel, du moins en apparence. Parce qu'il ne t'aurait pas étonné qu'il soit ici aussi pour garder un oeil sur toi, comme un espion de ton père malgré lui, car tu savais bien qu'Errol ne ferait rien de son propre chef contre toi et pour te mettre en rogne. Seulement, il suivait les ordres de son employeur, ton père. Et tu ne pouvais pas l'en blâmer dans un sens même si le fait d'avoir une baby-sitter te faisait sérieusement rire... jaune. C'était un peu comme avoir l'un de ses bracelets électroniques à la cheville lorsqu'on est un criminel surveillé par la police. Du coup, il t'arrivait souvent de t'éclipser du regard d'Errol, de soupeser tes mots lorsque tu lui parlais comme si à travers lui tu t'adressais à ton père en somme. Bref, tu faisais foirer le plan vigi-pirate de ton paternel. Cependant tu avais accepté de boire un verre avec ton archiviste aujourd'hui parce que tu étais tout de même attaché à lui et tu lui étais reconnaissant de son dévouement à ta famille même si ton père lui confiait des tâches ingrates. Tu te relevais ainsi prestement de ton bureau comme si tout à coup tu avais décidé de t'activer. Et puisque Kay semblait s'ennuyer à mourir à l'entendre tu décidais de ne pas la laisser désœuvrée. « Viens m'aider à m'habiller pour le déjeuner. » Voilà ce que tu lui avais dit, comme si tu pouvais pas t'habiller tout seul. Enfin si, bien sûr que tu pouvais, c'est ce que tu faisais en règle général alors que d'autres vampires comme ton meilleur ami, Eleazar, aimaient ne pas bouger un petit doigt et laisser les esclaves s'occuper de tout. T'avais envie de faire le maître détestable. Aussi, tu retirais ta chemise que tu avais mis par défaut lorsque tu t'étais réveillé mais avec laquelle tu n'allais certainement pas sortir dehors dans le palais et d'un signe du menton tu indiquais à Kay la penderie. « Va me chercher des vêtements. » Puisqu'elle se disait être un animal, autant la faire agir comme tel. Et avec un sourire narquois tu attendais de voir sa réaction, de savoir si pour une fois elle allait s'exécuter sans rien dire ou si elle allait encore s'opposer à tes ordres. C'était une fois de plus le jeu du chat et la souris.
Spoiler:
Oui, bon, je suis pas super fière de ce post mais je suis un moteur diesel Ca sera mieux après faut le temps que ça démarre
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Sujet: Re: Je ne suis pas un animal qu'on dresse Mar 16 Juil - 8:56
Je ne suis pas un animal Kay & Jewel « Qui est le maître et qui est l'esclave ? »
Inlassablement, mon « accident » me revenait en tête, il n’en sortait pas. Je sentais encore la bôme qui venait s’écraser contre mon crâne et me plonger dans l’inconscience. La violence du choc n’avait pas eu le temps de s’imprimer sur le moment, j’étais tombée instamment dans un sommeil forcé, et ce ne fut qu’au réveil qu’elle me revint. Lorsque j’avais rouvert les yeux, avant même me demander où j’étais, j’avais ressenti le pire mal de tête de toute mon existence, j’avais mis plusieurs minutes à voir clairement, j’avais même cru que ma vision resterait trouble pour toujours tellement cela m’avait paru long - et ça l’avait été - et enfin j’avais pu constater que l’endroit m’était totalement inconnu, et incroyablement perturbant. Dès les premières secondes, je m’étais sentie mal à l’aise, et loin d’être en sécurité. La première impression avait été la bonne, et c’était certainement parce que je ne m’étais pas réveillée dans un hôpital que quelque chose m’avait gênée dès le départ. Après tout j’aurai pu me retrouver à deux endroits possibles, sur mon bateau sur lequel j’avais fini inconsciente ou dans un hôpital. Ca n’avait été ni l’un ni l’autre, et j’aurai pu aussi ne pas me réveiller. En y pensant maintenant, je ne savais quelle option j’aurai choisi si on m’avait effectivement donné le choix… Ne jamais me réveiller, ou devenir une esclave… Mon sentiment d’insécurité n’avait pas été jusqu’à penser si mal, j’avais été mal à l’aise, mais je n’aurai pas cru que ma vie allait prendre un tournant définitif… Je n’appelais plus cela une vie d’ailleurs, et à l’heure actuelle j’étais loin de me sentir en vie… J’étais morte en quelque sorte… Morte de vivre dans l’ignorance, d’être privée des miens. La famille était certainement la chose la plus précieuse à mes yeux, et en être privée était un supplice sans nom. Au-delà de cette privation, il y avait surtout une torture que je m’infligeais jour après jour, heure après heure, seconde après seconde… Je me reposais la même question sans avoir le droit à une réponse : qu’en était-il de Declan ? Mon frère, mon aîné, celui qui avait toujours veillé sur moi, celui que je n’aurai jamais imaginé perdre, sans lequel je ne pouvais vivre pleinement… La dernière information que j’avais le concernant était son état comateux et très incertain suite à un accident de voiture. Je n’étais pas réellement en vie tant que je restais dans l’ignorance, et contrairement à ce que je pouvais entendre, non je ne pouvais pas me réjouir d’être en vie, et je n’allais certainement pas remercier Jewel Harrington ou tout autre personne qui m’aurait « sauvée »… Avais-je l’air sauvée sincèrement ? J’étais encore plus meurtrie de vivre ainsi que d’être réellement morte ! Je ne l’aurai jamais dit clairement, ou je n’aurai jamais évoqué le pourquoi en tout cas, pas devant Jewel Harrington. Je n’avais pas la moindre envie de lui confier ne serait-ce qu’une once de ma petite vie…
Jewel Harrington… Ce que je ressentais à son égard était plus que confus. Je n’étais pas du genre à être foncièrement mauvaise envers quelqu’un. Cependant je n’avais jamais vécu ce qui m’avait amenée ici aujourd’hui, et je n’avais pas soupçonné l’existence des vampires non plus. Et je devais bien admettre que je ne les portais pas vraiment dans mon cœur, au contraire. Mais entre nous, qui pouvait me blâmer ? On ne pouvait pas dire qu’être réduite en esclavage n’avait quelque chose de plaisant, mais je n’imaginais pas que des êtres capables de recourir à l’esclavage s’abaissaient à compatir aux malheurs des dits esclaves, pour eux les malheurs des esclaves étaient certainement inexistants d’ailleurs. Pourtant ils me semblaient plus réels que jamais, à déchirer mon être de tout part, à me couper l’envie de vivre, à faire de chaque respiration un supplice. Je n’aimais pas Jewel Harrington, je haïssais ce qu’il me faisait subir, sans le savoir je supposais. Je pouvais même dire qu’il me révulsait, c’était viscéral, je ne pouvais rien aimer chez lui, fusse-t-il un maître acceptable. Il n’avait jamais levé la main sur moi, n’avait jamais tenté de m’agresser, globalement je n’avais pas à me plaindre d’un comportement violent… Si tant est qu’on ne considérait pas l’esclavagisme comme violent. Pourtant c’était bien une force de violence, réduire une personne à une condition si basse, insignifiante, c’était lui faire violence. Je ne pouvais rien aimer chez lui, quand il prenait tout ce qui m’importait, ma famille, ma liberté, chaque minute de ma vie était désormais régie par ce vampire, qui ne voyait rien de mal dans ce qu’il faisait. Si les rôles étaient inversés, sûrement comprendrait-il mieux, mais puisqu’il appartenait au clan des dominants, il se fichait pas mal des dominés, et en y réfléchissant bien, morte ou en sursis autant profiter du temps qu’il me restait pour lui pourrir l’existence, car vraiment je ne pensais pas survivre longtemps ici. Une île remplie de vampires, qui, se nourrissant d’humains, ne se souciaient guère du devenir d’un esclave. La réalité était telle que je refusais de la voir : sans espoir. Mais je gardais l’esprit beaucoup trop combattif pour imaginer un seul instant que je ne pouvais rien changer à ma condition, que je ne pouvais fuir et retrouver mon ancienne vie.
Lorsque je le dérangeais dans ses affaires, il finissait par les lâcher et m’accorder de l’attention. Je n’en demandais pas tant, le déranger me suffisait amplement, qu’il m’oublie après c’était le cadet de mes soucis. D’ailleurs s’il avait pu suffisamment m’oublier pour que je parvienne à me soustraire à lui, cela aurait été parfait, mais il ne fallait pas rêver. « Pour un animal tu parles et te plains beaucoup. » Il n’espérait quand même pas que j’allais le laisser mener un petite vie paisible ? Il m’avait voulu, il m’avait après tout. Il ne tenait qu’à lui de me laisser partir, et de me rendre ma vie, option qu’il n’envisagerait sûrement jamais. Mais il faudrait qu’il s’y fasse, je n’allais pas me montrer docile, même adolescente avec mes parents je ne l’avais jamais été, alors qu’il fût vampire ou non, capable de me tuer ou non, je n’agirais pas différemment.
« Ce n’est pas comme si j’avais autre chose à faire. » Répondis-je, alors qu’en tant qu’esclave j’aurai pu avoir des milliers de choses à faire pour lui. Mais dans ma rébellion, je ne faisais rien, j’osais même lui répondre de se débrouiller seul, et lorsque sa sœur était dans les parages, elle prenait mon parti, simplement pour ennuyer son frère, je n’étais pas dupe. En aucun cas elle n’était de mon côté, elle n’était simplement pas de celui de son frère quand il s’agissait de l’embêter. Mais après tout cela jouait tout de même en ma faveur. D’ailleurs un ordre ne tarda pas à arriver lorsque le prince anglais se leva, il asséna immédiatement un ordre à mon égard. « Viens m'aider à m'habiller pour le déjeuner. » Je m’étonnais qu’il essaie encore de me faire faire quoi que ce soit, quand je répondais toujours sur le même ton qu’il pouvait toujours espérer me voir lever le petit doigt pour lui, l’espoir resterait vain. C’était une façon polie de traduire ce que j’aimais à lui répondre.
« Il est vraiment triste de voir qu’en presque 1500 ans vous n’avez pas appris à vous habiller seul. Les enfants apprennent ça à l’âge de quatre ou cinq ans. » Lui dis-je, alors que je ne bougeais pas le petit doigt. Il ne s’attendait pas réellement à ce que je bouge, n’est-ce pas ? Il savait parfaitement que je n’en ferai rien, je n’avais encore rien fait de ce qu’il avait pu me demander, peut-être me taire une fois ou deux lorsque j’avais compris que c’était meilleur pour ma survie, autrement, il pouvait se plaindre de ne m’avoir vu exécuter aucun de ses ordres. Puis il se déshabillait sans attendre, sans la moindre pudeur pour changer… « Oh cette manie de… On ne vous a pas appris la pudeur ? Étrange pour un prince. » Ajoutais-je sur un air plus énervé que gêné, tandis que je détournais le regard. Je n’avais aucune envie de poser mon regard sur lui, et d’admirer sa silhouette, j’avais déjà pu remarquer qu’elle n’était pas sans me déplaire, et je refusais de lui faire un tel honneur en regardant ou en appréciant la vue. « Va me chercher des vêtements. » Encore un ordre que je n’allais pas suivre, il s’obstinait ma parole ! Sans tourner ma tête vers lui, la gardant baissée - je portais un étrange intérêt pour le sol - je répondais toujours sur le même ton. « Vous êtes à trois pas de l’armoire, ça ne devrait pas être insurmontable comme obstacle. »
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Sujet: Re: Je ne suis pas un animal qu'on dresse Mer 17 Juil - 18:10