Cela faisait à présent environ un mois et demi que nous ne nous étions pas retrouvés seuls, Zéphyr et moi. Depuis que je m’étais retrouvée chez lui et que nous avions passés cette nuit plus que parfaite – même s’il avait bien failli me tuer. J’avais dû retourner chez César, mon maitre. Les premiers jours se fut dur, pour qu’il ne m’interroge pas sur ma soirée passée avec Stan – ou qu’il n’essaie pas de m’hypnotiser.

Cela faisait donc un mois que je prenais sur moi, que je tentais de ne pas regarder Zéphyr à longueur de temps ou encore de me jeter sur lui. Il m’avait fait comprendre qu’il ne voulait pas de cette relation là avec  une humaine, et encore moins avec moi, l’esclave personnelle de l’Empereur. Et à bien y réfléchir, je comprenais totalement. C’aurait été suicidaire de sa part que de dire « j’m’en fous de l’empereur, ce que je veux c’est sa blonde perso ! » Si Zéphyr avait su rester « vivant » jusque là c’était qu’il avait fait les bons choix dans sa vie. Et ce n’était certainement pas moi qui allais l’envoyer ad patres. Mais il fallait dire que ce retour auprès de ce monstre, après ce court lapse de bonheur, fut dur. J’avais pleuré toutes les larmes de mon corps pendant des heures entières puis j’avais compris que ça ne servait strictement à rien. Je n’étais qu’une poche de sang sur patte, qu’une esclave, qu’une humaine …

Mais ce fut ce jour-là que je compris que quelque chose clochait chez moi. « Anastasia, viens ici. » Comme toujours j’avais obéis à mon maitre, me rendant à ses côtés. Il posa une main au creux de mes reins, m’obligeant à me rapprocher de lui encore un peu plu : « Tu es vraiment … délicieuse aujourd’hui … » Jje craignais qu’il veuille boire mon sang mais il me lâcha rapidement pour me dire : « Allez, prépare moi mon costume gris sombre, et la cravate qui va avec. Et après ça tu iras … travailler … » Depuis quelques temps, lorsqu’il parlait de mon travail Aux Plaisirs Coupables, il prenait toujours un air dégouté. Je me détournais de lui après une petite courbette, et commença à m’en aller, lorsqu’il m’attrapa violemment par le bras, me faisant faire demi-tour : « Dis-moi Anastasia … pour quand sont tes menstruations … » Je réprimais un haut le cœur, lorsque mon maitre me demandait de telles choses ce n’était jamais bon signe. Je réfléchis quelques secondes sans parvenir à savoir exactement la date de mes règles. « Heum pour très prochainement maitre … » lui répondis-je d’une voix tremblante et incertaine. Il me lâcha et se détourna de moi, signe que je pouvais aller accomplir ma tâche.

Lorsque j’arrivais en trombe dans la chambre que je partageais avec ma meilleure amie, Shanelle, je me mis à tourner en rond, tentant de calculer dans ma tête la date à laquelle j’aurais mes règles ou plutôt la date à laquelle j’aurai dû les avoirs … Shanelle arriva soudainement et me regarda, intriguée : « Que se passe-t-il Nastia ? »  Je me mis alors à secouer frénétiquement la tête. « Quand est-ce-que j’ai mes règles Shane ?! » Lui demandais-je. « Pourquoi cette question ?! … Hmm je les ai eu il y a trois semaines … et étant donné que nous avons une semaine d’écart … tu aurais dû les avoir il y a un mois … » perplexe, je lui répondis : « César m’a posé la question, et j’ai été incapable de lui répondre … mais attend ! Il y a un mois … j’étais avec Zéphyr… » Je me mis à rire. C’était tout simplement impossible ! Comment un vampire aurait-il pu féconder une humaine ?! Les vampires étaient des êtres morts, alors leur appareil reproductif l’était également lui aussi. Il était donc tout simplement impossible que je sois enceinte d’un vampire. Mais en y réfléchissant bien, Zéphyr était le seul homme avec lequel j’avais couché durant le mois … alors si j’étais enceinte … c’était du bon dieu ?! « Shanelle … un vampire ne peut pas féconder une humaine ?! Hein dis … ! » Inquiète, elle secoua la tête en haussant les épaules : elle n’en n’avait aucune idée. Il fallait que je lui parle. Si j’étais enceinte – oui car rien n’était vraiment sur – et même si ce n’était pas de lui, il fallait au moins que je sache si les suceurs de sang pouvaient procréer.

Rapidement, je quittais le palais, au pas de courses. Je me rendis Aux Plaisirs Coupables bien avant l’ouverture. J’avais l’habitude d’arriver tôt mais jamais deux heures à l’avance. César me questionnerait peut-être pour savoir pourquoi je m’étais permise de partir si tôt sans son autorisation, mais tant pis, je prenais le risque.  Lorsque j’arrivais à la boite, il faisait noir à l’intérieur. Seuls les panneaux d’issue de sortie éclairaient. Logan n’était pas encore là, et Nina non plus. Ou alors ils étaient avec Zéphyr. Je savais que  le patron avait l’habitude de venir relativement tôt pour gérer les papiers et tout le toutim. Je traversais donc la salle principale et longeais le mur du couloir en direction du bureau du boss. Arrivée devant je me mis à trembler et mon cœur se serra violemment. Des fourmis me parcourent le dos et j’eu l’irrépressible envie de faire demi-tour. Mais je ne pouvais pas, il fallait impérativement que je lui parle alors je toquais, attendant sa réponse … j’ajoutais tout de même : « Monsieur Romanov, c’est Anastasia, il faut que je vous parle c’est … important. » Ca pour être important ça l’était – du moins si mon instinct de femme ne me trompait pas bien sur…  

Déboussolée, perdue, je ne savais plus quoi faire. Et il était vrai qu’aller voir Zéphyr avait été ma première et dernière solution. Qu’aurai-je pu faire d’autre ? Aller en parler à César, lui dire : « Maître voilà, lorsque vous m’aviez « louée » à Stan, ça ne s’est pas passé comme prévu. En fait Zéphyr l’a tué. Et j’ai finalement passé la nuit avec lui, nous avons fait l’amour et je crois à présent être enceinte de lui … que dois-je faire maître ?! » C’est sûr qu’après lui avoir dit ça, il m’aurait pris dans ses bras en me disant qu’il était très heureux pour moi et qu’il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour que je puisse garder ce bébé et vivre heureuse auprès de l’infant de son frère. Evidemment … FOUTAISE ! Il m’aurait arraché ce bébé du ventre d’un coup de poing, m’aurait vidé de mon sang et pour finir jetée dans la fosse commune. Je ne pouvais en parler à personne, seule Shanelle était au courant mais simplement parce que je savais que je pouvais lui faire confiance, elle était ma sœur, ma meilleure amie, une partie de moi sur cette île.

Alors je m’étais quelque peu attendue à la réaction de Zéphyr. Je savais qu’il m’évitait, en un mois j’avais dû le croiser deux ou trois fois, de loin. Il ne voulait plus avoir à faire à moi. Après tout j’étais l’esclave personnelle de l’Empereur, et si ce dernier apprenait ce qu’il s’était passé entre le vampire et moi, il me tuerait et ferait payer Zéphyr pour sa trahison. On ne touchait pas aux affaires de l’Empereur c’était une évidence. Alors, étant donné que je ne voulais pas qu’il arrive quoi que ce soit à Zéphyr, j’avais pris sur moi, faisant tout mon possible pour faire comme s’il n’existait pas, pour tirer un trait sur cet être qui hantait pourtant mes nuits. Je ne cessais de penser à ce vampire qui me mettait la tête, le cœur, les entrailles en vrac. Il me perdait mais avec lui j’avais l’impression d’être enfin moi, de revivre, littéralement. Et savoir que je pouvais être enceinte me remplissait d’une joie que je ne pouvais décrire. J’avais l’impression d’être accomplie, mais un nuage aussi sombre que les ténèbres planait au-dessus de ce bonheur sans nom. Ce nuage n’était autre que César lui-même. Je savais très bien que lorsqu’il apprendrait ma grossesse, le chef des vampires me tuerait, et avec moi ce bébé mais jamais je entraînerai Zéphyr dans ma chute. Après tout, qui aurait cru que je tomberai enceinte d’un vampire ?! Quelles étaient les chances que ça arrive exactement ?! J’étais vouée à l’enfer, j’avais un mauvais Karma, on m’avait jeté un sort, une malédiction, ça ne pouvait pas être autrement !

« Excuse-moi mais je n'ai pas le temps pour l'instant. Si tu veux changer ton soir de congé, va voir Absynthe, c'est elle qui s'occupe des plannings. » Je savais qu’il serait froid, qu’il ne souhaiterait pas me parler, mais je ne m’attendais pas à cette douleur. Rien qu’en disant cela il venait de piétiner mon corps et mon coeur. Mais il ne fallait véritablement pas que j’oublie que je n’étais strictement rien pour lui, un coup d’un soir, une danseuse comme une autre, une parmi tant d’autres qu’il avait mis dans son lit, mais je ne pouvais m’empêcher de penser à la tendresse dont il avait fait preuve ce soir-là. Ses mains puissantes mais douces sur ma peau, ses lèvres avides m’embrassant avec tant de ferveur que j’en avais encore la tête qui tournait. Je fermais les yeux si forts que les étoiles dansèrent devant mes pupilles, je tentais d’avaler la boule qui m’obstruait la gorge, m’empêchant d’avaler ma salive. Il était si froid, si distant … ça me déchirait. Machinalement, comme si je tentais de chercher un peu de réconfort je portais la main à mon ventre. Zéphyr ferma la porte derrière lui, et me bouscula en passant. Je fus si surprise que je trébuchais, manquant presque de tomber. Je me repris en prenant appuis sur le chambranle de la porte. Rien. Plus rien. Inexistante.

Rapidement il monta les marches qui menaient aux chambres où l’on recevait les hommes, lorsqu’ilsl nous commandaient pour la nuit. J’avais souvent passée mes soirées dans ces chambres, ces prisons dorées. J’hésitais quelques secondes … que devais-je faire ?! Le suivre ou fuir ?! Mais si je voulais que quelqu’un m’aide, il n’y avait que cette solution. Mais vue comme il réagissait en ma présence, j’avais peur, si peur qu’il ne veuille ni de moi ni de cet enfant, qu’il me tue … Après tout si je n’étais rien, cet enfant était encore mois que rien à ses yeux … De plus cela lui faisait courir encore plus de risques. Valait mieux m’éliminer et ne plus s’attirer d’ennuis. Il n’aurait qu’à dire qu’un client étranger avait un peu abusé et m’avait tué sans le vouloir … ou une connerie dans ce genre. Il risquait moins gros à me tuer plutôt que de me laisser en vie avec son bébé dans le ventre … bébé dans le ventre. Enceinte. Mon rêve s’était enfin exaucé, moi qui pensais qu’en atterrissant sur cette île tous mes rêves s’étaient envolés … hé bien, j’avais raison de toujours garder espoir, même si …

Soudain je pensais à cette question qui me trottait dans l’esprit … les vampires pouvaient-ils sentir lorsqu’une humaine était enceinte ?! Ou du moins qu’il y avait un changement ?! Visiblement pas car premièrement César n’avait rien sentis – bien que je fasse tout ce qui était en mon pouvoir pour être le moins possible près de lui – et Zéphyr n’avait pas eu l’air de sentir quoi que ce soit … à moins qu’il n’ait fait exprès …

Prenant mon courage à deux mains, je le suivis dans les escaliers et arrivais devant la porte de la chambre où il se trouvait. La porte était ouverte, j’entrais et refermais derrière moi. Il valait mieux éviter que tout Heartkiller soit au courant de mon état … « Monsieur Romanov, je sais que vous n’avez aucune envie d’avoir à faire avec moi … et je comprends tout à fait … mais je crois que ce qui m’arrive vous concerne… Je suis perdue, je ne sais plus quoi faire… » J’avais si peur qu’il le prenne mal, qu’il pense que je veuille lui nuire ou je ne sais quoi encore … mais je continuais tout de même, il fallait que je lui dise. Glissant une main sur mon ventre distraitement, je me mordis la lèvre avant de reprendre la parole : « Je … je n’ai pas eu mes menstruations depuis un mois … il me semble que … que je suis … Je suis enceinte ! » Les yeux écarquillée, collée contre la porte, les lèvres tremblantes, je me demandais si c’avait été la bonne solution de tout lui avouer … mais comment faire autrement ? Je ne souhaitais pas mentir à cet homme. Il me faisait éprouver tellement de choses, les sentiments se bousculaient en moi, me faisant perdre la raison. J’aurai dû tout faire pour perdre ce bébé, faire une fausse couche et reprendre ma vie d’esclave d’empereur. Mais être enceinte de cet homme que j’aimais – oui je l’aimais, c’était indéniable, je ne pouvais plus aller contre ce sentiment qui enflait en moi un peu plus chaque jour -  et être enceinte tout court en réalité, me faisait dérailler. J’avais toujours rêvé de fonder une famille, d’être enceinte, d’être maman, d’aimer un être encore plus que ma propre vie … ç’avait été inespéré et voilà que je portais l’enfant d’un vampire qui me haïssait … Les larmes me brouillèrent la vue. Les scénarios défilaient devant mes yeux. Je m’attendais à ce que Zéphyr me saute à la gorge et m’arrache la tête … Avais-je raison de penser ça ?!   « Je suis … désolée … je ne pensais pas que … » Ma voix se brisa tandis que je tentais de retenir les larmes qui menaçaient de couler.