Je n'ai pas peur de la mort, je n'en ai jamais eu peur d'ailleurs. La mort n'est que la suite logique d'une vie bien remplie, et déterminée par nos actes. Je n'ai jamais eu de raison de craindre la mort, car je savais qu'elle arrivera de toute façon. Pourquoi avoir peur de l'évidence, de l'inexorable. J'avais bien plus peur de vivre, car on ne sait jamais ce que la vie nous réserve, on ne sait jamais ce qu'il va se produire, ce que l'on va devenir, ce qu'il va nous arriver. Je suis de ceux qui ont soif de vie, mais qui ont peur de ne pas maitriser les éléments. J'ai prié pour être le maitre de ma destinée, pour avoir le choix d'être celui que je voulais. Et je suis mort. Ou plutôt on m'a accordé de ne pas vraiment mourir. Jamais.
J'ai grandi, je suis devenu un autre. Je n'ai plus peur du noir, je n'ai plus peur de la solitude, ou de la fin des temps. Je n'ai plus peur de rien, je me regarde dans le miroir sans détourner le regard, et je souris. Je me trouve beau, avec cette peau blafarde et de regard pervers. Je crois que je devine ce que les autres voient et qui leur plait. Chaque soir, je sors et je les dévore. Ces enfants de mes rêves sanguinaires. Ils ne survivent jamais, ils ne terminent jamais la nuit. Je suis le Croque-mitaine, le monstre sous le lit, dans votre dos, dans vos cauchemars. Je suis votre idole, votre idéal, votre désir. Je ne suis plus moi. Je ne suis personne. Je suis votre.
« Etre vaincu parfois. Etre soumis jamais. »
MISTRESS — Est-ce que tu as peur de la mort ? LUCIUS — Autant que vous avez peur du noir.Elle se mit à rire, et Lucius ne put s'empêcher de sourire, attendri par la réaction de cette femme étrange qui venait de le retrouver. Il était drogué, vivant parmi de pauvres êtres perdus et esseulés. Rome était une belle ville, certes, mais c'était aussi le garde fou d'âmes en perdition. Lucius en faisant parti depuis trop longtemps à présent, et il accueillait cette jeune femme avec bonheur. Cela faisait deux heures à présent qu'ils discutaient tous les deux. Il la voyait à la manière d'une déesse. Blanche, lisse, parfaite, elle était très séduisante, et il sentait déjà quelques élans d'amour envers elle, sans que cela ne soit causé par une désir pervers. Il préférait les hommes, raison de sa présence dans une maison hantée et en morceaux. Il laissa tomber la bouteille qu'il tenait à la main et tendit un bras vers elle. Sans un mot, elle prit sa main dans la sienne et l'aida à se relever. Sans forcer, il se sentit soulever du sol et se retrouva face à elle. Il était plus grand qu'elle d'une dizaine de centimètre mais il sentait pourtant qu'il n'était pas à son avantage. Qu'elle était plus forte que lui. Qu'il ne pourrait sans doute rien y faire. Il restait à l'observer, silencieux, fasciné par sa prestance et sa beauté sans pareil. Jamais il n'avait vu de femmes si étonnement belle. Il ne pouvait pas détacher son regard d'elle.
MISTRESS — J'ai le désir de faire de toi un dieu. LUCIUS — Madame, jamais aucun dieu n'aurait la prétention d'être votre égal. Laissez moi, à défaut d'être un dieu, devenir votre obligé. Je n'ai plus de désir de vivre loin de vous... Elle l'enveloppa dans ses bras, et il se sentit envahie d'une chaleur nouvelle, et doucereuse qui ne le quittera plus jamais dés lors.
« Les silences sont parfois le désespoir des soumis. »
LUCIUS — Je ne t'effraie pas ? CHRISTOPHER — Je devrais avoir peur de quoi ? Lucius soupira et détourna le regard. Ils se trouvaient dans un bateau en directement de l'île d'Heartkiller. Lucius avait finalement convaincu l'humain de le suivre jusqu'à son chez lui. Après tout l'humain n'avait plus rien à attendre sa vie sur le continent. Il ne s'imaginait plus vivre loin de lui, ou sans lui. Il y avait quelque chose de particulier entre eux, un lien que Lucius ne s'expliquait pas. Outre le fait qu'ils faisaient l'amour, ou qu'il admettait le fait d'en être amoureux, il découvrait un sentiment nouveau qu'il ne connaissait pas jusqu'alors. Ce n'était pas une simple attirance, une attraction physique, mêlée à une amitié courtoise. Non, il ferait tout pour voir Christopher sourire, et il avait aussi le désir de le garder pour lui. Il n'avait pas été capable de le tuer, ou de le faire sien entièrement, d'en faire un vampire. Il n'avait pas le droit de l'engendrer, c'était contre les lois de Heartkiller, et il ne pourrait pas échapper à sa maitresse, il le savait. Alors il n'y avait plus eut d'autre solution que celle-ci. Amener Christopher sur Heartkiller. Lucius soupira une fois encore, et se tourna vers son amant qui ne faisait plus attention à lui, regardant l'horizon d'un air perdu.
L'incube sentit une vague de honte l'envahir, et il perdit son sourire. Il allait faire souffrir Christopher, plus encore qu'il n'avait souffert jusqu'alors. Il allait le décevoir, il en était persuadé, et tout à coup ce fut trop pour lui. Il ne se sentait pas la volonté, ou la force de le faire. Il avait honte de lui, et il sentait déjà que l'humain lui échappait. Il ne pouvait pas l'accepter. Il ne voulait pas être un monstre dans les yeux de Christopher, il voulait être... Un homme, quelqu'un de bien, quelqu'un qui méritait d'être aimé. Il voulait être un être aimable, c'est-à-dire qui aurait le droit de connaitre l'amour. Quelqu'un qui ne l'enfermerait pas dans une cage faite d'os d'humains.
LUCIUS — Pardonne moi... Murmura-t-il. Bien trop bas pour que l'humain ne l'entende sans doute.
Puis ce fut la tempête. Puis ce fut le naufrage. Lucius prit Christopher dans ses bras, et le protégea comme il le faisait depuis que son regard avait croisé celui de l'humain. Ils se retrouvèrent sur la plage, tous les deux, la nuit déjà bien entamée obligeait Lucius à prendre une décision rapidement. Il se tourna vers son humain, et croisa son regard. Si son coeur avait pu battre, alors il se serait arrêté sur le moment. Il ne pouvait pas faire cela. Il ne pouvait pas lui mentir plus longtemps, lui cachait qui il était.
Ce qu'il était. LUCIUS — Vas t'en. Ordonna-t-il pour finir. Tout avait changé. Christopher le détestait cela se lisait dans ses yeux. C'était trop pour Lucius. Il déglutit difficilement, et dans un souffle d'air il s'envola. Pour longtemps... Mais sans doute pas assez.
« Dès qu’on rencontre d’autres créatures, on se retrouve soumis à leur volonté. »
LUCIUS — Tu es laide.ABSYNTHE — Tu es méchant. Il foudroya la succube du regard. Cela faisait quelques mois qu'il se trouvait sur l'île de Heartkiller, quelques mois qu'il était devenu une sorte de monstre buveur de sang, mais inférieur à un vampire. Il n'était qu'un banal incube, et de ce fait il devait apprendre à être son nouveau lui. A être un séducteur, et un tueur. Ce n'était pas dans sa nature de séduire les gens, sauf pour avoir de la coke, ou de l'alcool. Ou pour survivre. Il devait apprendre que cette exercice c'était surtout une question de survie, que s'il ne séduisait pas des humains pour les ramener à sa maitresse, alors il pouvait fort bien en mourir. Il n'était pas stupide, il comprenait rapidement les choses. Alors on l'avait mis en relation avec cette Absynthe, et aujourd'hui elle était sa
maitresse dans tous les sens du terme. Ils avaient déjà couché ensemble, une fois, et ce fut une expérience particulièrement éprouvante pour le jeune homme, dans le sens où jamais il n'avait eu une partie de sexe aussi démoniaque. Il était une bête, il l'avait bien senti, et il n'avait plus vraiment de limite, que cela soit physique ou mentale. Le sexe, tout comme le sang était en lui à présent, tel des forces impitoyables qui pouvaient faire de lui le pire des individus. Un monstre, une bête. Il était un immortel, un être qui ne pouvait pas mourir, sauf à le vouloir. Absythe était comme lui, et de plus elle était Italienne.
Son Italie natale lui manquait. Quand il se trouvait avec elle il n'était pas rare qu'ils se mettent à parler en Italien. Il n'était pas rare non plus que lorsqu'elle le critiquait trop il se mettait à l'insulter à son tour. Cela ne dépassait pas le niveau d'un
tu es laide ou
tu veux pas voir ailleurs si j'y suis ? Mais cela amenait à une joute verbale tout à fait fantastique et enfantine qui amusait beaucoup le nouvel Incube. Mais Absynthe avouait souvent aussi qu'il était doué. Et il n'aurait pas besoin de cours durant longtemps. Elle lui avait appris à traquer, et chasser un humain sans bruit. A attaquer à la gorge, et à jouer de ses nouvelles aptitudes ou séduire un humain. Il avait la possibilité de jouer de ses nouveaux charmes pour rendre un/une humain(e) complètement fou/folle de lui. Il adorait cette idée en réalité. Il vivait une seconde renaissance, et il sentait qu'il allait bien s'amuser finalement.
LUCIUS — Continuons. Dit-il en se relevant, et en se mettant face à elle.
Il la regardait dans les yeux, un sourire pervers sur les lèvres, mais chaleureux. Il ne la quittait pas du regard, et après quelques instant il osa baisser les yeux pour la dévorer du regard, la déshabillant ostensiblement sans la toucher. Il lui suffisait alors de sourire, et de déclarer d'une voix suave
Alors, on y va ? Elle se mit à rire, s'approcha de lui, et le suivit dans les ténèbres d'une nuit nouvelle...
« Celui qui fait exécuter les lois doit y être soumis. »
FATHER — Tu seras un homme de bien mon Fils.LUCIUS — Si tel est ton désir.Il ne pouvait rien refuser à son père, c'était un fait indéniable. Son père l'avait poussée à suivre des cours dans une école privée dés son plus jeune âge. De ce fait il avait une maitrise parfaite du latin, et du grec ancien. Il pouvait réciter la Bible, et il parlait un Italien des plus nobles. Il devait être à la hauteur de son nom sans doute, ou de sa famille. Son père voulait le voir devenir quelqu'un, faire des études religieuses, et entrer dans les ordres. Lucius n'était pas sur de le vouloir, il n'était sur de rien, se tenant dans l'antre de cette époque difficile que l'on nomme l'adolescence. En réalité, il était assez perturbé. Il y avait ce garçon dans sa classe, un beau blond avec un air timide qui le regardait parfois d'un air intrigué. Lucius l'avait remarqué, et il avait remarqué aussi qu'il aimait ça. Il aimait être regardé par ce garçon. Les filles le remarquaient facilement aussi, mais il n'avait nul désir pour elles, et souvent il les ignorait. Ses parents n'y avaient pas fait attention, parce que cela coïncidait avec leurs visions de la vie prude et chaste à laquelle ils le menaient peu à peu. Lucius n'était pas soumis aux décisions de ses parents. Il avait envie d'aimer. Il avait envie d'être libre, d'être celui qu'il était vraiment, plutôt qu'une image parfaite. Ce soir-là, alors qu'il avait dix-sept ans, il décida qu'il était assez. Un an plus tard, à sa majorité, il pourra prendre son envol. Il pourra aimer les hommes avec autant de ferveur que ses parents aimaient Dieu. Et il pourra disparaitre, tel un fils indigne. Il pourra être injuste et rebelle.
LUCIUS — Oubliez moi, je ne suis plus votre fils. Je suis un inconnu. Dit-il alors qu'il l'écrivait en même temps en bas d'une lettre qu'il adressa à ses parents. Il la laissa sur la table de la cuisine alors qu'il partait, un sac en toile noir sur le dos, emplis de vêtement, et de quelques billets. Des billets qui lui serviront pour acheter sa première dose. La première dose d'un drogué. Un drogue aux sentiments, à la passion, et au désir de vivre....