Et je rêvais éveillée. Je rêvais qu'un jour, je chevaucherai l'oiseau incandescent de la liberté.






La famille Harrington descend d'une longue lignée de puissants vampires, tous plus ou moins connus les uns que les autres. Faisant partie des vampires de l'Ancien Monde, il est clair que la dynastie des Harrington est de toute évidence devenue l'une des plus puissantes et imposantes Monarchie Vampirique. Connue pour leur loi et leur rigidité légendaire, la famille ne fait pas dans la dentelle quand il s'agit d'appliquer et d'exécuter les lois. En effet, le moindre petit crime peut entraîner de graves conséquences. Un peu comme dans l'ancien temps, le simple petit vol d'une pomme entraîne directement le châtiment suivant : une main coupée ! Et si vous avez eu le malheur de toucher la pomme avec vos deux mains... dites adieu à la seconde ! Oui, la famille ne fait pas semblant quand il s'agit d’exécuter à la lettre les lois inscrites dans leur livre. Déjà bien installée à l'époque du Roi Allan Levinson et du Roi de Roumanie, Aleck Moldovan, la famille a su se faire respecter. Certains l'aiment, d'autres la craignent, mais qu'importe les remarques du moment que la monarchie tourne encore bien rond. Faisant partie des puissances vampiriques, elle a su perdurer aux fils des siècles, franchissant le moindre obstacle. La famille Harrington est donc l'une des familles encore présente aujourd'hui et qui faisait partie de l'Ancien Monde. Le Roi Aleck en est un aussi, sans parler de la Monarchie Italienne et de La Chine Impériale. Hormis ces quatre puissances, personne n'a survécu jusqu'à aujourd'hui et aussi longtemps ! La famille Bridgestone est donc celle qui fait partie du Nouveau Monde avec la majorité des autres pays.

Gemma et Calvin Harrington sont donc à la tête de cette monarchie. Gemma s'occupe principalement des affaires de société et des relations internationales, tandis que Calvin, le père, est tout simplement le Roi ! S'occupant avant tout de la politique et du bon fonctionnement de son royaume. Suivent ensuite les deux premiers enfants du couple royal, les deux qui reprendront en main le pouvoir. Ils s'agit des deux jumeaux, les enfants les plus médiatisés, les plus publics du reste de la famille. Les jumeaux sur qui reposent toutes les responsabilités à venir. Ils ont été élevés dans le but de reprendre le flambeau. Tout au long de leur vie, leur existence a été dictée par un emploi du temps chargé. Entre la culture, les activités sportifs, la politique, l'économie, l'agriculture, le social etc... Bref, tout était chronométré en temps et en heure, tout était réglé comme du papier à musique. Leur vie été déjà tracée dès l'instant où Gemma Harrington tomba enceinte. Ils n'avaient plus de vie, plus de destinée, ces dernières étant déjà toutes tracées par leur parent. Naissent donc Jewel Shawn Harrington ainsi que sa sœur jumelle Jézabel Scarlett Harrington. Jewel étant né quelques instants avant sa sœur, il est donc le premier né. Les parents ont décidés de leur donner les mêmes initiales, tradition familiale parait-il. Suivent ensuite les frères et sœurs. Cependant, les derniers qui suivirent ne sont pas issus de sang royale. En effet, ayant tous la même mère, ils n'ont pas eu le même père. Gemma étant une femme séductrice ne pouvait s'empêcher d'aller voir ailleurs. Ainsi, elle mis au monde quatre autres enfants dont deux du même père. Cependant, ils n'étaient pas de sang royal, on peut dire qu'ils étaient qualifiés d'impurs. Calvin les a accepté comme ses propres enfants. De ce fait, ils ont des responsabilités moins importantes, ils sont dans l'ombre et ne font pas de vague. Ils vivent comme bon leur semble, contrairement à leurs aînés. D'ailleurs, ils s'aiment plutôt plus ou moins. Il n'existe aucun complot au sein de la famille, tout est bien organisé et le pouvoir n'intéresse pas forcément les enfants de l'ombre. Une chance que tant de familles n'ont pas... Cependant, même si l'entente est souvent au beau fixe, les jumeaux Harrington ont tendances à prendre leurs frères et sœurs de haut, voir, ils les prennent un peu comme des impurs, des personnes sans importance. Cela leur arrive quand ils sont dans leur période un peu « Je suis pur et je me la pète » ! Mais rien de bien méchant... quoique...

Alors que Jewel devait devenir le nouveau Souverain vu qu'il était l'aîné et surtout l'homme de la maison, la décision fut vite changé au cours des premières années. Voyant que Jewel avait un caractère moins docile que sa sœur, plus rebelle et indépendant, les parents ont aisément devinés que le jeune garçon leur poserait problème quant à la suite des événements. Leur choix se rapporta donc sur la belle et jeune Jézabel... douce, tendre, docile, obéissante... elle avait tout d'une personne exemplaire et disciplinée. C'est avec ces qualités que Calvin décida de faire de sa fille la future Souveraine, la Reine de la Royauté Britannique !

Les jumeaux sont connus pour être des êtres bienveillants, justes et raisonnables. Mais ils sont aussi connus pour être sans pitié, sanguinaires et absolument rancuniers ! Alors, quand il faut appliquer une loi ou se venger, ils n'hésitent pas à remuer ciel et terre pour rendre justice !
Ainsi donc commence l'histoire d'un des jumeaux, Jézabel Scarlett Harrington, la future Reine de la Monarchie Britannique qui régnera en maître avec son frère.






XIIIème siècle – 1220



La nuit tomba sur le Palais Royal. Jézabel, assise sur le bord de sa fenêtre contemplait l'immense forêt qui s'étendait jusqu'à l'horizon lointain. La ville de Belfast était enchanteresse et inquiétante. La nuit, se promener seul ou même en groupe dans une forêt était totalement inconscient, mais surtout dangereux. Des bandits de grands chemins s'y trouvaient et ne faisaient pas semblant pour terroriser les pauvres humains. Évidemment, ces bandits n'étaient autres que des vampires marginaux, persuadés d'être dans leur droit le plus total. La famille avait beau les trouver, les condamner, les exécuter... d'autres apparaissaient subitement. Ils étaient comme des parasites qui ne faisaient que se multiplier. Cependant, ces temps-ci, cela s'était un peu calmé. Peut-être parce que maintenant, Jézabel était autorisée à prendre des décisions concernant les affaires d'état. Et elle n'y allait pas avec le dos de la cuillère. Impassible, justicière et tranchante, elle laissait peu de vampires libres. La plupart du temps, elle les condamnait et même si les exécutions n'était pas une partie de plaisir, elle le faisait quand même. C'était son devoir et même si elle n'était pas d'humeur à tuer, elle le faisait sans rechigner. Quoi que vous puissiez dire, quoi que vous puissiez faire, Jézabel fera toujours son devoir. Sa raison la domine, son cœur n'a pas de place dans sa vie. Toujours élevée à faire ce qu'on lui demandait, elle n'a jamais jugé bon de se rebeller ou de faire ce qu'elle voulait. Contrairement à son frère Jewel qui avait tendance à braver l'autorité de leur parent. La jeune femme observait souvent ces scènes avec scepticisme, se demandant bien ce qui pouvait se passer dans l'esprit de son cher frère, sachant pertinemment que c'était peine perdue de vouloir les défier. Il fallait simplement accepter la fatalité comme Jézabel le faisait toujours depuis sa naissance.

Un de ses esclaves frappa à la porte avant d'y pénétrer avec l'autorisation de sa maîtresse. Elle se leva donc, restant devant sa fenêtre, attendant patiemment qu'il s'avance vers elle. Oui, en aucun cas elle s'autorisait à faire le premier pas. Ses esclaves devaient la respecter comme on doit respecter le protocole à la lettre ! Le moindre écart de conduite était personnellement punie par la jeune femme. « C'est l'heure Mademoiselle Harrington... votre père vous attend. » disait-il la tête baisée. Elle le fixait d'un regard morne avant de le congédier d'un geste de la main. Elle n'avait aucune envie de lui adresser la parole, même s'il ne lui avait rien fait, elle n'était pas d'humeur à parler. Alors que son esclave était parti, Jézabel se dirigeait vers sa chambre pour prendre son arbalète, son arc et ses flèches. Habillée en homme – ce qui était un sacrilège à cette époque ! Sachez que l'histoire se déroule au XIIIème siècle – la jeune femme s'armait pour sortir rejoindre son père. En effet, il était l'heure de l'entraînement, d'aller « chasser » le gibier. La jeune femme n'aurait eu aucun droit à pouvoir se promener dans un tel accoutrement et même à apprendre le tir à l'arc. C'est son père qui lui a posé une question un jour. Elle se souvient qu'il lui avait demandé ce qu'elle désirait le plus. Il lui autoriserait cette seule et unique chose. Immédiatement, faisant semblant de réfléchir, Jézabel déclara « Prendre les armes, père... » Ce dernier l'a regardait avec de grands yeux surpris, presque outré par une telle demande « En es-tu sûre ma fille ? Cela n'est pas... » commençait-il a dire avant que la jeune femme lui coupa la parole en levant la main en signe d'arrêt « Tu m'as bien demandé ce que je voulais ? Non ? Et bien, ce que je veux est simple... prendre les armes et me battre ! Tu me le dois... » finissait-elle par déclarer en fixant son père avec aplomb, le regard conquérant. Intérieurement, elle appréhendait sa réponse, mais elle savait très bien qu'il n'avait une seule parole, il lui avait promis ! Son père mit du temps à donner sa réponse, l'air perplexe par le comportement de sa fille. Jamais elle n'avait exprimé un tel souhait... d'ailleurs, elle n'avait jamais exprimé quoi que ce soit, ses moindres envies, ses moindres désirs, elle les gardait pour elle et les étouffait. « Bien... si tel est ton souhait... » lâche enfin le paternel après de longues minutes. Au fond d'elle-même, elle sentait une certaine joie, la satisfaction nouvelle d'avoir réussi à obtenir quelque chose. Ne montrant cependant rien, elle savait pertinemment que ce n'était qu'une goutte d'eau dans l'immensité de l'océan. C'était comme une miette de pain, un grain de sable qui n'avait aucune conséquence sur sa vie. Elle n'allait plus rien obtenir de la part de son père avant des siècles ! Parfois, elle avait l'impression d'être la petite fille qui suppliait son père de lui acheter une jouet. Le pire, c'est qu'elle était toujours restée cette petite docile, sans problème qui écoutait son père si naïvement. Elle acquiesça donc de la tête en signe de consentement et de remerciement. Au moins, c'était cela de gagné...

De nouveau dans l'instant présent, Jézabel retrouva son père à l'orée de la forêt de Belfast. Tout deux, se lançant en même temps un regard assuré, pénétrèrent dans la sombre végétation de la forêt au clair de lune. Arc en main, munition derrière le dos, Jézabel avançait doucement à pas de loup. Elle ne marchait pas, elle flottait. Elle ne tremblait pas, elle était conquérante. Elle ne se cachait pas, elle cherchait. Tout ses sens étaient en éveil et elle ne cherchait qu'une seule et unique chose : la proie qui lui ferait resurgir cette femme qu'elle ne pensait pas être. Une inconnue qui s'était tapie dans l'ombre et avait jailli dans une danse flamboyante à la surface sans crier et gard. Jézabel ne se pensait pas capable de ressentir autre chose que la monotonie de son âme. Oui, elle ne savait pas qu'une autre facette de sa personnalité tentait en vain de s'exprimer. Elle ne savait pas comment cela se passait, ce qu'il fallait faire pour la retrouver, mais la jeune femme testait. Cela faisait plusieurs temps qu'elle tentait de retrouver cette inconnue pourtant si familière. Au fin fond de son âme, elle pouvait sentir qu'elle était une autre personne, du moins, elle pouvait le devenir... mais fallait-il encore réussir... Elle savait que cette facette s'exprimait quand elle chassait, du moins, cela s'était produit la première fois en pleine forêt. Elle avait donc tenté de retrouver ce sentiment, sans aucun espoir. Les nuits passèrent à la vitesse d'un cheval au galop sans aucun résultat. Ce soir, elle tentait de nouveau de retrouver cette personne imaginaire. Le temps passa et Jézabel s'entraîna à tirer à l'arc, à l’arbalète, touchant toutes les cibles avec facilité. Son père était impressionné, mais aussi fière de sa fille, cependant, il ne lui montrait pas. Restant impassible, il ordonnait de nouveau à sa fille de recommencer jusqu'à temps qu'il juge que le coup sera parfait ! Jézabel restait donc impassible à son tour, ne voulant pas lui donner la joie de la moindre parcelle d'émotion sur son visage. Mais au fond, elle bouillonnait. Elle savait qu'elle était douée, même très douée ! Elle savait qu'elle maniait l'arc et l'épée comme on maniait une brosse à cheveux ! Elle savait qu'elle était prête depuis des années à prendre les armes pour se battre ! Mais cela, ce n'était pas dans les devoirs d'une future reine, non, sa place était de rester sagement assise sur le trône et de commander à distance ! Ce qu'elle désirait était de monter sur un cheval et de partir au galop en direction d'un mur de chevaliers ennemis. Monter au front et sentir l’adrénaline - façon de parler - lui donner des ailes.

Ainsi, Jézabel continuait à tirer des flèches une à une, sans mot dire, atteignant toujours ses cibles. Son paternel ordonnait encore de continuer, qu'il avait tout son temps. Impétueuse comme elle était, elle ne supportait pas, non, elle ne supportait plus que son père reste aussi indifférent à son talent ! Le faisait-il exprès d'ignorer ce don ou était-il tout simplement con ? Rien qu'à cette pensée, elle souriait intérieurement. Mais ce sentiment fût de courte durée parce que la colère assiégea son âme de toute part. Plus elle tirait une flèche, plus la colère progressait d'une étape, montant lentement, douloureusement. Elle voulait exploser ! C'était bon ! La femme qu'elle avait au fond d'elle-même tentait de s'exprimer, de prendre le pouvoir sur elle et de faire siéger sur le trône le cœur que la raison ! Elle le sentait, en avait peur, mais le désirait. Elle voulait voir, apprendre, comprendre ce qui allait se passer. La colère montait, les mouvements de la jeune femme devenaient moins fluides, plus durs, plus secs. Le visage crispé, elle retenait d'ouvrir la bouche pour hurler. Les flèches continuaient à valser dans les airs et l'heure de la révolte était imminente ! Mais la colère intense fût annihilée par les mots de son père, brisant ainsi le silence « C'est tout pour aujourd'hui... t'as fait ton travail... » finissait-il par dire, sans plus. Il pris donc ses affaires, monta sur son cheval avant de la laisser seule « Rentre au château, je t'y attendrais. »
Jézabel fixait son père s'éloigner du lieu de l'entraînement. Le regard dans le vague, elle avait envie de pleurer, mais aucune larme ne montait pour imbiber ses yeux. Aucun sentiment, elle ne ressentait rien à part le vide sidérale d'une âme en perdition. La voix de son père avait suffit à faire fuir la femme qui s'apprêtait à faire son entrée en scène. Une immense amertume mordit le cœur de la jeune femme. Elle était à deux doigts d'ouvrir la porte, de libérer cette chose qui se cachait dans l'ombre. Hélas, il ne se produit rien, laissant place à la jeune femme qu'elle a toujours été : froide, dure, presque insensible. La jeune femme tourna la tête, une fois à gauche regardant au loin le sommet de l'immense château et tournant la tête à droite pour contempler l'immensité de la forêt qui s'ouvrait à elle. Que devait-elle faire ? Rentrer ou fuir ? Elle le savait déjà au fond d'elle-même... elle allait rentrer sagement tel un pantin articulé, une marionnette. Elle n'avait aucun regret, aucune envie, aucun désir de partir. Non, elle ne ressentait rien et la monotonie repris son cour ainsi que la raison repris sa place. Elle pris donc les armes avant de monter sur son cheval noir pour se diriger vers le Château. Comme si rien ne s'était passé, elle redevenait la Jézabel originel.






XVIIème – 1642



La soirée avait l'air de se dérouler à la perfection. Une soirée organisée en l'honneur de la Communauté Vampirique. Cette année, elle était organisée par la famille Harrington et tout avait été préparé des mois à l'avance pour être enfin près le jour J. Cela consistait à accueillir tous les plus grands vampires des différents royaumes de ce monde. Une façon de se montrer et de se faire bien voir. Un moyen de montrer aux yeux de tous sa puissance et sa richesse. Ce que fit la famille Harrington dans une joie quasiment jouissive. Rien que les expressions des invités qui affichaient la surprise, l'étonnement et même l'émerveillement suffisait pour que la famille se considère supérieure aux autres ! C'était dans leur nature et ce n'était surtout pas la modestie qui les étouffait ! C'était donc une soirée entre vampires de sang royal. L'Italie, la France, les États-Unis, la Chine, la Roumanie... Bref, toute la royauté était présente. Au milieu de la piste de danse, se trouvait la très belle jeune femme au doux nom de Jézabel. Elle dansait au bras d'un Sultan Arabe que son père avait conseillé à sa fille. En plein milieu du XVIIème siècle, elle était habillée d'une robe digne de cette époque. D'une couleur d'un blanc immaculé se mêlait de la dentelle noire et rouge, des volants et autres étoffes chatoyantes. Coiffée telle qu'une reine de France, elle dansait avec légèreté sur la piste de danse. La soirée ressemblait plus à un bal qu'à autre chose. Calvin, son père, avait conseillé sa fille de se rapprocher du Sultan arabe, Si Abdellah Glaoui, un homme riche et dont l'avenir ne pouvait que lui réserver de bonnes surprises. Calvin pensait qu'il pouvait être un bon parti. C'est ainsi qu'il en toucha quelques mots à sa fille. Cette dernière, comme à son habitude, acquiesça de la tête en signe de consentement. Cela ne lui faisait ni chaud, ni froid. Qu'il lui trouve un futur époux à deux pas de chez elle ou dans le fin fond de l'Afrique, elle n'en avait que faire. Elle allait quand même épouser le premier venu, tel était son devoir, tel était sa vie. Et puis, cela ne l'empêcherait pas d'avoir des amants avant, pendant et après. Dans les bras du Sultan, elle se laissait emportait sur la musique classique, feintant le désir d'en apprendre un peu plus sur son cavalier. La soirée lui paraissait longue et fatigante, même si la fatigue, elle ne connaissait pas. Le Sultan ne lui faisait que des compliments depuis le début de la valse. Il complimentait sa beauté, son agilité, son intelligence, son éloquence, ses talents de danseuse sans oublier d'émettre qu'elle était la plus belle jeune femme de la soirée. Si Jézabel avait été l'une de ces femmes naïves et intéressées, elle se serait vite fait prendre dans les filets, mais ce n'était pas le cas et la seule chose qu'elle souhaitait était de se défaire de cet inconnu. Il avait beau être un Sultan, il n'en restait pas moins un vampire comme les autres.

Alors que la lassitude l'a gagnait et commençait à s'afficher sur son visage, la voix suave d'un homme s'adressa au couple de danseurs « Permettez que je me délecte de cette si jolie femme pour la prochaine danse ? » Jézabel étira un long sourire sur ses lèvres. Ô qu'il était rare de la voir sourire ainsi ! Un sourire sincère et empreint de joie. Oui, la jeune femme venait d'entendre la voix de son si cher et tendre frère, Jewel. Elle se détacha donc aussitôt du Sultan Si Abdellah sans attendre une réponse positive de ce dernier. Alors qu'elle prenait la main de son frère dans la sienne, Si Abdellah acquiesça de la tête et quitta la piste de danse pour les laisser seul. Jewel emmena alors sa sœur un peu plus loin, au milieu de la piste pour l'entraîner dans un slow. Ils se regardèrent tout les dents avec tendresse, dansant et battant à la même unissons. Il n'était pas jumeaux pour rien. « Comment va donc ma très chère sœur ? Tu t'amuses bien avec ce... comment s'appelle-t-il déjà ? Abdellah ? » lui adressait-il la parole d'une humeur joueuse. Il la taquinait, l'embêtait dès qu'il en avait l'occasion. Rien n'était de bien méchant et chaque occasion était une opportunité pour se moquer de sa sœur. « Si Abdellah... il se nomme Si Abdellah Glaoui, mon frère. » répondait-elle d'un air calme « Sache que je vais mieux depuis que tu es venu me sauver de cet infâme Pacha ! » lançait-elle en riant de bon cœur. Rare était ces moments là, il n'y avait que Jewel qui avait le droit de profiter du côté tendre et loufoque de sa sœur. Rares étaient les fois où elle s'affichait ainsi devant les autres. Au fond, Jézabel était une femme mordante et passionnée et cela, Jewel le savait très bien. « Je me disais aussi... vu ta tête, on se saurait cru à un enterrement ! » Il riait de bon cœur à son tour. « Ayant pitié de toi, je me sentais donc obligé de venir te porter secours tel un chevalier servant ! » finissait-il par dire en entraînant sa sœur dans un tour rapide sur elle-même avant de reprendre le contrôle et de la plaquer contre lui. Jézabel riait, prenant plaisir à se retrouver en présence de son frère. « Tu es trop aimable Jewel ! » lançait-elle faussement reconnaissante « Et toi alors ? Comment vont tes prétendantes et toutes ces jeunes demoiselles émoustillées rien qu'en te voyant entrer dans une pièce ? » A son tour, elle se moquait de lui, insinuant au passage qu'il était un Don Juan entourée d'une cours de donzelles. Il fit semblant de reprendre son sérieux, se mettant droit comme un I, tenant fermement sa sœur et la faisant basculer en arrière sur le côté – comme dans les films – il déclara « Je ne vois pas de quoi tu parles... mais sache que ma cours se porte à merveilles ! » Il la fit remonter rapidement après ses dires pour se remettre en place. La complicité qu'ils partageaient venait de s'interrompre soudainement. Calvin, le paternel, venait voir ses deux enfants « Ma douce Jézabel... » Il déposa un baiser sur le front de cette dernière entourant le haut de ses épaules de ses mains. « J'ai quelqu'un à te présenter, beaucoup mieux que le Sultan arabe d'une contrée dont je ne connais même pas le nom ! » lançait-il en riant de son propre humour. Jewel et Jézabel se regardèrent sans mot dire. Jewel encourageant sa jeune sœur à continuer à tenir le coup et cette dernière, en lui lançant un regard quelque peu désespéré. Elle commençait vraiment à se lasser de cette soirée ! Elle avait vraiment l'impression qu'elle avait été organisée simplement pour lui trouver un époux ! Elle inspira lentement pour rester calme avant d'expirer en ouvrant de nouveau les yeux. Jewel déposa un baiser sur le front de sa sœur avant de la laisser partir suivre leur paternel.

Au bout d'une poignée de secondes, ils arrivèrent pour se positionner derrière l'inconnu que son père voulait lui présenter. Jézabel observa l'homme de dos. Il était grand et son costume était joliment ornés de dentelles et de fils d'or. Il avait bon goût et devait sûrement être un bon parti. De toute façon, même si son père de démenait pour lui trouver un époux, elle savait pertinemment qu'il ne lui présenterait jamais un pauvre ! Il était avare comme pas possible. « Je vous présente ma fille Jézabel ! » déclara-t-il en s'adressant à l'inconnu. Au moment où ce dernier se retourna pour faire fasse au père et à la jeune femme, Calvin repris « Voici donc l'Empereur d'Amérique, Cesar Bridgestone ! Je pense que tu en as déjà entendu parlé ? Je vous laisse entre vous, bonne soirée ! » finissait-il de dire en poussant légèrement sa fille près de l'inconnu qui portait désormais le nom de Cesar. Bien sûr qu'elle connaissait la famille Bridgestone, celle qui avait renversée la Roi Allan Levinson pour prendre le pouvoir. Le Royaume-Uni avait été l'un de leurs alliés et avait soutenu la famille en envoyant des munitions et même des soldats. Cela serait trop long à expliquer, mais sachez que les deux pays sont alliés depuis des siècles et qu'il était donc évident aux yeux de Calvin qu'il y ait une sorte de rapprochement. Jézabel observait donc l'homme qui se présentait à elle. Même si elle connaissait la famille, elle ne les avait jamais vu physiquement parlant. Elle resta quelque peu surprise par la prestance de ce dernier. Il était grand, charismatique. Brun aux yeux bleus, ils avaient quasiment le même style de physique. Tout aussi brune et les yeux couleurs saphirs, sa mâchoire était légèrement carrée et son visage était atypique. Tout comme Cesar, quoique il avait les traits du visage plus prononcés. Ils auraient pu être jumeaux. En réalité, elle était surprise de se trouver en présence d'un si bel homme. La – presque – ressemblance physique ne rentrait pas forcément en compte. Alors qu'elle restait figée à le fixer dans les yeux, l'air surprise, Cesar pris l'initiative de briser l'espace qui les séparait. Il lui déposa délicatement un baiser sur sa main comme l'exigeait les convenances. Il la fixait à son tour dans les yeux, un sourire au coin des lèvres. « Enchanté de faire votre connaissance Princesse Jézabel... Votre père n'avait pas tort vous concernant, vous êtes vraiment d'une beauté à couper le souffle. » Il avait entamé la discussion d'une voix suave, empêchant maintenant Jézabel de ne pas répondre en retour. « Enchanté de même... Que pensez-vous de la soirée ? » Ne sachant quoi dire, elle ajouta hâtivement « Je ne vous voyais pas ainsi... enfin, aussi grand... » La jeune femme se tu quelques instants, se rendant bien compte qu'elle disait n'importe quoi. Plus sous l'effet de surprise que sous l'effet du charme Bridgestone, Jézabel se sentait beaucoup plus gênée qu'en présence du Sultan Arabe. « Je n'ai jamais vu une soirée aussi réussie, hormis les nôtres, évidemment. » répondait-il sur le ton de l'humour. Il lui tendait alors une flûte de champagne – devinez que le champagne était remplacé par du sang - qu'il attrapa sur un plateau en or. Elle posa délicatement ses lèvres sur le rebord du verre pour goûter au délicieux nectar. Du O négatif, pas forcément celui qu'elle aimait, mais cela fera l'affaire. Au même moment, une nouvelle musique se fit entendre et comme si cela était naturel, Cesar proposa son bras à la jeune femme « Allons faire connaissance sur la piste de danse. » Jézabel pris le bras de ce dernier en déposant son verre sur une table. Elle allait maintenant accorder une danse à un nouvel homme...






XIXème - 1812



Les deux jumeaux se trouvaient dans l'immense salon du château style Moyen-Age. Ils n'avaient presque pas changés de décoration, tout du moins, ce salon du château était resté tel qu'il était au départ. La plupart des pièces avaient été redécorées ou tout simplement, ils avaient rajoutés des objets en plus. Ce qui donnait un mélange de style, de cultures différentes. Se promener de pièce en pièce pouvait devenir un drôle de dépaysement. Donc en ce moment, les deux jumeaux se trouvaient dans l'un des plus vieux salons du château. Jewel lisait un livre, dos collé à la chaise, pieds posés sur la longue table du salon. Quant à Jézabel, elle se trouvait elle-même assise, pieds sur la table, à l'autre bout de cette dernière, à l'opposé de son frère. Elle jouait avec une balle qui rebondissait. Dans un mouvement las, elle envoyait la balle contre le mur avant que cette dernière revienne précisément dans sa main sans qu'elle fasse le moindre effort. Calculant parfaitement la trajectoire, elle avait à peine besoin de bouger le poignet pour l'attraper. Et cette scène se déroulait ainsi depuis le début de la soirée. Il allait bientôt être minuit et Jézabel s'ennuyait fermement, elle ne savait pas quoi faire, ni quoi dire. Son frère était absorbé par son livre – quoique, elle le soupçonnait de faire semblant, il devait aussi s'ennuyer, alors au lieu de regarder le plafond, il tentait en vain de lire -, tandis qu'elle tentait de trouver une occupation. C'est alors qu'un de ses esclaves se tenait debout, près de la porte d'entrée. Se trouvait aussi un esclave de Jewel qui était assit à ses côtés et tenait sur ses genoux une tonne de livres. Cela devait peser lourd pour un humain... Jézabel fit donc signe à son esclave de venir la voir. Ce dernier s'exécuta en s'approchant doucement. La jeune femme lança alors la balle à l'autre bout de la pièce « Va chercher ! » ordonna-t-elle d'une voix morne. Oui, elle avait soudainement envie de s'amuser un peu et n'ayant pas de chien sous la main, elle prendrait donc son esclave. Elle faisait parfois preuve d'un certain sadisme et de cruauté quand elle s'y mettait. L'esclave n'avait pas le choix que d’obéir. Il se hâta donc d'aller chercher la balle pour lui ramener. Il se prosternait devant elle en lui tendant la balle. Jézabel repris cette dernière et la lança de nouveau. Ce petit manège se répéta trois fois avant que Jewel s'adresse à sa sœur « Ma chère sœur... tu n'as rien d'autre à faire que ça ? » demandait-il toujours le nez plongé dans son livre. « Non, je m'ennuie tellement que la scène qui se présente sous mes yeux m'a l'air plus attractive ! » répondit-elle en lançant de nouveau la balle. Jewel laissa échapper un petit rire, gardant sur ses lèvres ce fameux sourire en coin. Sa sœur la faisait rire, elle était bien étrange. Jézabel pris alors de nouveau la balle avant de diriger son regard vers l'une des fenêtres ouvertes. Elle faisait des aller-retours entre la fenêtre et son esclave, sentant le jaillissement d'une soudaine idée qu'elle trouvait lumineuse ! Elle afficha doucement un sourire malicieux qui ne présageait rien de bon pour l'esclave. D'un geste plus énergique, elle lança la balle vers la fenêtre. La fameuse balle fut projetée à l'extérieur du salon, tombant sans ménagement dans une mare d'eau. Oui, vous ne rêvez pas, la jeune femme venait de lancer la balle dehors ! Elle tourna alors son regard vers son esclave, un sourire satisfait aux lèvres. « Va chercher ! » lançait-elle quelque peu sadique. L'esclave ne disait pas un mot, ne bougeait même pas d'un pouce. Il restait là, figé tout en fixant sa maîtresse, ne savant quoi faire. Jézabel insista alors en affichant cette expression d'insistance, du genre Mais que fais-tu ? Va chercher la balle ! T'es débile ou quoi? Voilà ce qu'elle exprimait à travers son visage. L'esclave s'approcha donc doucement de la fenêtre, jeta un petit coup d’œil à l'extérieur. Il se demandait si elle était sérieuse. « Tu sautes ou j'te bouffe ! » Au moins là, elle espérait qu'elle avait été clair ! L'esclave déglutissait avec difficulté avant d'escalader le bord de la fenêtre. Jewel cessa de lire et tout en fermant le livre, il tourna la tête en direction de l'esclave « Tu comptes vraiment sauter mon gars ?! » Il voulait répondre, mais ne pouvait pas. Jewel tourna la tête alors vers sa sœur « Tu comptes vraiment le laisser sauter ?! T'es vraiment tarée ! » lançait-il en secouant la tête avant de se lever de sa chaise pour aller ranger le livre dans la bibliothèque. Au passage, il s'approcha de sa sœur pour lui déposer un baiser sur son front avant de prononcer amusé « Mais c'est pour ça que je t'aime... » D'un geste tendre, elle lui serra la main qu'il avait posé sur l'accoudoir de la chaise, lui souriant légèrement. Quand son regard se déposa de nouveau sur l'esclave, elle sortie de son moment de tendresse pour redevenir aussi cinglée « Je devrais peut-être le pousser, non ? » demanda-t-elle avant d'éclater de rire. L'esclave était définitivement perdu et apeuré. « C'est bon, tu peux descendre de la fenêtre, je ne veux pas que tu salisses la mare à canard ! » A son tour, ce fut Jewel qui éclata de rire. Oui, elle était excellente quand elle s'y mettait, sans compter le fait qu'il aimait voir sa sœur ainsi que fermée et torturée.

Au même moment, Calvin le paternel entra dans la pièce « Je dois vous parler les enfants. » Il avait l'air calme, mais en même tant joyeux. Les deux jumeaux se regardaient pas très rassurés. Ils se demandaient encore ce que leur père avait bien pu leur préparer. Ils se levèrent donc tous les deux, Jézabel attrapa la main de son frère au passage. Ils marchèrent donc tout les trois jusqu'au bureau de leur père. L'intéressé s'installa dans son fauteuil en cuir, en faisant signe de la main à ses enfants de s'asseoir sur les fauteuils en velours couleur émeraude. Le bureau était en bois de chêne et plusieurs objets quelques peu vieillots traînaient sur ce dernier. Les jumeaux prirent donc place dans les fauteuils. Jézabel croisa les jambes ainsi que les bras sous sa poitrine tandis que Jewel posa sa cheville sur son genou, à demi-croisé, alors qu'il posait son coude sur l'accoudoir, tenant sa tête dans sa main. Ils avaient l'air enchantés d'être ici, c'était flagrant ! Il pris une grande inspiration, commençant à devenir de plus en plus joyeux. « J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer mes enfants ! » Les jumeaux se jetèrent un coup d’œil, sceptiques, sans mot dire. « Je vous annonce que vous êtes officiellement fiancés ! » déclara-t-il en poussant un « Aaah |/i]» du genre « J'vous ai eu ! » Jézabel resta figée sur place, surprise par cette nouvelle. Elle savait très bien que son père cherchait un époux, mais en aucun cas elle aurait pensé qu'il puisse la fiancer avec une personne dont elle ne savait même pas qui c'était, mais surtout ! Pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Pour faire la surprise ? Et bien elle était réussit, il n'y a qu'à voir la tête de Jézabel, mais surtout celle de Jewel. Alors que cette dernière, même surprise, tentait de rester impassible, son jumeau n'avait pas l'air de prendre si bien la nouvelle. Il avait ouvert la bouche en grand, visiblement choqué par cette annonce fracassante ! Lui qui croyait être à l'abri du mariage, il s'était mis le doigt dans l’œil ! Il pensait pouvoir courtiser encore les femmes sans problème, mais c'était peine perdue. « Devinez qui sont les heureux élus ? » rajoutait de nouveau une couche le paternel. Personne ne réagissait, probablement l'effet du choc. « Jézabel, je t'ai trouvé un digne époux ! Il s'agit de l'Empereur Cesar Bridgestone. » A cet instant, elle levait légèrement son arcade sourcilière, sceptique. Il voulait faire un remake de Kate et William version vampirique ?! « Quant à toi Jewel, ce sera avec la sublime Serena, l'italienne ! » finissait-il de dire en applaudissant dans ses mains pour féliciter les heureux élus. Il fondait tout ses espoirs sur cette union. Sympa... les jumeaux avaient l'air vraiment euphoriques à cet instant. Alors que Jewel allait revendiquer, sa sœur fit barrage en se redressant d'un bon, en regardant tour à tour son père et son frère en parlant « Cela est parfait, nous acceptons avec honneur ces mariages arrangés pour le bien de notre royaume. Tu as su choisir avec soin père, nous deux nous te remercions... » disait-elle d'une éloquence mesurée, calme. Elle tira alors Jewel par le bras pour le mener hors du bureau. Après avoir marché un long moment – assez pour que Calvin n'entende rien -  Jézabel fit volte-face à son frère, quelque peu énervée « Bon... on n'a pas le choix de toute façon... je suis bien tombée après tout, Cesar est un homme charmant, j'aurais très bien pus tomber sur Si Abdellah ! » lançait-elle en poussant un soupir agacé. « Je ne veux pas me marier ! » répliquait Jewel encore sous le choc de l'annonce. Jézabel pris alors la tête de Jewel entre ses mains pour y plonger son regard bleu perçant dans le sien « Ecoute-moi... tout va bien se passer... » « Non, rien ne va pas bien se passer, je ne la connais même pas l'italienne ! » répliquait-il quelque peu angoissé. Sa sœur pouvait sentir qu'il était inquiet et appréhendé ce mariage « Je la connais Serena et je peux te dire que tout va bien se passer ! Elle sera à ton goût, j'en suis sûre... elle est majestueuse, sympa, une princesse quoi ! » finissait-elle par dire sans vraiment savoir si cela allait le rassurer. Jewel acquiesça de la tête, prenant des deux mains les deux poignets de sa sœur qui lui tenaient encore la tête. Il les enleva pour fermer les mains de sa sœur et fermer les siennes par dessus, serrant avec douceur et fermeté ces dernières. « Heureusement que tu es là... » lâcha-t-il dans un souffle. La jeune femme lui adressa un fin sourire tendre. Ils étaient maintenant dans le même bateau.








AUJOURD'HUI - 2012



Les voitures filait vers le nord, Jézabel somnolait. Le ciel bleu devenait gris, la route traversait chemins sinueux et rocailleux, longeait les arbres épais de la jungle dont l'ombre oppressait. La nuit tombait lorsque le cortège pénètra dans l'enceinte du Palais. Jézabel découvrit de hautes maisons dont se mêlaient avec subtilité le passé et le présent, des rues larges où circulaient des voitures automobiles ou tirées par des chevaux. Une multitude de piétons vont et viennent. La jeune femme, cessant de contempler l'extérieur, tourna son regard vers son frère qui se trouvait à ses côtés. Il n'avait pas dit un mot de toute la journée. Les jumeaux ainsi que tous le cortège étaient arrivés tôt le matin et avaient voyagé sur l'île en pleine journée. Des draps noirs épais camouflaient toute la voiture, empêchant le moindre rayon de soleil de pénétrer à l'intérieur. Ainsi, à l'abri, ils n'avaient de crainte de se faire rôtir et si cela avait été le cas, les jumeaux auraient mis plusieurs heures avant de bien fondre au soleil ! Seuls les chauffeurs étaient humains, ce qui était pratique pour voir la route. Le visage de Jewel était impassible, fermé. Le regard dans le vague alors qu'il se permettait de regarder sous les draps noirs, il ne put s'empêcher de laisser échapper un soupir las. Sa jeune sœur posa donc délicatement sa main sur la sienne, devinant bien qu'il n'était pas enthousiaste à l'idée de venir ici. « Tout va bien se passer... ce n'est qu'une formalité... » disait-elle doucement pour le rassurer. Sa voix se voulait mélodieuse, douce, apaisante. Il n'y avait rien de plus rassurant que la voix familière d'une personne qu'on aimait. Jewel, après une poignée de secondes, daigna enfin tourner la tête vers sa jeune sœur « Si tu le dis... » lâchait-il d'une voix morne. Soudainement, la voix du chauffeur se fit entendre dans la voiture, montrant du doigt « Le Palais des Brigestone ! » Oui, le Palais s'offrait à eux et il était impossible de l'ignorer dans le paysage. Grand, imposant, majestueux, le Palais était un rempart contre les attaques ennemis et une résidence pour tous les vampires qui y habitaient. Jézabel souriait intérieurement. Elle faisait la comparaison entre son Château de Belfast et le Palais d'Heartkiller. Tout deux impressionnants, on pouvait déjà constater quelques différences. Comme l'allure extérieure et la forme.

La voiture ralentit dans une large avenue. Tirés par quatre chevaux, un fourgon livrait à un restaurant d'imposants pains de glaces. La nuit tombait. L'un après l'autre, les réverbères sont allumés par un petit homme vêtu de gris. Les jumeaux sortirent de la voiture, se faisant escorter par leurs domestiques et leurs esclaves. Cependant, l'Intendant du Palais – qui semblait jeune et assez maigrichon – expliqua que les jumeaux devaient se rendre à des endroits différents, selon ce qui a été convenu par l'Empereur. Jézabel acquiesça de la tête alors que Jewel lâcha un soupir exaspéré « Ils vont encore nous pourrir la vie jusqu'au quand ?! » lâchait-il énervé. « Calme-toi Jewel ! Ca ne sert à rien de s'énerver... S'ils nous séparent, c'est pour une bonne raison... Le Bal est prévu pour cette nuit, on se reverra là-bas... » Toujours les mots pour rassurer, réconforter, apaiser. Jézabel acceptait et encaissait tout et qu'importe si cela lui faisait mal, elle gardait tout pour elle pour souffrir en silence et montrer ainsi le bon exemple aux yeux de tous. Jewel était un rebelle, même s'il était discipliné et que l'éducation qu'il avait reçu reste quand même gravé en lui, il avait cette part un peu nonchalante qui le poussait parfois – voire souvent – à revendiquer les décisions de ses pairs. Tandis que pour Jézabel, elle ne disait rien. Elle acceptait la moindre nouvelle, la moindre décision avec fatalité comme si cela était une évidence. Pas étonnant que le paternel fonde tout ses espoirs en sa fille chérie !

Ainsi séparés, les jumeaux partirent chacun de leur côté, franchissant les nombreux couloirs un à un. Jézabel arrivait donc dans ses appartements. Au premier coup d’œil, cela était majestueux. Le salon meublés de canapés, fauteuils dorés, tapis épais, miroirs et tableaux. Deux chambres l'encadrent, l'une prolongée d'un boudoir tapissé de soie grège et meublé à la dernière mode. Tandis que les domestiques et esclaves sont conduits à leur étage, Jézabel pris possession de sa propre chambre, située à deux pas de celle de Cesar. Il fait maintenant nuit et seule la pleine lune éclaire l'île. La jeune femme s'approchait et se penchait par une fenêtre. Elle pouvait observer un amas de vampires se presser devant les immenses portes du Palais. Le Bal allait bientôt commencer et la jeune femme n'avait même pas encore revêtue sa robe. D'ailleurs, elle ne savait pas quoi se mettre, n'ayant pas forcément l'esprit occupée à cette tâche si futile. Rien ne ressemblait à ce qu'elle avait vu à Belfast, bruits, odeurs, promeneurs, tout était déconcertant. Elle se demandait où pouvait bien se trouver les appartements de son frère. Elle ira faire un tour dans le Palais pour tenter de repérer quelque chose.

Autour de la jeune femme, deux esclaves s’affairaient à vider les malles que l'on venait de livrer, pendaient caftans et robes, pliaient châle, voiles, bas de soie, chemises de nuit de crêpe de Chine, vêtements de hautes coutures, posaient sur la coiffeuse d'une des chambres les crèmes, les huiles et les parfums. A peine remises de leurs émotions – sûrement le long voyage qui les a fatigués ! - elles avaient des gestes imprécis, fermant et ouvrant les tiroirs des commodes, les portes des placards, laissant choir robes et lingeries. « Laissez-moi faire ! » ordonnait Jézabel sèchement « Et filez dans vos chambres. Je vous ferais monter un repas. Ne sortez sous aucun prétexte. Il y a dans les rues d'Heartkiller des bandits qui assassinent les étrangères ! » lançait-elle d'un air faussement sérieux, un sourire narquois sur les lèvres. Elle voulait volontairement leur faire peur, qu'elles partent rapidement de ses appartements. Elle ne voulait plus voir personne. A peine la porte refermée, Jézabel éclatait de rire. Elle trouvait ça si drôle ! Elle se dirigea alors vers son armoire pour sortir une robe noire dos nue, près du corps et ornée de diamants scintillants. S'habillant, se coiffant et se maquillant seule, elle n'avait vraiment besoin de personne pour se préparer. Du moins, ce soir, elle ne voulait pas que quelqu'un d'autre l'apprête. Enfin prête, elle se dirigea vers la porte avant de s'arrêter, main sur la poignée en or. Fallait-il attendre l'Empereur ? « Assurément pas ! » répondit-elle à elle-même. Elle n'allait pas attendre qu'il vienne la chercher pour la mettre à son bras  tel un trophée ! D'ailleurs, n'étant pas officiellement fiancés aux yeux de tous – même si cela dur depuis deux siècles – ils n'allaient pas s'afficher ensemble. Jézabel ne savait en aucun cas si Cesar allait annoncer ses fiançailles ce soir, ce qui l'étonnerait fortement. En effet, la soirée étant consacrée au Roi de Roumanie, Aleck Moldovan. Les deux pays devaient signer un traité de paix ou du moins, une sorte de réconciliation entre les deux continents. Cela serait donc une erreur de la part de l'Empereur s'il faisait une telle chose... même si elle ne le prenait pas pour un homme stupide, mais ne savait-on jamais... Enclenchant la poignet de la porte, elle franchit le seuil de cette dernière pour rejoindre la Grande Salle, là où était donnée la réception. Jézabel comptait venir au bras de son frère. Encore restait-il à le trouver...