12 janvier 1768, Londres.

J'avais neuf ans. J'avais neuf ans et j'étais très fier de moi. Mon petit frère était né quelques jours auparavant, à la maison, auprès de mes parents. Je n'aimais pas mon frère. Pourquoi mes parents avaient-ils eu besoin de faire un autre enfant? Ne leur suffisais-je pas? N'étais-je pas assez beau, assez amusant pour eux? Je faisais pourtant tout pour qu'ils m'aiment, pour qu'ils s'intéressent à moi mais depuis la naissance d'Isaac, il n'y en avait que pour lui. Mikhaèl. Qui signifie, en hébreu, " qui est comme Dieu". Non mais quelle prétention! Mes parents avaient beau être très religieux, ce n'était pas une raison! Mon nom à moi signifiait " Dieu se souvient". Et là, par contre , je suis d'accord. Je suis certain que si il existe, Dieu risque fortement de se souvenir de moi...
Tenant le sceau remplit d'eau à la main, je courus à travers toute la maison pour rejoindre ma mère. Je venais de nettoyer la cuisine, désobéissant à la bonne par la même occasion. Je voulais juste rendre service à ma mère, n'en avais-je pas le droit? Je voulais qu'elle soit fière de moi. Contrairement aux autres garçons de mon âge, ce n'était pas à mon père que je rêvais de ressembler mais bien à ma mère. Elle était pour moi l'exemple même de la sagesse et de la douceur. Elle était la seule à qui j'osais me confier, quand bien même elle ne me comprenait pas .
- Mère, venez voir! J'ai tout fait comme vous, j'ai tout nettoyé!
- Bon sang Zachary, que vas-tu faire de ta vie?! Comporte-toi comme un homme pour une fois!
Le grand sourire qui illuminait mon visage s'éteignit aussitôt que la voix bourrue de mon père se fit entendre. Voyant mon air attristé, ma mère soupira et serra mon petit frère entre ses bras.
- Nous sommes occupés, Zachary, cesse donc de nous déranger de la sorte pour des choses aussi futiles. Nous avons une bonne, ce n'est pas à toi de nettoyer. Et comme l'a si bien dit ton père, je te prie d'être un peu plus viril. Tu vas avoir 10 ans, enfin!
Je lâchai le sceau rempli d'eau et me mit à courir hors de la maison, aussi vite que je le pouvais. J'entendais les vociférations de mon père et les pleurs de ma mère. Ils m'en voulaient, je le savais, mais j'avais du mal à comprendre pourquoi. J'avais juste voulu rendre service, qu'ils me prêtent un peu d'attention pour une fois... Et voilà ce que je récoltais. Tout ça , c'était de sa faute à lui. A Mikhaèl. Si il n'était pas né, j'aurais eu mes parents pour moi tout seul. Maintenant c'était à peine si j'existais. Je le détestais.

29 septembre 1786, Londres.

18 ans étaient passés depuis la naissance de mon frère et ma haine envers lui n'avait cessé de s'accroître. Bien sûr, je devais me taire. Tout d'abord, parce que notre famille était l'une des plus connues de Londres et sans doute la plus riche. A la mort de mon grand-père, mon père avait hérité d'une grosse somme d'argent. Et depuis, nous étions comme des rois. Mes parents étaient sans cesse invités à des soirées et moi... J'allais bientôt me marier. Mes parents n'étaient pas encore au courant, et j'avais un peu peur de leur avouer mon amour pour Rosalyn. Je l'avais rencontrée lors d'une de ces soirées et j'en étais sous le charme. Je ne pensais qu'à elle. Ses cheveux blonds, ses yeux noisettes... Ils hantaient mes songes.

Décembre 1786, Londres

Je les ai tué. Tous. Mon frère, ma mère, mon père, et même Rosalyn. C'en était de trop pour moi, je ne pouvais plus les supporter. Quand j'ai annoncé à mes parents que je voulais épouser Rosalyn, savez-vous ce qu'il m'a répondu? Il m'a dit qu'elle était destinée à mon frère et qu'il l'épouserait dès le week-end suivant. Ce fut la goutte de trop. Rosalyn était à moi! Je ne voulais personne d'autre qu'elle! Mikhaèl m'avait tout enlevé, même l'héritage de mes parents. Je n'avais plus rien. J'ai donc décidé, la veilledu mariage, de prendre le fusil de chasse de mon père dans son bureau et... Ce fut un beau carnage. Il y avait du sang partout. C'était tellement... Merveilleux! Oui, c'est le mot. Merveilleux. Je me sentais enfin libre, soulagé, heureux. Plus besoin de penser à eux, plus besoin de haïr mon frère, plus besoin d'aimer Rosalyn. Je n'avais eu aucun regret à les tuer. A part pour ma mère, peut-être. Oui, avec elle ce fut plus difficile. Je l'avais vraiment aimée. Mais je ne pouvais me permettre de la laisser en vie, sans mon père et Mikhaèl elle aurait été anéantie. Et elle m'aurait sans doute détesté. Non. Je ne voulais pas lire la haine dans ses yeux, je voulais qu'elle meure en m'aimant, encore et encore, moi, son fils. Je lui ai donc tiré une balle dans la tête, afin que ce soit plus rapide et qu'elle n'agonise pas. Je ne voulais pas qu'elle souffre, ça m'aurait fait de la peine. Enfin soit! C'était du passé tout ça!
Mais maintenant que j'avais goûté aux joies du meurtre, je ne pouvais plus m'en passer. Au départ, je pensais que c'était juste passager, que ça allait passer. Or l'envie me démangeait un peu plus chaque jour, et je finis par succomber...

Mai 1787, Londres.

Il y a des gens qui sont nés avec un don pour le dessin ou la peinture. Eh bien moi, je suis né avec un don pour le meurtre.

24 victimes. En 6 mois, j'avais fait 24 victimes. J'étais devenu le sérial killer le plus recherché d'Europe. Ce n'était pas ma faute, je ne pouvais plus m'arrêter. J'aimais tuer mais ce que je préférais le plus, c'était la souffrance. C'était devenu comme une drogue pour moi. Il fallait que je torture, que je fasse souffrir, le plus possible. Et après, j'étais bien obligé de tuer mes pauvres victimes. Ca ne m'aurait pas dérangé de les laisser en vie, mais je ne pouvais pas. C'était trop dangereux. Trop risqué. Je tenais à ma vie, tout de même. Je ne voulais pas être arrêté! C'était le pied, putain. Avec un peu d'entraînement, j'étais parvenu à tuer sans laisser aucune trace de mon passage. Et puis, la technologie n'existait pas à ce temps-là, j'étais tranquille. J'étais libre, heureux. J'étais moi-même et j'adorais ça. Jusqu'au jour où je l'ai rencontrée. Valentina.

C'était en avril dernier. J'en étais à ma 17 ème victime. Une jeune fille d'environ 18 ans, brune, belle. Je l'avais violée avant de la tuer. J'étais un monstre, je le savais pertinemment, mais c'était plus fort que moi.
J'essuyai mon couteau sur ma chemise et me relevai, avant de me retourner vers la porte pour quitter la pièce. Mais je n'étais pas seul. Elle était là, sur le seuil, m'observant avec un léger sourire aux lèvres. Elle avait l'air un peu plus âgée que ma victime, mais néanmoins beaucoup plus belle. Elle avait de longs cheveux bruns bouclés qui retombaient sur ses épaules, et ses yeux... Des yeux bleus à se damner. J'aurais pu l'admirer pendant des heures encore mais le temps me manquait. Elle avait été témoin de mon meurtre, je ne pouvais la laisser partir. Je m'avançai vers elle, mon poignard à la main, mais contre tout attente, elle me repoussa avec une force surhumaine. Je fus projeté contre le mur, à mon grand désespoir, presque incapable de me relever. Bon sang, mais qui était-elle? Comme si elle lisait dans mes pensées, elle se présenta, d'une voix calme mais joueuse:
- Je suis Valentina Blacksheep. Et vous êtes?
Ce fut donc ainsi que je fis la connaissance de Valentina. Une rencontre qui changea radicalement ma vie. En effet, elle ne tarda pas à m'avouer sa véritable nature: Un vampire. Ce fut difficile pour moi de l'accepter au départ mais je finis par m'y faire. Valentina était tout sauf un monstre. Elle était douce, adorable, innofensive. Elle ne tuait jamais d'humains, elle buvait de leur sang puis les hypnotisait, les forçant à tout oublier. Je trouvais ça... Fascinant. Mais ce n'était pas pour moi. Moi je tuais pour le plaisir et c'était nettement plus excitant! Sauf qu'en présence de Valentina, tout me semblait bien mieux. Elle était devenue un atout pour moi, une nouvelle arme de torture. Elle se nourrissait du sang de mes victimes avant que je ne les tue et... C'était l'éclate totale. Nous étions devenu un duo inséparable. J'en serais presque tombé amoureux. Presque.

13 mai 1789, Londres.
Mon heure était venue. J'allais mourir. La veille, Valentina était venue, me forçant à boire son sang. Elle répétait que ça allait me sauver, mais je n'y croyais pas vraiment. C'était idiot. J'étais condamné. Je marchais lentement, mes mains enchaînées devant moi, les gens hurlant des insultes à mon égard. Je tentais de garder mon calme, de rester tranquille mais c'était presque impossible. Comment aurais-je pu. Je m'arrêtai devant l'immense poutre en bois, et un homme tout en noir, masqué, fit passer la corde autour de mon cou. La foule était déchaînée, les gentils petits londoniens étaient ravis de voir la mort accourir vers moi. Moi, Zachary Connor Miller, le plus grand meurtrier que l'Angleterre ait connu. Ils étaient tous fiers d'avoir pu m'arrêter, de pouvoir me condamner, m'enlever la vie comme je l'avais fait pour tant d'autres personnes. Je fermai les yeux, avant d'être pousser hors de la parcelle. Là, ce fut le déluge. Les gens hurlaient, riaient et je me doutais qu'ils devaient tous m'observer pour la dernière fois de leur existence. Je ne parvenais plus à respirer, la corde empêchait l'air d'entrer dans mes poumons, j'étais foutu. Les yeux fermés, je pensai à elle. Valentina. Qu'est-ce qu'on s'était bien amusé, elle et moi... J'espérais lui manquer. Très fort. Au fond de moi, j'espérais qu'elle sortirait de chez elle en plein jour pour brûler et faire face à la mort afin de me rejoindre. Je voulais qu'elle meure avec moi.

14 mai 1789, Londres.
J'avais mal. Horriblement mal. La sensation d'avoir le corps en feu m'empêchait même de réfléchir. Assise sur le bord du lit, Valentina serrait ma main dans la sienne, tentant de m'apaiser. Or le résultat n'était guère ce qu'elle espérait...
- Valentina...
Elle sourit et caressa mon front, avant de me répondre de sa voix mélodieuse
- Oui, mon amour?
- Fous-moi la paix. Lâche-moi et dégage.
Je tournai la tête vers elle, l'air sévère. Elle avait un vrai don pour m'exaspérer! Je savais qu'elle m'aimait et qu'elle était vraiment amoureuse de moi, et cette certitude me permettait de faire de Valentina absolument tout ce que je voulais. Elle était à moi, elle m'appartenait entièrement. Elle se leva et quitta la pièce, faisant claquer la pièce. Je me retins de rire. Elle reviendrait dans moins d'une heure, j'en étais persuadé. Et j'avais raison, puisqu'elle revint peu après, une femme inconsciente dans les bras. Elle me tendit le poignet de cette dernière et le pressa contre mes lèvres glacées. Je ne me fis pas prier et sortis les crocs avant de vider la jeune demoiselle de son sang. C'était délicieux. Je ne m'étais jamais senti aussi bien. J'étais un vampire à présent. J'étais immortel. Je me sentais invincible, plus fort que tout, plus fort que Dieu lui-même.

Deux semaines plus tard.

- Reste. Je t'en prie, Zach', reste avec moi. Tu ne m'aimes plus, c'est ça?

Je détournai le regard et soupirai. Valentina serrait mes mains dans les siennes et me regardait avec ses yeux de biches. Non, je ne resterai pas. Non, je ne t'aime pas, espèce d'idiote. Je ne t'ai jamais aimé.

- Evidemment que je t'aime... Et tu devrais le savoir, depuis le temps!
J'ai juste besoin de faire une pause, tu comprends?
La vérité était que je n'avais plus besoin d'elle. On s'était bien éclaté elle et moi, mais c'était terminé à présent. Elle m'avait offert l'immortalité, je lui en étais bien reconnaissant, mais c'est tout. Il n'y aurait jamais plus de "Je t'aime", il n'y avait pas de "nous" possible. Oh, bien sûr, je tenais tout de même à elle. Elle était la plus belle femme qu'il m'ait été donné de rencontrer et si je devais éprouver de l'amour pour quelqu'un, ce serait sans nul doute pour elle. Sauf que je n'étais pas ce type d'homme.

- Tu reviendras...?

- Je te le promets.

Je déposai un baiser sur les lèvres puis partis, dans la nuit noire.


Juillet 2012.

Je ne suis jamais revenu à Londres. Je sais qu'elle m'a sans doute attendu très longtemps, et je ne serais pas étonné d'apprendre qu'elle m'attends encore. C'est ce que j'aime chez Valentina. Elle est folle de moi. Elle m'aime tellement, elle serait prête à tout pour moi. Bon, je dois avouer qu'elle me manque parfois un peu mais je m'en sors très bien sans elle. J'ai quitté l'Europe en décembre 1789 pour me rendre sur l'île d'Heartkiller. J'avais entendu parler de ce lieu et j'avais bien envie de le découvrir. Quand j'y suis arrivé, l'île était dirigée par Allan Levinson, le maître des vampires d'Amérique. Et quelques années plus tard, une guerre éclata. J'ai rejoint ces rebelles car, je dois l'avouer, ce roi m'effrayait un peu. Il tuait humains et vampires sans faire aucune différence, comme si nous étions de la même espèce. Il se prenait pour qui, non mais oh! Enfin soit! Les Bridgestone ressortirent vainqueurs de cette guerre sans merci et depuis lors, je leur ai toujours été fidèles. Malheureusement, mon soit-disant manque de sérieux m'empêche de gravir les échelons et je me contente donc d'être simplement à leur service et j'ai promis de toujours les défendre au prix de ma propre vie.

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