Saint-Petersbourg, 6 Juin 1402.
Je suis née en Russie, mais à tout vous dire je ne me souviens pas de ma vie humaine. Je me souviens juste que je n'aimais pas les miens. Ma famille ne me semblait pas être la plus prude, et la plus belle qui soit. Je ne me souviens pas de leurs visages, à mesure du temps je les ai oublié. Parce que je ne les ai jamais aimé, jamais regretté. Je me souviens de ma petite soeur, aussi, Anne-Marie. Une véritable garce en réalité, car elle n'a jamais été très bien éduquée par mes parents. Elle était très joueuse, je m'en souviens, et insolente. Pour l'époque du moins, ce que nous pouvons dire insolente. De mon côté j'étais bien plus réservée, je crois que je leur faisais peur. Ils ne me regardaient pas comme ils la regardaient elle. Ils me voyaient plutôt comme un monstre, et je crois comprendre ce qui a crée ce regard chez eux. Ma mère, celle dont je me souviens, n'était pas ma vraie mère. Ma petite soeur était ma belle soeur. Et ma mère à moi était morte sous mes yeux. Parfois j'ai des flash de cette journée d'hiver, alors que nous étions dans un des parcs qui bordaient la ville. Nous nous y étions promenées pour profiter du grand air et de la neige encore fraiche. Je me souviens de ces fantômes, ces ombres qui nous entouraient, et qui se sont lancées sur elle. Je me souviens de cela. Ils se sont approchés d'elle, pour prendre ses bijoux, peut être, ou pour autre chose. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé. Elle m'a regardé dans les yeux et a souris avant de crier. Ce cris strident qui m'occupe aujourd'hui. Ce cris qui est resté coincé dans ma bouche. Ils m'ont retrouvé au matin, dans le sang de cette génitrice, silencieuse. Je devais avoir cinq ans, peut être moins, ou plus. Je ne saurais le dire. Je ne veux pas y penser. C'est là l'origine du mal qui règne en moi. Car les autres ont toujours vu cela comme un mal. Ca ne pouvait pas être autre chose. Un mal qui a fait de mon une tueuse. La première personne que j'ai tenté de tuer c'était ma petite soeur. Mais je n'ai pas pu terminer mon oeuvre. C'était injuste de ma part de vouloir la fin de sa vie. Mais cela a été suffisant pour que mon père m'envoie loin de chez moi. En France, dans un internat pour jeunes filles catholiques. Ce furent des années très courtes, et ennuyeuses. Je n'en suis sortie que le jour où je suis morte, à tout vous dire. Pourquoi est-ce que je suis morte ? Je crois que je me suis sauvée, parce que j'en avais assez de cet endroit sombre et humide. Je devais avoir dix-sept ans. Ou peut être plus. Je devais traverser la forêt pour rejoindre la ville. C'est là que je l'ai vu. Un vampire, tuant une humaine dont le corps déchiquetait tomba devant moi. Je me souviens de cet homme. Il était beau. Le cadavre ensanglanté me laissait indifférente. La créature était sur les nerfs, m'observant, prête à m'attaquer. Je crois que ce qui m'a sauvé c'est cette chose en moi. Cette part obscure. Il resta sceptique devant ma réaction. Je regardais le corps, et le regardait dans les yeux, en souriant. Il me rendit ce sourire avant de m'envelopper dans une étreinte charnelle.
Heartkiller, 4 Décembre 1431.
Mon sauveur n'était pas mon maitre. Il était le garde d'un Roi qui était dit cruel et fou. Je ne comprenais pas un traitre mot de ce qu'il racontait. Il me parlait de vampire, d'immortalité, de Royauté, d'une princesse, de noble, d'esclave, de succube. Il disait que j'étais une esclave, mais je ne désirais pas l'être. J'en avais assez d'être une humaine, et cette idée d'immortalité me plaisait grandement en réalité. Je ne voulais plus risquait de mourir. Je voulais être libre, et le seul moyen d'être libre c'était me détaché totalement de ce qui faisait mon humanité. La dernière chose qui faisait mon humanité : le temps. Je n'étais pas rebelle, je n'étais pas de ces esclaves qui faisaient leurs propres lois. J'avais très vite appris les règles du jeu et mon Sauveur m'avait aidée pour cela : les bons esclaves étaient parfois récompensés en accédant à l'immortalité. Alors ils changeaient d'utilité, ils devenaient des incubes, et pouvaient jouir de leur immortalité en servant des repas chauds à leurs maitres. Je comprenais cela, je l'apprenais. Nous arrivâmes sur l'île lors d'un naufrage de bateau. Nous survécûmes, évidemment, et mon sauveur me ramena auprès de son souverain et maitre. Le Roi Levinson, Allan Levinson. Il me jugeait d'un regard sévère et moqueur, que je supportais sans broncher. Ils parlèrent de moi sans prendre cas du fait que je me trouvais à leurs côtés. Allan Levinson semblait apprécier l'idée que je ne parte pas en courant devant la mort. Je ne partais jamais en courant, je ne ressentais pas la peur, la pitié, ou la compassion. Je ne ressentais rien en réalité, absolument rien. J'étais une coquille vide, qui ne désirait que la fin de sa mortalité, pour accéder au rang de déesse. Le Roi se tourna alors vers moi, et me sourit, se levant de son trône pour venir caresser ma joue. Je ne bronchais toujours pas, sachant qu'il pouvait décider de me tuer tout à coup. ALLAN — J'ai de grands projets pour toi... Lily-Rose. Dit-il à la manière d'une promesse. Je suis entrée au service de ce roi, qui avait sans doute pour prétention de me faire surveiller, de voir comment je réagissais. Je faisais mon travail sans jamais broncher, sans jamais me rebeller ou mettre en question ce que l'on me demandait de faire. Je crois que ce cinéma n'a pas duré plus d'un an, avant qu'un soir il ne vienne à mordre mon cou - une fois encore pour se nourrir - et n'a pas arrêté son oeuvre jusqu'à ce que la tête me tourne et que je m'effondre dans ses bras. Entièrement dévouée à son être. Il fit de moi sa chose, sa succube, sa poupée. Je me suis réveillée morte, je me suis réveillée libre. Dés lors, il me chargea de chasser les humains sur l'île, de surveiller quelqu'uns des nobles qui l'entouraient, de jouer les espionnes. Durant dix ans, je suivais les entrainements de son armée. Je suis devenue un soldat, une ombre, une tueuse. Je suis devenue un instrument pour sa guérilla. Je suis devenue le monstre.
Heartkiller, 12 Novembre 1442.
C'est pour l'anniversaire de la princesse que j'ai changé de propriétaire. L'avant dernier anniversaire de la Princesse, pour être exacte. Elysium Levinson était une femme tout à fait splendide, qui faisait chavirer les coeurs, mais le sien appartenait à un Prince Bridgestone. Ce que peu de personne savait, mais personne ne pouvait rien me cacher, encore moins cette princesse, car j'avais eu pour mission de la surveiller, pour son bien. Son père avait fait de moi une succube, et une espionne de talent, une tueuse sans scrupule, et de plus en plus je me disais que j'étais fais pour cela. Pour l'anniversaire de la Princesse, il avait décidé de m'offrir comme cadeau, et je suis devenue la succube de la belle demoiselle. J'avais pour mission officielle de lui amener des repas, et des nouveaux esclaves, d'assouvir les moindres de ses désirs. Officieusement, j'étais toujours au service de son père et je devais tuer quiconque osait l'approcher. Le roi fou devenait de plus en plus paranoïaque, depuis qu'il avait fait tuer le père de ses hôtes de marques les Bridgestone. Je n'ai jamais compris pourquoi il avait fait cette terrible erreur, mais il avait peur pour la vie de sa fille. Pourtant, en voyant l'amour qui la liait à Eleazar Bridgestone j'ai moi-même était rassurée assez vite. Elle ne risquait rien, il n'accepterait pas qu'on lui fasse le moindre mal. Alors je suis devenue le jouet de cette belle princesse, et durant deux ans j'ai mené à bien ma mission. Lorsque j'ai compris qu'elle ne risquait rien dans la guérilla qui se préparait sans doute contre le roi fou, je me suis intéressée de plus près à la famille de son amant : Eleazar. Ce que j'ai découvert, la veille de la mise à mort du roi a sans doute bouleversé bien des vies. Est-ce que j'ai été mise au courant du complot contre le roi ? Oui. Est-ce que j'ai prévenu le souverain ? Non. En réalité j'avais pensé à le prévenir, mais le roi était fou, et déjà perdu, je ne doutais pas qu'il serait tué de toute façon. Le plus tôt sera le mieux. Quant à ma princesse, elle put profiter de la sécurité de son amant. Quant à tous les sbires des Levinson, ils seront tués comme exemple. Alors, j'ai fait la seule chose qui me semblait être intelligente : j'ai fui. J'ai pris le premier bateau qui quittait l'île, et j'ai disparu la veille des massacres de cette famille que j'avais servi durant des années. Je ne me suis pas retournée sur leurs cadavres, je me suis faite oublier. Parce que c'est comme ça que les choses doivent être, doivent se faire. Je ne les ai pas pleuré, je ne pleure jamais. Je ne sais pas ce que cela fait d'être triste. J'avais encore beaucoup de choses à apprendre, apparemment.
Shanghai, 23 Janvier 1784.
J'ai traversé les mers, les océans, et les pays. J'ai parcouru des territoires désert, et des villes surpeuplés. J'ai vu la peste décimés des civilisations entières, j'ai vu la guerre détruire des vies. J'ai participé à la déchéance de l'être humain. J'étais insatiable, ne pouvant assouvir le désir de sang que je ressentais. Et c'était bien la seule chose que je ressentais. J'ai observé les humains durant des siècles, et je pense avoir beaucoup appris d'eux finalement : la tristesse, la colère, la joie, l'amour. Des masques grotesques de mon point de vue, pour cacher ma différence. Je ne ressens pas tout cela, je ne sais qu'en donner l'illusion. Je ne sais pas ce que cela fait d'être triste, ou amoureux. Je n'ai ni pitié, ni compassion. Je n'ai qu'un ordre moral que je me suis donnée à mesure du temps pour survivre : être fidèle, honnête, et manipulateur. Je suis arrivée en Chine après deux siècles de perdition, et c'est là-bas que j'ai rencontré une femme tout à fait particulière. Elle était accompagnée d'une adorable jeune vampire, brune aux allures de princesse. Je crois que quelque chose chez elle m'a touchée. Elles étaient en danger. Quand j'ai rencontré la première femme elle était au prise de deux incubes qui semblaient lui vouloir du mal. Plus jeune que moi ils finirent poussière. Elle me demanda qui j'étais, et je n'ai pas eu le coeur de lui mentir. Elle m'intriguait, sa beauté aussi froide qu'imposante me faisait penser à celle d'une reine. Elle semblait être guidée par une sorte de confiance étonnante à mon égard, et me mena auprès d'une seconde jeune femme. Elles étaient poursuivis, me disait-elle, alors qu'elle tenait sa fille par la main. Elle me demandait de l'aide, et cette aide je leur offris. Je ne désirais pas qu'il arriva quoi que ce soit à son enfant, cette princesse aux airs si innocents. Quelque chose chez elle était attendrissant, et me faisait penser à mon ancienne maitresse Elysium. Cette naïveté, cette fraicheur, cette innocence, et en même temps la solitude qui marquait ces traits. Alors, je les ai caché en Chine, et quand le piège s'est refermé sur elles je leur ai souris. Je regardais cette jeune femme, Snow-Lynn, et dans mon regard je lui promis monts et merveilles. J'étais sa succube à présent. Alors, je les aidais à faire leurs valises et leur ouvrit les portes de nouveaux pays pour se cacher, connaissant quelques lieux particuliers. Elles étaient en danger, mon rôle était de les protéger, et mon entrainement d'espionne me permettait de faire cela avait talent. Mais chaque fois elles semblaient être retrouvées plus vite que la fois précédente. C'est alors qu'une idée me traversa l'esprit....
LILY-ROSE — C'est une île au milieu de nulle part, cachée par une malédiction présumée, où personne n'aurait l'idée de vous chercherez, car la mort camoufle votre arrivée sur les lieux. Les vampires qui ont pris possession des lieux ont mis en place une royauté encore jeune, qui ne souffre pas de la présence d'autres princes, et rois. Ils sont égocentrés, heureux de ne respecter que leur propre loi, et n'accepterait pas qu'on leur impose une ligne de conduite. L'île est assez grande pour vous cacher si nécessaire, et la jeunesse des lieux cachera votre identité sans difficulté. Me laisserez-vous vous y cacher ? Je vous y suivrais, et vous guiderais dans ces lieux que je ne connais que trop bien : Heartkiller.