Ce lieu dont j'ai tant rêvé étant enfant

Quelqu’un a dit un jour que la mort n’es pas la pire chose dans la vie : le pire, c’est ce qui meure en nous quand on vit.

Je n'avais pris le temps de me balader sur l'île. Je ne m'en étais pas rendu compte avant cette nuit. J'étais au palais, dans la petite pièce qui me sers de chambre. Mon maître n'avait pas besoin de moi et m'avait donné quartier libre. Et pour une fois, je n'avais pas su que faire. J'avais une folle envie d'aller voir Vasiliy et Nikolaï en ville mais je devais avant tout protéger le secret qui m'entourait. Voilà plus d'un siècle que j'étais partie de Russie, j'avais migré à travers l'Europe complète grâce à des marchands de succubes, j'avais brouillé les traces de mes liens avec les Todorov jusqu'à Heartkiller. Là, Eleazar Bridgestone m'avait achetée au marché des vendeurs de rêves et comme convenu avec Nikolaï, il m'avait prise à son service.
Je pouvais ainsi vaquer dans le château sans attirer l'attention, je me fondais aisément dans le décor quand j'y mettais du mien. C'était d'ailleurs pour ça que mon prince avait fini par me laisser être volontaire pour devenir son espionne chez les Bridgestone.
Même si j'avais regardé sur une carte où se trouvait l'hôtel Levinson, je ne savais pas réellement où se trouvait tout ces lieux dont tous parlaient au palais. Le killerburger n'est pour moi qu'un point sur une carte, de même que la géographie de l'île. Jamais je n'avais osé sortir du château seule.
Et pourtant, j'en rêvais. Mais je crois que j'avais peur, peur de ne pas résister à la tentation d'aller voir ceux qui m'avaient élevée et de me faire prendre par la même occasion...
Et pourtant, j'en rêvais depuis longtemps. Il y avait toujours eu un lieu où j'avais voulu aller, pourquoi celui-ci en particulier ? Parce que Vasiliy et surtout Nikolaï m'avaient conté la beauté de ce lieu du temps de grand règne Levinson. Combien de fois avais-je imaginé ce grand palais ? Combien de fois avais-je rêvé d'y entrer, enfant ? Et même si les Bridgestone avaient fait détruire l'ancien symbole de royauté, je savais que les ruines de l'édifice étaient encore présentes, là dehors quelque part.

Ce soir, j'avais décidé de m'y rendre. Je m'étais habillée discrètement, un jean et un débardeur noir suffisait mais je mis tout de même un manteau androgyne noir et une paire de converse. Je cachais mes cheveux sous une casquette pour éviter de m'attirer quelques ennuis. La carte de l'île trouvait sa place dans ma poche et je partais pour les anciennes ruines avec mon air de jeune garçon. En vadrouillant dans la ville, je mettais enfin des images sur les noms qui apparaissait dans les papiers de mon maître, je découvrais également des coins et des recoins de la ville qui n'étaient pas montrés sur ma carte. Je résistais à l'envie de me diriger vers l'hôtel Todorov et continuais ma route vers les ruines. Je passais tranquillement les surveillances, et m'enfonçait rapidement dans la profondeur de la nuit. Ici, un léger vent soufflait et je me rendais compte que je n'avais pas senti l'air extérieur depuis trop longtemps. Mais combien de temps exactement ? J'étais incapable de m'en souvenir avec précision.

Puis je les vis, ces fameuses ruines dont j'avais tant rêvé étant enfant. Là où je m'étais imaginé une ville faste et majestueuse ne se trouvaient plus que des gros tas de pierres reflétant mal leurs splendeurs d'antan. Bizarrement, découvrir ce lieu ainsi ébranlait mes émotions, je me sentais touchée par ces vieilles pierres luttant pour tenir encore debout, j'aimais les contours qu'une telle avait dans la lumière de la lune, la couleur d'une autre. Je m'enfonçais un peu plus dans les ruines et fini par atteindre ce qui avait dû être l'ancien palais royal. Même si il n'en restait que des fondations, sa beauté avait du être splendide. Je poussais quelques pierres qui avaient du être les murs d'une ancienne chambre. Quelqu'un d’important avait du y habiter parce qu'ici et là, quelques lambeaux de riches tapisseries chaudes et magnifiques paraissaient sous les débris. En continuant mes recherches sans but, je finis par tomber sur un vitrail.
L’œuvre était abimée et cassée par endroit, mais elle était si belle que ces défauts s'effaçaient.
En la regardant, j'éprouvais un étrange sentiment de nostalgie, elle me rappelait certains carreaux que l'on ne montrait que sous la lumière de la lune en Russie, les vitraux Levinson.
Les vitres de mon ancienne chambre en avait été encadré quand j'étais jeune... Tout en songeant à mes souvenirs, je fus surprise de sentir des gouttes sur mon visage. Je portais alors mes mains à mes joues et les en retiraient rouges. Je pleurais, moi qui n'avais pas versé une larme depuis ma première tâche au service de Nikolaï, il y a des siècles de ça...