Ne m’abandonne pas Lana.
Qui es-tu ?
Celui qui … Mais sa réponse ne vint jamais. Tout devient noir et je me sens tomber dans une sorte de puits sans fond. Une chute vertigineuse qui me révulse le cœur et me fait crier à exploser les tympans de ceux qui auraient pu se trouver aux alentours.

Un sursaut me tire de mon sommeil agité. J’ai les cheveux collés au front par la sueur et un goût de bile dans la bouche. Les draps épousent la forme de mon corps qui s’amaigrit de jours en jours. Il me manque quelque chose, mais quoi ?
Chérie, ça va ?
J’entends déjà les pas de ma mère dans l’escalier. J’ai dû hurler une nouvelle fois en dehors de mon rêve. Mais je ne réponds pas, mon esprit est encore trop embrouillé. Je revois ses yeux verts me lancer cet appel au secours pendant qu’il me parle.
Ma puce, est-ce que ça va ?
La main froide que ma mère pose sur ma joue me fait sursauter. Je sens tout mon corps se tendre, prêt à s’éloigner le plus possible de cette présence étrangère. Qui est-elle ? Je l’ai oublié. Qui suis-je ? Je cherche à le savoir.



Je regarde les cicatrices qui persistent sur ma peau dénudée. Le débardeur que je porte alors me semble être qu’une toute petite pièce de tissu qui expose mes moindres faiblesses aux yeux des autres. Je triture ma bague, vestige inconnu d’un passé qui ne m’appartient plus. Seule une phrase me revient en mémoire. Cette bague est à toi et pour toujours. Dans son joyau se reflète l’éclat de tes yeux, cet émeraude qui m’a fait chavirer dès le premier regard. Un frisson me parcourt l’échine.
Bien mademoiselle Emerson. Cela fait quatre ans maintenant que nous nous voyons. J’ai pu voir de nets progrès. Mais votre mère me dit que vous vous réveillez toujours la nuit, en proie à des rêves étranges. Est-ce toujours cet homme qui vous suit ?
Je relève la tête vers le psychanalyste. Je déglutis péniblement, sentant les larmes me monter aux yeux. Son visage me poursuit. Qui est-il ?
Oui, il est toujours là, quoi que je fasse. J’ai été jusqu’à essayer un médium pour que cela s’arrête confiais-je avec un rire amer mais ça n’a eu aucun effet.
Votre mère est-elle au courant ?
Non et je ne veux pas qu’elle le sache. Cette femme reste une étrangère pour moi. Comme tout le monde dans cette ville.
Le médecin acquiesce en silence tout en griffonnant sur son carnet. Il ne pourra pas me forcer à lui en parler ni le lui raconter lui-même, secret professionnel oblige. Je me lève, pressée de quitter son cabiner. Il me tend la main et je passe la porte, l’esprit embrouillé. Il va bien falloir que je trouve des réponses à mes questions.



Lana, où vas-tu ?
Quelque part.
Réponds-moi, tu es sous ma tutelle !
Furieuse, je me tourne vers ma mère. Mes poings se serrent alors que mes yeux la foudroient sur place. Elle m’a caché tellement de choses depuis cet accident que je ne peux lui faire confiance. De toute façon, en quatre ans, je n’ai jamais réussi à la remettre vraiment en place.
Peut-être mais je suis majeure et rétablie. Je repars à la recherche du passé que tu essayes de me cacher. Cet appartement, cette vie ne me conviennent plus. J’ai vingt-deux ans à présent. J’ai grandi, ai de l’argent de côté. Je vais voler de mes propres ailes !
J’empoigne ma valise remplie de toutes mes affaires et serre contre mon cœur le billet pour le bateau qui va m’amener aux alentours des Bermudes. Je veux savoir qui il est et pourquoi il hante mes pensées comme cela. La bouche de ma génitrice s’ouvre sur une protestation muette. Je n’attends pas que la parole lui revienne. J’hausse les épaules et sors en claquant la porte sur mon passage. L’air de la rue m’accueille avec joie. Une nouvelle vie m’attend.

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