« Mesdames et Messieurs ! Préparez-vous à assister à un numéro encore jamais vu ! Préparez-vous à enfin voir sous vos yeux la nouvelle étoile du cirque ! Celle dont tout le monde parle ! » clamait haut et fort le patron du Cirque d'un air théâtral en bougeant les bras à droite à gauche, en parcourant le cercle de long en large en voulant impressionner le public présent par des mouvements grands, des regards intrigants, des pauses efficaces. Tout était dans la théâtralité.  « Préparez-vous à voir la bête surgir ! Le monstre de vos cauchemars ! Cachez les yeux de vos enfants, cela va devenir effrayant ! » finissait-il par déclarer les yeux exorbités, un sourire carnassier aux lèvres, sadiquement machiavélique. Le public était tenu en haleine. Le souffle coupé, ils levaient tous la tête en direction de l'immense rideau rouge qui dissimulait si bien ce « monstre ». Certains haletants, d'autres excités et le reste curieux, les gens prenaient un malin plaisir à assouvir leur curiosité malsaine et à voir souffrir les gens. Depuis quelques mois, le Cirque Olympie parcourait l'Europe, passant par les villes les plus importantes aux petites bourgades. Ce cirque, précédemment ignoré, fût soudainement projeté en pleine lumière grâce à la nouvelle attraction ! Une attraction qui avait fait grand bruit. La rumeur qu'un monstre puisse être en possession du Cirque fascinait autant qu'elle faisait peur. Mais c'était cela justement que le peuple aimait ! Ce mélange d'excitation entre la peur et la fascination, cette curiosité morbide et ce plaisir malsain. Le vice les frappait de plein fouet et à cette époque, la moralité n'était pas de mise.
Son succès n'était qu'à la gloire de ce « monstre » si bien gardé au chaud et aux personnes désireuses de voler ce trésor qui valait de l'or !

« Maintenant, Mesdames et Messieurs, laissez place à vos peur les plus secrètes et régalez-vous du spectacle ! » clamait-il une dernière fois avant de courir derrière le rideau sous un tonnerre d'applaudissements, la foule se faisant de plus en plus impatiente, transpirant de cette envie de combler leur appétit insatiable concernant l'horreur ! Ce soir, ils allaient être servit ! Sans compter le fait que c'était le numéro le plus apprécié, le plus demandé !
Les lumières s'éteignirent soudainement. Seul un faisceau lumineux d'une clarté blanche éclairait la fente du rideau rouge. Un silence de plomb régnait sous le chapiteau, le public retenant leur souffle. Aucune musique, aucun son n'accompagnait le bal de l'immense rideau qui s'ouvrait devant eux. C'est ainsi que, la foule maintenant debout, aperçurent pour la première fois ce « monstre ». Certaines personnes commencèrent à huer, se demandant si on ne se moquait pas d'eux. La salle commençait à chauffer, commençant à protester, des chuchotements, des mécontentements avant qu'un homme ose crier énervé « Mais ce n'est qu'une fillette ! Où est le monstre ?! »




Opium, petite fille surnommée le monstre, se trouvait exposée aux yeux de tous. Née le 17 juillet 1752 dans le belle ville de Sicile, en Italie, elle grandit sans mère, ni père. Naissant quelques minutes après que sa mère ne meurt, elle fût immédiatement orpheline, livrée aux mains des Sœurs. N'ayant pas de père – celui-ci n'ayant jamais donné de nouvelle, il devait sûrement être un homme de passage, sans grand intérêt –, la petite orpheline, son prénom de naissance pour ses grands yeux bleus envoûtants, se retrouvait au Couvent de la Sainte-Vierge de Sicile. Drôle de circonstance pour entamer sa vie sur Terre. Ce fût seulement quelques mois plus tard que la petite sans nom trouva une personne pour l'adopter. Enfin, plus précisément, elle fût remise dans les mains de son tuteur, son oncle, la frère de sa défunte sœur. Et croyez-moi ! Il ne prenait pas ce nouveau rôle de baby-sitter à cœur ! Pus par obligation que par amour, il pris ce fardeau dans les bras pour l'emmener avec lui. Après tout, le sang des DeMaestri coulait dans ses veines et la famille était sacrée ! Même si cet homme n'avait pas forcément une bonne définition du mot « famille » et de ce que cela signifiait...

Son oncle, Orlando, trouva le prénom de la petite pour lui donner celui d'Opium ! Un poison qui a lentement bouffé sa mère et qui bouffera sûrement la petite ! Il devait forcément y avoir de cette drogue dans ses veines ! Sa mère Annabella n'étant pas un modèle de sagesse, mais plus une junkie si on la transposait au XXIème siècle. Il est clair qu'Opium n'était pas tombé dans les bras d'un oncle empathique, tendre et attentif, mais bien tout le contraire ! N'écoutant que ses propres désirs et motivé par la soif insatiable de gloire et de richesse, il n'écoutait en aucun cas les besoins de la petite, ne pensant qu'à sa petite personne. Grandissant dans un univers étrange, sans amour, sans tendresse, elle fût élevée dans un univers angoissant où elle croisait toujours des personnes étranges aux visages déformés ou d'une laideur sans nom. Seul la compagnie des animaux la rassurait. Il était sûr qu'elle préférait se retrouvait dans la cage aux lions que de rester deux minutes assise à côté d'un homme sans plus de jambe ! Tout lui faisait peur, également son oncle. Elle a vécu son enfance dans la peur et l'insécurité, dans un monde malsain et sans amour. Son oncle, fou furieux et dérangé, ne s'occupait quasiment jamais de la petite. Cette dernière devait se débrouiller toute seule, cherchait à manger, à boire, s'habiller etc... Son seul plaisir était d'aller se cacher sous l'immense estrades, se faufilant à travers les poutres en bois pour lire à l'abri des regards. Seul un livre ouvert dans ses mains lui permettait de voyager avant que le cauchemar recommence quand elle retournait vers son oncle...




« Ne vous méprenez pas par son apparence mes amis ! Attendez de voir le monstre qui sommeil en elle ! » clamait de nouveau son oncle en se précipitant derrière Opium. Il lui murmura à l'oreille « T'as intérêt à te bouger et à rentrer sur la piste, sinon, tu recevras des coups de bâtons pour le dîner ! ». méprisant, haineux, il poussa la petite de 15 ans qui trébucha et tombe à plat ventre sur la sable, tête la première. La foule se mit à éclater de rire, la désignant du doigt, les enfants insistant pour qu'elle recommence le tour. Toujours allongée au sol, elle se relevait lentement pour se mettre à genoux. Cheveux devant les yeux, d'une main tremblante, elle passa une mèche derrière son oreille, laissant ainsi dévoiler aux yeux de tous ses larmes perlaient sur ses joues fades. Tête baissée, elle ne voulait pas bouger, ni même émettre un seul son. Elle pleurait... elle pleurait sur son sort. Le public recommencèrent à siffler. « Elle a besoin d'un p'tit coup de main la petite ?! » ricanait cruellement un spectateur, le regard pervers. Orlando, l'oncle d'Opium, se précipita sur la piste pour la faire se mettre debout. La serrant par le bras d'une force qu'il la souleva sans aucun effort du sol pour la remettre sur pied. Il agrippait les deux bras de la petite de chaque côté pour la secouer d'avant en arrière, énervé, crachant son venin « Tu vas réagir sale garce ! Qu'est-ce qui te prend ? Arrête de pleurer comme une mauviette et fait ton travail ! » maudissait-il entre ses dents, regardant la foule d'un air anxieux. Il avait une peur immense que l'attitude de la petite lui fasse une mauvaise réputation pour son cirque et ainsi, perdre de l'argent. Il relâcha la malheureuse pour repartir en coulisse, le regard menaçant. Opium, tremblante de partout, se tenant les bras, suffoquant par les sanglots, elle pleurait. Soudainement, elle se mit à crier, à crier d'une telle force que cela ressemblait à de la folie furieuse. Les spectateurs, surpris d'une telle réaction, ne purent s'empêcher d'apprécier tout de même ce spectacle ! La souffrance de la petite remplissait leur cœur de bonheur immense ! Comment ne voulez-vous pas être écœuré et haïr l'être humain ?

Après s'être époumonée de rage, elle cessa tout gémissements. Elle resta figée sur place, le regard dans le vague. Des voix... non, plutôt des murmures venaient lui parler à son oreille. Elle serrait les dents, les poings... elle avait peur... tellement peur... ces murmures restaient murmures, certes, mais elles étaient quasiment incessantes et elles la suivaient partout. Accrochées à Opium comme des sangsues assoiffées de la folie qui rongeait déjà la belle brune aux yeux de chat sauvage. Ses yeux brillaient d'une couleur saphir, ils étaient grands, envoûtants, mais pourtant embrumés par les pleurs douloureux d'une adolescente de 15 ans, à la dérive, sans aide, sans bouée de sauvetage... livrée à elle-même telle une bête sauvage.

Ne supportant plus les murmures, elle plaqua ses mains sur ses oreilles, secouant la tête dans tout les sens. La musique se mit à résonner sous le chapiteau, l'orchestre déjà à l'affût du commencement de sa démonstration. Dans un élan de désespoir, de folie douce, elle se mit à battre le sol avec ses pieds, ondulant son corps, levant les bras en forme de vague. Elle bougeait son corps tel un serpent, emprise soudainement comme une forme de possession. Plus la musique accélérait, plus son corps dansait frénétiquement, comme si elle n'était plus maîtresse de sa propre chair. Tête, bras, jambes, corps... tout bougeaient frénétiquement. Elle était totalement en transe ! Faisant parfois preuve de grâce et de beauté dans le mouvement tout comme elle pouvait faire acte de sauvagerie et de force dans ses pas. La musique et les voix la berçaient et la harcelaient. Son corps n'était plus sien et elle se mettait parfois à pousser des cris, à s'approchait des spectateurs, le regard tantôt apeuré, tantôt menaçant. La foule qui assistait à ce spectacle, ne s'imaginait pas une telle scène. La peur, l'inquiétude la submergeait fixant la jeune fille à la longue chevelure. Sa beauté envoûtante, mystérieuse, mystique et même étrange, fascinait toute l'assemblée. Les spectateurs étaient charmés autant qu'effrayés. Opium avait encore réussi. Elle dansait pour tenter de se libérer, mais la seule chose qu'elle provoquait, c'était la peur et la folie. Elle était le « monstre », la « folle », la « dérangée ». Une bête de foire, tout simplement....

« ORLANDO ! » criait un collègue de travail, traînant par les cheveux Opium qui avait maintenant dix-neuf ans. Dans trois jours, elle fêterait ses vingt ans, toujours enfermée dans cet univers qui la rendait folle. Tentant de se débattre comme elle le pouvait, tantôt elle suppliait de la lâcher, tantôt elle le menaçait de le tuer. Ce qui n'arrangeait pas son cas. Les deux personnes arrivèrent devant la roulotte du patron, le collègue tambourinant à la porte, tenant toujours Opium par les cheveux. Orlando ouvrit subitement la porte, colérique « Pourquoi tu me déranges Tom ? C'est quoi tout ce vacarme de merde?! » L'oncle de la jeune femme était totalement enragé, débraillé, descendant en vitesse le peu de marches de sa roulotte. Il fixait les deux protagonistes avec dédain, le visage rouge, les veines de sa gorge gonflées, les narines ouvertes. Peu de chose pouvait le mettre rapidement en colère. « C'est ta nièce ! Elle a encore fait des siennes ! » disait le collègue en balançant la petite aux pieds d'Orlando. Cette dernière retomba au sol dans un amas de poussières. Elle toussa légèrement pour recracher le sable qu'elle avait ingurgité dans la chute, se relevant péniblement, des cicatrices sur les bras et le visage. Tête baisée devant son oncle, elle n'osait rien dire. « Qu'à-t-elle fait ? » Sa voix était empreinte d'une colère à peine dissimulée. « T'as qu'à lui demander toi-même, moi j'me casse ! » fit le collègue en crachant par terre avant de tourner les talons en marmonnant des injures. Orlando tira alors la jeune femme par le bras pour l'emmener de force dans sa roulotte. Porte fermée, il la força à s'asseoir sur une chaise bancale dont on devait faire preuve d'équilibre pour rester assit. L'oncle pris la peine de se prendre une tasse de café avant de s'asseoir à l'opposée de la jeune femme. Il le fixait sans mot dire, de la tête au pied, observant avec attention ses cicatrices. « Elles viennent d'où ces cicatrices ? » demandait-il d'une voix posée, trop calme au goût d'Opium. Elle déglutit avec peine, se tortillant les doigts nerveusement avant de lui répondre, toujours la tête baisée. « Je... Je... donnais à manger aux lions et... » « Et un lion t'a attaqué... » continuait-il simplement, sans même s'inquiétait une seule seconde de sa nièce. Le manque cruel d'attention que pouvait avoir la jeune femme se faisait sentir. L'oncle n'en avait que faire des péripéties de sa nièce, pire ! Elle se serait fait dévorée par un lion, cela lui aurai fait des vacances. « Et tu es toujours en vie ?! » continua-t-il stupéfait de la voir devant elle, quasiment amusée d'assister à une expérience ratée. Il était plus curieux de savoir comment elle s'en était sortie que de savoir si elle allait bien. Opium retenait la colère qui montait en elle. Une colère mêlée à des pleurs qui lui serraient la gorge. Le moindre son de sa part la ferait craquer et elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas lui donner cette joie, cette euphorie, cette jouissance absolue ! Non, elle en avait assez d'être traitée comme une merde, un objet, une personne sans identité qui se faisait ballotter de villes en villes pour régaler la curiosité malsaine des spectateurs venus assister à la déchéance d'une fille malade. Exposée comme une bête de foire, reléguée au même rang qu'une femme à barbe ou qu'à un nain haltérophile, elle n'était rien aux yeux de personne, mais surtout qu'une merde sans vie aux yeux de son oncle, aux yeux de sa seule famille ! Famille qu'elle haïssait au plus haut point. Alors qu'elle levait doucement la tête pour planter ses yeux dans le regard de son oncle, ses mains et sa mâchoire se crispèrent autour du tabouret, son souffle devenant de plus en plus saccadée tellement le sentiment de rage l'envahissait. Son regard la trahissait, elle le savait et son oncle ne tâcha pas d'en rire. Il trouvait tout simplement pathétique qu'elle puisse se révolter, il trouvait sa colère touchante et innocente, tel un petit agneau. Et c'était ce qu'elle était. « Tu n'es qu'un agneau dans la fosse aux lions. » finissait-il par répondre à la rage soudaine de sa nièce. Pris soudainement d'un fou rire, il se moquait ouvertement d'Opium, sans aucun retenue, sans aucune gêne. Son rire était rauque, beaucoup plus rauque que la normale tellement il buvait et fumait ! Devenant rouge au point de s'étouffer de sa propre bêtise.

Opium explosa, pris le premier objet qui lui tombait sous la main pour le balancer sur son oncle. Ratant sa cible de peu, elle se rendit compte de son geste. Sans crier gare, la panique s'immisçait sournoisement en elle pour s'implanter avec force dans son cœur, paralysant tout ses muscles. Elle fixait son oncle avec angoisse, essayant tant bien que mal de s'excuser, en vain. Orlando s'était levé brusquement, cessant de rire, pour, à son tour, exprimer toute sa rage. Il plaqua carrément Opium contre le mur. Elle grimaçait de douleur, un clou accroché au mur se plantant violemment dans son dos, frôlant de peu sa colonne vertèbrale. « Tu as osé te soulever contre moi ? MAIS POUR QUI TE PRENDS-TU SALE PUTE ?! » crachait-il violemment au visage de la jeune femme aux yeux saphirs, serrant son cou avec force, la soulevant même du sol. « Les lions ne t'ont pas assez griffés à mon goût, je vais t'arranger le portrait comme il faut, crois-moi sur parole ! » Sans perdre de temps, il s'exécuta. Première gifle, Opium retomba au sol, sur ses pieds. « Reprends-toi ! Il va te tuer ! » Cette voix qui la hantait venait soudainement de lui parler. Deuxième gifle, Opium se pris le coin de la table dans les côtes et s'écroula au sol. « Il va te tuer ! Il va nous tuer ! Relève-toi ! Bas-toi ! » criait cette voix énigmatique. Cette voix avait toujours hantée Opium, lui dictant parfois de faire du mal. Mais à cet instant précis, elle lui ordonnait de sauver sa vie, de vivre ! Elle ne comprenait plus rien, la belle brune était complètement sonnée par les coups et le fait d'entendre cette voix résonnait dans sa boîte crânienne n'arrangeait rien. Son esprit était complètement embrumé, son corps à moitié inerte. C'était la fin, elle le sentait. Troisième gifle puis un coup de pied dans le ventre. Opium hurla de douleur, suppliant son oncle d'arrêter. « Pitié ! Pitié ! Pardonnez-moi ! Jamais plus je me mettrais en colère contre vous, jamais ! Pitié ! Pitié ! Arrêtez ! ARRÊTEEEEEEZ! » hurlait-elle dans des sanglots étouffés. Cri de bête qu'on égorgé. Elle n'était réduit qu'à une bête, un morceau de viande. Orlando attrapa Opium par les cheveux pour la remettre debout de force. « Qu'est-ce que tu as dis microbe ?! » « J'ai dit : VA CREVER EN ENFER SALE ORDURE ! » criait la Voix dans l'esprit d'Opium, faisant grimacer cette dernière tellement cela lui donnait la migraine. « Rien... Rien... » bafouillait-elle, paralysée par la peur. « C'est ce qu'on va voir ! » Quatrième gifle, Opium s'écrasa contre le rebord du comptoir, faisant tomber dans sa chute les ustensiles de cuisine. Un couteau se présenta sous ses yeux, caché sous un torchon sale. Opium fixait cette longue fine lame, se posant des milliers de questions en peu de temps. Elle avait peur. Peur de commettre un acte irréparable, peur de ne pas avoir assez de force pour l'enfoncer profondément, peur qu'il survive à cette attaque ! A cet instant précis, elle voulait sa mort ! Elle tremblait, n'osant toujours pas faire le moindre geste. Alors qu'elle voyait son oncle s'approchait de nouveau d'elle, sa vision de floutait, tout lui parvenait au ralentit. Les mouvements, les sons, tout paraissait avancer avec peine dans le temps. Elle voyait l'imposante carrure de son oncle à deux doigts de l'atteindre, alors que la Voix reprenait de plus bel. « Tue-le avant qu'il ne te tue ! TUE-LE ! » Opium pris alors le couteau automatiquement, sans réfléchir et alors qu'elle allait se redresser, son oncle lui balança une dernière parole qui déclencha tout. « Ta mère était aussi une merde, une folle ! » Sa main se leva en l'air, près à assainir le coup fatal. Soudainement, Opium se redressa d'un mouvement rapide et sans attendre, elle planta avec virulence la lame du couteau près du cœur de son oncle, hurlant toute la haine qu'elle avait pour lui. « VA CREVER SALE MERDE ! » Le visage de son oncle devint soudainement livide, pâle. Il reculait en titubant, posant ses mains sur le manche du couteau qui s'était enfoncé dans sa chair. Il fixait tour à tour, lentement Opium puis la lame d'un air surpris, désemparé, haineux. A cet instant, Opium n'avait plus le contrôle d'elle-même parce que celle qui avait planté le couteau avec une telle violence n'était autre que la Voix, celle qui la hantait et qui avait pris possession de son corps durant quelques secondes pour sauver Opium, mais aussi se sauver elle, car, sans Opium, la Voix n'existe plus et cette dernière le sait pertinemment.

Sans attendre son reste, Opium s'enfuyait de la roulotte, ouvrant dans un vacarme la porte et sautant les marches pour atteindre le sol poussiéreux qu'elle frôlait avec ses mains. Courir... courir... loin... le plus loin possible tel était son but. Elle n'avait aucune destination, aucune idée, ni de plan d'évasion. La seule chose qu'elle désirait était la liberté et qu'importe le chemin qu'elle emprunterait. Soudainement, alors qu'elle franchissait une lignée de roulotte, un coup se fit soudainement sentir sur la nuque de la jeune femme, la faisant tomber au sol, assommée. Elle venait d'être arrêtée dans sa course... mais par qui ? Une ombre enveloppait la corps frêle de la belle brune, l'emmenant avec elle dans les abysses de la nuit.

Le rugissement des lions réveillait soudainement la belle brune dans un sursaut. Dans son élan, elle se cogna la tête au plafond, voulant se redresser hâtivement, en vain. Elle retomba au sol. Posant sa main sur le sommet de son crâne en grimaçant, elle jeta un petit coup d’œil sur ce qui l’avait blessé. Une grille. Elle observait au-dessus d'elle une grille... elle détacha son regard pour faire le tour de son champ de vision avant de constater qu'elle se trouvait dans une cage, une cage à fauve. Sans compter le fait qu'elle n'y voyait presque rien vu qu'il faisait déjà nuit. Ne comprenant pas ce qu'elle faisait dans un endroit pareil, elle pensa automatiquement que son oncle avait réussi à l'a rattrapé pour l'enfermer dans cette cage. Elle marchait à quatre pattes sur le foin disposait à l'intérieur pour rejoindre les barreaux de la cage. Observant à droit à gauche quelque peu anxieuse, elle ne voyait personne hormis des torches allumées un peu partout pour éclairer les sentiers. Elle pouvait entendre le son de l'orchestre parvenir jusqu'à ses oreilles. Le spectacle avait commencé, mais Opium se demandait toujours ce qu'elle faisait ici. Qu'allait-il donc se passer pour elle. Elle tentait du mieux qu'elle pouvait de garder son calme, surtout que sa cage était entourée de deux autres cages contenant des lions. Rugissements, coup de griffes sur les barreaux, le vacarme assourdissant que provoquait ces fauves rendait folle Opium. Elle avait peur que la cage cède sous leur poids.

La jeune femme commençait alors à parler, à appeler de l'aide autour d'elle, faire du bruit pour que quelqu'un puisse l'entendre. Mais plus elle faisait du bruit, plus les lions s'excitaient et couvraient la voix cristalline d'Opium par leur rugissement. « Mais vos gueules ! » hurlait-elle aux lions en posant ses mains sur ses oreilles pour ne plus entendre un seul son. Assise dans un coin de la cage, les jambes en éventail, elle entendit soudainement un bruit étrange, indéfinissable. Alors qu'elle se pencher d'avant en arrière comme si elle était prise d'une crise d’angoisse, les lions se turent. La seule chose qu'elle pouvait entendre était maintenant l'orchestre sous le chapiteau avec la foule en délire. Opium enleva prudemment ses mains de ses oreilles pour être sûre de ce qu'elle entendait. Quelques secondes après, elle leva la tête... rien. Les lions étaient allongés au sol, ne faisaient plus aucun bruit. Les yeux grands ouverts, prise d'une certaine panique, elle se colla aux barreaux de la cage pour tenter d’apercevoir s'ils étaient toujours en vie. Apparemment oui, vu leur cage thoracique qui se levait puis se baissait sous la puissance de leur souffle. Opium n'y comprenait plus rien. Pourquoi étaient-ils tous en train de dormir, alors que la seconde d'avant, ils étaient prêt à arracher les barreaux pour la manger ?! La jeune femme n'y comprenait plus rien, elle avait peur. Elle se dirigeait vers la porte de la cage où un énorme cadenas la gardait prisonnière à l'intérieure. Ses longs doigts fins ne faisaient pas le poids et à peine qu'elle eût essayé de l'ouvrir, qu'elle se coupa l'index, laissant quelques gouttes de sang tomber au sol. Elle recula aussitôt, mettant son doigt dans la bouche pour sucer le sang. Elle grimaçait, tremblait. Le froid l'a gagnait, l'angoisse et l'incompréhension la submergeaient. Que faisait-elle donc dans cette cage ? Automatiquement, elle pensa directement à son oncle ! Mais comment avait-il pu survire à une telle attaque ? Avait-elle planté le couteau assez profondément pour qu'il meurt ? Ou cela n'était pas assez ? D'ailleurs... était-il vraiment... mort ? A cette seule question, Opium eût du mal a déglutir. La Voix dans sa tête repris de plus bel. « Cesse de t'apitoyer sur ton sort... évidemment qu'il est mort ! » « Comment le sais-tu ? » répondait Opium à voix haute comme si elle communiquait avec une personne en chair et en os. « Je le sais, un point c'est tout ! » « Ce n'est pas une réponse... » « Je ne rate jamais ma cible, voilà pourquoi il est mort ! » rouspétait cette Voix. Opium se tue quelques instants, réfléchissant longuement. Il est vrai qu'elle n'avait rien fait, mais que c'était cette Voix qui l'avait tué ! Elle tentait en vain de se consoler ainsi, elle ne voulait pas devenir une meurtrière. « Et puis, s'il n'était pas mort, assure-toi qu'il t'aurait tué et non jeté dans cette cage minable ! Et dire que je suis déjà en cage dans ta foutue tête ! Je suis en cage, tu es en cage, nous sommes en cage, la vie est belle ! » finissait-elle par délirer à la fin en poussant un rire de pure folie. « Arrête de rire! » ordonnait Opium en secouant sa tête de gauche à droite.

Soudainement, un homme se posta devant la cage d'Opium. Cette dernière ne disait plus un mot, ne fit plus aucun geste. Elle retenait son souffle et priait à cet instant de devenir aussi invisible que l'air. Mais cela était peine perdue, étant donné que cet homme mystérieux se mit accroupi pour mieux contempler la jeune femme. « Quelle beauté... » susurrait-il entre ses lèvres. Cette intervention de sa part surprenait la jeune femme. La peur faisait place à la curiosité. C'était la première fois qu'on lui parlait aussi doucement, d'une voix suave et chaleureuse. Elle était aussitôt charmée par cet homme si mystérieux. Elle s'approchait à quatre pattes en direction de l'homme, doucement avec hésitation tel un chat sauvage qu'on tente d'apprivoiser. « Cesse de bouger ! Cet homme est louche ! » conseillait encore cette Voix dans sa tête. Opium s'arrêta aussitôt au milieu de la cage, restant dans la même position. Une position sauvage, le regard craintif, l'attitude féline. Elle ne savait quoi faire. « Qu'as-tu à craindre de moi ? Je ne te veux aucun mal. » « C'est ça et mon œil alors ?! » répliquait la Voix sans aucun succès vu que l'homme ne l'entendait pas. Contrairement à Opium, cette Voix qui n'avait encore aucun nom était quasiment tout son contraire. Elle avait beau dire qu'elle était la partie sombre d'Opium, cette dernière ne la croyait pas et la prenait plus pour un parasite qu'autre chose. La Voix était sombre, autoritaire, rebelle, directe, sauvage, insolente, violente, folle... Opium en avait peur, mais pourtant, elle appréciait cette présence qui était devenue familière. Du moment qu'elle ne se mettait pas à lui crier dessus ou à chanter comme une loutre, Opium pouvait l'accepter.

« Approche... » A cette demande, Opium recula instinctivement, se collant aux barreaux de la cage, à l'opposé de l'homme. Ce dernier laissa échappa un rire dans un soupir amusé, en secouant légèrement la tête négativement. « Tu n'as pas à avoir peur... Sais-tu qui je suis ? » continuait l'homme toujours accroupi, s'amusant à jouer avec un bâton en bois qu'il avait trouvé au sol. Opium secoua la tête négativement à son tour, les yeux fixés sur lui. On pouvait y apercevoir de l'inquiétude mélangé à de l'hostilité. « Je suis celui qui te délivrera de ta condition de bête de foire... » La phrase était lâchée. Qu'avait-il dit ? Dans une pulsion incontrôlée, Opium se précipitait pour s'arrêtait devant l'homme, intriguée comme tenue en laisse. Seuls les barreaux de la cage les séparaient. Le regard emplit d'espoir, elle le fixait sans mot dire, pendue à ses lèvres comme s'il était le messie. « Ma pauvre fille... tu es aussi naïve qu'une enfant et aussi têtue qu'un âne ! » riait intérieurement cette Voix. Mais Opium ne l'écoutait pas, trop sous l'emprise de cet homme. « Comment ? Comment pouvez-vous faire ? Comment le savez-vous ? » demandait la jeune femme totalement perdue. L'homme riait doucement, caressant la joue droite de la belle par l'envers de sa main. « Je le sais assez longtemps pour savoir que tu es malheureuse... Opium... » La concernée resta figée sur place. Yeux grands ouverts par la surprise, elle avait du mal à réaliser qu'il connaissait son nom. Alors qu'elle essayait d'aligner des mots qui voulaient dire un sens, elle fût stopper dans son élan par l'homme qui posa son index sur ses lèvres. « Sache que je sais presque tout de toi... de ta vie, de ta condition de monstre, de ton oncle. D'ailleurs ! Ne t'en fais pas pou lui, il est bel et bien mort ! » finissait-il par dire en riant. Opium l'écoutait sans mot dire, il repris. « Je t'ai longtemps observé et... tu es pour ainsi dire parfaite... une beauté comme toi mérite mieux et je suis là pour te donner une meilleure vie... » Les paroles que l'homme prononçaient intriguaient de plus en plus la jeune femme, assiégée par la peur, l’inquiétude, la curiosité, l'étonnement, l'envie... Bref, trop d'émotions prenait part dans son cœur et elle ne savait pas ce qu'elle ressentait réellement. D'un coup, l'homme se taillada l'avant-bras avec un couteau qu'il avait sortie de sa poche. Il présenta son bras à travers les barreaux. Le sang coulait à flot et Opium poussa un cri d'effroi. Elle voulu reculer mais l'homme lui saisit son bras par sa main libre pour la tenir coller aux barreaux. « Bois mon sang et tu seras délivrée ! » « Mais... mais... c'est écœurant, dégoûtant , lâchez-moi ! » commençait à ordonnait Opium en se débattant tant bien que mal. « Je ne te veux aucun mal, bois mon sang, maintenant ! » Mais Opium n'en faisait qu'à sa tête. Alors, l'homme si charmant dévoila lentement ses longues canines qui sortirent aux yeux de tous. La jeune femme cessa tout mouvement, épouvantée. La Voix en elle pris de nouveau la parole « Oooh... je crois que nous avons affaire à un vampire ! » ricanait doucement cette folle. « Comment ? Mais non, ça n'existe pas ! » répondait Opium à elle-même, perdue. « Peut-être que oui, peut-être que non... après tout, qui ne tente rien n'a rien ! » « Non, je ne veux pas ! » « Bois ce putain de sang, que veux-tu qu'il t'arrive ? Souviens-toi des histoires que nous raconter notre oncle sur les vampires et les monstre sous le lit... qui te dis que ça n'existe pas ? » « NON ! NON ! » hurlait Opium en se débattant avec férocité. L'homme, qui était effectivement un vampire, observait cette scène avec perplexité alors que la colère et l'agacement commençait à monter en lui. « Mais à qui tu parles petite ? » « A ma conscience! » répliquait la jeune femme, énervée. Alors, le vampire la força à boire son sang, collant ses lèvres contre son bras. Elle avait beau se débattre, elle n'était rien face à lui. Alors qu'elle subissait ce châtiment, la Voix repris de plus belle, chantonnant à tue-tête « Je vais devenir forte ! Je vais devenir un vampire ! Je serais belle et puissante ! Et je... » Elle se tue un instant avant de reprendre, tout en chantonnant « Je voulais dire, tu vas devenir forte ! Tu seras un vampire !... » Cette Voix continuait sa parade dérisoire alors que le vampire lâcha enfin la petite, assuré qu'elle ait bien bu suffisamment de sang pour la prochaine étape. Opium recracha le sang qu'elle avait encore dans la bouche. Elle tentait même de se faire vomir, mais en vain. Elle qui n'avait rien mangé depuis des heures n'allait sûrement pas réussir à rendre ce qu'il faut. « Maintenant... je vais te tuer... » A ces mots, Opium hurlait, appelait à l'aide, pleurait, s'agitait dans tout les sens alors que le sang coulait entre ses lèvres, venant tâcher ses vêtements.

« UN VAMPIRE ! » hurlait alors une autre voix d'homme au loin. Des torches étaient allumées et l'homme en question était accompagné d'un groupe d'hommes qui tenaient en main des fourches, des pistolets, des barres de fer. Opium n'y comprenait plus rien. Alors qu'elle pensait qu'ils venaient l'aider, le vampire arracha les barreaux de la cage, envoyant un morceau sur les chasseurs. La jeune femme reculait, mais cela ne servait à rien vu que le vide se présentait devant elle. Plus aucune cage ne la protégeait, plus rien ne pouvait faire abstraction entre elle et le vampire. Ce dernier pris Opium par le bras pour l'emmener avec elle, prendre la fuite, mais une balle en bois perça l'abdomen de ce dernier, rompant l'emprise qu'il avait sur la jeune femme. Cette dernière, sans même demander son reste, se mit à courir en sens inverse. Elle ne se préoccupait même pas de ce qui se passait derrière-elle, la seule chose qui lui importait à ce moment-même était de fuir, fuir loin pour ne plus jamais revenir ! Opium, jeune fille si douce, si belle, si fragile, était pour la première fois de son existence livrée à elle-même, sans aucune corde pour la maintenir, sans aucun filet pour la réceptionner. Oui, elle était libre, libre de faire ce qu'elle voulait maintenant, mais libre aussi d'avancer vers l'inconnu. Haletante, elle courait de toute ces forces, jetant de nombreux coups d’œil en arrière pour voir si on ne la pourchassait pas, si ce « vampire » ne la coursait pas. Mais elle ne voyait rien, ni personne. Cela ne l'empêchait pas de continuer à courir. Le vent, la pluie venaient fouetter son visage, mouiller ses vêtements qui partaient en lambeaux à force de s'accrocher aux arbres de la forêt. L'orage grondait au loin, Opium gémissait de douleur, s'épuisait à chaque minute qui passait. Elle n'en pouvait plus. « A cause de toi, je ne serais jamais assez forte ! » rouspétait encore cette Voix. « Je n'en ai que faire de tes désirs ! » « J'aurais pu prendre ta place ! Avec une telle faiblesse, je me demande comment tu fais pour être encore en vie ! Sans moi, tu ne serais rien ! » maudissait cette Voix entre ses dents. « CESSE ! Tu n'es rien sans moi, tu ne peux vivre sans moi ! » répliquait de nouveau Opium avec plus de force, de conviction alors qu'elle continuait à courir jusqu'à perdre haleine. « Devenir vampire m'aurait libéré de toi... je serais devenue toi ma douce... » chuchotait-elle doucement, amusée. Opium secoua de nouveau la tête, prenant cette dernière dans ses mains. Elle voulait faire taire cette voix qui la hantait, qui lui faisait du mal.

Soudainement, sans faire attention à ce qu'elle faisait, elle se pris les pieds dans une branche qui dépassait du sol, la faisant chuter dans sa course. Elle s'écrasa à plat ventre sur le sol, glissant le long d'un précipice, entraînée par les flots et la terre transformée en boue par la pluie battante. Elle dégringolait, roulait sur le sol, elle dévalait la côte sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit. Son corps ressemblait à une poupée de chiffon, secouait de droite à gauche, se prenait des roches en pleine côtes, se cognant les jambes dans des butes, déchirant ses vêtements par les branches et autres ronces. Elle ne ressemblait plus à rien, se laissant emporter de force par la fatalité. Et ce qui devait arriver arriva. Opium finit par dévaler la pente, finissant sa chute dans une rivière. Secouée et blessée par cette succession d’événements, elle tenta péniblement de se remettre debout. Elle puisait dans ses dernières forces. De nouveau sur ses jambes, elle tremblait. Elle se mit à tituber, à voir trouble, à perdre totalement pied avec la réalité. Le courant de l'eau paraissait insurmontable maintenant alors qu'il n'emporterait même pas un enfant ! Totalement épuisée, elle ne fit plus attention à rien... si seulement... si seulement elle était restée tranquille, mais non ! Elle voulait partir, partir loin, fuir. Elle avait tellement rêvée de liberté qu'elle ne voulait pas cesser sa course même avec un bras en moins, elle aurait continué. Si seulement... pauvre petite... Opium trébucha soudainement sur une pierre glissante qui se trouvait sous l'eau... Elle fût déséquilibrée... tombant à la renverse, sa nuque se brisa sur un rocher qui pointait au-dessus de l'eau... un « crac » assourdissant se fit entendre... puis plus rien... plus un bruit... plus un souffle... le vent soufflait... la pluie tombait... l'orage grondait... la mort chantait... Opium était morte à l'aube de ses vingt ans...

« Venez ! Approchez chers collègues, n'ayez pas peur de ces jolies donzelles, elles ne vont pas vous mordre ! Quoique... » finissait le marchand d'esclave en ricanant comme un gueux. Cette scène se déroulait en 1819 dans un petit bourg anglais, dans l'arrière-pays, aux frontières de l’Écosse. C'était un bourg exclusivement connu des vampires. De toute façon, le moindre humain qui pénétrait sur les terres finissaient en hachis ou en esclave. Se trouvait donc en ces lieux un village vampirique dont était organisé toutes les semaines un marché assez spécial. En effet, sur ce marché, on vendait des esclaves, des succubes, des incubes, des humains. C'était un immense marché à viande, si vous voyez ce que je veux dire.

« Venez ! Venez ! Approchez et choisissez ! » continuait à clamer haut et fort le marchand d'esclaves. Il passait devant les humains désignaient comme esclaves – parce que le reste finissait pour garde-manger – il leur souriait d'un air moqueur, en les tapotant légèrement avec une barre en fer. Il ne fallait pas esquinter la marchandise, mais s'amuser un peu n'était pas interdit. Les vampires s'attardaient autour du stand d'esclaves, certains ne prenaient pas la peine de regarder, d'autres finissaient par acheter. La vie était ainsi faîte ici et Opium se retrouva en ce moment-même dans ce village bien étrange. « Mais lâche-moi ! Lâche-moi ! STRONZO ! » hurlait Opium en se débattant comme elle le pouvait. Mains attachés par une corde ficelée avec des morceaux de bois, ces derniers lui rentraient dans la chair, la faisant souffrir et l'empêchant de s'enfuir au loin. Elle se faisait traîner par son maître, Balthazar, qui se rendait au marché pour vendre sa succube. Attention ! Vous devez vous demander ce que fais Opium encore en vie ? Elle n'est pas censée être morte ? Et que fait-elle avec un maître ? C'est une succube ? Cessez donc les questions et lisez la suite...




Trois jours s'écoulèrent avant qu'Opium reprenne vie dans une chambre qu'elle ne connaissait pas. Ayant bu le sang de ce vampire si mystérieux, elle avait en elle ce qui lui permettait de devenir immortelle. Et suite à ce tragique accident, elle se réveillait trois jours après dans la peau d'une nouveau-née qui avait terriblement soif. Et rien que pour cela, elle décima la si gentille famille qui l'avait recueillit, dans une pulsion meurtrière incontrôlable ! Opium fût une sorte de marginale, d'orpheline au cours de ses toutes premières années. Elle ne se contrôlait pas et tuait n'importe qui, n'importe quand. Au bout d'une dizaine d'années, elle fût capturé par un vampire plus âgé qu'elle qui fit d'elle sa succube, pour sa grande beauté, mais aussi, pour éviter de passer l'éternité seul. Oui, ce pauvre fou espérait faire d'Opium sa femme pour l'éternité. C'était un vampire mélancolique, emprunt de remord à la Edward dans Twilight. Elle resta une bonne cinquantaine d'années avant de fuir loin, très loin, le laissant sur le carreau comme un pauvre malheureux. Après tout, elle n'avait jamais su pourquoi elle était restée si longtemps àses côtés, la vie avec lui était d'une tristesse ! Cela lui donnait envie de bailler à chaque fois qu'elle y pensait. Puis... quelques temps après, elle tomba sur un autre vampire avec plus de 500 ans au compteur ! Autant dire qu'il ne fallait pas faire un faux mouvement, sinon, on finissait avec la tête à dix kilomètres de son corps. Cependant, à choisir entre le Edward mélancolique et ce vampire, il est sûr qu'Opium ne serait jamais partie ! Et pour cause ! Elle était tout simplement tombée sur un vampire qui la battait... tout comme son oncle. Et même si elle tentait un rapport de force, de se défendre, elle n'avait jamais le dessus et finissait souvent sur le carreau, couverte de son propre sang. Cet homme, ce monstre qui se nommait Balthazar maltraitait ses succubes et mangeait ses esclaves qui ne tenaient à peine qu'une semaine ! C'était un monstre de bas-étage, un malpropre ! Et à chaque fois qu'Opium ne ramenait pas d'humain ou était prise d'une crise de schizophrénie, il la battait jusqu'à temps qu'elle perde connaissance. Alors, pour sortir de cet enfer, elle décida de le pousser dans ses retranchements. Quitte à être une mauvaise succube, autant l'être jusqu'au bout ! A force, il en aurait peut-être marre et la laisserait tomber comme une vieille chaussette ! Alors, elle monta un plan, celui de lui faire partager sa peur de l'abandon, de se retrouver de nouveau orpheline. Ainsi, son maître jouait avec cela, le menaçait de la laisser dans les bois si elle continuait à n'en faire qu'à sa tête. Et c'est ce qu'elle faisait la belle Opium, elle n'en faisait qu'à sa tête dans l'espoir docile qu'il la libère un jour, car, impossible de fuir, il était trop puissant. Il aurait sûrement tué la jeune femme dès qu'il l'aurait retrouvé. Sans parler du fait aussi que la Voix était toujours présente après toutes ces années et qu'elle s'était amplifiée ! Elle arrivait parfois à prendre sa place ou même à apparaître sous les yeux d'Opium ! Elle lui faisait part de visions sanguinolentes, cauchemardesque etc... Bref, le statut de vampire l'avait rendu plus forte, mais ce qu'elle avait oublié, c'est qu'en étant vampire, elle avait aussi rendu puissante Opium, la vraie et non cette Voix, cette intruse. Elle n'avait donc pas totalement le pouvoir sur elle.

Bref, la vie d'Opium ne fut pas facile jusqu'au jour où, enfin ! Son maître pris la grande décision de l'abandonner, même de la vendre ! Quelle ironie du sort ! Exposée de nouveau comme une bête de foire !




Continuant de la traîner tel un chien en laisse, Balthazar s'approchait d'un stand à succubes, fixait une à une les ravissantes vampires avant de s'adresser au marchand, communément appelé « Les Marchands de Rêves ». Surnom dû aux créatures exquises dont ils s'occupaient. « J'exige la meilleure vente ! Comparé à celles-là, la mienne est la plus belle, j'exige la meilleure vente, sans discuter ! » ordonnait le vampire sans aucun état d'âme. Le marchand lui jetait donc un regard en biais, sceptique, avant d'observer de la tête aux pieds la belle succube. Les cheveux en bataille, une robe à dentelle blanche et des bottes qu'elle avait dû sûrement prendre au maître, elle avait une dégaine assez originale. Le marchand souriait, amusé. Demandant poliment sa carte d'identité – c'est le protocole – il pu constater que ce fameux vampire du nom de Balthazar était bien plus âgé que lui, donc bien plus puissant. Il n'allait donc pas faire d'esclandre. Il accepta son offre sans rechigner et tandis qu'il emmenait Opium sur l'estrade aux yeux de tous, il questionna le vampire. « Pourquoi la vendez-vous ? Elle est pourtant la plus belle selon vos dires ? » « Cela ne vous regarde pas, vendez-la, je n'en veux plus. » grommelait le vampire en croissant les bras, fixant les passants méchamment en espérant qu'il y aurait un vampire qui achète sa succube. Le marchand attachait donc Opium entre deux autres succubes. Mains accrochées ensemble, il faisait suspendre Opium par une corde qui la tenait debout, ne touchant presque pas le sol. Les morceaux de bois dans la corde n'aidait pas à aller mieux et à chaque tentative d'évasion, la corde se resserrait encore plus, s'enfonçant de plus bel dans la chair. Cela ne servait donc à rien de se débattre, même si l'envie y était bien présente. « Tu as dû faire des bêtises pour que ton maître te lâche... » « Ti Cazzo ! » Le marchand arqua un léger sourcil, sceptique. « Traduction ? » « Va te faire foutre ! » répondit-elle haineuse en lui crachant au visage. « C'est mieux comme ça ? » finissait-elle par dire, insolente. « Bien... » Le marchand essuya le cracha d'un revers de la main avant de descendre de l'estrade, reprenant son activité, appâtant les acheteurs potentiels.

Le temps passait lentement aux yeux de la belle succube, ne sachant si elle devait dormir ou hurler. Deux succubes avaient déjà été vendus. Opium pensait sincèrement qu'elles n'avaient pas de chance et qu'elle préférait crever au fond d'un caniveau que d'être acheté par un saleté de vampire ! C'était assez étrange... étant elle-même un vampire, il lui arrivait de détester sa propre race et encore pire ! Il lui arrivait même de se prendre pour une humaine... Oui, Opium était définitivement atteinte. Alors qu'elle commençait à somnoler, le marchand passa à côté d'elle pour la fouetter. Elle hurla de douleur avant de l'assainir de gros mots, tous dit en italien, sa langue maternelle. Le vampire ricanait de bon cœur « Cesse de dormir faignante ! Un client vient de t'acheter à un prix d'or ! Félicitation ma belle, tu es celle qui me rapporte le plus ! » disait-il tout joyeux en détachant le corde qui maintenait Opium. Touchant correctement le plancher de vaches, la succube mis quelques secondes avant de reprendre ses esprits. Elle avait faim et cela faisait des heures qu'elle était accrochée à cette satanée barre ! Elle tentait d’apercevoir celui ou celle qui l'avait acheté. Le marchand, tirant Opium par la corde pour la livrer à son nouveau maître, fût quelque peu surprise... il ressemblait à un véritable croque-mort ! N'aurait-elle jamais de chance et serait-elle condamnée à vivre avec des gens qui la rendraient encore plus folle qu'elle ne l'est aujourd'hui ? Sûrement ! Le croque-mort – ne connaissant pas son nom – remerciait chaleureusement le marchand avant de tirer Opium par la corde tel un chien en laisse, je vous le répète. Marchant à reculons, grommelant entre ses dents et faisant la tête, Opium était loin d'être euphorique. « Ma pauvre petite Opium, toujours aussi chanceuse ! » ricanait de plus bel la Voix ! Voix qui avait d'ailleurs un nom : Nessie comme le monstre du Loch Ness ! Opium trouvait que ça lui collait parfaitement. Ainsi donc, Nessie se moquait ouvertement de la jeune femme, ne cachant pas son envie de l'énerver. « Tais-toi un peu, tu me fatigues ! » Le croque-mort cessa de marcher, se tourna sur lui-même pour observer Opium d'un être surpris. « C'est à moi que tu t'adresses ? » demandait-il soupçonneux. Opium levaient les yeux au ciel d'un air désespéré. « Non, je parle à ma conscience ! » répliquait-elle sèchement. Le vampire, toujours autant perplexe, se rapprochait d'Opium, l'air un peu plus menaçant. « Te moques tu de moi ? » Opium se retenu de rire suite à cette question. Elle pouvait déjà constater la paranoïa et l’ego démesuré de ce croque-mort. « On ne vous a rien dit ? » demandait-elle d'un air faussement surpris. Le vampire l'invitait à continuait. « Je suis schizophrène et quelque peu psychopathe sur les bords ! Je suis chiante, invivable, je sors à longueur de journée des grossièretés, je ne respecte personne, je ne remplis jamais mes missions et je bouffe les humains de mes propriétaires ! Vous voulez que je continue ou cela suffit ? » lançait-elle sur la provocation. Le fait d'être un vampire l'avait bien changé sur certains points, mais il était vrai qu'elle le faisait exprès. Elle ne voulait absolument pas être sa succube, elle voulait être libre, traitée au même titre qu'un simple vampire.

Le croque-mort, stupéfait par un tel comportement, fit demi-tour pour rejoindre de nouveau le stand des succubes. N'oubliant pas, évidemment, de traîner plus rapidement Opium derrière-lui comme un sac à patate. Arrivé au stand, il commençait à grondait le marchand, le traitant d'escroc, de voleur et de tout les adjectifs qui pouvaient le qualifier. A un moment donné, alors que la jeune femme pensait assister à cette scène, le croque-mort lâche par inadvertance la corde, libérant ainsi Opium. Elle ouvrit de grands yeux et ne perdit pas une seconde pour s'enfuir. Corde toujours autour des poignets, elle parcouraient les rues du village à la vitesse vampirique, à l'affût d'une échappatoire. Mais elle fût stoppée nette dans son élan. Partant à la renverse, elle se cogna la tête au sol. De relevant aussitôt pour faire face à celui ou à celle qui l'avait arrêté, elle put constater que cette personne était le croque-mort en question. Il avait marché sur la corde pour l'arrêter. La tirant maintenant jusqu'à lui, il attrapa ses cheveux avec poigne. Parlant entre ses dents près de son visage, Opium pouvait sentir son souffle. « On tente de fuir ? En plus d'être folle, tu es une déserteuse ! » Opium ne disait rien, écoutant le vampire sans autre choix. « Le marchand et moi avons conclus un accord... » « Quel accord ? » demandait Nessie. « Tais-toi. » chuchotait Opium, ce n'était pas le moment qu'elle fasse le pitre dans son esprit. Le croque-mort, de plus en plus énervé, repris. « Cesse de parler à ta conscience ou je ne sais quoi d'autre ! Il m'a remboursé ce vieux bougre, ce qui veut dire que tu es libre... » On pouvait déceler l'étonnement et l'espoir dans les yeux d'Opium. Libre ? Elle était vraiment libre ? « Hmm il y a anguille sous roche... » songeait Nessie, loin de croire ce vampire de bas-étage. « Mais... non ! » finissait-il par déclarer en riant sournoisement. « Et patatrac, j'avais raison ! » répliquait Nessie alors qu'Opium, sentant le peu d'espoir en elle complètement annihilé, piqua une colère noire. « Espèce de vieux bougre ! Menteur ! Imposteur ! Qu'allez-vous faire de moi si ce marchand vous a remboursé ? Je mérite ma liberté ! » clamait haut et fort Opium, complètement hors-d'elle. Plus elle s'énervait, plus la croque-mort riait de plus bel. « On a décidé que tu allais mourir brûlé sur le bûcher, sur la place publique ! » finissait-il par dire les larmes aux yeux tellement il n'en pouvait plus.

Ni une, ni deux, il l'emmenait de force jusqu'à la place publique où la mort de la jeune femme était déjà annoncée. « Les nouvelles vont vite ici » ironisait Nessie. Opium était totalement désespérée et ne savait plus quoi faire. Trop affaiblit par manque de sang, elle n'avait pas assez de force pour fuir une deuxième fois. Cette fois-ci, elle avait réellement la sensation qu'elle allait y passer. Le croque-mort pris le soin de passer la corde au bourreau avant de s'écarter pour se mettre dans la foule, pour assister au spectacle. Cela faisait bien longtemps qu'on avait brûlé personne ici, c'est ainsi que presque la moitié du village était réuni cette nuit. La jeune femme exaspérée par de tels comportements, tentait en vain de les faire réagir, de regarder ailleurs. Le bourreau installait Opium au milieu de la paille, des branches de bois et l'attachait avec force autour du gros tronc planté au milieu. La belle se débattait, mordait le bourreau, s'agitait dans tout les sens pour tenter de se libérer de l'emprise de cette corde qui lui faisait mal. Alors que le bourreau tenait une torche enflammée en main, Opium ne pu s'empêcher de paniquer. Elle se mit à pleurer, à supplier, mais rien à faire. Le bourreau ne bougea pas un seul sourcil, bien déterminé à exécuter sa tâche si bien payée. Alors, dans un dernier élan de colère qu'elle n'arrivait pas à contrôler, elle jura comme un homme. « STRONZO ! LECCA CULO ! VAFFANCULO ! » Des grossièretés en pagaille que seuls ceux parlant italiens pouvaient comprendre. Au moment où le bourreau approchait la torche de la paille, une voix féminine fit interruption dans le vacarme assourdissant de la foule. Une forme féminine s'approchait de l'estrade, dissimulait sous une cape noire. Arrivée devant Opium qui se trouvait en fâcheuse position, la femme repris la parole. « Cessez immédiatement! » ordonnait-elle d'une voix tranchante à vous couper le sifflet. Certains se mirent à rire dans la foule, tandis que le bourreau ne bougeait toujours pas d'un cil. Le croque-mort s'approchait donc de la femme en question. « Allez vous en ma p'tite dame ! Cœur sensible, s'abtenir ! » ricanait-il, moqueur. Soudainement, il fût projeté à l'autre bout du village, atterrissant à travers la toit d'une chaumière. La femme venait de le balancer d'un seul geste de la main. Pour qu'on la prenne un peu plus au sérieux, elle enleva le capuchon qui recouvrait sa tête pour dévoiler ainsi une magnifique chevelure flamboyante, rouge comme le feu. Opium observait la scène avec perplexité en même temps qu'elle était émerveillée par cette femme qu'elle considérait déjà comme sa sauveuse. « J'ai dit : Cessez immédiatement cette parade honteuse ! Libérez-la, je la prend avec moi. » continuait-elle de dire sur le même ton. Le marchand s'approchait donc de la jeune femme, quelque peu craintif. « Mais... qui êtes-vous ? Sans vouloir vous offenser, mais pour avoir la petite, il faudra payer... » La femme lui jeta un regard noir emplit de haine et d'hostilité. Le marchand reculait sans demander son reste. « Au nom de l'Empereur d'Amérique, j'ai nommé Cesar Irving Bridgestone, je vous ordonne de libérer cette succube, maintenant propriété de l'Empereur ! » clamait-elle à voix haute alors qu'elle rejoignait le bourreau. Elle n'y allait pas avec le dos de la cuillère ! Opium se remémorer les paroles de la jeune femme. *Quel Empereur ? Il existe un Empereur en Europe ? * « Que sais-je ? Arrête de réfléchir et saisis ta chance ! Au moins, on ne finira pas brûlé comme des sorcières ! » répliquait Nessie, soulagée.

Aussitôt dit, aussitôt fait, Opium fût libérée des flammes pour se retrouver face à la jeune femme. Quelque peu surprise et inquiète, elle n'osait quoi dire à part « Merci ». La jolie rousse pris le bras de la succube pour l'emmener avec elle dans la diligence. Assissent toutes les deux l'une en face de l'autre et après avoir quitté ce village miteux, l’inconnue pris la parole. « Vous avez eu de la chance... J'étais de passage, par hasard. Je venais de finir rendre visite à la famille royale britannique et mon envie de découvrir d'autres contrées m'a poussé à venir sur les terres. » Elle parlait clairement, calmement, tout en mettant ses gants en cuir délicatement et jetant des petits coups d’œils à l'extérieur. « Ce qui fait que j'ai atterri dans ce village par miracle ! Je vous ai observé au loin... il faut dire que vous n'êtes pas très discrète, mais votre cas m'a intéressé... » « Quel cas ? » répliquait Opium avant de se mordre les lèvres, par peur d'avoir était trop impulsive. La rousse laissa dessiner un mince sourire sur ses lèvres avant de reprendre. « Votre beauté est assez énigmatique et je m'étonne encore d'apprendre que votre ancien maître vous vendez, avant que je ne sache que vous aviez quelques problèmes... est-ce vrai ? » demandait gentiment la femme, en plongeant son regard dans celui d'Opium. Cette dernière mit quelques temps avant de répondre, gênée et inquiète. « Je... oui... enfin, je n'ai pas de problème, je suis juste étrange... » La jolie rousse souriait de nouveau, déposant sur les genoux de la succube une poche de sang. « L'étrangeté ne m'a jamais dérangé... buvez, vous devez reprendre des forces. » La jeune femme observait la poche de sang avec avidité. Cela allait faire presque 24h qu'elle n'avait rien mangé. Ce petit en-cas était alors le bienvenue. Mais avant de boire, sa curiosité l'a poussait à poser des questions. « Mais... qui êtes vous ? De quel Empereur parlez-vous ? » « Je me nomme Rozen Ivory Blackout, conseillère et secrétaire personnelle de l'Empereur Cesar Irving Bridgestone. Il gouverne l'Amérique. » répondait-elle comme une machine. Elle avait une drôle de façon de se présenter, en prononçant tout les noms et prénoms des gens. « Je ne connais pas... il est gentil? » Tel était la seule question qui était venue spontanément aux lèvres d'Opium. La petite fille d'avant faisait surface pour exprimer ses craintes. Elle priait pour ne plus avoir de mauvais traitement. « Tu n'as pas à te poser cette question, car, tu ne sera pas sa succube... mais la mienne... » finissait-elle par dire. Opium ne dit plus un mot, observant la jolie rousse. Elle était à ses yeux sa sauveuse, elle n'avait donc en tête qu'une image positive de la jeune femme et elle était agréablement surprise d'être sous l'aile d'une femme, cette fois-ci. « Rozen... joli prénom... » chuchotait-elle à elle-même avant de siroter sa poche de sang. Opium se dirigeait vers sa nouvelle destinée.

« Un, deux, trois, nous irons aux bois... Quatre, cinq, six cueillir des cerises... Sept, huit, neuf dans mon panier neuf... Dix, onze, douze, elles seront toutes rouges ! Allez à toi maintenant ! » riait gaiement la petite fille qui se trouvait assise en face d'Opium. Elle frappait joyeusement dans ses mains, se dandinant de droite à gauche, quelque peu agitée, mais euphorique. Elle voulait jouer avec Opium, mais cette dernière avait d'autres chats à fouetter. Assise en tailleur, elle avait sur ses genoux un livre assez épais qu'elle feuilletait avec curiosité, concentrée. Habillée d'un simple jean troué, d'un t-shirt destroy et de bottes façon motarde, Opium ne faisait plus attention à rien. Se trouvant dans l'immense bibliothèque du Palais, elle s'occupait, comme à son habitude, de ranger et de classer tout les livres par ordre alphabétique. Autant dire que la tâche était fastidieuse étant donné l'immensité de la pièce ! Mais cela n'était rien pour Opium qui pouvait y passait des heures, voire des journées à tout ranger. Maniaque et compulsive, elle trouva refuge dans la propreté, le rangement et l'ordre. C'est ainsi qu'elle accepta volontiers ce travail. Quoique, elle n'était pas obligée d'y passer des heures, mais c'était son choix. Classant les livres par ordre alphabétique alors que la plupart des gens rangeaient cela sans s'en soucier, c'était la mission qu'Opium s'était fixée. C'est ainsi qu'en plus de lire un livre, elle classait une pyramide juste à côté d'elle. Elle en était arrivée à la lettre E et la bibliothèque était très loin d'être en désordre, mais que voulez-vous ? C'était Opium...

La jeune femme continuait ainsi sa tâche quand la petite lui adressait de nouveau la parole. « Aller ! Joues avec moi ! » gémissait-elle sur place en faisant sa moue boudeuse et suppliante. « Lâche-moi Nessie, je lis. » répliquait Opium dans un soupir las. La petite, énervée, se mit debout pour enlever des mains le livre que la belle succube lisait. « Je ne suis pas Nessie ! Je suis toi ! Opium ! » rouspétait-elle de plus bel. La succube se mit donc debout pour s'éloigner de la petite. Prenant dans ses bras quelques libres, elle grimpait sur un escabeau à roue pour glisser les livres à leur place. Elle ne voulait pas prêter attention à cette vision, car, depuis qu'elle était devenue vampire, elle ne faisait pas qu'entendre Nessie, elle la voyait maintenant ! Tout dépendait des moments. Le pire, c'était qu'elle voyait son double ! Nessie était son portrait craché, quelque plus sombre et différente. Les traits de son visage n'exprimait pas les mêmes émotions d'Opium. Et ce jour-ci, Nessie était apparue sous la forme d'une petite fille... quand elle était petite... ce qui était assez troublant aux yeux de cette dernière. Et ne voulant pas communiquer, elle feignait de l'ignorer, en espérant que cette vision disparaîtrait d'elle-même. « Tu n'es pas marrante ! » finissait-elle par dire en tirant la langue. Pour s'occuper, Nessie sautillait de long en large dans l'immense pièce, se comportant comme une véritable enfant. Opium laissait faire même si elle espérait ne plus rien entendre. Parfois, Nessie la fatiguait vraiment. Pendant que les deux compères sont occupées, contons l'histoire d'Opium sur son arrivée sur l'île...




Opium est arrivée à HeartKiller le 17 juin 1817. Autant dire qu'elle y est depuis pas mal d'années ! Rozen, qui est maintenant sa maîtresse, a préfèré la garder pour elle que de la donner à Cesar. Effectivement, ce n'était qu'un prétexte pour sauver la belle et au fond, Rozen avait pris Opium sous son aile pour la garder auprès d'elle. En aucun cas elle avait pour but d'offrir Opium à Cesar, même pas en rêve ! La belle aux yeux saphir mit du temps à prendre ses marques, complètement chamboulée par ce nouvel environnement, ces nouveaux habitants, ces nouvelles coutumes. Elle qui était habituée à l'Europe, découvrait maintenant une île perdue au milieu de l'océan. Un petit bout d'Amérique gouvernés par des Rois et des Reines, tous frères et sœurs. C'était très étrange et Opium mit du temps à s'y faire. Les années passèrent et elle appris à s'adapter, à se fondre dans la masse... enfin, quand elle ne perdait pas pied avec la réalité et partait dans tout les sens. Rozen est aujourd'hui le pilier de la jeune femme. Elle sait que si elle venait à sortir de sa vie, elle redeviendrait automatiquement la pauvre petite orpheline, celle qu'on n'aimait pas et qu'on maltraitait. Non, depuis qu'elle était à HeartKiller, elle était devenue beaucoup plus forte, s'était créée des liens, avait pris de l'importance parmi les succubes et faisait partie des meilleurs ! Enfin, des plus beaux, allons-nous dire parce qu'Opium a quelques difficultés à remplir ses missions. Plus du genre à aller se faire un strip-poker qu'à ramener des humains à sa maîtresse, il est clair qu'elle n'est pas très efficace et se fait souvent réprimandé par Rozen... mais cela ne l'empêche pas de recommencer, ce n'est pas de sa faute si elle écoute un peu trop ses envies et surtout Nessie ! Mais quand elle décide de ramener les humains, elle ne rechigne pas à la tâche et devient même un élément efficace. Si seulement cela pouvait se passer ainsi le plus souvent possible...




Opium continuait sagement à ranger les livres, quand un homme fit irruption dans la pièce, ne se gênant pas pour renverser les piles de livres qu'elle avait trié avec soin. A cet instant, la jeune femme voyait rouge et n'hésitait pas une seule seconde pour descendre de l'échelle. Enfin, façon de parler, elle a plutôt sauté jusqu'au sol pour se précipiter sur le malotru. « Non mais, vous gênez pas ! Je passe mon temps à tout ranger ! » grondait-elle le vampire avec rage. Sa maniaquerie et ses tocs prenaient toujours le dessus sur elle quand quelque chose n'allait pas. Elle devenait irritable, instable et devenait complètement obnubilée par ce qui devait être rangé, lavé, nettoyé, exécuté ! Ne portant plus aucune attention au vampire, elle s'énerver à remettre maladroitement les livres dans le bon ordre, perdant patience, poussant des cris furieux tellement elle pétait un câble. Le vampire ne pris pas la peine de rester et partis de la pièce sans même prendre un seul livre. Nessie allait donc profitait de la colère d'Opium pour s'amuser un peu. « Viens jouer avec moi ! » lançait-elle joyeusement en tournant autour d'elle. Opium, ne supportant plus ses pitreries, cessa tout mouvement pour se tourner vers sa vision envahissante. Poings fermés, mâchoire serrée, regard noir, elle fixait la petite. « Cesse... de... me... déranger... » articulait-elle entre ses dents, fermement. Mais la petite voulait continuer sur cette voie-là et repris de plus bel. « Arrête de faire ta commandante ! Sinon, je vais le dire à tonton Orlando ! » finissait-elle par dire en courant en sens inverse, poussant un rire d'une étrangeté sombre. Plus les minutes passaient, plus la petite devenait effrayante par sa façon d'être et ses rires d'outre-tombe. Quand elle prononça le prénom de son oncle, Opium resta figée sur place, assaillit par des souvenirs douloureux. « Arrête de parler de lui ! Il nous a fait du mal à nous deux ! » « Non ! Il n'a fait du mal qu'à toi, les coups, c'était bien toi qui les subissais et non moi... je n'étais que spectatrice... » répliquait-elle d'une voix inquiétante et beaucoup trop calme. Elle se rapprochait de nouveau d'Opium, doucement, mains derrières le dos, le visage beaucoup plus menaçant comme si les traits de la petite s'étaient modifiées. La jeune succube commençait véritablement à avoir peur de cette vision. Une vision qu'elle pouvait bien faire disparaître, mais sans aucun succès, l'angoisse prenant le dessus. « Lâche-moi maintenant ! Cesse de me harceler ! » Opium fit demi-tour pour prendre la direction de la sortie avant que la petite démone fit irruption à l'entrée comme par magie. L'esprit était capable de grande prouesse, mais dans un esprit tel que celui d'Opium, difficile de trouver la sortie dans les méandres de son esprit. Cette fois-ci, la vision de la jeune fille avait encore changée. Ses traits étaient grossiers, pâteux. Opium avait l'impression qu'elle se transformait en monstre ! Sa robe était tâchée de sang, ses mains aussi. Opium observait la scène avec effroi, se osant des milliers de questions. « Mais que cherches-tu bon sang ? Tu n'en a pas assez de me pourrir mon existence ?! Fous-moi la paix, va voir ailleurs si j'y suis ! » s'énervait-elle emprunt d'une certaine angoisse qu'elle avait du mal à cacher. Si elle avait encore un cœur, il se mettrait à battre irrégulièrement tellement elle paniquait. « Je ne peux pas partir, je suis toi, tu es moi, nous ne formons qu'un ! Viens ! On va jouer à la marelle ! » disait la petite en prenant la main d'Opium. A ce geste tactile qu'elle ressentait pour la toute première fois avec une vision, elle extirpa sa main violemment, d'un geste tellement rapide qu'elle partie à la renverse, secouée par cette sensation et la peur qui l'envahissait. Comment avait-elle fait pour la sentir ? Peau contre peau, c'était impensable jusqu'à aujourd'hui. « Ne t'approches pas de moi ! » disait Opium au sol, en reculant en arrière, effrayée. « Je m'approche de toiii... » répliquait-elle dans un sifflement sadique. « Nessie ! Lâche-moi ! » « Je ne suis pas Nessie, je suis Opium et je suis venue prendre ma place ! » continuait-elle à dire comme un robot, penchant la tête sur le côté, le regard dans la vide. La jeune succube pris alors un livre qu'elle sentit sous sa main pour lui balancer, mais en vain. Imaginez qu'Opium se battait contre sa propre imagination, son propre esprit néfaste. Comment un livre pouvait arrêter tout cela ? Ce n'était qu'une vision, il n'y avait rien de tangible... mais pourtant... elle avait sentit son contact... avait-elle rêvé ? Le livre traversait le corps de la petite, sans surprise. Nessie regardait son ventre, puis Opium, lentement, à tour de rôle avant de poser son regarde vide sur la succube. « Fallait pas faire ça petite... mauvais choix ! » Sa voix était celle de son oncle ! Opium entendait de la bouche de la petite la voix de son oncle et pris aussitôt peur définitivement en constatant que Nessie devenait complètement cinglée.

Soudainement, Nessie sortie un long couteau de boucher de derrière son dos, la bouche grande ouverte emplit de longues dents difformes, le visage déformé, un hurlement strident, les yeux rouges, en feu. Le même couteau qui avait servit à tuer Orlando. Opium poussa un hurlement de frayeur tout en balançant sans même réfléchir tout les livres à sa portée. Et au moment où le couteau transperça le cœur de la succube, celle-ci plongea dans les fins fonds des abysses...


« Opium ? Opium ? Réveille-toi marmotte ! » riait doucement un inconnu. La voix du jeune homme, Opium la connaissait et n'eût pas de mal à le reconnaître. Aussitôt, elle ouvrit les yeux pour apercevoir le visage de Nathanaël au-dessus d'elle. Sa bouffée d'air frais était à ses côtés. Elle afficha un léger sourire, malgré que des larmes de sang avaient coulés sur ses joues. Nate l'observait, perplexe, mais en même temps compatissant. Il caressait les cheveux d'Opium doucement, tentant de contenir encore longtemps cette plénitude qu'il voyait dans son regard. « Que s'est-il passé ? » demandait-il posément en montrant d'un signe de la tête une toile. Opium, toujours allongée au sol sur le dos, tourna la tête pour constater qu'une toile avait été peinte. Ouvrant des grands yeux, horrifiée, elle se releva d'un bond, se précipitant vers la toile. Posant ses mains dessus, elle put constater que la peinture était sèche. Elle fixait la toile, puis ses mains recouvertes de peintures, ses vêtements tâchés, elle fixait le moindre objet dans toute la pièce, oubliant Nathanaël pour finir par reposer son regard sur l'immense toile. Silencieuse, elle reculait lentement, assommée par ce qu'elle voyait devant elle. Nate stoppa l'élan d'Opium en la prenant par les épaules, puis chuchotant à son oreille. « C'est toi qui a fait... » Il n'eût pas le temps de finir sa phrase qu'Opium l'interrompit. « Oui, c'est moi. » répondait-elle dans un souffle. Sous ses yeux, la toile représentait une petite fille à tête de monstre, avec un couteau sanguinolent en main et robe tâchée de sang. Choquée, abasourdie, Opium venait de comprendre qu'elle avait peint cela, mais...« Je n'en ai aucun souvenir Nate... je pensais cauchemarder... que s'est-il passé ? » demandait-elle sans vraiment attendre de réponse, complètement assommée. Elle observait la pièce autour d'elle, ravagée par sa folie. Des livres traînaient au sol, des objets étaient brisés, des gouttes de sang tâchaient le sol un peu partout. C'était son propre sang, elle le savait, elle reconnaissait l'odeur. Elle ne se souvenait plus de rien, prenant seulement un cauchemar pour un rêve alors que ce n'était que pure réalité ou pas. Elle ne savait plus quoi penser. « C'est encore cette voix ? » Opium hocha positivement de la tête. « Tu ne crains plus rien en ma présence maintenant... et à vrai dire, quel chef-d’œuvre... d'épouvante ! » finissait-il par dire en riant pour tenter de détendre l'atmosphère. Opium émit un léger rire accompagné d'un sourire. Outre l'horreur qui s'offrait devant ses yeux, elle avait peint une toile splendide, emplit de souffrance, de colère et de cauchemars. Sombre, inquiétante, Opium avait bien peur que cette toile représente son âme, alors, elle changea automatiquement de sujet. « Tu veux faire quelque chose en particulier ? Si on allait dévaliser les cuisines ? Discrètement, évidemment ! » lançait-elle amusée, le regard audacieux. Elle lui lançait un petit défi, à savoir s'il avait assez de cran pour se promener jusqu'aux cuisines... rappelons que Nate n'est qu'un simple humain et qu'Opium fait partie des seules personnes qui le protègent. Ni une, ni deux, Opium entraîna Nate dans son sillage, sautillant d'excitation jusqu'aux cuisines. En sa présence, Nessie se faisait absente... mais pour combien de temps encore ? Affaire à suivre...