Ivashkov, qui ne connait pas ce patronyme ? Cette famille, réputée depuis de nombreux siècles, a instauré un régime de frayeur en Russie et principalement dans la capitale de celle-ci : Moscou. Depuis plus de mille ans et malgré la distance, les Ivashkov ont toujours été aux côtés des Bridgestone, y compris pendant la guerre contre Allan Levinson. La guerre terminée, les Ivashkov quittèrent à regrets leurs amis pour rentrer en Russie reprendre leurs affaires. Quand bien même on leur avait fait la proposition d'habiter sur l'île, Vasilisa Ivashkov tenait à revoir sa terre natale et son mari n'eut d'autres choix que de céder à sa requête. Les Ivashkov étaient des êtres sanguinaires sans la moindre morale, tuant, massacrant des familles entières pour satisfaire leur soif ou leur ennuie. Vasilisa avait horreur de la routine, ne supportant pas de jouer les vampires de l'ombre, à la tombée de la nuit, elle se plaisait à faire le tour des villages pour vider de leur sang les tous petits prenant, au passage, la vie de leurs parents. Vladimir Ivashkov, un homme d'un calme et d'une froideur sans égale, était loin d'avoir les mêmes lubies que sa chère et tendre épouse. Il faisait tout son possible pour couvrir les crimes de cette dernière, essayant tant bien que mal de cacher aux yeux du monde leur nature démoniaque. Bien des fois il sermonnait sa femme et lui intimait d'arrêter tous ces massacres, mais Vasilisa se moquait bien des sermons de son époux, tout ce qu'elle voulait, c'était se divertir et rien de tel que des meurtres sanguinolents et des bébés vidés de leur sang. Bien des légendes se sont fondées sur la dame blanche en Russie, la dame sanguinaire, celle qui mettait à feu et à sang des villages entiers. Chaque jour, je priais, oui, je priais pour que la dame sanguinaire vienne tuer mes parents, ce père qui me frappait et cette mère qui le laissait faire en disant que j'étais un fils indigne. Mais jamais au grand jamais je n'aurais cru que mon voeux se réaliserait.

Il faisait nuit noire, la nuit été tombée depuis plusieurs heures, mais je n'arrivais toujours pas à trouver le sommeil. Mon nez me faisait encore mal, il devait sans doute être cassé et mon épaule me lançait terriblement. Soudain, j'entendis la porte de ma chambre s'ouvrir en grinçant et les pas lourds de mon géniteur, dont la dose l'alcool avait l'air très élevée, se rapprochaient de mon lit. Je commençais à trembler et les larmes se mirent à couler. « Arrêtes de pleurer comme une fillette, comporte-toi comme un homme ! » Il attrapa mon bras endolori et me balança sur le sol glacé. « Si seulement tu étais mort à la naissance... » Je fermais les yeux et respirais un grand coup. Les coups s'enchaînèrent et j'essayais tant bien que mal de respirer quand un cri retentit. Mon père se retrouva de l'autre côté de la pièce, dans les bras d'une femme à la longue chevelure blonde et qui était en train de le vider de son sang. Ses canines, longues et aussi tranchantes que la mort, se rétractèrent et elle s'avança vers moi. Dans un dernier effort, je lui pris la main en pleurant. « Merci... » Je venais d'assister à la mort de l'homme qui m'avait conçu et, pourtant, je ressentais un soulagement intense comme jamais je n'avais ressentit auparavant. Maintenant, je savais pertinemment qu'elle allait me tuer, mais j'étais prêt, plus prêt que jamais. Elle m'avait libéré de mon plus gros fardeaux, elle avait su arrêter cet homme et, par reconnaissance, je me devais de lui offrir ma vie. Sous la douleur je m'endormis, me livrant à elle et à ses crocs acérés. Petit à petit, un trou noir m'emporta et je sentis mon corps se soulevait dans une vitesse surprenante, mais avec tout autant de délicatesse. Le lendemain, je me réveillais dans une chambre somptueuse, il faisait nuit et une femme me regardait avec insistance en tapotant vivement le bras de son mari. « Vladimir, il se réveille ! »

Au début, Vladimir était contre le fait que Vasilisa me garde à ses côtés. A ses yeux, je n'étais rien d'autre qu'un petit chien de compagnie qu'elle n'allait pas tarder à dévorer. Ce qu'il ne comprenait pas, c'est qu'aux yeux de Vasilisa, j'étais l'enfant qu'elle n'avait jamais pu avoir. Bien vite, Vladimir me considéra comme son propre fils et Vasilisa prenait soin de moi comme jamais quelqu'un d'autre ne l'avait fait avant. J'avais de véritables parents qui se souciaient de mon bien-être et peu m'importait qu'ils doivent tuer des innocents pour se nourrir. Bien des fois je proposais mes services, mais jamais ils n'ont désiré boire une seule goutte de ma substance vitale. J'ai grandi, je suis devenu adulte et mes parents adoptifs étaient très fières de moi. Seulement, ce qui devait arriver...arriva. Des partisans de l'église prirent d'assaut le château des Ivashkov en plein jour. Mon père se débâtit avec force et courage, mais il succomba. Ma mère qui s'était cachée à mes côtés, avait pris soin de me transformer en vampire et de me donner une lettre. « Va au triangle des Bermudes, sur l'île et trouve les Bridgestone, donne-leur cette lettre. Maintenant fuit et ne reviens jamais, n'oublie pas que je t'aime Dimitri, tu resteras à jamais notre fils. Tu es un Ivashkov... » Je ne voulais pas partir, je ne voulais pas la laisser, mais il fallait que je vois les choses en face : je n'étais pas assez fort. N'étant pas encore transformé en vampire, j'avais la possibilité de fuir au grand jour. Par conséquent, connaissant toutes les cachettes du château, je passais par un tunnel souterrain qui menait droit au village, fuyant ainsi tous les assaillants. Ma seule famille venait d'être assassinée, je devais me rendre bien loin de ma contrée et, quand bien même j'étais encore humain, tous les villageois souhaitaient ma mort. Il fallait que je réagisse, il fallait que je trouve un moyen de quitter la Russie et d'atteindre l'île vampirique. Je caressais les deux petits trous brûlant au creux de ma gorge, je devais y arriver, je devais le faire pour ma mère.

Rapidement, je quittais Moscou pour me rendre dans une ville voisine. Je savais exactement comment procéder pour arriver aux Bermudes, mais le voyage s'avérait être particulièrement long. Avec le peu d'argent qu'il me restait, j'entrepris de monter à bord d'un solide navire parmi lesquelles se trouvaient hommes, femmes et enfants. Ce bateau était le seul et l'unique qui passait par les Bermudes, ainsi, il était mon unique chance de parvenir jusqu'aux Bridgestone. Les jours passaient et je me rapprochais de mon but, cependant, je ne m'étais pas préparé à endurer une telle souffrance... Mon corps semblait prendre feu de l'intérieur et je devais réprimer des cris de douleur qui me déchiraient la poitrine. Peu à peu, la folie me gagnait. Il me semblait voir mes parents ou bien retomber en enfance, comme ci tout ceci n'était qu'un affreux cauchemar, mais la réalité était bien plus abominable. La fièvre s'empara de moi et nul médecin semblait pouvoir me guérir. Tous prévoyaient une fin proche. Mes muscles s'enflammaient et mes gencives se déchiraient pour laisser place à des canines proéminentes. Puis, la douleur s'estompa et je recouvris mes forces. Désormais, j'étais un vampire. Cependant, je devais dès lors cacher ma vraie nature au reste du navire, ce qui n'était pas chose facile aux vues des circonstances. Je ne sortais jamais la journée, prétextant que le jour me donnait mal aux yeux et que j'étais fort sensible à la chaleur qui me donnait des malaises. Ainsi, je dormais le jour et sortait la nuit, m'abreuvant aux pauvres âmes qui osaient s'aventurer si tard dans la pénombre. Chaque nuit, une personne disparaissait dans de mystérieuses conditions et, bien vite, on en déduit qu'une fièvre cérébrale gagnait tous les passagers et les poussait à se jeter par-dessus bord. Femmes, enfants...peu m'importait et je prenais goût à assassiner toutes ces malheureuses personnes en dépit de leurs supplications.

D'après le capitaine, nous étions en plein milieu du triangle des Bermudes ou, plus communément appelé, le triangle du diable. Le beau soleil fut soudainement remplacé par une violente tempête et le bateau tangua de plus en plus fort jusqu'à se renverser. La seule et unique chose dont je me souvienne, s'est de m'être réveillé sur une plage au milieu de corps inertes. Deux gardes m'attrapèrent et m'emmenèrent devant la reine, une femme, brune et somptueuse. Je n'avais jamais vu une telle beauté auparavant. Mais elle n'était pas seule, ils étaient sept, trois filles et quatre garçons. Ils me dévisageaient, impatients de savoir ce qui m'amenait sur leur territoire. Sans dire un mot, je cherchais à tâtons la lettre de ma mère, encore intacte. M'avançant d'un pas prudent, je tendis l'enveloppe à la beauté brune qui s'empressa de déchirer celle-ci avant de la lire. Je sentis la colère montait en elle. « MENTEUR ! Vladimir et Vasilisa n'avaient pas d'enfants, il est donc impossible que tu sois leur descendant. » Les gardes s'approchèrent de moi et m'empoignèrent avec fermeté. Je me débâtis de toutes mes forces, sans succès et m'agenouillais devant les sept dirigeants de l'île. « Vladimir et Vasilisa Ivashkov m'ont adopté quand j'étais encore un jeune garçon, je les ai toujours considéré comme mes propres parents biologiques et si je suis ici devant vous, c'est pour exaucer l'ultime voeux de ma mère de me savoir en sécurité auprès de ses plus fidèles amis et alliés. Elle a dit que vous étiez des personnes admirables et que vous seriez pour moi comme une seconde famille. Je vous jure sur l'honneur des Ivashkov que je vous dis la vérité... » Ils semblèrent émues et décrétèrent que j'étais bel et bien le fils de Vladimir et Vasilisa. Toutefois, il me fallut des mois pour les convaincre, mais mes habitudes, ma façon d'agir et de parler leur semblaient si familières qu'ils m'accordèrent enfin leur confiance en me nommant conseiller. Ainsi, voilà maintenant plus de cinq siècles que je les épaule au quotidien. Respecté, j'étais craint de tous et de toutes, ma réputation de Vlad l'éventreur se rependait sur l'île. Oui, j'avais tendance à assassiner de manière assez horrible les pauvres esclaves que l'on me confiait. C'était plus fort que moi, ma haine contre les humains, ce qu'ils ont fait subir à mes parents, prenait le dessus. Je n'étais pas seulement Vlad l'éventreur, j'étais aussi le digne fils de la dame sanguinaire.

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