I
l était trois heures de l’après-midi et alors que les autres vampires devaient certainement tous dormir, j’étais pour ma part en plein chantier dans ma chambre au palais. En effet, depuis quelques jours, une histoire hantait mon esprit, à tel point, que cette nuit je n'étais pas arrivée à fermer l'œil. Pourtant ce n’était pas faute d’avoir essayé. Seulement, toutes ces questions, qui se bousculaient les unes et les autres, m'empêchaient de faire le vide. Il fallait que je bouge, que je trouve des réponses et cela ne pouvait pas attendre. Aussi, tournant en rond dans ma chambre, je n’arrêtais pas de me remémorer les faits. Pour moi, il devait bien y avoir une solution à ce problème, seulement laquelle ? Au bout d'un certain moment, je regardai l'horloge au-dessus du fauteuil. Deux heures que je faisais les cent pas ! Et je n'étais toujours pas fatiguée... Me laissant tomber sur mon lit, j’observai le plafond et soupirai. Rien à faire. Une question tournait en boucle dans ma tête : pourquoi l’un de mes incubes avait-il disparu ? S’était-il évadé ou alors quelqu’un, qui avait un grief contre moi, avait-il décidé de m’attaquer ? La seconde supposition me paraissait plus ou moins plausible. Dernièrement, je n'avais pas fait de tord à quelqu'un alors je ne voyais pas qui pourrait vouloir se venger. D'ailleurs en y repensant bien, il est vrai que je m'étais calmée. En tant normal, j'étais plutôt de celles qui sont mêlées à tout un tas d'affaires politiques et mon franc parlé m'avait souvent attiré les foudres des autres, de ceux qui défiaient les lois et que je me devais de punir. Cependant, avec tout le travail que me donnait l'aîné des Bridgestone depuis quelques temps, je n'avais plus eu l'occasion de me mêler aux affaires du moment d'où le fait que je ne voyais pas qui pouvait m'en vouloir... A moins que cela soit une vieille connaissance qui ait décidé de se venger après des dizaines années sinon, non, c'était un mystère. Quant au fait que cet incube ait pu disparaître de lui-même c'était presque impossible. A ma connaissance, ce n'était même jamais arrivé à un vampire qu'un de ses incubes, ou succubes d'ailleurs, partent à l'aventure en solitaire. Si cette classe de vampires avaient choisi cette voie c'était pour être sous le contrôle d'autres vampires et leur rapporter des humains. Et puis je n'étais pas une barbare féroce qui maltraite ceux qui lui rendent service, au contraire ! J'avais pour principe de toujours protéger mes sujets, esclaves comme vampires. S'il arrivait quelque chose à l'un d'entre eux, je devais savoir pourquoi, comment, où et mener mon enquête si nécessaire. Bref. Cette situation me déplaisait vraiment. Je n'aimais pas les mystères surtout quand j'y étais mêlée !

M'asseyant sur le rebords de ma fenêtre, fenêtre qui avait été cloisonnée pour ne plus laisser entrer la lumière du soleil, je me mordais la lèvre cherchant inlassablement ce qu'il s'était passé. Finalement, peut-être que quelqu'un m'en voulait bel et bien. J'avais une vague idée qui commençait à se dessiner et quelques noms faisaient surface même si j'étais plus ou moins convaincue. Ne pouvant plus supporter de rester enfermée comme un lion en cage, je finis par sortir prendre l'air dans le couloir. Je me laissai porter par mes pas, n'ayant pas une idée précise de là où je voulais aller. Ainsi, j'avais parcouru la bibliothèque, m'étais installée un bon quart d'heure sur le sofa du grand salon, mais m'asseoir m'avait rendu plus nerveuse. A force de recréer plusieurs scénarios dans ma tête, j'étais arrivée à la conclusion qu'il fallait que je demande l'aide de quelqu'un. Quelqu'un qui s'y connaissait en politique, en coup-bas et c'est alors qu'un nom se distingua dans ma tête : Dimitri. Bon, on ne peut pas dire que j'étais très heureuse d'aller le voir, à chaque fois qu'on était face à face ça dégénérait et on se bouffait le nez, mais il faut avouer qu'il était bon pour résoudre les affaires de ce type. En même temps, il était, comme moi, un conseiller des Bridgestone et ce n'était pas pour rien qu'il avait atteint ce grade.

D'un pas décidé, j'avais pris la direction de son manoir en espérant l'y trouver. Il était à présent vingt heures, le connaissant il devait être surement réveillé. Arrivée devant l'imposante bâtisse, je toquai et entendant sa voix me dire d'entrer, je pénétrai donc à l'intérieur en levant les yeux au ciel. En fin de compte, je commençais vraiment à regretter d'être venue. D'autant plus que je n'aimais pas demander l'aide de quelqu'un d'autre surtout quand ce quelqu'un d'autre est Dimitri. En sachant ce qui m'amène, il allait certainement se sentir très fier d'avoir enfin l'occasion de me prouver qu'il était plus intelligent que moi et ça, ça avait tendance à m'énerver un peu, voire beaucoup.
Après avoir regardé autour de moi sans le voir – peut-être qu'il devait être dans la pièce d'à-côté – je pris l'initiative de m'installer sur l'accoudoir d'un fauteuil en attendant que monsieur fasse son apparition. Puis, pour ne pas faire durer trop longtemps le suspens, sachant qu'il était en train de faire quelque chose pas loin, je dis haut et fort à son intention :

" Bon, sois sûr que ça me fait mal au coeur de dire ça, mais.. J'ai besoin de ton aide..."

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