Six mois. 182 jours. 4 383 heures. 262 974 minutes. L'impensable, l'improbable, l'incroyable s'était produit. Je n'étais même plus sûre de la personne que j'étais. Je ne savais pas si j'étais humaine, si j'étais une femme, ni même si j'étais réellement vivante. J'avais surtout l'impression d'être un objet, en fait, et je crois que c'est un peu le principe du statut d'esclave. Je n'arrivais toujours pas à croire, à réaliser ce que j'étais devenue. Les jours étaient longs, monotones et tristes. Comme je regrettais d'être partie, d'avoir quitté la maison de mes parents adoptifs! Je mourais d'envie d'y retourner, de m'excuser et de vivre à nouveau auprès d'eux. Et d'une certaine façon, j'avais trouvé du réconfort en me disant que ce qui m'arrivait, je l'avais mérité. Mes parents adoptifs avaient toujours tout fait pour que je sois heureuse. L'argent qu'ils gagnaient durement, c'était pour moi. Pour financer mes études, pour me payer des fringues, pour subvenir à mes besoins. Ils m'avaient toujours traité comme leur propre enfant, comme la chair de leur chair et le sang de leur sang. Et moi... Et moi j'avais tout gâché.

Ici, chaque jour se ressemblait. J'avais un peu de mal à ne pas devenir folle, mais jusqu'ici, j'avais survécu. Depuis mon arrivée, je traçais une légère barre sur le mur face à mon lit afin de pouvoir compter les jours. Au début, je pensais que j'étais en plein cauchemar, que j'allais bientôt me réveiller. Mon Dieu, comme j'avais tort. Je n'aurais jamais pu imaginer me trouver dans une telle situation, me voir réduite au statut misérable d'esclave. Quand Dimitri était intervenu, m'empêchant ainsi de mourir entre les mains de la reine, j'avais d'abord pensé qu'il allait me sauver, qu'il allait trouver un moyen de me laisser partir. Là encore, je me trompais. C'était à peine si je le croisais, en fait. Quand il voulait quelque chose, mon sang par exemple, il venait dans ma chambre et usait de ses pouvoirs hypnotiques pour que je lui obéisse au doigt et à l'oeil. Mais je dois avouer que ces derniers temps, il n'en servait plus trop. En fait, il n'en avait plus besoin. J'avais fini par comprendre que je n'avais aucune chance face à lui, et qu'il valait mieux pour moi que je me soumette à chacun de ses désirs sans protester.

Mais ce soir-là, ce fut différent. J'étais assise sur mon matelas, perdue dans mes pensées, lorsqu'un des hommes de Dimitri entra sans prévenir et m'ordonna de le suivre jusqu'à la chambre de mon maître. Je me levai et le suivi, sans rien dire. Arrivés devant la porte, le garde partit, me laissant seule. Mes jambes tremblaient et mon coeur battait à toute vitesse. Je crois que je n'avais jamais eu aussi peur de toute ma vie, même quand la reine avait menacé de se servir de moi comme de repas. Dimitri ne m'avait jamais autorisée à le rejoindre dans sa chambre, alors pourquoi le ferait-il maintenant? J'allais mourir. Il n'y avait que cette explication. Ce n'était pas possible autrement. Mes pensées se bousculaient dans ma tête et je tentais vainement de me rappeler ce que j'avais bien pu faire de mal. Peut-être s'était-il tout simplement lassé de moi. J'avais envie de tenter de m'enfuir, mais mes jambes refusaient catégoriquement de bouger. Je savais que, même de l'autre côté de la porte, mon maître pouvait sentir ma peur et je ne doutais pas un seul instant qu'il y prenait plaisir. C'en était fini de moi. D'un geste hésitant, tremblant et timide, j'osai enfin frapper à sa porte.

Six mois. 182 jours. 4 383 heures. 262 974 minutes. L'impensable, l'improbable, l'incroyable s'était produit. Je ne l'avais toujours pas tué. Vous devez sans doute vous demander de qui je peux bien parler, pour moi, la réponse est évidente : Ava. Je venais de me réveiller d'une longue journée de sommeil, oui, en tant que vampire il m'est difficile de vivre à la lumière du jour sans prendre feu en moins d'une minute. J'ouvrais les rideaux et admirais la nuit noire dans laquelle brillaient les étoiles, aussi étincelantes que des diamants. Ce spectacle ne cessait jamais de me fasciner, l'espace était quelque chose de si impressionnant que je ne pouvais m'en lasser. Cependant, je ne pouvais m'empêcher de penser à cette esclave que j'avais tiré d'une mort certaine. Ce n'était en aucun cas par compassion, loin de moi cette idée, mais cette fille me fascinait au plus haut point. Pourquoi ? Je ne saurais vous le dire quand bien même je saurais l'exprimer. Sa beauté, son charisme... Elle avait ce petit quelque chose qui avait éveillé en moi un intérêt certain pour cette humaine têtue et bien difficile à dompter. Habituellement, et c'était bien connu, j'avais tendance à me lasser assez facilement de mes esclaves. Ils ne me duraient habituellement qu'une semaine, certains atteignaient deux semaines voir peut-être trois, et voilà que cette fille battait un record jamais égalé.

Un raclement de gorge me tira assez rapidement de mes rêveries. « Vous avez besoin de quelque chose monsieur ? » Mes gardes, ainsi que l'ensemble de mes domestiques, se souciaient du moindre de mes désirs, de peur que, sur un coup de tête qui faisait ma réputation, je décide de les tuer pour me divertir ou les punir de leur manque d'intérêt envers leur maître. Sans prendre la peine de me détourner de la fenêtre, j'exprimais ma requête. « Faites venir mademoiselle Dwayn je vous prie. » La porte se referma et j'entendis les hommes descendre vivement l'escalier de marbre pour aller chercher au plus vite celle qui me causait tant de troubles. Ava n'avait jamais mis les pieds dans ma chambre et j'essayais de mettre le plus de distance possible entre elle et moi exceptait quand le désir de me nourrir d'elle me poussait à venir dans sa chambre. Elle m'obsédait, voilà six mois qu'elle hantait mes songes et perturbait ma routine. Contrairement aux autres, je ne voulais pas la tuer, du moins, pas tout de suite. Je voulais profiter d'elle, la découvrir, jouer de ses peurs. Elle me fascinait de part son côté têtue qui contrastait avec sa sensibilité si palpable. Je fermais les yeux et inspirait profondément. Je sentais son parfum se rapprochait, ce parfum que seule elle pouvait porter.

Les gardes la laissèrent devant la porte et je sentais son coeur battre plus vite qu'à la normal, je sentais la peur qui émanait d'elle, cette terreur qui me faisait tant jubiler. Elle me craignait et ce sentiment faisait monter en moins un incontestable désir de planter mes canines dans sa chair afin de m'abreuver du nectar qui palpitait dans ses veines. Elle osa enfin toquer à la porte, mais la crainte qu'elle éprouvait ne se faisait que de plus en plus forte. Un sourire se dessina au coin de mes lèvres. « Entrez ma chère, je vous en prie. » La porte se poussa dans un grincement et se referma aussitôt. Dans un mouvement beaucoup trop rapide pour l'oeil humain, je me retrouvais face à elle, mon visage à quelques centimètres du sien. Mon sourire s'accentua de plus belle. « Ne soyez pas si terrifiée, ce n'est pas ce soir que je vous tuerais si cela peut vous rassurer. » Je tutoyais l'ensemble de mes domestiques et de mes esclaves à l'exception d'Ava. Il était évident que je la mettais sur un piédestal, elle était, à mes yeux, plus importante que les autres. Pourquoi ? Là encore, la réponse m'échappait. Elle avait une certaine emprise sur mes pensées et je détestais l'effet que me procurait le fait d'être en sa compagnie. Elle m'intriguait et je voulais tout savoir d'elle dans les moindres détails. Je lui tournais autour tel un vautour qui guette sa proie puis je m'arrêtais derrière elle et m'approchais de son oreille. « Je vous porte un trop grand intérêt pour vous ôter la vie ma chère Ava. »

- Entrez ma chère, je vous en prie.

Bon au moins, sa voix n'était pas menaçante, c'est déjà un bon point. Mais je restais méfiante, je savais parfaitement que les apparences avaient tendance à être trompeuses. Je pris donc mon courage à deux mains et ouvrit doucement la porte, avant d'entrer dans la chambre de Dimitri. C'était étrange d'entrer ici, surtout que je ne savais même pas si j'en sortirais. Mon regard se posa sur la magnifique décoration de la pièce, avant de reporter mon attention sur mon maître. A peine avais-je refermé la porte que ce dernier se retrouva face à moi, son visage à seulement quelques centimètres du mien. Je sursautai légèrement, croyant qu'il allait se jeter sur moi et me vider de mon sang. Les yeux baissés vers le sol, il me sembla néanmoins avoir perçu un sourire sur ses lèvres.

- Ne soyez pas si terrifiée, ce n'est pas ce soir que je vous tuerais si cela peut vous rassurer.

Il était marrant, lui, comment voulait-il que je ne sois pas terrifiée? J'étais une esclave entourée de vampirees cruels et assoiffés de sang, et mon maître qui ne m'avait porté presque aucune attention jusqu'à aujourd'hui me demandait soudainement de le rejoindre dans sa chambre. Néanmoins, son annonce eut l'effet voulu, je fus rassurée. J'avais déjà eu l'occasion de l'entendre brièvement parler à ses domestiques, et même quelques fois à ses esclaves, et j'avais toujours été surprise qu'il ne me tutoie pas. Mais j'appréciais. Ca me donnait le sentiment d'être encore un peu respectée, d'avoir encore un peu de valeur. C'était stupide, je sais, mais ça me réconfortait.
Je n'avais pas conscience de la chance que j'avais d'être encore en vie. Je sortais rarement de la pièce qui me servait de chambre et je n'étais donc pas au courant que Dimitri tuait tous ses esclaves... A l'exception de moi. Par contre, je savais pertinemment que j'aurais déjà du le remercier. Si il n'était pas intervenu, je serais morte depuis des mois. Mais je n'avais jamais trouvé la force ni le courage de lui faire part de ma reconnaissance. Le jeune homme commença alors à tourner lentement autour de moi, comme si il cherchait un meilleur axe pour m'observer. J'étais prise au piège, coincée entre ses griffes. Il finit par s'arrêter derrière moi et son corps frôla le mien.

- Je vous porte un trop grand intérêt pour vous ôter la vie ma chère Ava.

L'entendre prononcer mon nom de sa voix suave déclencha un frisson le long de mon échine. Mon coeur ne battait plus aussi vite que lorsque j'étais derrière la porte, mais ma peur, elle, était toujours bien présente. Alors comme ça, il me portait de l'intérêt? Ah ah, très marrant. Il n'avait jamais pris la peine de discuter avec moi et les seules fois où il venait me voir, c'était pour me prélever du sang ou me demander des services. Je n'appelais pas ça de "l'intérêt", moi. Je sentais son souffle contre ma nuque, je n'aimais pas le savoir si près de moi . C'était très... Perturbant et flippant. N'y tenant plus, je me retournai et lui fit face. Il souriait et une lueur amusée brillait dans son regard. Mon Dieu, qu'il était beau! Je contemplai son magnifique visage de longs instants puis, réalisant que je le regardais dans les yeux, je baissai aussitôt mon regard vers le sol. J'étais une esclave, j'étais supposée garder les yeux baissés et obéir sans broncher. Or, je venais d'enfreindre une de ces règles. Enfin, ce n'était inscrit nulle part, mais je déduisais que c'était ainsi qu'il fallait agir.

- Merci...

J'avais murmuré ce mot d'une petite voix qui se voulait douce et tendre. Je savais qu'il devinerait facilement la raison de mon remerciement. Ca faisait six mois qu'il l'avait fait, mais je n'avais pas oublié qu'il m'avait sauvé d'une mort certaine. Et même si je ne le lui avais jamais montré, j'étais très reconnaissante envers lui.

Son parfum emplit mes narines et me monta à la tête. Elle sentait bon, tellement bon que cela en devenait presque affolant. Mon corps frôlait le sien et un frisson se déclencha en elle, ce qui ne fit qu'amplifier ce désir brûlant au fond de moi, ce désir de ne faire d'elle qu'une bouchée. Mais je luttais, il était hors de question que je succombe, elle était trop fascinante. Je sentais encore la peur sur chaque parcelle de son corps. Suis-je terrifiant à ce point ? Je n'en fus que plus ravie. Ce que j'aimais par-dessus tout, à part le sang, c'était que les gens me redoutent, qu'il voit en moi un homme qui avait, entre ses mains, leur vie. Elle se retourna et me fit face. Elle était téméraire, bon nombre de mes esclaves seraient restés dos à moi par peur de me faire face, de me regarder dans les yeux comme le faisait en ce moment-même mademoiselle Dwayn. Cela déclencha en moi un certain amusement et mon sourire ne fit que s'agrandir. Pour être franc, elle me surprenait assez et c'était plaisant. Ava passa un bon moment à m'observer. Son regard plongé dans le mien, je pouvais y lire la peur, mais j'y décelais aussi une pointe de fascination. Me trouvait-elle à son goût ? Certes, la quasi totalité des humains, hommes ou femmes, éprouvaient une certaine fascination face à la beauté vampirique dont j'étais doté, cependant, je me trouvais flatté de constater qu'elle n'était pas insensible à mes charmes.

Aussitôt, elle baissa les yeux sur le sol, gênée d'avoir osé me regarder aussi longtemps. C'était une des nombreuses choses qui me plaisaient chez elle. Elle me respectait, quand bien même elle était têtue et peu docile, elle s'appliquait constamment à garder ses yeux rivaient au sol ce que je trouvais adorablement mignon. Cette fille était un paradoxe à elle seule, douce et têtue à la fois, sensible, mais doté d'un fort caractère qui pouvait se faire sentir. Son innocence et sa sensibilité me touchaient tout particulièrement. Sa beauté, qui plus est, ne me laissait pas indifférent. Cette jeune fille s'était parfaitement accoutumé de son statut d'esclave et s'appliquait dans tout ce que je lui demandais. « Merci... » Sa voix était douce, gracieuse et remplie de tendresse. Pendant un instant, je fus surpris et déstabilisé, mais je retrouvais bien vite mes esprits. Je savais, au plus profond de moi, qu'elle me remerciait pour lui avoir épargné une mort évidente six mois plus tôt. Ce qui me surprenait le plus, c'était qu'elle le dise à haute voix. Je buvais son sang, elle était mon esclave et, pourtant, elle tenait à me remercier. Posant mes doigts sous son menton, je relevais son délicieux minois de façon à ce que son regard croise le mien. « Nul besoin de me remercier. Tuer un être si délicat que vous aurait été un pur gâchis. »

Cette enfant était ce qu'il y avait de plus délicieux. Relâchant son menton, mes doigts glissèrent le long de son cou, je prenais un malin plaisir à caresser cette chair si tendre qui me donnait envie d'assouvir mes pulsions. Ava était comme une poupée de porcelaine, douce, belle et fragile. Je pouvais la casser à tout moment et, pourtant, je la manipulais avec délicatesse de peur de la voir se briser. Je penchais ma tête vers son cou, mes lèvres effleuraient sa peau et j'humais un peu plus l'odeur alléchante qui se dégageait d'elle. Me retirant aussitôt, j'allais prendre place sur un vieux fauteuil victorien. Je la contemplais sans bouger, essayant de comprendre cette attraction qu'elle avait face à mon être pourtant impénétrable. C'était la première fois depuis des siècles que pareille chose se produisait. Je tapotais l'accoudoir du fauteuil et arqua un sourcil suivi d'un sourire narquois. « Je vous effraie à ce point-là ? Vous empestez la peur à des kilomètres. » Elle était là, telle une biche et, moi, j'étais le lion, dangereux, prêt à bondir pour la dévorer dans son intégralité. « Je pourrais vous dire que je ne mords pas, mais ce serait un mensonge. »

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Trouver la force et le courage de lui adresser la parole, surtout pour le remercier, ça n'avait pas été une mince affaire. Je crois que cela faisait plusieurs mois que je ne lui avais pas parlé, me contentant juste de lui répondre quand il me posait une question, et de lui obéir. Son sourire s'agrandit et il releva mon menton afin que je plonge à nouveau mon regard dans le sien. Il semblait surpris, et même un peu déstabilisé face à mon remerciement et je craignis un instant qu'il ne s'énerve contre moi pour une raison ou une autre. Mais son magnifique sourire ne tarda pas à revenir sur ses lèvres.

- Nul besoin de me remercier. Tuer un être si délicat que vous aurait été un pur gâchis.

Un être si délicat que moi? Ma mort? Un pur gâchis? Je ne savais pas si je devais prendre cela pour un compliment, mais j'appréciais. Ses doigts glissèrent de mon menton pour venir effleurer et caresser la peau de mon cou. Ses gestes étaient doux, et il me touchait à peine comme si il craignait de me casser. J'avais beau n'être qu'une humaine, esclave qui plus est, je n'aimais pas qu'on me croie aussi fragile. Ok, je n'étais pas très musclée non plus mais ce n'était pas une raison! Je regardais Dimitri, sans rien faire et sans bouger. Malgré moi, malgré mon envie de ne pas montrer ma peur, mes jambes tremblaient encore et menaçaient de flancher. Mon maître pencha la tête et vint poser ses lèvres délicates sur mon cou. Je crus qu'il allait me mordre et me préparai mentalement à éprouver une douleur incomparable mais bizarrement, le vampire s'écarta de moi et alla s'asseoir sur un fauteuil. Il leva un sourcil et m'observa, tapotant l'accoudoir de son fauteuil. J'hésitai à m'approcher et, remarquant visiblement ma crainte, il demanda:

- Je vous effraie à ce point-là ? Vous empestez la peur à des kilomètres.

- N...Non, je... Désolée.

J'avais tenté de parler avec une voix qui se voulait assurée mais, comme je m'y attendais, ce ne fut pas le cas. Je n'étais même pas capable de faire une phrase complète sans balbutier. J'avais terriblement peur. J'avançai lentement jusqu'au fauteuil, m'arrêtant à plus ou moins un mètre de Dimitri. Je n'aimais pas être proche de lui, car il avait beau me dire qu'il n'avait pas l'intention de me tuer, je restais méfiante.

- Je pourrais vous dire que je ne mords pas, mais ce serait un mensonge.

Cette remarque de sa part me fit sourire. Très, très faiblement. C'était à peine perceptible en fait, et c'était un sourire sans joie, je n'avais aucune raison d'être heureuse, au contraire. Mais un sourire quand même. Finalement, j'appréciais qu'il m'ait demandé dans sa chambre. Même si je ne savais toujours pas la raison de cette demande, ni ce qu'il comptait faire de moi, j'étais soulagée qu'il brise enfin la routine qui avait commencé à s'installer. Bien sûr, je savais pertinemment qu'ici, je n'étais pas la plus à plaindre. Au contraire, même. Dimitri ne m'avait jamais torturée, pas même frappée. Au départ, ça ne m'avait pas étonné. Pourquoi le ferait-il? Je ne lui avais rien fait de mal, moi! Et puis, j'avais fini par comprendre qu'ici c'était comme ça. Beaucoup de maître prenaient un malin plaisir à torturer leurs esclaves et parfois à abuser d'eux mais fort heureusement, le mien ne l'avait jamais fait. Il était même plutôt gentil. Jamais il ne m'avait menacée, et lorsqu'il se nourrissait de mon sang il le faisait toujours avec une certaine... Classe. Ses gestes n'avaient jamais été violents, ni sauvages. Et pour cela aussi, je lui en étais reconnaissante. Il pouvait faire ce qu'il voulait de moi, or il se contentait presque du minimum.

« N...non, je... Désolée. » Ava s'embrouilla dans ses paroles, se trouvant à un peu plus d'un mètre de moi, je sentais son mal-être. D'ailleurs, et aussi surprenant que cela puisse paraitre, son mal-être me toucha. Aussi, ce sentiment me fit perdre mon sourire et me perturba ce qui me fit froncer les sourcils. Oui, j'étais contrarié, s'il y avait bien une chose que je m'interdisais depuis des siècles, ce fut d'éprouver le moindre sentiment et surtout envers les humains, ces êtres détestables qui avaient anéanti mes parents. Face à ma condition de vampire, j'avais dû laisser de côté mon humanité et mes principes, je n'étais plus un humain, j'étais une créature de la nuit et je devais agir comme telle. Au fur et à mesure que les siècles défilés, je devenais de plus en plus cruel. Je tuais, je mangeais, je torturais sans aucune pitié et j'aimais ça. J'aimais ressentir ce pouvoir, cette sensation d'ôter la vie et, surtout, j'aimais ne pas avoir de remords. Ce qui me perturbait le plus avec Ava, c'est qu'elle faisait petit à petit ressurgir l'humanité que j'avais essayé de garder enfui au plus profond de mon être maléfique. Je me levais de mon siège et me postais face à la fenêtre que j'avais occupée plutôt dans la soirée. Les étoiles brillaient de tout leur éclat et ce spectacle m'apaisait. Faisant volte-face, je m'approchais en un éclair de ma belle esclave.

Je lui pris délicatement la main et l'entraîna face à la fenêtre, je voulais partager ce spectacle avec elle. Sans savoir pourquoi, je voulais gagner sa confiance, je voulais que cette peur qui émanait d'elle s'efface. Au diable les questions, je voulais, ne serait-ce pour un soir, m'abandonner à cette sensation d'humanité que j'éprouvais quand j'étais en présence de la jeune fille. « N'est-ce pas magnifique ? A défaut de pouvoir admirer le soleil, j'ai appris à apprécier le spectacle des étoiles. » Sa main était toujours dans la mienne et me procurait une sensation de chaleur sur ma peau glacée. Cette sensation me mit mal à l'aise et je préférais la lâcher à contrecoeur. Je fermais les yeux et inspirais profondément. Elle me rendait fou, elle provoquait en moi une tempête de sentiments qui déstabilisaient mon esprit. J'avais envie de la tuer pour le mal qu'elle me provoquait, mais j'avais envie de la garder auprès de moi pour la sensation de bien-être qu'elle m'inspirait. Bon Dieu ! Etait-ce une sorcière ? Un être doté d'un tel charme ne pouvait pas être qu'un piètre humain. Il fallait que je lui demande, il fallait que je sache ce que j'étais à ses yeux. « Que pensez-vous de moi ? Soyez sincère je vous prie. » Je détournais mon regard sur sa peau mate, ses longs cheveux bruns et soyeux, ses lèvres, ses grands cils...

Face à mon très faible sourire, Dimitri changea d'expression, ce qui m'inquiéta un peu. Son si beau sourire disparu, laissant place à un froncement de sourcils et un visage visiblement contrarié. Je ne comprenais pas. Qu'est-ce que j'avais dit de mal? Ou fait? Ce n'était pas interdit de sourire quand même. Si? Je le regardai se lever et se tourner vers la fenêtre, observant le ciel étoilé. Ca me manquait. Le ciel, les nuages, l'air, tout ça... Ca me manquait. Les vampires étant vulnérables au soleil, je n'avais pas l'autorisation de sortir. Sauf dans des cas très rares, mais alors j'étais accompagnée de domestiques super baraqués, et tout et tout... Ma chambre, comme celle de n'importe quel esclave, n'avait aucune fenêtre. C'était un peu logique en même temps, les vampires voulaient sans doute éviter qu'on ne tente de s'enfuir. Mais aujourd'hui, c'était la première fois depuis six mois que je voyais l'extérieur de nuit. Et ça me faisait plaisir.

Mais soudain, Dimitri se retourna et apparut juste devant moi, son corps à quelques centimètres du mien. Je craignais déjà le pire mais, bizarrement, je me trompais sur les intentions de mon maître. Il me prit la main d'une façon tellement douce et délicate que je n'en fus que plus étonnée. Il était vraiment, vraiment imprévisible. Il m'entraîna jusqu'à la fenêtre. Ma main chaude dans la sienne, glacée comme la mort, je me perdis dans la contemplation du ciel étoilé et de la lune. Mais la voix du jeune homme ne tarda pas à me sortir de mes rêveries.

- N'est-ce pas magnifique ? A défaut de pouvoir admirer le soleil, j'ai appris à apprécier le spectacle des étoiles.

Je le regardai quelques instants, très courts, sans rien dire. Je ne m'y attendais vraiment pas. Etait-il en train d'essayer d'engager une conversation avec moi? Je veux dire, une vraie conversation? Sans insulte, sans menace, sans cruauté dans la voix? Et me demandait-il vraiment mon avis sur la beauté du ciel? J'avais du mal à y croire, mais j'acceptai de me prêter au jeu. Après 182 jours sans avoir la moindre discussion sensée, une offre telle que celle-ci ne se refusait pas. Et puis, je trouvais mon maître terriblement adorable dans ce rôle de gentil.

- Si... Si, c'est vraiment splendide.

Il lâcha ma main, comme mal à l'aise. Une fois encore, je ne comprenais pas son comportement. Depuis quand le mettais-je mal à l'aise? Surtout que, à aucun moment, ça n'avait été dans mes intentions. Voulant le rassurer et faire revenir l'air amusé sur ses lèvres, je lui souris de nouveau mais cette fois d'une façon un peu plus "réelle", même si le coeur n'y était pas. J'étais affreusement malheureuse, c'était indéniable. Mon statut d'esclave était terriblement dur à accepter et à supporter, mais ce n'était pas ça, le pire. C'était de savoir que jamais plus je ne reverrai ma famille, la Colombie, et tout ce que j'y avais laissé. Juste avant de prendre l'avion, je m'étais disputée avec mes parents adoptifs. Ils voulaient que je reste, ils voulaient que j'essaye de comprendre les raisons de leur mensonge et moi... Et moi j'avais crié que je les détestais. Voilà comment je les avais quitté.
Dimitri ferma les yeux et inspira profondément, comme pour se calmer. Quoi? Qu'est-ce que j'avais fait? J'étais un peu vexée. Etais-je déjà en train de l'énerver? J'avais à peine prononcer deux phrases depuis mon entrée dans sa chambre!

- Que pensez-vous de moi ? Soyez sincère je vous prie.

Là, il me posait une colle. Que pouvais-je bien répondre à ça? Et puis, pourquoi est-ce qu'il tenait à savoir ce que je pensais de lui? C'était une question piège. Et je ne savais absolument pas quoi lui répondre. Mes sentiments pour lui changeaient au fil des jours ,des semaines et des mois. Il y eut une période où je le détestai atrocement, puis une autre où mon coeur fut rempli d'admiration pour lui. Ce soir-là, j'étais juste perdue. Je n'avais pas vraiment réfléchi à ce que je pensais vraiment de lui, de sa personne. Je ne voulais pas le blesser ou le vexer, ce fut donc avec soin que je choisis mes mots pour lui répondre. C'était assez difficile de rester concentrée, il me regardait, ou plutôt m'observait comme si il venait de me voir pour la première fois.

- Je n'irais pas jusqu'à dire que vous êtes quelqu'un de bien, mais vous êtes plutôt gentil... Et imprévisible. Je vous apprécie. Mais malheureusement je n'ai pas vraiment eu l'occasion de réellement discuter avec vous, je ne peux donc pas porter de jugement, je ne vous connais pas.

FLASHBACK. J'avais neuf ans, cinq mois et dix-huit jours. Le soleil était en train de se coucher sur Moscou et je l'observais à travers ma fenêtre, ce spectacle était si beau... Malgré le fait que je doive m'adapter au rythme vampirique de mes parents, il m'arrivait de me lever la journée pour profiter du soleil, de sa chaleur et de sa lumière. Au soleil, tout était beau, j'avais l'impression de vivre dans un paradis lumineux contrairement à la nuit où tout était sombre, obscur. Le noir m'effrayait et je ne sortais que très rarement dans les jardins du château. Une fois le soleil couché, une domestique vint frapper à ma porte. « Vos parents sont réveillés. » Je la remerciais et me précipitais en courant dans la bibliothèque où se trouvait ma mère, comme à son habitude, lorsqu'elle se levait. Une fois arrivé, je me jetais dans ses bras un grand sourire aux lèvres. « Mère ! » Elle me serrait contre elle en m'embrassant sur le front. Comment une femme si douce pouvait-elle être aussi cruelle ? Je savais pertinemment qu'elle tuait beaucoup de personnes, mais je lui pardonnais parce qu'elle me donnait un amour immense que je n'avais jamais reçu de la part de mes parents biologiques, ces montres auxquelles elle m'avait arraché. « Mère, pourquoi ne voulez-vous pas me transformer en vampire, comme père et vous ? » Elle poussa un long soupire et m'installa sur ses genoux en me caressant tout doucement le visage. « Parce que tu es encore un petit garçon et que je t'aime tel que tu es. Et puis, tu aimes tant le soleil que je m'en voudrais de te priver de cela. Comme tu le sais Dimitri, un vampire ne peut s'exposer à la lumière du soleil sans y laisser la vie et je ne voudrais pas que tu risques la tienne. Un jour viendra où tu devrais dire adieu à sa chaleur pour te tourner vers les étoiles, ce jour n'est pas encore venu mon enfant... » J'étais déçu de sa réponse, je voulais vraiment devenir un vampire comme mon père et elle, je voulais leur ressembler, mais je devais bien avouer qu'elle avait raison sur un point : le soleil me manquerait beaucoup trop.

CETTE NUIT. « Si... Si, c'est vraiment splendide. » Sa réponse me tira de mes rêveries, disait-elle cela pour me faire plaisir ou était-elle sincère ? Son sourire me rendit le mien instantanément. Je sentais sa tristesse, sa peur et la tempête de sentiments qui la rendait si malheureuse. Je ne m'étais jamais demandé ce que les esclaves pouvaient ressentir, à vrai dire je m'en fichais éperdument, mais quand cela concernait Ava, j'étais très concerné également. Est-ce que sa famille lui manquait ? Avait-elle un fiancé qui l'attendait ? Bon Dieu, j'espérais bien que non. Je me rappelais le mal que j'avais ressentit à la perte de mes parents et pendant un instant, je comprenais la jeune fille. Je lui portais beaucoup trop d'intérêt et je savais pertinemment que j'avais tort, mais le coeur a ses raisons que la raison ignore n'est-ce pas ? C'est pour cela que je désirais savoir l'opinion qu'elle avait de ma personne. Je me doutais qu'il ne serait pas très glorieux, après tout, elle était considérée comme une esclave à ma disposition et j'étais une créature de la nuit qui buvait son sang. Depuis six mois, c'était la première fois que je lui parlais ou, tout de moins, que j'engageais une longue conversation avec elle. J'avais essayé de rester loin d'elle, de me dire que cet intérêt dévorant n'était que passager, mais je me trompais. « Je n'irais pas jusqu'à dire que vous êtes quelqu'un de bien, mais vous êtes plutôt gentil... Et imprévisible. Je vous apprécie. Mais malheureusement je n'ai pas vraiment eu l'occasion de réellement discuter avec vous, je ne peux donc pas porter de jugement, je ne vous connais pas.. » Ses mots me firent rire. Elle me trouvait plutôt gentil ? Moi, Vlad l'éventreur ? Si seulement elle connaissait ma réputation... Avait-elle seulement entendu ce qui se disait sur moi ? Mais elle m'appréciait et c'était, à mes yeux, le plus important. Je me tournais vers elle et prit, délicatement une de ses mains dans les miennes. « Ma belle amie, je suis loin d'être quelqu'un de gentil. Bien au contraire, je suis un monstre et au fond de vous, vous le savez, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je vous effraie tant. Cependant, j'aimerais vous confier un secret qu'il faudra que vous gardiez pour vous et vous seule... » Sa main toujours dans la sienne, je me penchais de manière sensuelle près de son oreille et lui chuchotais les mots suivants : « Je vous apprécie beaucoup plus que ma condition ne me le permet. »

Je souris à Dimitri et ce geste de ma part eut l'effet voulu: Il sourit à son tour. Qu'est-ce qu'il était beau, putain. Il me demanda ensuite, à mon grand étonnement, ce que je pensais de lui. Et ma réponse le fit rire. Je ne voyais pas ce qu'il y avait de marrant dans ce que j'avais dit. J'avais presque mis 60 secondes à trouver les mots pour lui répondre et lui, il riait? J'avais bien envie de partir en claquant la porte, mais ce serait sûrement mal vu. Je croisai les bras, un peu vexée, mais Dimitri vint aussitôt prendre ma main.

- Ma belle amie, je suis loin d'être quelqu'un de gentil. Bien au contraire, je suis un monstre et au fond de vous, vous le savez, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je vous effraie tant. Cependant, j'aimerais vous confier un secret qu'il faudra que vous gardiez pour vous et vous seule...

Je savais que mon maître était sans aucun doute un vampire très redouté et cruel, mais je préférais oublier cette partie de lui. Je ne voulais pas imaginer toutes les choses affreuses qu'il avait fait, et qu'il continuait de faire. Il était la seule personne de ma vie à présent, la seule personne pour qui j'avais une certaine admiration, la seule personne pour qui et grâce à qui je vivais. Alors si j'acceptais de voir et de comprendre qu'il n'était pas un homme bien et qu'il méritait de mourir dans les pires souffrances... Je ne pourrais pas le supporter. J'allais défaillir. J'étais déjà au bord du gouffre, mais là, ce serait d'autant plus horrible. Je n'avais jamais tué personne, moi. Je n'étais pas une meurtrière. Et il me semblait être une fille bien. Or, j'étais désormais l'objet, le bien, la propriété d'un vampire sans pitié et sadique. Que devais-je comprendre là-dedans? Qu'est-ce que ça disait de moi? Puisque je lui appartenais, cela signifiait-il que j'étais comme lui? Autour de moi, tout le monde mourait, disparaissait. Et moi j'étais là, et je ne faisais rien. J'avais voulu, au départ. J'étais révoltée et horrifiée, mais j'avais fini par abandonner pour finalement ne plus rien ressentir. Mon corps était là, mais mon esprit était ailleurs, dans un endroit qui n'appartenait qu'à moi, un endroit où j'étais encore quelqu'un. Mes parents adoptifs étant juifs et pratiquant, ils m'avaient enseigné leur religion et, à mon tour, j'étais devenue croyante. Mais depuis mon arrivée ici, dans cet enfer, il m'arrivait souvent de douter de l'existence de Dieu. Je le regrettais presque aussitôt à chaque fois.

Cette fois, Dimitri garda ma main dans la sienne, la serrant légèrement mais doucement. J'étais impatiente à l'idée qu'il me révèle ce si grand secret, mais j'appréhendais un peu cette révélation. Il se pencha lentement vers moi et pendant un instant je crus que...

- Je vous apprécie beaucoup plus que ma condition ne me le permet.

Mon coeur cognait dans ma poitrine, malgré mon envie de cacher mes sentiments à mon maître. Je ne savais pas si je devais le croire, si il jouait avec moi pour me faire encore plus mal après. Si il n'utilisait pas la violence physique avec moi, peut-être espérait-il pouvoir me torturer moralement... Quoi qu'il en soit, son annonce eut de l'effet sur moi et chamboula tout. Il m'appréciait. Beaucoup. Et moi... Et moi je ne savais pas quoi dire, ni quoi penser. Je ne savais pas si je devais lui répondre, si je devais avoir peur, si je devais lui mentir, si je devais fuir... Si je devais l'aimer. Le souffle presque coupé, je levai mon regard noisette vers ses yeux et, pendant un très bref un instant, mon regard se posa sur ses lèvres. J'avais envie de l'embrasser. Terriblement envie, même.

J'étais un être dépourvu de sentiments, sans remords ni compassion pour l'espèce humaine. Pendant des siècles et des siècles, je m'étais abandonné à ma condition de vampire, j'étais devenu, sans l'ombre d'un doute, l'un des vampires les plus sadiques de l'île et j'en éprouvais même une certaine fierté. J'étais réputé pour ma violence, ma méchanceté, ma cruauté et tout ce qui faisait de moi Vlad l'éventreur. Cependant, quand je me trouvais devant elle, je ressentais presque de la honte et des remords. Je voulais lui plaire, je voulais qu'elle me désire autant que je la désirais. Pourquoi elle ? Pourquoi une humaine alors que je les détestais ? J'étais perdu, je ne savais plus qui j'étais et ce que je faisais. Elle me rendait fou, elle me faisait perdre le contrôle de moi-même. Sa main dans la mienne, je vis ses grands et magnifiques yeux noisettes se plongeaient dans les miens. A l'écoute de tous mes sens, j'entendis les battements de son coeur s'accéléraient considérablement. J'avais envie de tout laisser tomber et d'être seul au monde avec elle, j'avais envie qu'elle soit mienne, pas seulement mon esclave, mais bien plus encore. Je n'étais jamais tombé amoureux, que ce soit durant ma vie d'humain ou mon existence vampirique, mon coeur mort ne s'était jamais emballé pour personne. Je ne savais pas à quoi ressemblait l'amour, je savais juste que c'était un sentiment fort qui chamboulait fortement votre vie et vous rendait fou.

Je vis son regard se posait sur mes lèvres et l'espace d'un instant, je crus percevoir le désir en elle. Etait-ce le fruit de mon imagination ou avait-elle véritablement envie de m'embrasser ? A moins que je ne sois aveuglé par mon propre désir... Etais-je en train de perdre la tête ? Sorcière, quel sortilège maudit m'avait-elle jeté ? J'essayais de combattre tant bien que mal l'envie qui me poussait à l'embrasser, mais en vain, j'avais un mal fou à résister à toutes les pulsions qui m'envahissaient. Je posais une main dans son dos et une autre caressa sa joue. J'hésitais encore, devais-je le faire ? Allait-elle résister ? Le voulait-elle vraiment ? C'était mal très mal, nul vampire ne devait se mêler aux humains, surtout moi. Ces êtres infâmes avaient donné la mort à mes parents, ceux qui, pour moi, comptaient le plus au monde. Ils étaient ma vie, grâce à jeu j'avais goûté au bonheur. Je décidais de m'abandonner à mes désirs, après tout, qui le saurait ? Juste une fois, je voulais me permettre ce qui ne l'était pas, je voulais oublier le reste du monde pour vivre l'instant présent. Doucement, je déposais mes lèvres sur les siennes dans un baiser doux et sensuel. Mon coeur sembla exploser dans ma poitrine et, pourtant, je savais qu'il avait cessé de battre depuis fort longtemps.

Le désir me submergea à tel point que je sentis mes canines sortirent sous cette tornade d'émotions. Aussitôt, je m'éloignais d'Ava pour me retrouver de l'autre côté de la pièce, dos à elle. Bon Dieu, qu'avais-je fait ? J'avais du mal à respirer, je ne savais plus où j'étais. Prenant une grande inspiration, mes crocs se rétractèrent et je repris le contrôle de moi-même. Cependant, je ne pouvais me résoudre à lui faire face. « Je vous prie d'excuser mon indécence... »

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Mon maître semblait hésiter, et restait pensif. Je me demandais à quoi est-ce qu'il pensait, s'il pensait à moi et si il avait envie de moi autant que j'avais envie de lui. Il me regarda et, posant une main dans mon dos, m'attira à lui. Son autre main vint caresser ma joue avec une douceur que je ne lui connaissais pas. Je devais l'avouer, j'étais touchée de son comportement avec moi. Je n'avais jamais reçu autant de tendresse de sa part, je n'en avais d'ailleurs jamais reçu la moindre. Et là, tout d'un coup, je me sentais presque tomber amoureuse de lui... Ma plus grande crainte.

Comme je le désirais, Dimitri posa ses lèvres sur les miennes et m'embrassa, de façon douce et sensuelle. Sans hésiter une seconde, je répondis à son baiser, y mettant toute la tendresse et même l'amour que j'éprouvais pour lui. C'était étrange, mais je me sentais bien, là, dans ses bras forts et musclés. J'en profitai pour respirer son parfum, et pour admirer chaque trait de son magnifique visage d'ange.

C'était indéniable, j'avais envie de lui. Je voulais plus que ce baiser, je voulais sentir son corps près du mien, sa peau contre la mienne... Ma main glissa sur son torse, mais je fus vite arrêtée par une légère douleur. Les canines de mon maître étaient sorties, dévoilant des dents parfaitement alignées et blanches. Je reculai aussitôt, et il en fit de même, néanmoins à une vitesse nettement plus rapide que moi. Il me tournait le dos, comme si il craignait de croiser mon regard. Que croyait-il? Je ne lui en voulais pas. Je posai mon doigt sur ma lèvre inférieure et m'aperçut avec effroi que je saignais un peu. Hmmm, un vampire, une humaine, du sang, ça ne faisait pas vraiment bon ménage dans la même pièce.

- Je vous prie d'excuser mon indécence...

Sa manière de parler m'avait toujours un peu faite sourire. Je trouvais ça vraiment mignon, pour tout dire. Mais ce n'était pas le moment de commencer à décrire chacun de mes sentiments et de mes impressions à propos de mon maître.

- C'est rien, ce n'est pas votre faute... Je... Vous voulez que je retourne dans ma chambre?

Le fait que je saigne m'inquiétait un peu, je ne tenais pas vraiment à ce que Dimitri cède à ses pulsions meurtrières envers moi et qu'il ne me saute dessus pour me vider de mon sang. Et je ne savais pas si il était capable de se contrôler face à ce liquide si précieux pour sa vie.

Pour la première fois depuis des siècles, j'avais honte de moi et, principalement, de ce que j'étais. J'avais honte d'être une créature assoiffée de sang, j'avais honte de ces canines proéminentes qui apparaissaient au moindre désir que j'éprouvais. Si je n'osais pas regarder Ava, c'était tout simplement par peur d'y déceler une once de dégoût dans son regard. Je voulais lui plaire et, sans me vanter, je pense que les choses se présentaient en ma faveur, mais il avait fallu que ma condition vampirique me ramène à la dure réalité : je ne pouvais m'enticher d'une humaine sans prendre le risque de la tuer. « C'est rien, ce n'est pas votre faute... Je... Vous voulez que je retourne dans ma chambre ? » Sa réponse me déstabilisa. Malgré le spectacle auquel elle venait d'assister, elle arrivait à me trouver des excuses, elle arrivait à me dire que ce n'était pas ma faute ? Un sourire triste se dessina sur mes lèvres, elle était si mignonne, innocente et si douce avec ceux qui l'entouraient... Je me détestais pour l'intérêt que je lui portais et je la détestais pour ce qu'elle me faisait éprouver. Et pourtant, à travers cette haine se matérialisait un sentiment que je n'avais jamais ressenti auparavant, un sentiment qui ressemblait vaguement à une sorte d'amour. Non, il était impossible que je sois en train de tomber amoureux...

Je poussais un soupire qui en disait long sur la tristesse que j'éprouvais à la quitter de si bonne heure, pour un vampire tout du moins. « Je vous ai blessé, l'odeur de votre sang empli mes narines et, malgré les sentiments que j'éprouve à votre égard, je reste un vampire. » Devoir prononcer ces mots me déchirait le coeur, je voulais la garder auprès de moi toute la nuit, je ne voulais pas qu'elle parte, pas maintenant. Mais je ne pouvais prendre le risque de la blesser, je ne voulais pas qu'il lui arrive quoique ce soit. S'il venait à lui arriver malheur, je m'en mordrais les doigts et ne me le pardonnerais jamais. Je me retournais et, en moins d'une seconde, me retrouvais face à elle, son visage à quelque centimètre du sien. Mes yeux bleus plongés dans les siens, je la contemplais, elle était magnifique. D'une main, je caressais sa joue avant de l'embrasser tendrement, savourant le goût de son sang au passage, mais je me retirais bien vite pour ne pas succomber à la tentation. « Retournez dans votre chambre ma douce amie, je vous attendrais demain, à la même heure, dans les jardins. »

- Je vous ai blessé, l'odeur de votre sang empli mes narines et, malgré les sentiments que j'éprouve à votre égard, je reste un vampire.

Il avait raison. Cependant, j'avais du mal à le comprendre. Pourquoi me disait-il cela? C'était comme si il souhaitait me rebuter, faire en sorte que les sentiments que je commençais à éprouver pour lui s'effacent. Je savais pertinemment qu'il était dangereux et que vivre une histoire d'amour avec lui était impossible mais je ne pouvais m'empêcher d'espérer. Je baissai la tête, mon coeur tambourinant dans ma poitrine, et restai silencieuse. Mon maître finit par se retourner et apparut juste devant moi. Je relevai lentement les yeux vers lui et, durant de longs instants, nous restâmes à nous observer, j'admirais la beauté de son visage. Il caressa ma joue puis m'embrassa à nouveau sur les lèvres, en profitant pour faire disparaître le sang qui perlait sur mes lèvres. Je l'embrassai en retour, mais il ne tarda pas à s'écarter de moi et à reculer.

- Retournez dans votre chambre ma douce amie, je vous attendrais demain, à la même heure, dans les jardins.

Ca me faisait tout bizarre de l'entendre me parler ainsi, j'avais l'impression de rêver. "Ma douce amie"... Il m'appelait ainsi, moi, son esclave. Peut-être étais-je en train de devenir folle, peut-être n'était-ce qu'un rêve après tout. Si c'était le cas, je souhaitais ne jamais me réveiller. Je ne voulais pas retourner dans la réalité dure et froide de l'île de laquelle j'étais prisonnière, je voulais rester près de Dimitri, dans ses bras. J'hochai légèrement la tête, et me dirigeai vers la porte, bien qu'à contre-coeur. Avant de quitter la chambre de mon maître, je murmurai d'une voix douce et mélodieuse:

- J'ai aimé ce moment avec vous...