On dit souvent qu’on ne peut pas aimer pour toujours, pour l’éternité, jusqu’à en crever, mais moi je pense que c’est le contraire, surtout quand vous êtes un vampire de sept cent ans d’existence et que vous vous demandez encore qui est la perle rare, votre véritable âme sœur, celle que vous ne souhaiteriez jamais voir partir loin de vous. Et si vous l’aviez déjà trouvée ? Que vous ne pouviez plus vivre sans elle ? Il faut le lui dire, c’est maintenant ou jamais parce que vous avez trop peur qu’elle s’envole et qu’elle vous abandonne. Vous pensez que vous n’êtes pas assez bien pour elle et vous avez raison, moi c’est ce que je pense. Voilà dans quelle situation je suis. Je n’avais pas revu Alexian depuis notre rencontre dans le labyrinthe du château et il me manquait atrocement… Je voulais le revoir, cette nuit, je ne pouvais pas attendre plus longtemps. J’enfilais une robe blanche en dentelle, une esclave me disait qu’elle m’allait à ravir et je lui répondais que je le savais déjà, je lui ordonnais en guise de remerciement de déguerpir de ma chambre.

Je me dirigeais vers un secrétaire et m’asseyais. Je prenais un stylo plume ainsi qu’un petit morceau de papier. J’écrivais : retrouve-moi aux sources chaudes à minuit. Je ne signais pas pour laisser un peu de surprise, il avait voulu que je le surprenne alors je continuais à le faire. J’avais si envie de serrer sa main dans la mienne… Oh. J’ai l’impression de ne plus être moi-même depuis que j’ai fait sa connaissance, ce n’est pas bien, personne n’a le droit de me changer. Je me sens humaine… Eleazar ne le supporterait pas, je ne voulais pas le décevoir non plus mais le problème c’est que je n’en fais pas exprès de devenir plus… Douce. Peut-être fut-il comme ça aussi avec Elysium il y a quelques siècles ? Mon prince –oui je le considère comme mien alors que personne le touche-, était parfait, plus que moi. J’avais aussi envie de l’embrasser et de ne plus le lâcher, allez courage, plus que quelques minutes. Je me dirigeais vers sa chambre et laissais le petit papier glisser sous la porte, puis je disparaissais en direction des sources. Je retirais ma robe, la laissant à quelques pas de l’entrée de ce petit coin de paradis. Je m’installais dans l’eau chaude pour l’attendre. Je m’accoudais sur le bord des rochers pour le voir arriver.

J’avais entendu la porte se fermer après que j’eusse déposé le petit papier pour le laisser glisser sous la porte puis avais tourné au virage. J’avais senti son odeur avant, bien sûr. Depuis, je restais dans l’eau à attendre sa venue avec impatience. Jamais je n’avais eu aussi hâte de voir quelqu’un de toute mon existence ! Et là j’entendais des bruits de pas, ça devait être lui. Qu’est-ce qu’on allait être bien tous les deux dans ce petit coin de paradis… ! Il gardait juste son sous-vêtement noir alors que j’étais complètement nue dans l’eau. A vrai dire, je n’étais pas très pudique contrairement à lui, on dirait. Je le regardais de haut en bas avant qu’il se décide à nous rejoindre. Il s’approchait et je m’asseyais à nouveau contre les rochers, sans pour autant me cacher en me retournant, à vrai dire je m’en fichais. Apparemment, je l’avais encore surpris et j’en étais heureuse aussi. Il avait pris ma main pour y déposer un baiser délicat, je souriais d’autant plus et répondais :

« Ah, ça t’a surpris que je veuille te revoir ? »

Nous étions enfin seuls et il était heureux de me voir. S’il savait à quel point ça me faisait plaisir de l’entendre le dire ! Je ne le laissais pas répondre et l’embrassais sauvagement pour lui montrer comment il m’avait manqué. Ah ! Si seulement je pouvais rester comme ça pour toujours, ça ne me gênerait pas ! Que demander de plus quand on passe sa vie dans les bras du prince charmant ? Je ne savais pas du tout si c’était réciproque mais le fait qu’il soit quand même venu à un rendez-vous sans connaître l’auteur du mot me prouve un petit peu qu’il tient à moi. Je voulais en être sûre, mais pour une fois, j’avais peur. Peur qu’il refuse que ça devienne officiel. Enfin, nous n’avions pas encore couché ensemble mais avec lui je comptais bien prendre mon temps pour ne pas tout gâcher en seulement quelques instants. Il fallait que ce soit clair pour moi avant que je m’accroche à lui comme Eleazar s’était accroché à Elysium quelques années auparavant. Je ne voulais pas souffrir comme lui, j’avais envie de rester pour toujours avec Alexian, peu importe ce qui pourrait nous séparer.

« Dis-moi… J’aimerais savoir : est-ce que tu as des sentiments pour moi ou tu comptes juste me coller dans ton lit jusqu’à ce que j’en arrache les poutres du plafond en hurlant toute la nuit ? ça aussi ça te surprend, n’est-ce pas ? »

Il avait l’air d’hésiter en m’embrassant, ce que je prenais assez mal mais j’avais continué quand même parce qu’il m’avait trop manqué. Après ma question, il semblait totalement perturbé. Il en détournait le regard, mal à l’aise. Je me demandais ce qu’il se passait, j’étais trop intriguée… Je ne savais pas où mènerait notre relation et vu sa réaction, je pensais que ça n’irait pas très loin. Alors, il voulait juste coucher avec moi et me jeté comme une moins que rien avant le lever du jour ? Bien, si je n’étais destinée qu’à ça qu’il s’en aille.

Soudain, le cœur qui aurait dû battre fut soulagé. Il disait qu’il tenait trop à moi pour mettre dans son lit. D’un côté, comment devais-je le prendre, je n’étais pas désirable ? Mais d’un autre… Il me respectait et j’en étais heureuse. C’est vrai, j’avais eu besoin de l’entendre. Il avait serré ma main, puis m’avait ensuite caressée la joue avec tendresse alors que je le fixais droit dans les yeux. Il arrêtait, trop brutalement à mon goût. Où était le problème ? Nous ne faisions pourtant rien de mal… Tous deux, nous avions le sang pur, et bien que son père n’apprécie pas ma famille, ce n’était pas une raison pour que je ne finisse pas avec le prince charmant, non ? Il n’avait plus l’âge d’obéir à son père de toute façon… Tout ça était ridicule. Pourquoi devait-il se plier à ses désirs ? Rien ne l’empêchait de ne pas l’écouter. Il était libre après tout. La fierté du Roi de France finirait par le tuer…

Il avait donc lâché ma main, je ne le regardais plus, je préférais contempler l’eau plutôt que de le regarder dans les yeux quand il allait me rejeter. Je sentais que ça allait me faire mal et que j’allais laisser mes instincts meurtriers prendre le dessus. Je me reculais, il valait mieux que je mette de la distance entre nous dans ce cas-là.

Ça veut dire quoi ça ? Il allait se servir de cette excuse pitoyable pour me repousser ou quoi ? Je l’interrompais avant qu’il n’aille plus loin :

« Ah oui ? Lesquelles ? Si c’est pour me faire du mal, pas de problème, je m’en vais. »

Je sortais de l’eau, une larme commençait à couler, c’en était trop. Pourquoi devait-il avoir des « obligations » ? Je ne voulais pas pleurer devant lui, par fierté –comme son père-, j’essuyais la goutte d’un revers de la main mais d’autres tombaient malgré moi. J’étais en colère et ce n’était pas du tout un bon présage…

J’allais m’en aller, j’étais bien trop en colère pour rester, il valait mieux que je vide quelques esclaves pour me défouler, ou bien que j’aille pleurer dans les bras de mon meilleur ami. J’en avais vraiment besoin… Je l’entendais sortir de l’eau, à tous les coups il allait vouloir me retenir, mais seulement : est-ce que j’aurais la force de lui résister ? Il le fallait. Je n’allais pas me laisser faire par un homme qui me faisait souffrir, non ?

Il m’agrippa par le bras pour m’attirer vers lui, évidemment, je ne résistais pas. Pourquoi est-ce que j’étais si faible ? On ne m’avait pas appris ça… Avant, il posait ses mains froides sur mes joues. Mais il m’embrassait avec passion, je n’aurais voulu rater ça pour rien au monde ! Même si nous étions au bord d’une dispute c’était toujours aussi agréable et je doutais que j’arrive à me passer de lui un jour ! Il me disait de rester à voix basse dans mon oreille… Je ne savais pas comment réagir, fallait-il que je reste quitte à dire tout ce que j’avais sur le cœur ? Ou bien partir pour me détendre ? Au début cette soirée était faite pour la deuxième option…

« Je ne sais pas quoi penser… Dis-moi quelles sont tes obligations ou je pars. »

Ça me semblait être une bonne idée, puis qu’il ne semblait pas vouloir que je parte… Il m’embrassait à nouveau, mais un peu plus tendrement cette fois. Pensait-il vraiment qu’il allait réussir à m’avoir avec des bisous et des câlins ? Cette situation était vraiment ridicule… Dans quoi m’étais-je encore embarquée ? Ce n’est pas dans mes habitudes de m’attacher comme ça… Alexian est vraiment une exception.
Je retournais dans l’eau chaude, je ne lui laissais pas le choix pour me suivre, je le tirais par la main. J’espérais qu’il allait au moins avoir le courage d’être franc avec moi… ! Sinon j’irai chercher la vérité seule. Je ne voulais pas être une simple conquête à qui on fait les yeux doux pour me mettre dans son lit. Avec lui ça ne marcherait pas comme ça. Je ne sais pas s’il réalisait à quel point je le voulais… Quoi qu’il arrive, je ferai tout pour l’avoir, que papa soit d’accord ou pas, ça m’est complètement égal. Oui, c’est égoïste et alors ?

Je le suppliais de regard avant de plonger mes yeux dans les siens :

« Dis-moi toute la vérité, s’il-te-plait. »

Je savais que la vérité pourrait me faire mal mais il fallait mieux que je la connaisse maintenant avant que tout ça finisse par me détruire… Je venais de me rendre compte que je pleurais encore et tentais de le masquer.

Il ne m’avait pas résistée quand je l’avais tiré dans l’eau, ce qui m’aurait étonnée d’ailleurs ! Je ne savais pas du tout pourquoi quelque chose faisait barrage entre nous. C’est vrai que sa famille n’était pas très amie avec la mienne, mais était-ce une raison pour laisser le conflit durer pendant des générations ? Je masquais toujours mes larmes, essayant en vain de me contenir, ce n’était pas digne de moi, de montrer mes sentiments mais là je ne pouvais pas faire comme s’il n’y avait rien entre nous, ce serait ridicule de laisser passer ma chance, non ? Il ne fallait pas que cette histoire finisse comme celle de Roméo et Juliette, ce serait bien trop tragique à mon goût.

Il m’annonçait quelque chose qui me fit un choc… Mais qu’est-ce que c’est que cette tradition stupide ? De plus, se marier à un humain… C’est n’importe quoi et totalement insultant pour nous, les vampires. Jamais je n’avais entendu une chose pareille, aussi dénuée de sens. Si je disais ça à Eleazar, il deviendrait fou ! C’est là qu’il aurait envie de le tuer, pour me faire subir une chose telle que celle-ci.

Ça n’a aucun sens, pour moi, un vampire ne devient pas noble, il l’est de naissance. C’est encore pire pour ces êtres inférieurs qu’on surnomme les humains. C’est révoltant de s’accoupler avec eux, puis de les transformer. A la limite, il vaudrait mieux s’en servir pour assurer une descendance et les laisser mourir comme ils le doivent, non ? De plus, avoir des enfants avec des esclaves étaient scandaleux, ils font tout de même partie de la dernière classe… C’est juste honteux. Il fallait que je lui demande où on en était, j’en avais assez de me faire de faux espoirs :

« Est-ce que tu vas vraiment laisser s’écrouler ce qui se passe entre nous à cause de cette tradition stupide ? »

Je ne savais pas du tout ce qui se passerait après ce soir, mais je voulais le savoir le plus tôt possible. Jamais je n’étais tombée amoureuse à ce point-là, d’ailleurs je n’avais jamais ressenti ça auparavant. Ça avait toujours été des amourettes, des histoires d’un soir pour rigoler. D’un côté, ça serait mieux pour moi que je continue à avoir ce train de vie alors que de l’autre, je pensais vraiment que lui et moi, on devrait passer l’éternité côte à côte. Je devais le convaincre pour que la deuxième option se réalise :

« S’il-te-plait… Ne casse pas tout… Puis qui peut t’empêcher d’avoir des sentiments ? Ça ne se contrôle pas, ce n’est pas aussi simple. On pourrait rester cachés à Heart Killer, nous serions en sécurité ici. »

Oui, nous étions vraiment les Roméo et Juliette des temps modernes… Jamais Shakespeare n’aurait pensé que cette histoire s’appliquerait aussi aux vampires… Ô Roméo ! Roméo ! Pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.

Spoiler:

Une chose qui était sûre, je ne pouvais pas le forcer à couper tous les contacts avec sa famille, ce serait bien trop cruel et je l’aimais tellement que je ne pouvais pas lui infliger ça. Oui, il me changeait, mais je ne trouvais pas ça bien… Je ne voulais pas qu’il me laisse, je ne survivrai pas à ça, c’était déjà assez difficile comme situation, de devoir s’aimer en secret parce que son père serait capable de tout pour nous séparer. Bien sûr que je le comprenais, ce n’était pas sa faute si son père était tel qu’il était, je ne supportais juste pas l’idée de cette drôle de tradition. Il avait tout de même l’air de tenir à moi, ce qui flattait mon égo et ça aurait presque pu faire battre mon cœur inerte. Et là je ne pouvais plus retenir mes larmes, j’explosais. Il fallait que je lui dise :

« Je sais… Je te comprends mais si tu savais à quel point je t’aime… Je ne veux pas te perdre non plus, mais je t’en prie… Ne me laisse pas. »

Jamais je n’avais eu aussi peur que l’on m’abandonne, d’habitude j’étais très indépendante, j’estimais n’avoir besoin de personne mais là c’est comme si ma vie en dépendait, comme si quelques instants sans lui pourraient m’être fatals. Si seulement j’avais le pouvoir de convaincre son père, je le ferai sans hésiter, mais il fallait être lucide : je ne pouvais pas briser la tradition. Je ne pouvais pas m’avouer vaincue. Bien que le roi de France soit immortel, il y avait tout de même des façons de tuer un vampire, non pas que je souhaite sa mort, c’était juste une éventualité. Après, Alexian serait probablement roi à son tour et il pourrait faire ce qu’il voudrait, il aurait tout le pouvoir, personne ne pourrait l’en empêcher.

Notre histoire venait de commencer, puis elle était si belle, ce serait tellement dommage de gâcher tout ça. Il fallait que j’aille demander conseil à Eleazar, je savais qu’il arriverait à m’aider et qu’il trouverait la solution miracle pour que nous puissions être enfin heureux. Pour être heureux, vivons cachés…C’était exactement ça, mais vivre dans l’ombre, ce n’était pas fait pour moi, j’aurais besoin de rendre jalouses les autres femmes. J’étais rassurée maintenant, de savoir qu’il tenait à moi et que c’était un terrible dilemme de choisir entre sa famille et moi. Je préférais me blottir contre lui et laisser tomber toutes ces histoires ce soir, j’attendais avec impatience qu’il m’embrasse avec fougue.

J’avais peur qu’il me dise qu’il ne pouvait rien me promettre, qu’il serait peut-être obligé de partir du jour au lendemain, de laisser Heart Killer, tous nos moments passés ensemble et moi derrière-lui pour trouver une humaine à qui il pourrait faire des enfants pour assurer une descendance à la famille royale de France… Pour une fois dans ma vie, j’aurais voulu être humaine pour que notre relation soit plus simple. On aurait eu des enfants, j’aurais pu aller au Soleil, une fois que j’en aurais eu assez, il m’aurait transformée et nous aurions passé l’éternité ensemble, sans jamais nous lasser. Son père m’aurait appréciée et il n’aurait pas eu des envies de meurtre sur son propre fils… Il n’est pas au courant, encore heureux. Je ne sais pas ce qu’il pourrait se passer s’il venait à l’apprendre… Bien sûr que je comptais sur Eleazar et ses gardes pour nous protéger, bien que le roi de France soit probablement assez équipé pour lutter… Enfin, je ne devrais pas penser à ça maintenant, j’espérais que nous aurions tout le temps qui faut pour qu’on ne soit pas obligés de nous quitter trop vite.

Il m’embrassait pendant longtemps, quoi que pas assez. Finalement, il disait qu’il ne me laisserait jamais et je ne vous dit pas à quel point je suis soulagée. Moi qui pensais qu’il y a quelques minutes, que nous aurions dû nous quitter dans une dispute violente… Je crois que j’en aurais été incapable, même en colère. On se serait peut-être battus, mais après on aurait fini la nuit dans les bras de l’autre, comme dans les films en fait. Je tenais avant tout à le rassurer et je lui disais :

« On a du temps avant de devoir réfléchir sérieusement à tout ça, non ? »

C’est sûr, on a l’éternité devant nous, c’est ce qui fait toute sa beauté. On a tout notre temps même s’il faudrait bien se pencher sur la question un jour ou l’autre et sur ses conséquences. C’est vrai, j’avais des preuves de son amour, même si je n’étais pas dans sa tête. Ses gestes, ses paroles… Tout montrait qu’il y avait bel et bien quelque chose et que je ne vivais pas un rêve éveillée. Mais, je ne l’avais jamais entendu le dire, même si c’est superficiel… Tant que les sentiments y sont, il n’y a rien d’autre qui compte pour moi. C’était plus fort que moi, il fallait que je lui demande :

« Tu peux le dire ? Rien qu’une fois… S’il te plait, dis-moi que tu m’aimes. »

Comme ça, peu importe ce qu’il arrivera demain, ses mots resteront gravés dans ma mémoire, pour toujours.

Je le vis ouvrir les lèvres petit à petit, je doute qu’il ne le dise pas, c’était évident, il s’apprêtait à le dire ! Je lui avais demandé alors… Il n’y avait pas de raison. Puis, il prenait ma main et disait enfin : je t’aime Nymphea. Là je planais, j’étais sur mon petit nuage de bonheur, il ne fallait pas que je tombe, je me sentais merveilleusement bien, bien que les Enfers m’aient engloutie depuis très, très longtemps. Il l’avait enfin dit, et je frissonnais, tout comme lui. Il m’aime, je l’aime, le seul problème est cette tradition qui me fait peur… Est-ce que ça allait vraiment tout casser entre nous ? C’était bien la première fois que je priais mais… Je suppliais le Seigneur pour qu’on ne soit jamais séparés. Il fallait qu’il reste avec moi ou je m’empresserais de laisser le Soleil faire ce qu’il avait à faire, et je me consumerai, laissant de la poussière sur mon passage et rien d’autre.

Il me fit des bisous dans le cou, il était vraiment trop mignon ! J’adorais ça en plus, mais quand c’est lui, c’est mieux ! Je souriais bêtement, plus ça allait et plus j’appréciais cette soirée. Il caressait mon épaule en même temps, que sa peau était douce… Comme celle d’un bébé. Il disait à nouveau qu’il m’aimait, en riant, et là j’étais au Paradis, je riais tellement j’étais heureuse. Jamais je n’avais été si comblée. Il mordillait mon oreille, ça chatouille ! Puis il se contenait, je ne comprenais pas pourquoi, il pouvait être totalement naturel avec moi. Il pouvait faire n’importe quoi, les choses les plus stupides ou les crimes les plus monstrueux, je ne l’en aimerais pas moins. Il me regardait avec ce sourire qui me faisait fondre, qu’est-ce qu’il était craquant… ! Normal que je sois tombée sous son charme… Je le rassurais parce qu’il s’excusait de se laisser aller, avec un clin d’œil :

« Merci, de l’avoir dit. Tu es fou, mais je t’aime quand même ! »

Ohlala… Je ne sais pas ce qu’est cette envie soudaine mais… Je l’embrassais langoureusement, le rendant prisonnier de mon emprise grâce à mes bras. Je l’entraînais sous l’eau et nous pourrions y rester très longtemps, comme nous n’avions pas besoin de respirer. L’éternité avec lui, rien que nous deux, ici, ça me convenait parfaitement. Je nous sortais de l’eau puis je lui disais d’un air enjôleur :

« Ça ne me gênait pas du tout, tu sais. »

Si seulement il pouvait encore le faire...!

Je ne sais pas trop comment il prenait le « tu es fou », mais c’était amical. J’ai dit ça parce que j’aimais quand il était naturel, qu’il se montrait sous son vrai jour, qu’il était sans complexe et qu’il pouvait faire les choses les plus folles possibles… Je ne l’avais jamais vu comme ça et c’était bien qu’il se montre moins réservé. Peut-être même qu’on pourrait… Oh non, pas maintenant. Il paraissait perturbé, c’était probablement dû à ce dont on avait parlé tout à l’heure, ou bien autre chose que j’allais peut-être découvrir d’un moment à l’autre… Il avait intérêt d’être sûr que je l’aimais, avec tout ça, si ce n’était pas des preuves… !

Je pensais que prendre du temps pour réfléchir à la situation dans laquelle nous nous étions mis allait l’envenimer d’autant plus… Surtout avec cette histoire de tradition qui ne rimait à rien… Que faire pour empêcher qu’il se marie à une humaine ? La tuer me semblait être la seule solution. Alexian était rien qu’à moi, hors de question que je le partage avec un de ces êtres inférieurs, et minables. Ce serait vraiment honteux. Je voulais qu’on soit ensemble, et lui avait l’air de le vouloir aussi alors que personne ne se mette entre nous sinon ça pourrait mal finir.

Il me fixait, droit dans les yeux tout en me caressant la joue, je me demandais ce qu’il se passait encore, ce qu’il pourrait bien m’avouer d’autre. Encore une chose blessante ou une tradition révoltante ? Eh bien non, il voulait me demander un service. Je serais prête à tout pour lui, ça c’est sûr ! Mais quel genre de service exactement ? Qu’on prenne de la distance ? Ce genre de choses ne serait pas possible… J’acceptais tout de même, aveuglément :

« Oui, tout ce que tu voudras. »

Il était calme quand il posait sa question, comme d’habitude. Mais cette fois, ça me faisait peur, je me demandais vraiment ce que ça pouvait être. Pourvu que ce soit quelque chose d’agréable du genre que je l’embrasse ou autre chose, mais pas quelque chose qui freinerait notre relation… Je n’en serais pas capable et je ne tiendrais pas ma promesse. Je voulais lui demander de me jurer de ne jamais me laisser, quoi qu’il arrive mais on ne sait pas ce qu’il adviendrait de cette relation qui n’était pas censée avoir lieu…

J’avais peur, il faisait durer le suspense. Je priais pour que ce soit un service qui me rendrait heureuse, que j’aurais plaisir à lui rendre… Enfin vu comment il me demandait ça, il ne valait mieux pas que je me fasse trop d’illusions. Je devais garder mon sang froid –pas mal le jeu de mots ! Il disait que c’était une chose très importante pour lui, ce qui était sûr c’est qu’il ne parlait pas de mariage comme je n’étais pas assez bien pour son père ni pour ma condition de vampire, ni pour mes origines et ma famille. Comme si j’y étais pour quelque chose… Je me demandais quelle était cette chose si importante à ses yeux pour qu’il doive prendre des gants pour me le dire. Peut-être que c’était quelque chose d’important pour lui mais pour moi… ? On verra bien… J’acquiesçais d’un simple « hm », le laissant poursuivre.

Je savais qu’il tenait à moi oui, qu’il aimait passer du temps avec moi, c’était une bonne chose jusqu’à ce qu’il finisse par ce « mais » qui n’avait pas du tout sa place dans un moment pareil… Je commençais à m’énerver, petit à petit. Il faisait bien trop durer la chose à mon goût, je n’aimais pas ça du tout. Un peu plus de quelques secondes et je m’apprêtais à exploser. C’est bien de me caresser la joue pour m’attendrir mais y a des limites ! Ben bien sûr… Vivre dans l’ombre, il ne manquait plus que ça ! Ce n’est pas déjà ce que je faisais depuis des siècles ? Et il fallait que ça continue… Vivre dans l’ombre, ce n’est pas fait pour moi ! J’aime montrer mon bonheur aux autres même si ça les énerve, et justement c’est le but la plupart du temps. Rendre les autres jaloux, j’adore ça ! Les provoquer, hm d’autant plus ! Et là c’était frustrant, je ne pouvais même pas me vanter… La vie, enfin la mort dans mon cas, est vraiment cruelle… Et là je ne pouvais plus contrôler ma colère, ce n’était plus possible, j’allais exploser d’un instant à l’autre, la preuve, je lui mettais la raclée du siècle et me dépêchais de sortir de l’eau. Je ne voulais pas qu’il me touche ou ça finirait très mal. J’étais en furie, j’étais capable de tout détruire sur mon passage, j’envoyais valser un rocher dans n’importe quelle direction. Avant la claque, je lui hurlais :

« Tu te fiches de moi j’espère ??? »

Je me déplaçais très vite vers la robe que j’avais abandonnée plus tôt dans la soirée, quand je pensais que nous nous apprêtions à passer un moment paradisiaque… Je m’étais bien trompée, à nouveau. Pourquoi est-ce que j’avais des sentiments pour lui ? Ça allait forcément mal tourner, ce n’était pas la peine de continuer dans cette relation vouée à l’échec, j’étais bien plus tranquille avec mes coups d’un soir ! Je criais encore plus fort qu’avant :

« Tu veux que je te dise ? Tu n’as aucun courage ! Tu n’es même pas capable d’affronter ton père, tu n’oses même pas lui dire que tu m’aimes, c’est ça le pire je crois ! Alors je te souhaite tout le malheur du monde avec ton humaine. »

S’il m’aimait tant que ça, il n’avait qu’à faire des sacrifices, j’avais même été capable de me passer de sexe pour lui, si ça ce n’en était pas, de ce foutu amour… Je me préférais encore quand je n’avais pas de cœur et que rien ne pouvait me détruire ! Là, ce serait moi qui réduirais tout à néant… Secrètement, je voulais qu’il me supplie de rester et qu’il me dise droit dans les yeux, qu’il me fasse la promesse de le dire à son père, quoi qu’il advienne.

Oups, j’ai touché un point sensible je crois. Quel dommage… Tant pis, au moins j’étais sincère, que je l’ai blessé ou pas. Je n’avais pas de cœur, c’était un fait. Quoi que, c’était une preuve du contraire là, non ? Je n’aurais pas été si en colère si je n’avais pas de véritables sentiments pour lui. Certes, j’étais quelqu’un d’égoïste. Et alors ? Est-ce que c’est un crime de vouloir garder ceux qu’on aime près de soi ? Je me fichais totalement de ce que son père pourrait penser, ça ne changerait rien à ce que je ressentais déjà. Je m’étais retournée pour l’écouter alors que j’étais quand même bel et bien déterminée à partir pour ne pas massacrer cet endroit qui était censé être paradisiaque.

« Lui, il s’en fout, oui. Et moi alors ? Tu t’en fiches aussi de ce que je ressens ou quoi ? Oh oui, je sais ce que tu vas me répondre… Non c’est pas ça, mais il ne faut pas que je chagrine papa… »

Je rajoutais pour le provoquer :

« Si tu as l’habitude, ça tombe bien, moi aussi. Je vais aller me taper un humain, je reviens. »

Maintenant, il me pointait du doigt. Qu’il n’essaye pas de me faire croire que c’était moi qui étais en tort ! Je ne le reconnaissais plus… Je ne l’avais jamais vu si enragé, j’avais vraiment dû l’atteindre alors… Pauvre chéri, il prend des risques parce qu’il ne sait pas cacher ses sentiments et que c’est à moi de tout faire ! Eh bien c’est vraiment dommage qu’il ait des sentiments pour moi, si ça n’avait pas été le cas, on aurait fait ce qu’on avait à faire et je serais tranquille maintenant. Enfin… Il fallait bien que ça m’arrive aussi ça… Foutu amour. A quoi ça sert ? Pourquoi est-ce que cette saloperie doit nous faire souffrir comme ça ? Je ne connais pas son père, ouais je le sais et j’en suis navrée. Le jour où je le rencontre, je ne donne pas cher de sa peau ! Il frappait un arbre, j’étais surprise et je sursautais.

« Pourquoi ? Tu crains de ne plus être le chouchou, c’est ça ? Qu’il comprenne ou pas, ça m’est égal. Moi je veux être avec toi et je n’ai pas l’intention de me cacher pour lui faire plaisir. Au pire, on s’envoie en l’air et on s’arrête là ? Qu’est-ce que tu en dis ? Ça ne changera pas tes petites habitudes de prince irréprochable ! »

Il avait baissé la tête, comme s’il était navré de la situation. Il avait bien raison. Il voulait me retenir, hein ? Je devrais être contente, c’est ce que j’avais voulu un peu avant mais là j’étais si remontée… Il ne voulait pas que je souffre, eh bien c’était raté, trop tard. Finalement, j’allais sans doute rester… Qui dit que je ne peux pas lui résister ?

« Ce n’est pas comme si je ne souffrais pas déjà assez… Allez viens, on monte un coup d’Etat en France, on détrône ton père et on ne vit plus dans l’ombre. »

Est-ce que j’étais sérieuse ou ce n’était que pour le tester ? Je ne le savais pas moi-même mais j’avoue qu’il faudrait mettre une petite touche de rébellion dans tout ça… Je me rapprochais de lui. Oui, en fait je ne pouvais pas lui résister, lui non plus je crois. Je ne voulais pas du tout me taper un humain, je n’avais dit ça que pour lui faire peur, pourvu que j’aie réussi… ! Je ne pouvais pas m’empêcher de l’embrasser encore, je ne prenais pas le temps d’enlever à nouveau ma robe que je le tirais à nouveau dans l’eau. Restait à savoir comment il réagirait à tout ça… !

Jamais je n’avais été aussi agressive par amour, ce qui est normal. Je n’avais jamais ressenti ça pour une personne. J’étais capable de faire tant de sacrifices sauf masquer tous ces sentiments. Pourtant je suis très bonne comédienne mais j’en suis complètement incapable. Je préférais qu’on se sépare plutôt que de garder tout ça enfoui en moi. Il souriait quand je lui proposais l’idée du coup d’Etat. D’un côté ce n’était pas vraiment une blague, je pourrais le faire grâce à l’armée de mon père, encore faudrait-il qu’il soit d’accord que je la lui emprunte alors qu’il ne connait même pas Alexian. J’étais sûre qu’il l’apprécierait, si seulement nous n’étions pas obligés de nous cacher. Ce n’est pas un homme que je n’ai jamais vu qui va m’empêcher d’aimer, non ?

Alors que je l’avais à nouveau entraîné dans l’eau, il se détachait, encore quelque chose pour m’énerver… Je ne supportais pas quand il y mettait fin comme ça, à nos étreintes. Je ne pouvais pas m’empêcher de me rapprocher pour autant. Je voulais tellement qu’il me rassure et qu’il me dise qu’on serait ensemble pour toujours malgré les obstacles mais bon… Il fallait qu’on se fasse une raison, il y aura toujours quelque chose pour nous en empêcher. Quelle humiliation pour une personne de mon rang… Devoir se laisser dicter sa conduite, quelle horreur.

Il croyait que je ne comprenais pas ? Que j’étais stupide ? Mais là le plus stupide d’entre nous, c’est bien lui ! Qu’est-ce qu’il est égoïste… Comment il pouvait me faire ça ? Il était censé m’aimer… De toute façon, je ne peux pas savoir à sa place. Je pleurais encore, je n’en faisais même pas exprès, au bout d’un moment, ça déborde, c’est comme ça. Ce n’est pas vraiment à moi de l’aider, je ne peux rien faire à part assassiner son père pour que nous puissions être enfin heureux, sans nous soucier de ce qu’il pourrait se passer. Il avait baissé la tête, comme désespéré. J’avais l’impression qu’il s’avouait vaincu, que c’était l’honneur de son père et ces fichues traditions qui gagnaient. Je sentais que j’allais encore m’emporter…

« Tu me trouves stupide ? Tu penses que je ne comprends pas ? Je sais très bien… Mais je dois être aussi égoïste que toi. S’il-te-plait… Je veux prendre le risque. A moins que tu ne saches pas ce qu’il faut choisir entre ton honneur et moi. »

Je faisais une pause, puis poursuivais :

« Je t’en prie… Fais un choix, n’importe lequel, je le respecterai mais ne laisse pas durer ça trop longtemps si ça doit être fini. Tu as besoin de temps, mais moi j’aimerais que le problème soit résolu le plus vite possible. »

Il commençait à pleuvoir… C’était sûrement un signe pour que la dispute se poursuive. J’avais peur qu’il dise « d’accord, on va rompre », il allait peut-être m’abandonner pour sauver son honneur ainsi que celui de sa famille, mais tant pis, il fallait bien que l’un de nous prenne des risques.

La patience ce n’est pas mon truc, ça se saurait. J’ai déjà tué de nombreux esclaves parce qu’ils ne se dépêchaient pas d’apporter très vite ce que je leur demandais, quelle bande d’ingrats ! Je ne pouvais plus patienter, c’était au-dessus de mes forces. Et je pleurais, je ne pouvais pas m’arrêter, ce n’était pas possible ! Il ne sait pas ce qu’il veut ? On dirait qu’il veut me perdre, il va finir par y arriver. Qu’est-ce que je m’en veux de ne pas être partie plus tôt ! Je veux m’en aller, sinon je vais encore lui mettre une baffe. Je disais froidement, toujours en larmes :

« C’est embêtant, il faudrait peut-être le savoir un jour ou l’autre. »

Mes larmes faisaient rougir ma robe qui était si blanche au début, arf je devrais en racheter une autre ! Merci Alexian… Le pire, c’est qu’il osait me regarder dans les yeux, je détournais bien vite le regard. Heureusement, il avait pris la précaution de s’éloigner avant et avait été s’asseoir sur le rebord de la source. Ah oui ? Voyez-vous ça… Il ne peut pas choisir entre sa famille qui lui imposait de se marier à une humaine et moi ? C’est la chose la plus horrible que je n’ai jamais entendue. Il m’avait brisé le cœur, si c’était encore possible. Ce n’est pas vrai ! S’il voulait si vite en finir qu’il le disait, il aurait déjà dit merde à son père et serait avec moi depuis longtemps… Pourquoi est-ce que j’avais encore des sentiments ? Je me hais parce que je l’aime de trop, ou alors je dois le haïr tellement je l’aime. Je crois que je pourrais en mourir… Il se levait et je mourrais d’envie de lui hurler dessus, c’était… Intense. Pour la peine, je me levais aussi, ma robe dégoulinait d’eau.

Avant que j’ouvre la bouche, il poursuivait. Oui, il était égoïste, j’avais été capable de le comprendre toute seule, je ne suis pas si stupide. Il est désolé de me faire du mal, super, moi aussi. Je n’aime pas l’amour, c’est trop cruel. Il fallait que ça me tombe dessus, je m’en serais bien passée. Oh non, je dis n’importe quoi… Je ne pourrais pas me passer de lui, c’est une véritable drogue, encore plus que le sang. Alors, je ne saurais pas ce soir de quoi serait fait mon avenir… J’étais déçue. Non seulement la soirée était partie en dispute mais en plus j’avais appris qu’il ne savait pas qui choisir… J’étais vexée, maintenant c’est lui qui avait touché mon point faible. Je m’avançais vers un arbre et frappais dans une branche, il fallait que j’évacue ma colère… La branche était partie voltiger je ne sais où.

« Oui voilà ! T’es qu’un égoïste ! C’est toi qui ne te rend pas compte à quel point tu me fais du mal, mais qu’est-ce que je t’aime… Tu ne pourras pas me forcer à me passer de toi ! Je… Tu me manques trop, tu ne sais pas à quel point… Mais vas-y, va épouser ton humaine, fais-lui un tas de gosses, fais honneur à ton père et quitte-moi. »

En fait, c’est moi qui suis ridicule… Ce n’est pas à lui de me quitter, c’est à moi de le faire. Il n’aurait encore pas le courage d’agir. Je frappais dans tout ce qui était à ma portée, j’envoyais les rochers valser, arrachais
des buissons. Je n’étais plus qu’une furie.

« Puisque c’est comme ça, je m’en vais. C’est fini, tu comprends ? Terminé ! Ne reviens plus jamais me voir, fous-moi la paix. »

Est-ce que je le pensais vraiment ou j’avais dit tout ça sur le coup de la colère ? Moi non plus je ne savais plus quoi penser, tant pis.