Les gens qui me connaissent vous diront que ma vie a été un vrai conte de fées. Je suis née dans une famille ouvrière, douce et aimante, avec des parents aux petits soins pour leur fille unique. Tous les ans, on fêtait Noël en famille à grands coups de dinde, de lait de poule, de guirlandes en pop-corns et de bûches en chocolat. C’était un vrai tableau idyllique, et cet environnement a fait de moi une fille douce, généreuse, à l’écoute des autres, toujours de bonne humeur et sociable.

A l’école, j’avais de bons résultats, et un petit cercle d’amis qui m’a suivit durant toute ma scolarité. C’est avec eux que je m’amusais, que je sortais, que j’invitais à mes anniversaires, mais aussi ceux avec lesquels je travaillais mes cours. On avait les mêmes valeurs, on riait des mêmes choses, et on se confiait sur nos rêves ou nos problèmes.

Dès ma plus tendre enfance, j’ai été attirée par la danse et le piano. Ce n’était pas évident pour mes parents de me payer des cours, pourtant ils ont fait les sacrifices nécessaires pour que je puisse m’adonner à ces activités. C’est sans doute pour les remercier que je me suis attachée à suivre ces cours avec assiduité, je ne voulais pas qu’ils regrettent l’argent dépensé et je considérais ça comme aussi important que mes cours à l’école.

A l’adolescence, j’ai décidé de m’orienter vers les danses latines. J’ai été championne régionale à dix-sept ans d’ailleurs, et j’en étais très fière ! Bien entendu, je continuais de pratiquer le piano, et je commençais aussi à savoir vers quoi j’allais m’orienter. J’aimais les cours de droit, et j’avais envie de devenir juriste, pour aider les gens qui en avaient besoin à faire valoir leurs droits. Idéaliste, je l’étais, et je détestais les injustices. Le pot de terre contre le pot de fer, j’avais ça en horreur et je voulais apporter ma pierre pour que ça arrive de moins en moins. Utopiste ? Je vous le concède, mais je vous rappelle que je n’avais que dix sept ans à l’époque !

J’entrais donc à l’université. Grâce à mes bons résultats, j’avais obtenu une bourse, mais je prenais un petit boulot de serveuse pour payer les frais divers que je pouvais avoir dans ma vie estudiantine. J’avais à coeur de ne plus être à la charge de mes parents et ainsi de leur permettre de vivre un peu pour eux. Mes amis me manquaient, je n’avais pas l’habitude de devoir me passer d’eux, mais comme j’étais une fille sociable et ouverte, je m’en suis fait d’autres, et je ne me suis jamais sentie seule. C’était la période des premiers amours, des fêtes... Une ambiance bien loin de la vie que je connaissais jusque là.

Mais le fait le plus marquant de cette époque, c’est ma rencontre avec Logan. Un jour, il avait fait la fermeture du bar dans lequel je travaillais et on a commencé à discuter. Il était à l’école de police, on a commencé à se raconter nos vies, à rire et à pleurer ensemble. Pendant un bon moment, on se voyait régulièrement, développant une réelle amitié. Amitié qui a fini par se transformer au fil du temps par des sentiments bien plus profonds. On se serrait les coudes lui et moi, on se soutenait, et une fois mes études terminées, on se fiançait.

Ma vie a continué d’être un conte de fée. J’avais trouvé un boulot dans une petite organisation qui aidait les couches pauvres de la population. J’aidais les gens à faire valoir leurs droits, à trouver des aides, à se sortir de situations parfois inextricables. J’adorais mon job et je m’y donnais à fond. Logan, de son côté était devenu un bon flic, et il avait même été repéré par le FBI. L’avantage, c’est que sa paie était excellente. Le désavantage, c’est que le boulot était dangereux et que je craignais tous les jours pour sa vie. Mais il s’épanouissait, alors comme toujours, je soutenais de mon mieux celui qui était devenu mon mari.

Un jour, j’ai été abordée sur le parking de l’association pour laquelle je travaillais par un homme qui m’a semblé bien étrange. Il m’a demandé mon nom, de lui expliquer en quoi consistait le travail de qu’effectuais, depuis combien de temps je bossais là... Je n’avais pas l’impression qu’il s’intéressait aux réponses que je lui donnais. Il me regardait avec ce regard étrange qui m’a incitée à ne pas prolonger notre échange, et je suis montée dans ma voiture, déguerpissant de là en surveillant qu’il ne me suivait pas. A l’époque j’étais enceinte de quatre mois et particulièrement anxieuse à cause de cet état.

Je ne l’ai plus revu pendant plusieurs semaines, et n’y pensais même plus. Ma vie tournait autour de ma grossesse, Logan et moi venions d’apprendre que j’allais donner naissance à un petit garçon et on commençait à parler des prénoms, à aller faire les magasins pour trouver la chambre parfaite, à craquer sur des petits vêtements. Bref, tout ce que font les parents qui attendent un heureux événement. Notre couple était solide, on s’aimait profondément, le bonheur était notre quotidien.

Je ne sais pas comment tout a basculé, je ne me suis rendue compte de rien. J’avais été faire quelques courses pour le dîner, je voulais faire plaisir à Logan en lui cuisinant son plat préféré. Il y a eu le feu rouge, puis le trou noir. Quand j’ai ouvert les yeux, L’inconnu qui m’avait effrayée sur le parking était là, et j’avais l’impression que mon sang avait été remplacé par de la lave en fusion tant mon corps me brûlait. Eleazar était son nom, il m’a expliquée ce qui s’était passé et ce qui m’attendait, mais je n’ai retenu que des mots effrayants. J’avais perdu la vie, j’étais devenue un monstre au service d’un autre monstre, il allait m’emmener loin, à Heartkiller, où j’allais démarrer une nouvelle existence.

J’étais littéralement dévastée. Mon ventre était plat, dépossédé de la vie qui y grandissait, j’avais perdu Logan... Je passais mon temps à pleurer et à maudire celui qui m’avait infligé ça. Au début, Eleazar était pour moi un ennemi. J’avais encore en moi trop de ma condition humaine pour le voir autrement. Mais celle-ci se dissipa à mesure que les jours, les semaines, les mois passaient. Au bout d’un an, je n’étais plus celle que j’avais été jusque là. Je vénérais littéralement Eleazar, le considérais comme mon Maître, lui vouait une obéissance sans faille. Mon seul but à présent était de briller à ses yeux, je voulais devenir sa favorite, celle en qui il avait le plus confiance, qui lui apportait le plus de contentement, de plaisir. Ma vie d’avant était oubliée, j’étais une succube, une divine créature qui pouvait tuer sans la moindre merci s’il le fallait, un membre du Club des damnés, une espionne redoutable au service de la famille Bridgestone. L’ange est devenu démon, envers et contre toute humanité.