Dans les sous-sols, dans les archives, le jour et la nuit se confondent. Seule l'horloge qui tic tac les secondes lui permet d'avoir une vague idée du temps qui passe. Il lit des tonnes de documents et les recense soigneusement. Un document, une note sur la feuille, un étiquette temporaire sur le document et il est soigneusement déposé sur une pile particulière. Il y a déjà plusieurs piles autour de lui. On a beau lui avoir assigné une chambre, il n'y est pas souvent. Il va s'y changer, prendre une douche et c'est tout. Il n'y dort même pas. Il dort très peu en fait. Plus il a de boulot, moins il a sommeil. Heureusement que les archives, c'est sombre. Alors sa chambre est presque toujours vide. Habituellement, il n'y passe que très tôt le soir.

L'horloge sonne les coups de 18h. Il lève la tête et ce simple mouvement lui est pénible. il est resté immobile beaucoup trop longtemps. Il hoche la tête pour redonner de la souplesse à son cou, puis il se déplie lentement. Il tend les bras et s'étire avec le plus de longueur qu'il le peut. Son oreille capte la respiration régulière de l'esclave qu'on lui a prêté. L'esclave dort. Ça va. Il se lève et s'étire encore un peu, puis jette un coup d'oeil à l'horloge. Oui, 18h03. Il fait quelques pas, pour se délier les muscles et il se dit qu'il serait du pour un peu d'exercice. Il est resté immobile depuis trop longtemps. D'accord, les muscles, c'est une chose, la soif, il ne faut surtout pas laisser trainer. Surtout pas s'il sort des archives. À travers les livres, dans les sous-sols, loin de tout, il peut très bien se passer de boire durant de longs jours. Dans les Archives, à Belfast, il tombe toujours sur un ou mieux, une esclave des Shaw. Ici, c'est différent.

Il est encore tôt, très tôt, mais il remonte à la surface. Il voit bien que la nuit n'est pas encore tombée, mais il doit se remettre à bouger. Il se met surtout à rôder dans le palais, évitant les endroit ou les rideaux ne sont pas tirés. Il évite aussi de sortir des lieux dits publics. C'est distrayant de marcher quand aucun vampire ne se trouve dans les parages. Les esclaves lui jettent certes quelques regards mal assurés, mais il leur répond d'un sourire de circonstance et poursuit sa route. Il finit par déboucher devant sa chambre et il se dit qu'une douche et se changer serait une bonne idée. Il est poussiéreux et un relent de vieux papiers lui colle à la peau. Il se glisse sous l'eau tiède et en profite de longues minutes. Le bruit de l'eau masque presque tous les sons ambiants et parfois, c'est salvateur. Il préfère ne pas entendre pour le moment, le va et vient des esclaves. Il fait presque sombre dehors lorsqu'il se prépare à sortir. Il s'est soigneusement préparé et a choisit ce soir un pull bleu nuit sur une chemise blanche et un pantalon noir. Pas la peine d'enfiler le costume, il ne travaillera pas cette nuit.

Le soleil vient à peine de disparaître sous les arbres quand il sort du palais. Oui, sortir du palais, aller voir ce qui se passe ailleurs. Bouger dehors tout une nuit pour toutes les heures d'immobilités dans les sous-sols. Aussitôt à l'extérieur, ses sens se mettent en éveil. Il s'arrête un instant, pour laisser les sons et les odeurs lui fournir des tas d'informations qu'il jugera pertinentes ou non. Il regarde autour de lui, puis ferme les yeux. Parfois, il n'a pas besoin de voir pour savoir. Il reste encore quelques secondes ans bouger, puis il entend des mouvements à l'intérieur du palais. Il ouvre les yeux et dévale l'escalier. À première vue, il visite la ville, évitant les ruelles et les chemins trop tortueux. Il laisse la nuit prendre la place sur la fin du jour, puis il se retrouve devant un bar. L'odeur d'alcool et de nourriture est marqué. Tiens, pourquoi pas. il n'a pas d'autres projets de toute manière.

Il pousse la porte avec délicatesse et entre dans bruit dans l'établissement. Avec à peine un froissement de tissus, il se dirige vers le bar et s'assoit sur le tabouret. Aussitôt, un homme se tourne vers lui et le salut, avant de lui demande ce qu'il compte boire. Errol lui jette un regard qui ne semble pas très sûr. il hésite en fait. Oui, quoi boire ? Errol n'est pas de ces vampires pressé par le temps. Il a même tout son temps. La seule chose qui le presse, c'est le matin. Et encore, ça ne le presse que lorsqu'il n'est pas déjà dans le noir. Il rend le temps de jeter un coup d'oeil à la ronde. Quelques clients à peine, mais des détails dans la disposition des lieux indique qu'habituellement, peut-être un peu plus tard, ce sera bondé. Il revient vers le barman lorsque celui-ci le nomme par son patronyme.Le regard bleu délavé d'Errol dévisage le barman quelques secondes.

- Effectivement... vous ne faites pas erreur, dit-il en poursuivant son inspection visuelle. Son regard semble lui demander "D'où tu sais mon nom, toi ?" et brusquement, dans un bref haussement de sourcils, l'esprit analytique et encyclopédique d'Errol se replacent et font le lien. Oh, toutes mes excuses. Monsieur Constantine, n'est-ce pas ?

Évidement, c'est l'avocat de l'Empereur américain. Il aurait du le replacer plus rapidement, mais hors contexte, hors du palais de surcroit, la réflexion demandait un peu plus d'efforts. En fait, il se serait peut-être attendu à le croiser dans le bar, mais pas derrière le bar. Bien qu'en y réfléchissant un peu, L,idée lui semble quelque peu familière. Il a du lire quelque chose à ce sujet. Et parce que c'est de coutume et de rigueur, Errol tend la main vers John pour la lui serrer.

- Errol Shaw. Monsieur Shaw, c'est mon père, dit-il, cordial dans le ton de sa voix, mais le visage de marbre.

Oui, habituellement, pour différencier les deux Shaw, on l'appelait Monsieur Errol. C'était de coutume, à Belfast. Ici, en fait, il s'en fiche un peu. Il suivra l'usage. Il suivra scrupuleusement l'usage et la coutume des lieux. Il n'oserait froisser personne.

- Que me conseillez-vous ? Dans le non conventionnel je veux dire.

Oui, parce que le conventionnel, c'est toute la gamme de sang disponible pour les vampires. Errol préfère boire du non conventionnel. Il préfère toute la saveur des alcools forts à ce qu'il servent en bouteille et qu'ils osent qualifier de sanguin. Il préférait la saveur chaude d'un sang frais, si possible à 37°.

En effet, il n'est pas au palais et ici, il n'est pas non plus archiviste. quoique son boulot d'archiviste n'est jamais terminé. Même hors de la salle des archives, Errol travaille toujours un peu dans sa tête. Il note d’ailleurs qu'il devrait fouiller pour déterminer qui il risque de croiser ici. Ce temps de réflexion pour replacer l'avocat fut nettement trop long. Il aurait du le reconnaître bien avant. D'un autre côté, il trouve surprenant que Constantine l'ait reconnu si rapidement. Il est vrai, cependant, qu'il est plus aisé de remarquer le nouveau type fraîchement débarqué que le dit nouveau type a de reconnaître tous ceux arrivés avant lui.

- Bien sûr, Monsieur John.

Difficile de faire perdre ses habitudes à un vampire. Il donnait du monsieur à tout le monde et c'était le minimum, parce que habituellement, il donnait le titre juste. Il relève machinalement qu'il aurait du l'appeler Maître Constantine. Tant pis, maintenant ça n'avait plus d'importance, puisque c'était maintenant Monsieur John. L'énoncé des trois alcools proposés par John semble intéresser l'archiviste, mais encore faut-il choisir. Il écarte aisément l'absinthe, surtout si elle a été fabriquée il y a 200 ans. À cette époque déjà, le mot lui faisait craindre le pire. Il n'a pas changé d'opinion depuis cette époque. Il hésite entre le bourbon et le scotch. C'est un brin de nostalgie qui fait pencher la balance pour le bourdon. Une fugace pensée pour l'époque où il n'était qu'un très jeune vampire.

- J'aurais pu me contenter du champagne, mais puisque vous m'offrez d'autres choix plus goûteux, je me laisserai tenter par votre bourbon, si vous voulez bien, demande-t-il, visiblement très satisfait de la proposition.

il ose même ponctuer sa phrase d'un sourire. Bref, mais tout de même un sourire, avant de se recomposer un air aussi flegmatique que d'habitude. Monsieur John a raison, Errol ne sort pas souvent du palais. Du moins pas depuis qu'il est ici. À Belfast non plus, il ne sort pas souvent des archives. Les Shaw sont des gens très occupés. Ils ne sortent que lorsque c'est nécessaire. À savoir lorsque le roi ordonne leur présence. Errol sort parfois de lui-même. La soif, la traque et certaines demandes d'archives sont pratiquement les seules raisons qui le font sortir des caves. Ça et parfois, en de très rares fois, c'est simplement l'envie de bouger. Ce soir est l,un de ces soirs. Il avait seulement envie de bouger un peu. De laisser vagabonder son esprit et peut-être ses paroles sur autre sujets que ce qui s'est passé il y a trop longtemps. Il hoche la tête et semble hésiter à répondre à ce genre de questions, surtout posée par un avocat, doublé d'un barman.

- Il y a beaucoup à faire, dit-il avec prudence. Et je suis du genre casanier, ajoute-t-il, pour éviter que les archives des Bridgestone soient les seules raisons à ses sorties restreintes. L'idée de prendre un verre pour débuter la nuit m'a semblé bonne. Avec les choix que vous m'avez proposé, l'idée me semble d'autant plus excellente. C'est un bien joli établissement que vous avez, Monsieur John. Vous êtes propriétaire ?

Errol est doué pour retourner les questions. Il préfère parler des autres plutôt que de lui. C'est que ça ne divertit pas beaucoup les gens de leur expliquer son métier. Lui, il trouve ça fascinant, mais ce n'est pas l'avis de tout le monde, malheureusement.

Errol se nourrit de sang. Évidemment, c'est un vampire. Sa survie dépend du sang dont il se nourrit. Par contre, s'il considère le sang comme essentiel, lorsqu'il veut seulement boire un verre, par pur divertissement, il préfère de loin les alcools fins. Ils sont, à son avis, nettement plus intéressants au goût que le sang humain. Mais ce n'est que son avis. Il se nourrit de sang, ses plaisirs gustatifs vont pour les alcools fins. Autrement, il ne mange et boit rien d'autre. Sauf pour être poli, lors de certaines occasions, évidemment. Il goûte avec un plaisir évident le bourbon devant lui John n'a pas mentit, c'est un nectar des plus fin et il n'a pas on plus mentit sur l'âge. Le goût est prononcé. Il a été minutieusement bien conservé.

Il écoute avec attention l'avocat barman qui évoque comment il a prit possession des lieux. Errol se doute que plus tard ,ce sera plus populeux, la nuit vient à peine de commencer. Errol n'aime pas trop la foule. Il préfère l'isolement, mais parfois, il a besoin d'un peu de compagnie. Pas nécessairement de la compagnie proche, mais seulement savoir qu,il y a des gens autour. Ce soir, c'est un soir comme ça, il avait envie d'être seul dans la foule. Mais pas trop de foule. Une petite foule. Il ne s'attendait pas nécessairement à bavarder à qui que ce soit, mais ce John lui parait intéressant.

Errol hoche la tête lorsque John évoque le bonheur d'avoir un associé. Pour Errol, c'est différent. Depuis toujours, il est en symbiose avec son père dans les archives de Belfast. Se détacher de son paternel pour venir ici, dans les archives d'Heartkiller, pleinement autonome, ça c'est pour lui un bonheur. Il ne relève pas, tout de même, Ce n'est qu'une question d'opinion, d'expérience personnelles et d'antécédents. Il accepte de bon coeur la cigarette proposée par John. Il s'interroge brièvement à savoir si John savait qu'il fume ou si c'est juste parce que lui a envie d'en griller une. Errol décide de ne pas insister sur cette interrogation. Il suppose que John le lui a proposé de bon coeur. L'archiviste s'avance un peu sur son tabouret, question de s'approcher de la flamme que lui tend John, après la cigarette.

- Merci.

Errol inspire la première bouffée et goûte l'arôme piquant du tabac. Bourbon et tabac, c'est une agréable soirée qui s'annonce. Il y a quelques temps de silence, un silence qui ne gêne pas Errol. L'Anglais n'est jamais mal à l'aise durant les silence. Il arrive même à être détendu lorsque les silence s'éternisent. Mais ce silence ne s'éternise pas. John le rompt en lui demandant de parler de lui. sur le coup, Errol lève un regard azur sur le vampire, se demandant pourquoi il gâche un tel moment, mais il se ravise lorsqu'il se souvient que John est avocat. Et aussi un proche de l'Empereur. C'est logique de vouloir en savoir plus. Le regard incisif d'Errol redevient aussi délavé qu'à son habitude, presque cristallin. Errol prend tout de même le temps de marquer son léger agacement d'une bouffée de fumée de tabac qu'il souffle vers le plafond. Parler de lui était une proposition. La question demande à savoir en quoi consiste le boulot d'archiviste. C'est à la question que répond Errol.

- Collecter, inventorier, conserver et communiquer. Le travail d'archiviste consiste en ces quatre mots. C'est ce que je dois faire dans les archives royales ici et je dois avouer que le tâche est assez colossale. Il y a un siècle de papiers et autres documents qui n'ont pas été inventorié et dans certains rayons, la conservation laisse à désirer. Je devrai sans doute reproduire ou copier certains documents sur un autre média, mais j'aime bien le faire à l'ancienne. Les archives britannique sont soigneusement entretenues depuis des siècles, l'entretient est important, mais je dois avouer qu'il n'y a pas vraiment de défi. Ici, c'est autre chose.

Bien qu'il eut l'intention de resté posé est flegmatique, il y a un quelque chose de précipité dans sa voix qui laisse paraître une fébrilité à peine contenue. Visiblement, le défi que lui posent les archives d'Heartkiller l'excite. Un passionné de son boulot comme il ne s'en fait que peu. Surtout un boulot qui consiste à lire et à classer des tas de papiers et autres documents.