Elle courait. Elle courait à travers les couloirs immenses du Palais, dans les escaliers, à travers les vampires qui croisaient son chemin. Elle courait pieds nus, battant le sol d'un rythme frénétique, effréné, paniqué. Elle ne voyait plus le monde autour d'elle, son corps entier était tendu à l'extrême, son esprit ailleurs, et son coeur saignant. Elle ne voyait pas la lune qui terminait sa course par la fenêtre, elle n'entendait pas les insultes et les murmures mécontents des vampires qui la croisaient. Elle ne voyait rien, essayant déjà d'oublier ce qu'il venait de se passer. Elle avait peur, peur parce qu'elle perdait le peu de maitrise qu'elle avait réussi à avoir sur son existence de femme damnée. Peur parce que l'histoire se répétait et que cette fois elle n'était pas sure d'avoir la volonté de courir avant que les premiers rayons du soleil mordent sa peau. Et si elle n'avait pas la force de lutter ? Et si elle se laisser envahir de nouveau. Il serait si simple, si doux et si facile que de céder de nouveau à la tentation. De mourir une seconde fois sous son regard. De disparaitre sous ses caresses. De le supplier de revenir, pour lui faire vivre encore des sensations perdues depuis beaucoup trop longtemps. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle en était réduite à espérer le voir lui revenir. Elle ne devait pas penser ainsi. Elle n'avait pas le droit de le regarder encore. Pas après ce qu'il s'était passé il y a un siècle.
Alors, elle courait. Elle courait loin de lui , de cette chose qu'elle ressentait, de tout ce qu'il avait pu lui faire. De ce passé qui l'avait torturé, brisé. Elle n'avait qu'une chose à faire alors. Il y a un siècle John l'avait abandonné, lassé du jeu qu'il avait instauré entre eux. Seth l'avait sauvé alors. Il avait eu la patience nécessaire pour la faire sortir du désespoir profond dans lequel elle se trouvait. Aujourd'hui John revenait dans sa vie, réapparaissant soudainement et la seule personne que Echo voulait voir, une fois encore, c'était son sauveur, son cher grand frère, son Seth. Elle courait vers lui, allant droit vers sa chambre. Elle avait passé plus de temps dans cette pièce que n'importe où ailleurs de sa vie. Elle adorait s'y enfermer, retrouver l'intimité qui s'y était instauré. Elle s'y sentait chez elle. Elle s'y sentait en sécurité. Elle y entra dans un fracas et la trouva vide de toute présence. Seth n'était pas là, mais son odeur ainsi que celle d'Elwing était présente partout dans l'air. Elle referma la porte, ne prit la peine d'allumer la pièce, et resta dans le noir. Elle avait arrêté de courir, et entourait son corps de ses deux bras. Elle se déplaça vers la fenêtre et regarda la lune qui se trouvait - immense - devant celle-ci. Elle se laissa tomber sur le sol, en dessous de la fenêtre, sans lâcher le ciel du regard. Elle avait mal. Elle avait peur. Elle ne s'était pas sentie aussi faible et aussi terrifiée depuis des années. Elle n'aimait pas cela.
Elle se recroquevilla sur le sol, entourant son corps entier de ses bras, cachant son visage dans le creux de ceux-ci, et se refermant au monde extérieur. Le parfum de ses amants la calmer, mais ce n'était rien en comparaison à leur présence à ses côtés. Où est-il ? Se demanda-t-elle en ne voyant pas Seth arriver. Elle avait pourtant besoin de lui. Il avait pourtant promis d'être toujours là ! Alors pourquoi n'était-il pas là ?! Elle devait se calmer. Elle était stupide. Il avait sa vie, ses responsabilités, et il n'était pas son esclave. Elle devait être patiente. Elle ne bougea plus, statue de pierre pleurant à cause de la peur qui l'étreignait. Elle se mordit la lèvre, et frémissait à chaque bruit qu'elle entendait dans les couloirs. Elle était devenue quelqu'un, une vampire importante, elle ne devait pas être vue de la sorte. Que ce soit Seth cela allait encore, que ce soit un autre vampire et sa place dans le Royaume était fichue. Elle n'arrivait cependant pas à se redresser, à lever la tête, à regarder droit devant elle. Elle entendit des pas plus lourds devant la porte, et ses crocs sortirent comme par instinct, prête à se défendre. Mais ils passèrent. Elle attendit, jusqu'à ce qu'enfin elle reconnaisse la démarche sure de son frère adoptif. Elle releva la tête lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir et croisa son regard. — Seth.... Il... Il.... Elle était stupide. Elle devait se reprendre, être capable de lui dire ce qu'il s'était passé. Mais elle ne bougea pas, restant cacher au coin de la fenêtre. — Il est ici.... Réussi-t-elle à dire au bout d'un instant, en espérant qu'il comprenne... mais personne ne la connaissait mieux que lui. Alors, il comprendrait. Il l'aiderait. Une fois encore...
Par instants brille, et s'allonge, et s'étale Un spectre fait de grâce et de splendeur. A sa rêveuse allure orientale, Quand il atteint sa totale grandeur, Je reconnais ma belle visiteuse : C'est Elle ! noire et pourtant lumineuse (baudelaire)
La nuit avait enlacé la capitale de son doux voile obscure voilà quelques heures maintenant. Au-dessus des grattes ciels baroques, un parterre d’étoile déchiqueté par une imposante lune surplombait la ville. Alors que dans le palais, le calme était à son comble, ça en était tout autre dans la caserne militaire. Des cliques par ci, des claques par là, des cris de douleurs, des hurlements autoritaires, une cacophonie monstrueuse régnait dans l’antre du chevalier noir. Ce dernier passait son temps à entraîner ses poulains au combat pendant de longues heures. Des torses musclés mis à nus, roulant leurs muscles dans l’action des duels. Un Eden fait de chair, sur lequel roule des billes miroitantes de sueur. C’est là la caverne des fantasmes pour toute personne extérieure qui imagine ces jolis vampires à moitié nu s’entraîner dur. Une caverne malheureusement inaccessible pour qui n’en est pas habilité. Seules les soldats, futures recrues et quelques politiciens ont carte blanche pour y entrer. Quoiqu’il en soit, c’est après de longues heures à transpirer de colère que le chef de l’armée laissa son second prendre la main pour entraîner les poulains. Seth avait grand besoin de repos et le bruit qui roupillait dans la caserne n’était franchement pas pour l’y aider.
Quelques fois, il lui arrivait de prendre sa douche dans les vestiaires de la caserne. Parce qu’il n’avait pas envie d’attendre d’arriver au palais pour se décrotter, ou tout simplement, parce qu’il aimait l’ambiance austère des douches de la caserne. Celles-ci furent quasiment vides lorsqu’il s’y rendit pour se laver et s’habiller d’une tenue plus élégante : un pantalon noir légèrement moulant, dont les pans étaient engloutis dans de hautes bottes en cuir noir luisant et une chemise blanche dont les manches étaient soigneusement retroussées jusqu’aux coudes. C’est ainsi, propre, les cheveux encore humides et en bataille, mais enfin présentable, que le vampire se rendit au palais. Elwing devait sûrement vaquer à ses occupations, aussi ne s’étonnerait-il pas de retrouver les appartements vides. Sauf que voilà, ceux-ci ne le furent pas.
Bien avant de pousser les lourdes portes en chêne vernis de ses appartements, Seth avait capté une odeur subtile et sucrée, mais oh combien présente. Ce parfum qui lui était si familier, ces arômes alléchants qu’il se complaisait à renifler. Un petit sourire fleurit sur ses lèvres alors qu’il pénétra dans le grand salon. Il suivit l’odeur, comme une abeille guidée par les effluves du pollen, pour finalement rejoindre sa propre chambre. Cela lui arrivait de temps à autres, Seth la retrouvait dans sa chambre, à jouer avec ses oreillers ou ses draps, puis quand elle l’apercevait, de bondir sur lui pour le taquiner comme à son habitude. Pourtant, lorsqu’il rejoignit sa chambre, il ne découvrit pas la joie éclatante ni la malice de sa petite sœur de cœur. Au lieu de ça, ses prunelles tombèrent sur une petite forme recrovillée près de la fenêtre. Cette vision lui serra le cœur car elle lui rappelait les premières années où il l’avait recueillie, du temps où elle n’était qu’un pantin désarticulé, une poupée morcellée. Elle qu’il chérissait tant. « Al’ ? » Al, l’abréviation d’Alice. C’était le petit surnom qu’il lui attribuait, en soi, une marque d’affection. Lorsque enfin, son petit coeur des mers capta sa présence, Seth fut ébranlé par l'expression qu'il lue sur le visage d'Alice. Celle qu'il avait toujours eu peur de retrouver, parce qu'elle était l'horrible preuve que sa chère et tendre avait replongé dans le gouffre du désespoir. Par habitude, il s'approcha d'elle pour lui prendre délicatement les mains, comme pour tenter de l'apaiser. De si petites mains dans les siennes, grandes et fermes. Quand elle prononça ces trois mots d'un air désespéré, comme broyée par la main du diable, Seth ne compris pas tout de suite. Il est ici? Qui? Quelle bouleversante personne pouvait mettre la jeune vampire dans un tel état? Soudain, ses yeux se plissèrent...non...ça ne pouvait quand même pas être? Comment cela se faisait-il? « Ton créateur? » Ce n'était pas possible...après tant d'années?« Je croyais que tu ne t'en souvenais plus... » Peut-être avait-elle voulu garder le secret, mais aujourd'hui, à la voir dans cet état, Seth ne pouvait que la comprendre. Pourtant, il avait besoin de savoir quel cruel bourreau avait mis son petit bourgeon des champs dans un état de délabrement incommensurable, il y a de ça plus d'un siècle? « Ecoute, je vais m'occuper de lui alors n'aies pas peur. » Le grand colosse avait guidé Alice jusqu'au lit, sur lequel il la pria de s'asseoir pour pouvoir poursuivre plus calmement la discussion. « Est-il toujours dans le château? Sais tu son nom? »
Elle avait peur. Peur de ce qu'elle allait devenir, peur de ce qui allait advenir d'elle, peur de le voir une fois encore. Perdue dans le noir, recroquevillée, elle essayant de penser avec cohérence. Mais quand il s'agissait de John elle perdait toute logique et détermination. Elle n'avait de désire que de le retrouver, de le sentir contre elle de nouveau, de gouter à ses lèvres, de se perdre dans son regard. Mais c'était dangereux. Pire que dangereux, cela pouvait être mortel pour elle, et elle en avait conscience. Elle voulait trouver la force de se battre contre ses sentiments qui l'envahissaient de nouveau, elle voulait pouvoir être capable de se trouver en sa présence et de lui dire non . Mais pour le moment elle se cachait, car la fuite était le meilleur moyen pour elle de s'en sortir. Elle préférait cela à la dépendance. Elle n'était pas quelqu'un de courageux, elle était faible et peureuse. Mais elle se cachait sous des battements de vils et un air ravageur. Il était plus facile de séduire que de se battre. Il était plus facile de fuir que de se retrouver face à ses faiblesses. — Al’ ? Elle entendit sa voix comme dans un songe et ne réagit pas tout de suite. Elle avait l'impression d'être amorphe, de ne plus être qu'une prison dans laquelle son esprit était enfermée. Elle n'arrivait plus à faire le moindre mouvement. Elle regardait le vide. Elle ne voulait pas fermer les yeux. Elle ne voulait pas bouger. Elle avait peur. Peur qu'en relevant les yeux elle ne voit le visage de John. Peur qu'en les fermant les souvenirs avec lui ne revienne comme dans un vieux film. Elle inspira cependant... et ce fut bien l'odeur de Seth qui l'entourait. Rassurée, elle se tourna vers lui.
Il vint jusqu'à elle, s'accroupit à sa hauteur et lui prit les mains. Ce contact réchauffa la jeune femme qui vint contre lui presque instinctivement. Elle avait l'impression de revenir un siècle auparavant, quand il l'avait trouvé dans ce château en Ecosse. Il l'avait ramené à l'intérieur, et elle passait des jours accroupie dans le noir sans bouger, sans parler. Un jour il s'était accroupie devant elle, et lui avait pris les mains. Tendrement. Quelque chose c'était alors brisé en elle. Une barrière qu'elle avait instauré autour de son coeur. Elle lui avait parlé. Elle lui avait parlé de John, de cet amour destructeur, de la douleur, de la passion, du sexe, de la mort. Sans jamais donner son nom. Elle avait voulu oublier ce nom et ce visage qui l'avaient meurtri. Elle avait fait mine de ne plus se rappeler, et à force de mentir elle y avait cru. — Ton créateur? Elle acquiesça. Il avait mis du temps à comprendre, mais elle n'avait pas à douter du fait qu'il la comprendrait, et qu'il l'aiderait. Il s'agissait de Seth. Il la connaissait, il savait comment la protéger. Il l'avait toujours protégé. Il était son grand frère de coeur, son amant, son ami. Il était tout pour elle. Son confident aussi bien qu'elle lui eut caché certaines choses. — Je croyais que tu ne t'en souvenais plus... elle baissa le regard, honteuse. — J'ai menti. Il était plus facile de te mentir que de ... me souvenir. répondit-elle pour seule excuse.
Il la soutint, et l'aida à s'assoir sur le lit. Elle avait les muscles endoloris. Lorsqu'elle toucha les draps doux elle grimpa au centre du matelas et s'y assis en rapprochant ses genoux sur sa poitrine avant de les entourer de ses bras. — Ecoute, je vais m'occuper de lui alors n'aies pas peur. Elle frissonna et fronça les sourcils. Qu'entendait-il par s'occuper de lui ? est-ce qu'il ...Le tuerait ? ferait en sorte qu'il ne revienne pas au château ? Qu'il ne l'approche plus jamais ? — Qu'est-ce que ... Le laisse pas m'approcher Seth. le pria-t-elle en le regardant dans les yeux, perdue, affolée. — Est-il toujours dans le château? Sais tu son nom? Elle tendit une main vers lui pour prendre la sienne. Elle aimait le contact de sa peau, cela la calmait. Elle respirait profondément. — Je ne sais pas il... Il est venu voir l'Empereur... Il a du partir... je... Et s'il était encore dans le château ? Et s'il la cherchait ? Et s'il la retrouvait ? Elle regarda la porte, angoissée à l'idée de la voir s'ouvrir sur son ancien amant. Mais il n'en sera rien. Il n'oserait pas entrer dans la chambre d'un prince .... — John Constantine. Il s'appelle John Constantine... murmura-t-elle, comme si prononcer son nom risquait de le faire apparaitre devant elle soudainement.
Par instants brille, et s'allonge, et s'étale Un spectre fait de grâce et de splendeur. A sa rêveuse allure orientale, Quand il atteint sa totale grandeur, Je reconnais ma belle visiteuse : C'est Elle ! noire et pourtant lumineuse (baudelaire)
« J'ai menti. Il était plus facile de te mentir que de ... me souvenir. » Je ne fus ni fâché, ni attristé. Seulement compréhensif et terriblement inquiet devant son état dépité. Mais pas seulement, j’étais bouleversé par la nouvelle. Son créateur était ici ? Encore vivant ? Insouciant du danger auquel il se confrontait à venant ici, si près de moi ? L’impudent devrait s’inquiéter de son sort, car je ne comptai pas laisser passer l’occasion d’aller m’occuper du sort du vampire qui avait torturé ma douce Alice. Quel être pouvait être assez cruel pour briser une aussi charmante femme pour la condamner à l’état de poupée morcelée ? Esfir et moi avions œuvré tant d’années pour la remettre d’aplomb, pour lui faire retrouver goût à la vie. Avec ce retour soudain et imprévu, je craignais de la perdre à nouveau. Elle avait beau se montrer enjouée, je la savais encore fragile sous ses airs de gros dur et je ne pouvais m’empêcher de la rassurer dans mes bras à chaque fois que je ressentais les prémices de l’inquiétude dans son regard. « Qu'est-ce que ... Le laisse pas m'approcher Seth » Que non, je ne le laisserai sûrement pas approcher de ma petite sœur ! En même temps, je savais que je ne pouvais pas être partout à la fois et qu’elle pouvait être confronté à ce danger permanent. C’était un peu comme avec Elwing, je me faisais un sang d’encre à tout bout de champs !
« Je ne sais pas il... Il est venu voir l'Empereur... Il a du partir... je.. » Il est venu voir César ? Sérieusement ? Ce dernier devait l’avoir reclapé alors…mon frère n’est pas connu pour son adoration des cruels psychopathes. Il faudra que j’aille le voir sans tarder pour m’enquêter de ce mystérieux personnage et de l’étendue de sa discussion avec lui. Damne, la curiosité était plus dévorante que jamais ! Je devais me retenir de ne pas aller le harceler de questions sur le champ ! Non, le plus important pour l’instant était de rassurer mon ange déchu et de collecter un maximum d’informations sur le compte du suicidaire qui avait osé mettre les pieds sur Heart Killer ! L’ange à la chevelure couleur miel s’empara de mes mains dans un besoin de sécurité. Je la laissai faire, sachant qu’elle puisait de l’assurance dans ce geste, mais aussi du réconfort. Bon dieu, qu’elle paraissait fragile à cet instant ! Mon regard se noyait dans le sien, devenu un lac noir suffoquant, à la limite inquiétant. Je devais lui faire recouvrir un peu d’assurance pour ne pas qu’elle demeure une poupée abîmée par un malencontreux incident. Sans quoi, certaines personnes mal intentionnées pourraient profiter de cette faiblesse pour la retourner contre elle. Une chose que je ne permettrai pas !
« John Constantine. Il s'appelle John Constantine »
….QUOI ? Non…il devait avoir mal entendu. Peut-être des interférences dans ses tympans, ou peut-être avait-elle louché sur le nom. L’ébahissement se peignait sur mon visage. « John ? Que…tu es sûr ? Ce n’est pas possible… » John, l’avocat de César mais aussi mon ami. Je le savais quelque peu malicieux, sadique et sanguinaire, mais aussi amical et enjoué. John…ce nom semblait presque irréel sur le rebord de mes pensées. « John…merde ! » Une sacré merde en plus ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas été aussi sidéré. Comment allais-je bien pouvoir régler le problème ? Je ne pouvais pas impunément le blâmer ? Après tout, le passé était du passé et le vampire avait changé. Je le savais malicieux et joueur, mais pas sadique au point de ruiner le mental d’un vampire méritant. « C’est l’avocat de César depuis quelques temps qu’il est à son service. » Le regard perdu dans le vide, comme pour chercher une solution au problème, mon esprit était réduit au chaos. Pas moyen de trouver une réponse cohérente et logique ! Finalement, je repris possession des prunelles d’Alice, curieux, hésitant et perplexe. « …il est loin d’être le vampire cruel et sanguinaire que tu as décris autrefois…enfin, du moins de ce que je connais de lui… » Ou alors n’était-ce qu’une façade ? Non…ça ne pouvait être le cas tout simplement parce qu’il savait le caractère actuel de John sincère et naturel. « …s’il est ton créateur…alors il a bien changé… »murmura t’il pensivement…
Elle ne savait pas qui était John Constantine. Elle ne savait pas expliquer sa présence dans le château. Elle ne voyait en lui que l'homme qu'elle avait aimé avec passion, d'une manière si passionnelle qu'elle avait tenté de le détruire, de se donner à lui jusqu'à en perdre la raison. C'est lui qu'elle avait perdu, et toute espoir de vivre avec. Ayant eu l'espoir de le voir lui revenir, elle n'arrivait pas à comprendre comment il avait pu simplement être aussi calme en la retrouvant. Comme si le siècle qui les séparait n'avait jamais eu lieux. Comme s'il n'était pas partie. Il n'avait pas vraiment changé. Dans son regard et dans ses gestes elle avait retrouvé son amant terrible, son créateur, et son tortionnaire. Souffrante, désireuse d'ôter ces images de son esprit elle préféra s'enfermer dans une bulle, seule. Chose qu'elle ne faisait jamais, pas depuis Seth et Esfir. Pas depuis qu'elle avait retrouvé une raison de vivre. Il ne s'agissait pas de vivre par amour pour cet homme qui la détruisait, mais de vivre pour elle-même, pour devenir quelqu'un, et fuir la morosité d'une existence faite d'attentes. Elle avait besoin de cela. Elle avait besoin de se divertir, de penser à autre chose, de vivre au jour le jour. Son emploi auprès de César avait été une aubaine qui lui avait également permis de retourner sur les routes du monde. Pour rencontrer les diplomates, pour prêcher la parole de son Empereur. Elle appréciait énormément César, et encore plus sa fiancée. Elle était fidèle - plus que de raison - à la famille royale, et voir John présent auprès de son Empereur ne faisait pas baisser celui-ci dans l'estime d'Echo. Il ne pouvait pas savoir. Personne ne savait. C'était sans doute le secret le mieux gardé de tout Heartkiller.
Le lien entre John et Echo était à peine dévoilé à Seth, que ce dernier sembla se décomposer devant Echo. Elle arrêta tout mouvement, prise d'une angoisse qu'elle n'avait alors jamais ressenti. Elle eut peur de Seth, de sa réaction. Elle s'en rendit compte et garda le silence. Comme une enfant elle restait sans bouger, le fixant d'un air timide, apeurée à l'idée de le voir la gronder, ou la punir pour l'affront qu'elle venait de commettre. Il connaissait John, c'était une évidence. Peut être même l'apprécie-t-il. Cela ne serait pas étonnant, Echo savait que son créateur était doué pour charmer ses semblables. Qu'il était plus hypocrites encore que tous les vampires sur cette terre. Après tout, il était un vampire noble, et il n'avait pas gagné sa place près de César parfaitement honnêtement. C'était chose impossible dans l'esprit de la vampire qui connaissait cet homme comme était un être mesquin, malin et joueur. Non point comme un être de vertu et de sincérité. — John ? Que…tu es sûr ? Ce n’est pas possible… Elle lâcha les mains de son ami, et se recroquevilla d'autant plus, en proie à l'incompréhension la plus totale. A présent, elle était sure et certaine qu'il le connaissait et l'impression d'avoir fait une bêtise fit monter la culpabilité en elle. Elle ne voulait pas que Seth ... quoi ? Qu'il intervienne contre son ami ? Qu'il soit mêlé à tout cela ? Il l'avait sauvée, il avait fait le serment de la protéger. Elle se contenta d'acquiescer à sa question. Oui elle était sure que c'était lui il n'y avait pas de doute. Elle revoyait son regard brulant, le contact de ses lèvres sur sa peau, sa voix dans son oreille. Frissonnante elle cacha le désir qui devait naitre dans ses yeux à ses souvenirs en enfouissant son visage dans le creux de ses jambes. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qu'il se passait. — John…merde ! Elle se redressa et lâcha un petit rire nerveux en le regardant. — Est-ce si dure à croire ...? Demanda-t-elle, perdue, ne comprenant pas sa réaction. Il semblait véritablement choqué....
— C’est l’avocat de César depuis quelques temps qu’il est à son service. Elle fit un petit signe de la tête, lui signalant par là le fait qu'elle l'écoutait et enregistrait ce qu'il lui disait. Depuis quelques temps ? Depuis pas assez longtemps pour qu'elle l'ait déjà vu. S'il était de fait l'avocat de César... elle aura - de plus - l'occasion de travailler avec lui. A cette pensée elle chercha de nouveau le contact de Seth et vint se coller à lui, dans une étreinte qui chercher réconfort et chaleur. — …il est loin d’être le vampire cruel et sanguinaire que tu as décris autrefois…enfin, du moins de ce que je connais de lui… Elle fronça les sourcils, ne croyant pas un traitre mot de ce qu'il était en train de lui dire. Il n'avait pas changé, elle l'avait vu dans son regard. Il était toujours le même. Du moins avec elle. Elle essaya de comprendre ce qui clochait. Pourquoi il était si différent - apparemment - avec elle et avec les autres. — …s’il est ton créateur…alors il a bien changé… Elle soupira, tâchant de retenir un sanglot. Elle comprit alors, et cela la fit sourire. — La passion transforme les êtres. Murmura-t-elle, pour seule explication à ce fait. — Il n'est pas différent quand il est avec moi. Le même regard... La même... Caresse... Dit-elle en frôlant ses lèvres, souvenir du baiser qu'elle lui avait volé. Elle se tourna alors vers Seth et l'attira avec elle sur les draps du lit, allongés. — Au moins pour ce jour Seth, prends moi dans tes bras. Protège moi... encore. demanda-t-elle en se collant à son corps, fermant les yeux. L'odeur de Seth la calma presque immédiatement. C'était toujours ainsi avec lui, il lui suffisait simplement d'être là pour qu'elle se sente enfin chez elle.
Par instants brille, et s'allonge, et s'étale Un spectre fait de grâce et de splendeur. A sa rêveuse allure orientale, Quand il atteint sa totale grandeur, Je reconnais ma belle visiteuse : C'est Elle ! noire et pourtant lumineuse (baudelaire)
Elle acquiesça, à mon grand damne. Ainsi, son Sir n’était autre que John. Ma relation avec ce vampire est plutôt stable, passé de l’imprévu à une amitié immuable. Est-ce que l’avocat avait, pendant tout ce temps, porté le masque du placide vampire ou n’était-ce qu’avec la jeune vampire qu’il s’était laissé à la bestialité ? « Est-ce si dure à croire ...? » Je…mais je n’avais pas besoin de lui répondre car mon regard en disait long sur l’état actuel de mes pensées. Je la sentis se blottir davantage contre moi. Par instinct de protection, mes bras se refermèrent dans un étau condescendant autour du petit corps dévoré par l’inquiétude d’Alice. Tel l’ange gardien qui protège le faible, j’aplatissais doucement son corps contre le mien, comme pour essayer de transférer une part d’assurance chez ma petite sœur. J’entendis un sanglot réprimé qui me fendit le cœur. La voir dans cet état de poupée délabrée, vulnérable aux yeux aiguisés des prédateurs, m’affligeait plus que tout.
« La passion transforme les êtres. » Oh, je n’en doutai pas. La passion consume les bons sentiments et nous entraîne dans un tourbillon d’actes insensés. Je hochai fébrilement de la tête, comme pour approuver ses dires, sans pour autant la lâcher. Je craignais qu’en libérant ma cadette, celle-ci ne se brise sous le coup d’une bourrasque de vent ou d’un moindre murmure émanant du château. « Il n'est pas différent quand il est avec moi. Le même regard... La même... Caresse.. » Je l’écoutai, mais j’écoutai aussi les bruits de pas provenant de l’autre côté du couloir, le hurlement du vent au dehors, les éclats de rires en provenance du jardin. Autour de nous, la vie semblait continuer à un rythme normal. Tout semblait irréel, presque impalpable. Ses lèvres vinrent frôler les miennes, non pas dans une habituelle boutade taquine, mais en mémoire du passé. Je m’enivrai de son haleine transpirant la frayeur et me laissais aller contre elle sur les draps blancs parfumés à la fleur d’orangée. « Au moins pour ce jour Seth, prends moi dans tes bras. Protège moi... encore » Je la pris dans mes bras dans une nouvelle étreinte de tendresse et de réconfort, mêlant mon odeur à la sienne. Un bras autour de sa hanche, l’autre en dessous de sa tête, je flattai son dos d’une main, dans une caresse qui se voulait rassurante, et de l’autre main, je jouai avec ses boucles de miel, sa chevelure opulente, comme une mère le ferait avec sa fille. Son petit corps pressé contre le mien, nous allions ainsi passer la nuit blottis l’un contre l’autre et, si jamais Elwing venait à débarquer, il saurait, par un regard, qu’il ne devrait pas intervenir. Je déposai un chaste baiser sur le front d’Alice. Un baiser doux et délicat. « Toujours et à jamais… »lançai-je dans un murmure rauque.