Une toux rêche perce la pièce. Le ballet est terminé. La prostituée dissimule sa maigre poitrine qu’elle vient de lui offrir. Elle a été fouillée. Ses jambes, son ventre, son cou, ses fesses : il connaissait les moindres racoins d’elle. Son parfum aigre près de sa bouche haineuse, il halète les derniers efforts de son petit divertissement. C’était un complet. Une aventure jusqu’au bout des ongles qui laissait des marques indélébiles dans les esprits des passants. Il en était un. Un passant régulier, mais un passant quand même. Elle racle sa gorge, pressée. Il ne l’ennuie pas : elle a d’autres clients. Il s’en moque. Dans les loques qui trainent sur le plancher, il saisit sa chemise. Ses doigts confinés aux boutons de sa couverture sociale, il la regarde, la brune. Il aime bien la contempler. Elle n’a plus les airs gênés d’autrefois. Elle est plus vieille, plus fatiguée. Lui aussi.

Assise au bord du lit, elle le toise. Elle a envie qu’il s’en aille… Mais il préfère s’attarder ; il s’attarde toujours. Il s’approche, elle ne bronche pas. Sa main empoigne le menton de son objet payable à l’heure. Elle était plutôt belle, dans sa mémoire. Il remarque les vestiges de son corps délabré par les mauvais traitements qu’elle lui inflige. Il a noté quelques longs sillages rougeâtres sur ses reins jadis parfaits. Elle n’a plus vingt ans, ou les a-t-elle encore? Ils ne se parlent presque jamais, ils s’observent. Il l’aime bien, elle le méprise. Ce n’est rien de personnel, simplement professionnel. Elle sait les dangers de l’engagement : il pourrait lui vendre de belles paroles.

Il l’attire à lui, une nouvelle fois. Elle détourne le visage : elle ne veut pas l’embrasser. Elle préfère ne pas remarquer ses traits. Être prise par-derrière, on peut facilement oublier à qui on a affaire. Elle résiste : il n’a pas payé son tarif. L’amour, ça s’achète :

- Monsieur le Baron, l’heure est terminée depuis longtemps, déjà.
- T’auras de l’extra.
- Combien?
- Le montant qui te plait.
- Le double.
- À ce prix-là, tu me laisses faire c’que j’veux?

Elle hésite. Elle doute. Ce que lui veut. Ce que ça signifie. Elle ne se montre pas troublée pour autant. C’est de l’amour liquide, pas à crédit.

Elle acquiesce avant de s’étaler sur le ventre, de tout son long. Elle a peur de la suite, elle connaît son client. Elle sait qu’à ce prix-là, elle n’a pas les moyens de refuser. Elle l’entend marcher derrière elle. Sa respiration calme trahit son empressement. Il s’accroupit sur elle, ses mains plaquées contre le matelas criblés de ressorts. Ses doigts marchent le long de ses vertèbres, appuyant de plus en plus fort jusqu’à les faire craquer. Elle ne dit rien. Sa tête enfouie dans la surface molle, elle tente de se masquer au reste. Son cœur s’effondre à la minute où elle sentit son sexe s’accommoder l’arc de son coccyx. Elle déglutit. Elle peut compter jusqu’à trois et ce sera terminé. C’est toujours ainsi que ça se termine. Un. Deux. Trois. Rien. Rien du tout. Que ce souffle régulier qui se répète tout près de sa nuque, répandant une haleine fétide dans ses cheveux.

Elle ne le vit pas venir : une ceinture autour de son cou. Son souffle coupé. Son cœur s’emballer. La peur l’engloutir. Il sert son emprise. Fort. Encore plus fort. Encore. Répétant un mouvement de va-et-vient sur le dos cambré de la pute. Elle est payée. Elle se doit d’être à lui pour une heure supplémentaire. Elle lui a promis : il paierait. Elle gigote, il resserre jusqu’à ce que son contrôle soit complet, qu’elle ne bouge plus. Il entend déjà quelques sanglots qui étouffent sa gorge. Un soupir de satisfaction à ses lèvres : il respire. Il sent la fureur entre ses mains, au bout de ses doigts. Sans ongles, il commence à retracer les longs filets cramoisis sur cette peau diaphane. Il les maudit secrètement. Il rage. Il peste. Il détruit. Ses mains déchirent la peau. Elles la creusent. Elles l’enterrent. Elles l’effacent. Moins il y a de peau, plus il est excité. Excité par ce qui a été, ce que cache ces blessures de chair :

- Mais qu’est-ce que vous faites? Lâchez-moi!

Il ne dit rien. Il creuse un peu plus profondément en s’abattant sur elle, la forçant à se soumettre. Elle tente de ne pas se débattre. Elle a peur. Trop peur pour être immobile :

- Lâchez-moi! Arrêtez! Lâchez-moi!

Le sang dégoûte jusqu’au matelas. Il s’imbibe. Il boit. Il s’enivre. Il déguste. Il se noie. Le tissu bleu s’encre au vermeille.

- J’vous en supplie lâchez-moi!

Il tire sa bride. Elle sent son œsophage bougé. Elle suffoque. Elle ne peut pas crier. Elle s’effondre en larmes muettes. Elle hurle en silence. Hurle dans le geste, fardant les bruits. Il n’y a que l’incessant couinement de métal qui rebondit à chaque nouvelle attaque. Un coup. Deux coups. Il souffle. Il fatigue. Elle n’en peut plus. Elle finit par devenir livide. Perdre haleine. Perdre la vue. Évanouie et à présent sur le ventre, elle ne le verra pas. Elle n’aime pas les voir.

Il se vide en elle, ébloui de son œuvre. Il lâche le cou, enlace les poignets ensemble. Il aime les voir accrochées. Avide. Il est en extase. Les barreaux du lit de fer lui font un joli autel. Il l’attache. Le silence reprend sa place. L’homme s’assoit face à elle. Dans sa léthargie, elle ne le sent pas l’examiner. Elle ne le sent pas grimper sur elle. Elle ne le sent pas déchirer une partie de son ventre avec un vieux ressort. Elle ne le sent pas lécher la longue coulisse d’hémoglobine sombre longeant sa hanche. Elle ne le sent pas s’inviter sur ses blessures. Elle ne le sent pas mélanger les fluides. Elle ne garde rien. Ni souvenir. Ni image. Ni voix. Ni songe. Le noir. Le néant. Total.

Elle ouvre les yeux. Endolorie. Elle regarde autour d’elle : une pièce vide. Elle tente de passer une main sur son visage. Figée. Elle relève la tête pour se voir attacher. Elle est coincée. Ses yeux sont à ses pieds. Cent vingt livres sur le lit, éparpillé. Elle a mal. Mal au ventre, mal au dos. Elle glisse ses yeux sur elle. Elle fixe. Elle sent une arythmie cardiaque. Elle a peur. Elle se met alors à crier.

Rubis était petite fille. Rubis ne savait pas les jeux des grands. Rubis poussa la porte, attirée par le cri. Rubis regarda sans broncher. Maman avait mal. Maman ne pouvait plus bouger. Maman avait les viscères à l’extérieur. Papa était encore passé ? Papa faisait toujours mal à maman. Papa voulait s’assurer de son silence.
On la tire en arrière, loin de la scène, loin de sa mère :

- Rubis, ne regarde pas ça !
- Vite ! Appelez un médecin !
- C’est encore le Baron ?
- Elle ne devrait plus le recevoir !
- Il paie bien.
- Mais où il est, merde, le Doc !
- Emmenez la petite dans sa chambre! Grouillez-vous!

Rubis ne voyait rien. Rubis regardait encore dans la pièce. Rubis était fascinée. Rubis était apeurée. Rubis fût enfermée. Rubis ne vit jamais la nuit venir. Rubis vivait dans un bordel. Rubis était habituée. Rubis ne voyait que le monstrueux. Rubis préférait le noir. Rubis se coucha. Rubis ne rêva point. Rubis ne rêve jamais. Rubis n’était qu’une petite fille. Rubis ne savait rien de ce qui l’entourait. Rubis avait une enfance volée.

Il sortit ses outils. Un air grave. Du fil. Des aiguilles. Des vaccins. Des cachets. Des liquides. C’était une habitude. Les yeux las le regardent faire. Ils connaissent les mouvements par cœur. À quoi bon les imiter encore et encore. Elle était assise au bord du lit. Ses petites mains jouaient avec les vestiges d’une poupée. Ambiance mortuaire. La chaleur écrasante vole le souffle aux spectateurs. Il dissèque les vêtements collés à sa chair. La petite chantonnait calmement. Ils sont calmes. Perdre leur sang-froid est inutile. Ils occultent dans un mutisme religieux. Une main serre une petite croix. La petite fille battait des pieds, brossant de ses ongles sales les cheveux de sa catin. Une longue et pénible plainte : il insert l’aiguille. La petite fille en fit de même. Elle pratiquait une opération à cœur ouvert chez sa patiente de chiffon. Il pratique une opération réparatrice sur le corps mutilé de sa mère. Elle ne voyait pas. Ils regardent la prostituée.

Un hoquet de trop. Il n’y eut plus de pouls.
Il hoche la tête. Un silence de mort. Une âme en suspens. Une tristesse naissante.
Elle chantait toujours en plantant l’aiguille dans l’abdomen de coton. Tout bas. Si bas. Elle chantait pour les inanimés.

- « Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés ;
La belle que voilà, ira les ramasser.
Entrez dans la danse, voyez comme ils dansent.
Chantez. Dansez. Embrassez qui vous voudrez. »

L’atmosphère devient lourde. Ils se penchent les une sur les autres. Elles pleurent, les filles à vendre. Elles pleurent leur amie. Leur sœur. Leur semblable. Elles-mêmes. Une partie s’effondre. L’autre n’est que ruine. Elle chantait, encore. Plus fort. Elle voulait enterrer le chagrin. Elles sont anéanties. Une fois de trop. Une fois de plus. Elles s’enlacent, se caressent. Elles font ce qu'elles gardent pour les hommes. Elles inventent une chaleur hypocrite. Elles croient en un Dieu. Elle avait fini par se taire et poser sa poupée dans la main inerte. Elle l’avait refermée. Le docteur la regarde.

Rubis savait guérir les jouets. Un œil, ça se rafistolait. Un cœur. Une main. Un pied. Une tête. Le médecin déchiffre ses traits qui espèrent dans l’eau de son regard de brume. Elle ne disait pas un mot avant de toucher le front. Toucher le cœur. Toucher l’épaule. Puis l’autre. Il comprend : une prière. Elle descendit du matelas taché de sang.

Ses pas la guidèrent à sa chambre. Elle s’y cloîtrait souvent. Elle écoutait le bruit des autres. Parfois, elle se mettait à chanter plus fort pour ne plus les imaginer. Des soupirs. Encore. Et encore. Des soupirs qui n’en finissaient plus. Des soupirs dont on payait une triple dose. Il fallait avaler par le nez pour être capable d’endurer nuit après nuit les nouvelles effluves d’eau de Cologne bon marché qui passait le seuil. Les passants passaient sans parfois repasser dans un passe-partout aux passes faciles.

Elle plaquait ses mains sur ses oreilles. Sentait un peu de réconfort. Elle ne pleurait jamais. Elle restait simplement dans le silence. Silence entendait tout. Clore les yeux un instant. Voler loin de là. N’être plus sans famille. Elle regardait les enfants autour d’elle. Des bâtards. Des rescapés. Des orphelins. Des raclures. Des Sans-papiers ; des sans-avenirs.

Il entre. Elles s’inclinent. Elles le regardent avec horreur. Il revient toujours. Un passant régulier. Elles ont peur. Il est en force. Il bombe le torse :

-Comme d’habitude.

Une commande. Restauration rapide : payer et emporter.

- Chambre numéro sept, Monsieur le Baron.

Il est fier. Beau. Élégant. Pragmatique. Les nouvelles envient. Les vieilles rebutent. Elles le regardent monter le grand escalier, délaissant un troisième de seconde leur employeur. Il passe les lattes de bois moisi. Aux murs, des cadres renversés par l’excitation de clients trop cavaliers. Il connaît le chemin. Il le fait chaque semaine depuis bientôt sept ans. Sept printemps. Sept jours. Sept enfants illégitimes. Sept noms inconnus. Sept de trop. Sept en manque.

Il serpente jusqu’à la porte. Ses doigts s’imprègnent sur la poignée. Il la tourne. Il entre. Vide. Une pièce vide. Une rage soudaine. Un éclat de violence. Calme plat. Il tourne en rond. Il attend qu’elle se présente : il n’y a que lui. Où est-elle? Il observe le lit. Il connaît ce lit. Il finit par s’y asseoir. Il se tait. Il joue avec ses mains. Il tapote du pied. Il enchaîne les pensées. Le sable du temps filent entre ses doigts. Il n’attrape rien : il ne peut pas suspendre les secondes. Il devient de marbre, statique. Il l’a vue, elle.

Elle était tout près. Elle l’avait vu monté. C’était une habitude de le regarder sans être vu. Il ne la connait pas, cette petite fille qui est dans l’embrasure. Rubis ne bougeait pas, certaine d’être fantomatique. Il lui fait signe :

- Approche.

Elle avait obéi :

- Qui es-tu donc, hein?

Elle hésitait. Elle doutait. Il prend délicatement ses deux poignets. Étrange peut être la ressemblance. Elle avait serré les poings, réticente :

- Rubis.
- Rubis.

Répéter pour mieux assimiler. Mieux s’en gargariser :

- Tu fais quoi, Rubis ?
- J’habite ici.
- Habiter ici.

Une nouvelle fois, il marque. Il note. Il décortique :

- Et tu as quel âge, Rubis.
- L’âge que vous voulez.

Elle disait simplement qu’elle ne le savait pas. Il comprend qu’elle est l’une d’entre elles :

- C’est là une jolie petite fille que tu es, le sais-tu ?

Il commence à fouiller dans ses longs cheveux châtains. Fouiller ses vêtements. Fouiller ses bras. Un corps de porcelaine qui se fracasserait au moindre choc. La jolie petite fille n’osait pas faire un mouvement. Elle respirait fort, sans le moindre bruit. Il la toise, la décharge. Il dessine ses moindres courbes infantiles. Une fois n’est pas coutume. Il a besoin de sa dose : elle est une dose :

- Combien tu vaux, gamine ?
- Ce qu’elles veulent.

Réponse satisfaisante. Rubis répondait que ce qu’elle entendait nuit et jour. Il étire sa bouche un rictus mauvais, malsain, supérieur. Ses mains fouillent et farfouillent. Ses yeux ne voient pas la mauvaise mine de la fillette. Ils s’en contrefichent. Toutes les filles pouvaient faire la pute. Elle savait le faire aussi. Elle était née pour l’être. Née pour servir. Née pour s’assouvir. Née pour se disloquer aux désirs. Le chiffon de ses vêtements s’écarta peu à peu. Rubis n’avait pas peur. Elle voyait ça si souvent. Elle se disait que c’était normal. Papa le faisait. Maman se laissait faire.

- Quarante.

Rubis avait parlé. Rubis en avait besoin. C’était les tarifs il fallait clarifier :

- Oui, c’est bien ça.

Rubis le voyait jubiler. Rubis sentait d’étranges sensations dans son ventre. Rubis avait envie de s’enfuir. Rubis avait préparé le coup. Rubis ne voulait pas finir comme toutes les autres. Rubis avait une aiguille dans sa main. Rubis le voyait baver sur son image : il ne pourrait plus que voir à moitié.

Il aime sa petite main sur sa joue. Il se sent fébrile. Il aime la sentir tout près. Respirer ses cheveux. Parcourir son corps. Découvrir ses futurs atouts. Il sent quelque chose de froid sur sa joue. Il ne la voit pas venir. Il sent une douleur vive dans son œil. Il lâche prise. Il la projette contre le mur. Il se lève. Se fracasse. Brise les murs. Frappe les planches. Hurle à la mort.

Rubis l’avait marqué. Rubis ne voulait pas être elles. Rubis l’avait aveuglé. Rubis lui avait crevé l’œil. Rubis avait reçu la dure surface en pleine figure. Rubis avait mal. Rubis s’était relevée. Rubis voulait s’enfuir. Rubis reçut un violent coup à la tête. Rubis ne vit plus rien. Rubis fût trainer sur le sol. Rubis fût bousculer jusqu’au mur.

Elles entrent dans la pièce.
Découvre la scène. Découvre le sang. Découvre l’œil et l’aiguille.
Elles reculèrent le Baron de sur le petit corps recroquevillé.

Rubis avait échappé belle. Rubis fût tirée en arrière. Rubis fût cloitrée dans sa chambre. Rubis aimait bien le noir. Rubis voulait rester dans le noir… Mais Rubis avait peur que papa s’y dissimule. Rubis alluma une bougie. Rubis resta cachée. Rubis écoutait les cris. Rubis entendait les coups. Rubis était toute seule. Rubis n’avait plus sa poupée pour la protéger. Rubis ne pouvait pas être protégée. Rubis était née du mauvais côté de la ligne.

Et la nuit était venue comme elle venait tous les soirs, elle arrivait sur ses jambes frêles et emmenait avec elle, insécurité, dangers, supplices et routine. Rubis travaillait de nuit, car la nuit accompagnait aussi ses pas, sa voix, ses cris, ses abandons, ses addictions. Ses nuits n’avaient rien de belles, elles étaient morbides, elles se ressemblaient alors que les clients eux défilaient. C’était pas compliqué, t’as tiré faut payer. Rubis était douée dans ce qu’elle faisait, rapide, efficace.

Rubis marchait sur les pavés du quartier de Whitechapel, elle repérait, elle abordait, elle charmait….elle racolait. Toi là bas, tu as accroché son regard, elle l’a comprit, elle t’a saisit, elle se rapproche et tu lui souris, tu sais très bien ce que tu veux pourquoi feindre d’hésiter ? Elle t’annonce son tarif, il n’y a pas à discuter, pas à négocier, tu veux son corps, concède d’abord. Il la suit, l’eau à la bouche, Rubis sera douce, facile, docile, un joli nombril en un battement de cil. Qu’il soit sénile, viril, elle s’en contre-fiche, elle se déshabille.

Seulement parfois, il y a des gars, ils attendent pas, il se jette sur elle, avide, il la plaque contre le mur de la ruelle, il est rude, brute, parfois y’a des gars comme ça. Il la retourne, la griffe, la serre, lui fait mal, la bloque. Elle dit doucement, il est violent. Elle dit stoppe, il continu, plus fort, plus vite. Elle crie, il l’oblige à se taire, la bâillonne, la frappe, la jette sur le pavé froid. Et si c’était lui, Rubis se souvient, de ce journal que lisait un de ses clients la semaine dernière. Si c’était cet éventreur qui avait déjà tué cinq prostituées jusque là, il parait qu’ils avaient retrouvé Mary Jane Kelly, Ginger qu’elles l’appelaient entre elles, mutilée des plus horribles façons. Rubis avait entendu que le malade éventrait ses victimes, leur ouvrait l’abdomen, retirait leurs viscères. Alors c’est comme ça qu’on l’a retrouverait ? Les boyaux à l’air et les chairs en sang ? Eparpillée un peu partout sur le pavé…Rubis attendit qu’il monte sur elle, qu’il baise son cou de ses lèvres moites, gercées, qu’il la touche de ses mains sales, de ses ongles jaunit.

- T’aimes ça n’est-ce pas espèce de putain ?! De toute façon vous êtes toutes les même, tu mérites rien de mieux que cette ruelle, vas-y dis le ! Crie-le que t’aimes ça !

Il rit, est au summum de son excitation, mais Rubis ne l’entend pas du tout de la même façon. Sans qu’il n’ait pu voir le coup venir elle le plante sauvagement de sa lame, sortant un poignard qu’elle cachait dans sa botte, elle enfonce profondément son couteau tranchant dans son ventre. Rubis se retourne sur lui, assise à califourchon dessus elle appui un peu plus dans ses boyaux, encore plus, toujours plus alors que ce dernier crie de douleur, crache de douleur. Retirant l’entrave qu’il lui avait mit sur la bouche, elle ne peut réfréner un sourire sur son visage, sourire de satisfaction, de triomphe, elle bouge doucement la lame et la fait gambader à l’intérieur du vieux ventripotent toujours entre ses cuises. Le sang éclabousse ses cheveux, sa robe, sa peau jusque là immaculée, mais elle s’en fiche. Et alors qu’il agonise elle vient lui chuchoter à l’oreille.

- Voilà comment je jouie ! Alors satisfait !?

Elle entend ensuite un bruit derrière elle, un son à peine perceptible, mais une fille comme elle, aux aguets, à l’écoute du moindre mouvement sait repérer ceux qui se faufilent dans l’ombre. Elle est forte à ce jeu, c’est une créature de la nuit, elle a toujours vécu dans ces ténèbres et s’en accommode. Elle se lève aisément, laissant le salaud se vider de son sang, cela fait bien longtemps qu’elle ne se laisse plus martyriser par des gars comme lui, elle sait se défendre, elle tient à sa vie, sa misérable vie, elle s’y accroche, peut être parce que cette dernière a été si ingrate avec elle. Il pensait la dominer, elle l’avait écrasé. Elle marche d’un pas rapide vers le fond de la ruelle, gardant son couteau à la main, tentant de fuir, fuir son crime, fuir ces bruits derrière elle, elle veut quitter ce lieu, laver ce sang, oublier cette nuit. Alors que son rythme se fait de plus en plus rapide, son cœur lui demeure parfaitement calme, ce n’est pas la première situation de ce genre qu’elle vit, et alors qu’elle court vers une échappatoire une ombre surgit devant elle.

- Tu cours vite….mais dommage pour toi, je suis encore plus rapide.

Elle essaye de distinguer un visage, une silhouette, elle veut savoir à qui cette voix appartient, c’est une voix suave, charmante, et pourtant tout ses membres lui disent de s’enfuir le plus loin possible de cette voix, tout son corps réclame de partir, mais ses pieds ne suivent pas, ne lui obéissent pas, c’est comme si elle était clouée au sol. Un homme apparait alors, grand, brun, sombre, au rictus sadique, au regard perçant, il la contemple, la scrute, la transperce de ses yeux. Rubis remarque sa bouche, elle est pleine de sang, et sa chemise aussi est pleine de sang, et ses mains également sont pleine de sang….Rubis n’est pas rassurée, Rubis cherche un moyen de s’en aller, mais il le comprend et se rapproche, il l’empoigne, il la traîne, la traîne jusqu’au cadavre, l’expose à son œuvre, l’obligeant à regarder le corps à présent sans vie du gros tas de viande sur le pavé. Et alors quoi ? Il s’attend à ce qu’elle ait des remords ? Elle n’en a pas, elle est fière d’elle, c’était sa peau ou la sienne, le choix était vite fait. Elle ne ressent pas de pitié pour lui, elle ne veut pas s’excuser, ni même supplier.

- C’est du joli tout ça…jamais j’aurais cru qu’un aussi joli ptit brin de fille puisse faire autant de dégâts !

Il a l’air surprit, il à l’air de trouver cela amusant, grand bien lui fasse, elle elle veut juste qu’il la laisse, tandis qu’il commence à rire elle se retourne et plante son couteau encore plein de sang dans son abdomen, il a une légère réaction, un léger hoquet, et puis perd son sourire. Elle recule un peu, attendant qu’il s’écroule au sol mais il n’en fait rien, il reste là et la regarde, et puis d’un geste simple il ressort la lame de son abdomen faisant une petite moue contrariée. Rubis écarquille les yeux, elle ne comprend pas, comment cela peut-être possible ?

- Pas mal…ça aurait presque pu me tuer….enfin, si j’avais étais humain, bien évidement. Finit-il par lui lancer avec ironie.

Elle voit la plaie se refermer toute seule et n’en croit pas ses yeux, qui est ce type ? Ou plutôt qu’est-ce qu’il est ? En réalité c’est surement lui l’éventreur de Whitechapel, est-elle sa prochaine victime ? Elle n’en sait rien, là tout de suite, elle ne voit que cet homme, si puissant, si fort, invincible, personne ne peut l’atteindre, il n’a personne à qui rendre des comptes, il est libre. Elle sent alors cette envie monter en elle, elle le veut, enfin non, elle ne le veut pas, elle veut sa puissance, elle veut sa force, elle veut sa liberté. Jamais plus elle ne veut à avoir à fuir, à baisser les yeux, à courber le dos. Elle prononce alors ces quelques mots, ces mots qui changeront à jamais le court de son existence.

_ Qui es-tu ?

Une ambiance apaisante, un duvet de plume, un vent chaud qui se déferle sur leurs peaux alors que la lune éclaire de ses rayons argentés la pièce plongée dans le noir. Les bougies s’éteignent peu à peu, leur cire fond, leur lumière disparaît, un silence règne sur le lieu, on n’entend rien aux alentours si ce n’est le bruit des grillons près des fenêtres. Rubis a les yeux ouverts, elle le contemple, l’admire, apprend par cœur la pureté de ses traits, les particularités de son visage, les détails de sa peau, la chaleur de son souffle, tout, elle mémorise tout, bloquant chaque image dans son esprit. Sa main cherche à effleurer son épiderme, mais elle retient son geste, laissant ses doigts gambader dans le vide, s’arrêtant à quelques centimètre de ses paupières, de sa nuque, de son dos, elle sent sa peau sans même la toucher, elle aimerait, mais elle ne veut pas le réveiller. Il est dans un monde qui n’appartient qu’à lui, dans le monde de ses songes, des rêves, là où tout est possible, où rien ne peut vous arriver, il dort à point fermés, il a l’air serein, presque heureux, c’est un visage qu’elle ne lui connait pas, qu’elle ne peut entrevoir qu’à cet instant précis, elle le chérie, et l’abandonne aussitôt. Rubis se lève ensuite, laissant le fin drap de satin glisser sur sa poitrine avant de l’en déloger, ses yeux se perdent dans la contemplation du paysage, absorbée par cette lune, lune un peu plus belle chaque nuit, qui se doit d’être plus belle car elle remplace le soleil. Le soleil qu’elle ne voit plus, dont elle se souvient à peine, c’est elle qui l’a voulu, ne plus être humaine « Laisse moi être comme toi, laisse moi être toi…laisse moi être ton roi, laisse moi le faire comme toi. » disait-elle sans cesse, elle faisait tout pour lui plaire, il voyait bien ce qu’elle cherchait et pourtant jamais il ne l’a rejetait. C’était pas logique, c’était pas calculé, c’était instinctif. Mais à présent Rubis a ce qu’elle veut, elle n’a plus besoin de rester à ses côtés, ou peut être n’est-ce qu’une excuse ? Alors qu’elle se rhabille elle s’attarde sur ses objets, ses vêtements, ses bijoux, tous ces présents qu’il lui a offert et qu’elle aimerait emporter, mais elle ne le fera point, elle le désire mais s’y refuse, elle veut rester mais s’en empêche. Après tout qu’est-ce que le bonheur ? Seulement un bon moment à passer, mais tout a une fin, elle ne veut pas être rejeté, alors elle préfère le laisser et ne pas être abandonnée. L’ennui c’est ça, elle veut quitter tout le monde sans que personne ne la quitte. A travers la transparence des rideaux elle s’attarde une derrière fois sur sa silhouette endormie, tandis qu’elle passe à son doigt un anneau en or où un rubis est incrusté au centre, seul cadeau qu’elle emportera avec elle, seul souvenir qu’elle tient à prendre, la marque de leur lien, lien qui elle sait, ne se brisera pas, c’est un espoir à son doigt. Elle s’apprête à franchir le seuil quand sa marche s’arrête là, elle hésite, se questionne, puis se retourne et va chercher l’enveloppe qu’elle venait de poser sur l’oreiller. Elle l’attrape de sa main frêle et s’approche de la dernière bougie, laissant brûler le papier lentement. A quoi cela servirait-il de lui laisser cette lettre ? Lui dire ce qu’elle ressent ? Qu’elle l’aime ? Il ne comprendrait pas, et s’en moquerait surement, serait dégoûté par cette effluve de sentiments. Son amour s’éteint en même temps que la flamme, en quittant la chambre elle murmure un dernier « Au revoir Lorcan… »


« Et comment Monsieur désire sa viande ? » demande le serveur tout en prenant note sur son petit carnet « Saignante évidement. » répond une femme derrière lui avant même que son client n’ai pu lui indiquer quoi que ce soit. Ce dernier acquiesce tandis que la femme prend place en face de lui, elle soutient son regard durant de longues minutes alors qu’un silence pesant s’installe entre eux, le garçon de table ose l’interrompre en demandant qu’elle vin désir le gentleman pour accompagner leurs plats « Rouge » répondent-ils en même temps toujours en se fixant du regard, sans même jeter un coup d’œil au pauvre serveur qui s’éclipse rapidement.

« Rubis… » Finit-il par dire en arquant un sourcil « Ca fait longtemps…la dernière que je t’ai vu tu me plantais à Tijuana. »
« Cesse de ressasser le passé, c’était il y a des lustres » un rictus taquin se dessine sur ses lèvres alors qu’elle le regarde toujours, le serveur finit par revenir vers eux pour verser le délicieux nectar dans leurs verres avant de déposer la bouteille sur la table et les quitter de nouveau. Rubis boit une gorgée de vin tandis que le vampire lui dit d’un ton ferme « Ne t’assois pas là. Je suis accompagné » L’annonce provoque le rire de la jeune femme et elle repose son verre en s’approchant de lui accoudée à la table « Ah oui ! Tu parles de ta poule en robe bleue, je l’ai croisée dans les toilettes, hélas pour toi elle a du rentrer, elle ne se sentait pas très bien, anémie quelque chose comme ça… » Elle le voit soupirer et sourit un peu plus, puis elle allume son porte cigarette attendant sa réaction.
- Merci Rubis, tu m’as gâchée la soirée et grâce à toi mon dîner c’est fait la malle.
- Pas du tout je te l’améliore au contraire, quand à ton dîner tu as le choix non, ce restaurant est un vrai garde manger, que penses-tu de ton gentil serveur ? Ou peut être cette bourgeoise là-bas ? Il y a aussi ce couple avec leur bébé juste derrière nous, le sang des nouveau-nés est toujours excellent, j’en ai déjà l’eau à la bouche rien qu’à attendre le battement de son petit cœur fragile.
- Toujours la même à ce que je vois…
- Je ne fais que suivre les traces de mon cher créateur.
- L’élève dépassera sans doute le maître un jour.
-Oh ça, j’en doute….
Il finit par sourire, elle est satisfaite, elle savait bien qu’elle ne l’avait pas réellement contrarié, elle le connait, après tout il n’y a pas meilleur duo que le leur.
- Où tu étais pendant tout ce temps ?
- Un peu partout….d’abord à Berlin, puis à Florence, à Singapour et en Angleterre, encore à Florence, puis Rome, j’adore l’Italie. J’ai été la muse de Toulouse-Lautrec mais ce peintre buvait vraiment trop, je crois qu’il est mort, cela dit il me faisait beaucoup rire…La Première Guerre mondiale, mortellement ennuyeux, par contre les années folles, ça, ça j’aime…je me suis lancée dans le Music-Hall, je suis douée tu sais.
- Je n’en doute pas une seconde…Pourquoi réapparaître maintenant ? Qu'est-ce qui c’est passé ?
- Ce qui se passe tout le temps…la vie.


Rubis était allongée sur le ventre alors qu’elle jouait avec sa bague, laissant ses pieds battre le vide, le drap recouvrant à peine son corps. Rubis n’avait pas perdue cette bague. Rubis s’y était accrochée, Rubis y tenait énormément. Rubis ne pouvait pas s’empêcher de sourire alors qu’elle sentait ses mains caresser son dos nu. Rubis ne pensait qu’à leurs retrouvailles. Rubis, bien qu’elle ait essayé n’arrivait pas à l’oublier. Lorcan n’était pas que son créateur, c’est lui qui avait fait ce qu’elle était aujourd'hui, il l’avait façonné, aidé et détruit en même temps, c’était son amant, son amour, l’homme qu’elle souhaitait fuir par-dessous tout mais à qui elle était enchaînée. Ce lien toxique, malsain qui la ligotait à lui elle ne pouvait pas s’en défaire, c’était plus fort qu’elle, elle était sa chose, c’était ainsi. Elle était persuadée qu’il le savait, qu’il savait bien qu’elle reviendrait tôt ou tard et c’est surement pour cela qu’il n’a pas cherché à la retrouver, c’est elle qui devait venir à lui, ça a toujours été comme ça.

« Rubis….pourquoi es-tu revenu ? »
« Je suis revenu parce que j’avais envie de revoir ton visage. C’est tout. C’est comme les gens qui retournent dans le village où ils ont passé leur enfance ou la maison de leurs parents, où vers n’importe quel endroit qui a marqué leur vie…A croire que ton visage est un endroit qui a marqué ma vie. » Ça, c’est ce qu’elle aimerait lui répondre, mais elle ne le fait pas, elle se contente de dire « Parce que je m’ennuyais » avant de poser sa tête sur son oreiller et de fermer les yeux. C’est la réponse qu’il attendait, parce que c’est elle et parce que c’est lui. Eux. Ils s’y prennent toujours de travers mais c’est comme ça, rien à changé, ils tuent, ils font l’amour, ils se déchirent, ils se complètent, parce que c’est elle et parce que c’est lui. La lune se couche, le soleil se lève, une autre nuit s’achève.

« Hmm…bien sur Shanelle… »
« Bien sur Shanelle…» répète la jeune femme après lui, entrant dans la pièce une fois que l’esclave à quitter celle-ci, elle le toise du regard tout en continuant « …bah dis donc, elle te mène pas le bout dla bite. » les mains bloquées sur les poignets, elle referme les portes derrière elle en s’adossant à ces dernières. Il tourne son regard vers elle, la fixe un moment avant de lui répondre sur les nerfs « Arrête un peu ! »
- Qu’est-ce qui nous arrive ?
- Il n’y a rien de changé.
- Oh que si…tu l’aimes elle alors que moi tu ne m’aimes plus.
- Je t’en pris Rubis, c’est qu’une esclave.
Il ment, il ment très mal même, elle le sait, elle le sent, il n’est pas du tout convaincant, pas assez pour elle en tout cas. Elle déglutit, dégoutée, folle de rage, elle n’aime pas cette situation, le voir comme ça, elle voit bien que quelque chose est en train de changer et elle n’y peut rien. Elle se sent impuissante, elle déteste cette sensation, elle déteste que les choses bougent, se modifient. Il veut la persuader du contraire mais elle n’y croit pas un seul instant. Elle avance alors lentement vers lui, d’un pas assuré, d’une démarche sensuelle, comme à son habitude. Elle passe sa main derrière sa nuque et commence ainsi à l’embrasser avec fougue, caressant sa langue de la sienne, goûtant ses lèvres avec envie. Elle le teste, elle le mets au défis, elle tente de comprendre ce qui lui échappe. Soudain il la stoppe, la repousse, s’écarte, s’éloigne « Arrête c’est ridicule. » soupire t-il alors que ses jambes le portent loin d’elle.

A cet instant, Rubis baisse la tête, se mord la lèvre les yeux brillants, la gorge obstruée par des larmes qui ne veulent par couler, quelque chose reste coincé, quelque chose se casse, se brise en elle. Elle relève finalement la tête, le dévisage haineuse, le scrute mauvaise avant de siffler « C’est toi qui est ridicule petit créateur adoré » elle insiste, souligne, elle se veut sarcastique, la voix plein d’amertume et d’ironie, le ton dur tandis qu’il croise les bras sur son torse et garde le silence « Tu t’es vu un peu ? Enfin regardes à quoi tu en es réduit ! Amoureux ? Sérieusement ? Et bien…te voilà dans de beaux draps. »

« Penses ce que tu veux je m’en fiche » lui lance t-il avant de lui tourner le dos en attrapant son manteau, il s’apprête à quitter la pièce pendant que la succube prend place dans le fauteuil de son bureau, jouant avec un stylo elle enchaîne parfaitement sereine, presque moqueuse, elle est toujours aussi énervée mais conserve un calme olympien « Ha oui c’est vrai, j’oubliais, tu es fou de cette fille. » il lui fait de nouveau face, ne disant mot, il n’est même en colère ou alors se contient « Dis moi, tu crois sincèrement qu’elle t’a fait faire un 180° en quelques mois ? Et bien je vais te dire une bonne chose, personne, ne change, comme ça, du jour au lendemain. On est du même acabit toi et moi. Tu as beau vouloir être quelqu’un d’autre, y croire, ça ne marche pas de cette façon. Je reste une putain et toi un monstre. » relâchant nonchalamment le stylo sur le bureau elle termine très sérieusement « Tu allais entrer dans la légende, et là tu ne seras plus qu’un bouffon. » Il soutient son regard de longues minutes avant de quitter la pièce, il s’éloigne dans le couloir quand elle lui crie « Ne fais pas ça Lorcan ! Tu vas ruiner ta réputation ! »

Se trouvant désormais seule dans le bureau sa respiration se fait plus bruyante, saccadée, elle se lève et tape des poings sur le bureau hors d’elle-même, elle le soulève ensuite avec une facilité déconcertante et le retourne d’un seul coup, laissant les objets qui s’y trouvent tomber sur le tapis. Elle ne supporte pas cette esclave, elle en veut à Lorcan, elle ne peut pas concevoir d’être la numéro deux, l’autre femme. Elle refuse. Elle le sent devenir faible, cela l’insupporte, elle ne sert pas quelqu’un de faible, elle ne l’a pas choisit pour ça. Rubis ferme les yeux et se détend, reprenant une totale maîtrise d’elle-même elle marche sans gène sur les papiers étalés au sol, brisant au passage avec son talons le verre du vase qu’elle vient de renverser. Lorcan sera surement agacé, même énervé en voyant le désordre qu’elle a mit dans son bureau, mais Rubis s’en fiche, elle quitte la pièce sans même se retourner. Qu’il l’aime ou la déteste pourvu qu’il ne l’ignore pas.