Je passe une main dans mes cheveux, petit réflexe, petit tic nerveux exprimant mon état de stress, il est donc évident que je ne suis pas des plus détendus l'instant présent, mais cela ne semble pas du tout être le cas du couple de crabes se chamaillant à quelque mètres de moi. Puis je pense à Aaron, mon maître qui doit certainement tout ignorer de ma présence en dehors de la ville et face à l'immensité de l'océan à cette heure tardive, mais par dessus tout, j'espère '' qu'il '' ne le sache pas...

Passons, je m'égare un peu là, je laisse alors mon regard se perdre dans la grande étendue d'eau dont la couleur lui semblera indéniablement familière, assis sur la plage à la nuit tombée, situation dans laquelle tout autre esclave doté d'un minimum d'intelligence n'aimerait se trouver, ils ne s'aventurent donc jamais en dehors des murs de la ville, surtout que les gardes ont tout de même un sacré pouvoir dissuasif, mais on va dire que, j'ai mes petites astuces pour passer inaperçu. On raconte aussi que certains humains sont parvenus à s'échapper de la ville et se cache donc dans la forêt, mais ce ne sont que des rumeurs surtout que... Putain, à quoi je pense ? Je suis là à focaliser mon esprit sur des ragots insignifiants alors que ce n'est pas vraiment mon genre, mais si je fais cela c'est surtout pour éviter d'y penser... pour éviter de penser à ''lui'' et plus encore pour éviter de penser à cet ''accident'', cette erreur qui est la cause de tous mes problèmes depuis déjà une semaine...

Je peux encore me souvenir du rythme effréné auquel vibrait mon coeur ce jour-là... Mon premier geste fut d'essayer d'expliquer le plus rationnellement possible le pourquoi de ce geste inattendu, mais ce fut avant de prendre conscience que ces explications étaient vaines et avant même qu'un flot de questions n'eussent le temps d'envahir mon esprit, une vague de dégout pris place, j'aurais préféré que ce soit un dégoût de lui, mais ce fut définitivement un dégoût de moi-même. « Putain, même dans cette situation je n'arrive pas totalement te détester Gabriel. » j'en arrive même à parler tout seul et ça ne me fait ni chaud ni froid, c'est pour dire à quel point je peux bien être perturbé. Je pousse un énorme soupire de lassitude et cache mon visage entre mes mains, mes pensées ne peuvent que retourner à ce fameux faux-pas: évidemment , en ayant pris conscience des actes que j'avais pû commettre, j'ai pris peur et me suis brusquement relevé, réveillant au passage Gabriel qui semblait jusque là comme déconnecté, mais avant même qu'il ne puisse prendre parole, je m'étais enfui en courant, comme si ma vie en dépendait. Je soupire une fois de plus, parfois je me demande si ce ne serait pas plus facile d'admettre tout simplement que je suis... enfin d'accepter l'éventualité, la possibilité de ''certaines choses'', mais je ne peux tout simplement pas m'y résoudre et j'ignore moi-même pourquoi, ce n'est pas comme-ci mes proches pourraient mal le prendre, je ne reverrais certainement jamais ma famille et ce n'est pas pour me déplaire puis je suis sûr que si Aaron le découvrait il n'en serait que plus déterminé à me mettre dans son lit...

Je suis tellement perdu dans mes propres réflexions que je ne l'entends pas arriver, je ne sais même pas depuis combien de temps il m'observe... je lève simplement les yeux, m'arrêtant sur sa bouche, je n'ai pas besoin d'en voir plus pour savoir de qui il s'agit, j'ai presque l'impression de connaître cette bouche par coeur à présent, vu qu'il y a de cela une semaine, elle avait rencontré la mienne...