11 décembre 1203, quelque part en Russie.

La grande porte en bois massif s'ouvrit dans un craquement affreux, accompagné du grincement strident des gonds en métal forgé. Une lumière pale, presque irréelle, s'infiltra dans le grand hall de marbre noir, jusqu'au plafond sublimement décoré. L'effort fut lourd pour l'homme qui referma la porte dans un claquement, replongeant l'immense pièce dans son obscurité habituelle. Les lieux n'étaient, à sa connaissance, jamais bien éclairés et seul un vampire comme lui pouvait en distinguer les formes et contours. De toute manière, les humains ne s'aventuraient jamais ici. Du moins, jamais de leur plein gré. Ici vivait la plus terrifiante des vampires qu'il eut l'occasion de rencontrer dans sa très longue vie. Valyina. D'une beauté pure, avec son teint blafard et ses grand yeux noires. Sa longue chevelure n'avait d'égal dans tout le pays, et bons nombres de villageoises auraient aimé avoir sa prestance et son charisme. C'était une femme de gout, toujours parfaitement vêtue et coiffée, elle n'en restait pas moins effrayante et redoutable. Il ne la craignait pas réellement, lui, un de ses plus proches amis, mais il reconnaissait bien volontiers que la demeure de la belle immortelle était pour le moins... inquiétante. Située au bord d'un lac, en plein cœur d'une forêt de sapins épaisse, elle ressemblerait presque à l'impressionnant château de Bran, en Roumanie. L'entrée de la cour, gardée par deux jeunes vampires absolument diaboliques, était inaccessible aux personnes n'ayant pas été préalablement invitée par Valyina. Et autant dire que sa sélection était pour le moins... restreinte.

Le grand homme, tout vêtu de noir et rouge, monta le grand escaliers grinçant qui trônait au milieu de l'entrée. Il l'avait franchi bon nombre de fois, mais le craquement sinistre du bois sous ses pieds lui donnait toujours des frissons. Il avait bien du mal à contenir son corps ces temps-ci. Il arriva sur le palier, fébrile, peu impatient d'annoncer la terrible nouvelle à son amie. Le choc allait être terrible, et soyons honnête, il avait quelque peu peur pour sa vie. Il espérait profiter de cette éternelle dernière quelques temps encore. Malgré qu'il était certain de pouvoir maitriser Valyina au corps à corps, de par son sexe et son age avancé, il craignait le fait qu'elle ne le prenne par surprise. Que sa colère soit fulgurante et imprévisible, qu'elle le tue sur le coup, sans forcément le vouloir elle même. Il parcouru le long couloir sombre, dont les murs étaient couverts de portrait des ancêtres de la vampire. Ils semblaient le regarder, tous sans exceptions, de leur regards vides et angoissants. Il finit par cogner à la grande porte double qui menait à la chambre de Valyina, et où il était l'un des seuls privilégié à pouvoir se rendre. Une jeune esclave, d'à peine 18 ans et dont les traits émaciés traduisaient la fatigue, vint lui ouvrir. Il ne lui accorda pas un regard, pas une parole, et se dirigea vers la jolie coiffeuse près de laquelle était assis son amie. L'homme, imposant, posa ses mains sur les épaules de la vampire avant de la gratifier d'un baiser tendre sur la joue.

« Comment te portes-tu aujourd'hui, ma gracieuse immortelle ? »

La femme se retourna, repoussant sa longue chevelure en arrière pour dévoiler un collier d'une impressionnante finesse. Très cher, probablement. Elle adressa un sourire radieux à son interlocuteur et, d'une voix douce, lui répondit

« Parfaitement bien, je te remercie. On m'a apporté ce matin un petit humain qui s'était perdu dans la forêt. Il avait un gout délicieux, je pourrais en boire jusqu'à en mourir. Si seulement cela était possible évidemment. Mais, ne nous égarons pas, que me vaut ta visite mon tendre ami ? »

Le massif vampire blanchit soudain, déglutissant avec peine, ce qui n'échappa à Valyina. Elle fronça ses sourcils, laissant disparaitre son beau sourire derrière ses lèvres pincées. L'homme se balança d'un pied à l'autre, triturant ses longs doigts avant de prendre la brune par les épaules et de l'asseoir sur son immense lit à baldaquin. Comment annoncer une telle nouvelle ? Il prit une grande inspiration, profondément convaincu qu'il était le seul à pouvoir réaliser cette tâche sans se faire dessus. Il se lança, l'air grave et compatissant.

« Les habitants ont envahis ce matin le manoir de tes parents... Tous les hommes, armés de pieux et d'eau bénite, sont entrés de force. Ne me demande pas comment, mais ils ont réussis à les coincer tous les deux séparément... ils ont été assassinés...  »

La jeune vampire parut totalement décontenancée. D'habitude si sur d'elle, elle restait impassible, sans la moindre réaction. Son ami ne sut vraiment comment réagir. Reculer pour avoir le temps de riposter à une éventuelle furie meurtrière, ou prendre Valyina dans ses bras. Son instant de réflexion laissa le temps à la brune de s'effondrer, de se décomposer physiquement et mentalement. Elle fondit en larmes, sans que le vampire n'ai le temps de réagir. Son choix fut alors fait. Il s'approcha d'elle et la recouvrit lentement de ses bras, la soulevant du lit pour mieux la serrer contre son torse. Il resta de longues minutes comme ça, à l'entendre pleurer, caressant doucement ses cheveux pour calmer ses sanglots étouffés. C'était habituellement une femme forte et il savait qu'il ne reverrait jamais tel spectacle dans sa vie. Il savait aussi qu'il lui serait inutile de rappeler à la jeune vampire ce moment de faiblesse, car il finirait probablement avec un quelconque objet en travers du ventre dans la seconde qui suivrait. Non, il se promit de taire ce moment pour l'éternité, par respect pour son amie de toujours.
Lorsque les sanglots s'estompèrent, que les larmes cessèrent de couler et que la respiration redevint lente et profonde, l'immortel et séduisant vampire déposa un baiser sur le front de Valyina. Avant qu'elle n'ai le temps de dire un mot, il prit la parole, plus stressé et pressé que jamais.

« J'ai entendu en ville qu'ils comptaient venir ici. Ils sont en chemin, il faut que tu partes Valyina... Ils ont eus tes parents avec l'effet de surprise, certes, mais je ne veux pas risquer de te perdre. Maintenant qu'ils pensent ou savent que tu es l'auteur des nombreuses disparitions qui ont eu lieu ces dernières années, ils ne te lâcheront pas...  »

La brune prit une longue inspiration, séchant ses joues d'un revers de main pour dire d'une voix railleuse. Elle était redevenue la même, le masque était remis et il ne tomberait plus jamais.

« Je n'ai pas peur d'eux, qu'ils viennent, je les attends de pieds ferme. Et je compte bien leur faire payer ce qu'ils ont fait à mes parents, ils méritent tous de mourir ! Et où voudrais-tu que j'aille de toute manière ? »

« Je connais un endroit, à des milles d'ici, où nous serions en sécurité. C'est une île, Heartkiller, où les gens comme nous règnent en maitre. Tu aurais toute la nourriture que tu veux, des esclaves à ne plus savoir qu'en faire et personne pour te menacer. En échange, il faudra simplement obéir aux lois régis par la famille royale, les Bridgestone. Cela fait un moment que je souhaite partir, la vie ici n'est plus possible... Viens avec moi, s'il te plait...  »

La réflexion n'avait pas le temps d'être prolongée, ils devaient partir au plus vite s'ils voulaient échapper à un massacre humain et vampirique. Si, comme le disait son ami, tous les habitants s'étaient réunis pour les exterminer, Valyina était en danger. Elle n'arrivait pas à le croire, mais elle n'avait plus le choix. Remettant ses cheveux en place avec classe, elle prit une allure déterminée et cria à plein poumons

« ELISABETH !!! Prépare moi une valise avec mes biens les plus précieux, tu as dix minutes. »

Les affaires fut prêtes en cinq. Laisser toute une vie derrière soi n'était pas chose aisée, mais dans ce cas là nécessaire.