Seth & Elwing

Voyage, nom masculin. Fait de partir loin du lieu où l'on vit. S’extérioriser. Découvrir. Apprendre. Comprendre. C’était les seuls mots qui avaient un sens pour lui alors qu’il fauchait de ses bottes poussiéreuses la terre nouvelle. C’était toujours une chose excitante d’apprivoiser un nouveau territoire, se faire maître parmi l’environnement, faire plier la nature face à sa propre puissance. Et Seth avait eu cette chance, s’agenouillant sous le regard de ses hommes de plomb, figé dans leurs gardes à vous, attendant un signe de main de leur supérieur pour s’avancer. Il prit une poignée de sable pour le porter plus près à ses yeux, observant les grains de particules s’échapper entre ses doigts qu’il écartait. La lumière de la lune éclairait ses pas tout comme sa peau, redessinant d’elle-même les contours de ses muscles saillant, faisant frissonner certains de ses soldats qui s’imaginaient sans mal les dégâts que ces derniers pouvaient faire. Se redressant, Seth fit un geste à ses compagnons d’arme pour qu’ils le suivent dans l’exploration de cette île. Deux semaines. Trois, quatre, un moi. Il ne saurait dire combien de temps il avait passé sur cette terre, tellement plongé dans ses recherches que le temps n’avait plus d’importance pour lui. Il ne s’en rendit compte que lorsque son bateau, à nouveau en mer se dirigeait vers sa résidence. C’était affreusement dérangeant pour lui car il entendait d’ici les paroles de réprimandassions de son infant. Et il n’avait pas réellement de devoir l’affronter à nouveau. Pas envie de s’énerver contre la réalité si cruelle avec lui. Mais il n’avait pas à avoir peur de l’affronter, il n’en possédait pas cette réputation, pourtant, il n’avait pas envie. Ce n’était pas de la peur qu’il ressentait, juste une lassitude quand il comprenait qu’il allait devoir encore se battre, qu’il n’allait pas avoir un moment de répit, à peine revenu sur sa terre mère.

Il posait l’enclume au port alors qu’il traînait sa carrure d’un pas réticent et peu pressé, ses jambes ayant décidé d’un commun accord avec son esprit de retarder l’affrontement.  C’était peut-être bien d’un point de vu surtout qu’il commençait à ressentir les picotements caractérisant de la fatigue le long de son échine. Après avoir fini son rapport par écrit de sa plume légère, Seth prit la décision d’aller enfin rencontrer celui qui causerait sa perte un jour. Mais en même temps, il ressentait depuis son départ l’envie d’aller le voir, de caresser sa peau douce, d’imprimer un baiser sur ses lèvres. Le vampire d’un ancien temps se dirigeait ainsi vers ses appartements, l’esprit déjà posé sur les prochains voyages qu’il effectuerait.

« Monsieur Bridgestone ? , il fronçait les sourcils et se retournait vers l’esclave qui l’avait interpellé, relevant légèrement la tête pour lui dire de continuer, Monsieur Greyback n’est pas dans sa chambre. , ses sourcils se froncèrent encore plus que cela n’était possible alors que sa bouche s’ouvrait pour formuler la question que l’esclave s’empressa de répondre sans attendre qu’il parle, Il est partis il y a quelques jours en laissant un mot pour vous. »

Même s’il savait que cela n’était pas si grave, une violente douleur secouait son corps alors que son cœur déjà mort semblait se faire à nouveau saigner. Arrachant presque le message des mains de la jeune femme, il lui demandait de partir d’un geste de la main sans l’observer, son regard seulement dirigé vers le bout de papier qu’il n’osait ouvrir. Cette peur de découvrir ce que le mot lui certifierait. Elwing s’était lassé de son jeu, il en était sûr et désirait sans plus de cérémonie se séparer de son maître et tortionnaire.  

Il allait revenir. Considérablement, son humeur changeait. Il souriait presque de son impulsivité d’imbécilité. Seth allait rentrer dans sa chambre pour pouvoir poser ses problèmes à la porte le temps d’un moment quand un bruit l’interpellait. C’était le bruit régulier et berçant de l’eau. Ce bruit ne voulait dire qu’une chose, Elwing était de retour comme lui l’était. N’osant pas le déranger dans sa cérémonie, le Chevalier Noir attendit devant la porte. Il savait que s’il était pris dans cette attente si saugrenue il serait sûrement sujet de certaines conversations dans le château mais il y avait des attentions pour son infant qu’il se permettait. Alors même si sa réputation en prenait un coup, il le ferait pour Elwing. Il entendit ses pas et lorsqu’il fut sur que son infant était sur le lit, il se permit de rentrer, comme il le ferait s’il ne s’était pas arrêté. Se débarrassant de ses armures et vêtements, Seth se retrouvait bien vite en pantalon, comme son vis-à-vis. Mais il n’entrait pas dans les draps pour le rejoindre, il posait juste le message sur le lit avant de se reculer. Dans un geste d’opposition et de refus, le chef de l’armée royale croisait les bras sur son torse tout en dévisageant son infant du regard. Même si la joie de le retrouver était présente, le sentiment de s’être fait trahir et désobéir l’était tout aussi.

« Tu peux m’expliquer pourquoi une servante est venue me faire part de ce message ? Tu es allé voir un amant c’est cela ? Pourtant je t’avais donné pour règle de ne pas partir du château avant mon retour, qu’est-ce que tu ne comprends pas dans l’interdiction de sortir avant mon retour Elwing ? »

Le froncement de ses sourcils annonçait qu’il y allait avoir affrontement et que cette fois, ce fut lui qui le déclarait commencé.

Seth & Elwing

Trahison, nom féminin. Fait de tromper, abandonner quelqu’un ou quelque chose à qui l’on doit fidélité.  Lâche. Souffrance. Déception. Cela faisait mal. Et aucune douleur faite par l’arme d’un ennemi n’égalise celle-ci. Les mots qui étaient écrit de sa belle plume, griffonné avec rapidité, montrant son impatience de partir loin de leur chambre, loin de lui. Trois simples mots qui pouvaient tout aussi dire qu’il ne reviendrait jamais. Qu’il avait choisi ses mots avec une ironie déconcertante qui lui était tout de même propre. Qu’il se jouait du vampire royal. Et l’incrédulité de ne pas comprendre la signification de ses mots envoler, le sentiment d’être trahis, d’avoir été abandonné avait élu domicile dans son être. Et même s’il repoussait les souvenirs qui élisaient domicile dans son être, il en fut affecté. Car Elwing était celui à qui il avait confié son cœur déjà meurtrit. Et il semblait reproduire les mêmes erreurs que cette princesse. Alors que pouvait-il faire face à cela, face aux erreurs et aux conséquences des actes de son infant engrener qui ne s’en rendait sûrement pas compte. Son infant semblait décidément avoir d’autres soucis que les tourments et troubles du Bridgestone. Il semblait lui aussi être affecté de cette relation étrange entre eux. Mais c’était ainsi. Seth lui offrait son cœur mais le repoussait pour ne plus souffrir. Sauf que dès qu’Elwing faisait un pas en arrière, il en souffrait comme cela ne pouvait pas être décris. Elle lui avait fait tant de mal. Elle lui avait fait tant promettre de choses et tout lui retirer du jour au lendemain. Elle lui avait fait croire que l’amour était une destination merveilleuse ou tous soucis n’existaient pas avant de lui arracher cette idylle et lui montrer le désert dévasté que laissait l’amour en partant. Lui il l’avait aimé. Est-ce que elle, elle l’avait aimé un seul jour ?

Il était juste que Seth lui face comprendre qu’il n’appréciait pas son départ impulsif. Et alors que sa déclaration avait plongé la suite dans un silence où la tension était palpable. Il en profitait d’ailleurs pour observer son infant, se disant que ses souvenirs de lui restaient des plus réalistes. Il ne changerait plus depuis l’instant où Seth avait plongé ses crocs dans sa chair mais pourtant, il avait l’impression que son infant évoluait de jour en jour. Autant d’un plan physiologique que physique. Le voyant se relever, le Chevalier n’eut pas de mal de comprendre son geste. Un esprit vif comme celui d’Elwing ne pouvait supporter d’être physiquement soumis mais même en comprenant cela, Seth n’en trouvait pas l’utilité étant donné que même debout dans cette discussion provoquante, il n’avait pas plus l’air de tenir les rênes de la discussion. Haussant un sourcil face à cela, il n’en fit aucun commentaire mais resta septique tout de même. Le mouvement de sa langue contre ses lèvres attirait l’œil du vampire qui eut par automatisme un mouvement vers l’avant qu’il bloquait, refroidit aussitôt par les mots de son infant. Il osait prétendre avoir un amant. Il n’essayait même pas de démentir ce fait et cela énervait Seth au plus haut point. Il hasardait même le fait de le remplacer par une vulgaire esclave. Lorsqu’il entendit son grognement, Seth y répondait immédiatement par un grognement identique mais plus fort qui roulait un instant dans l’air alors qu’il l’observait reprendre une maîtrise sur son être.  Seth ne parlait pas, il n’avait rien à dire et laissait Elwing parler. Car il n’avait pas eu encore la réponse qu’il attendait.

« C'est donnant donnant à partir d'aujourd'hui, c'est le principe d'une relation de couple enfin si on peut se définir ainsi vu le peu que je sais de toi. » Il osait mettre une règle sur leur relation ? Il osait se faire maître de la bête en le menaçant ? Les iris de Seth prenaient lentement une couleur propre à son état vampirique, abandonnant leurs couleurs bleutées-verdâtres pour une couleur plus sanguinaire, plus carmin alors qu’il écoutait les dires de son infant. Il l’avait ouvertement provoqué. Et son geste final eut de quoi brisé les dernières barrières de conscience humaine à Seth. Arrivant dans l’ombre d’une seconde à ses côtés, il lui fit lâcher son sac avant de le plaquer contre le mur de la chambre, renversant la table de chevet dans son empressement et sa colère. Emprisonnant ses poignets au-dessus de sa tête d’une main alors que l’autre était posé sur son torse pour exercer une pression assez forte pour lui faire comprendre la menace qui planait sur lui. Entrouvrant ses lèvres sur ses crocs, un autre grognement lui échappait alors que la colère se mêlait à la trahison, retournant ses tripes, le rendant encore plus hargneux encore. Il était sous tension et sentait aussi qu’Elwing l’était. D’une voix basse mais grave où ses grognements continuaient de se faire entendre, il lui dit, ultime menace contre sa provocation :

« Ne t’avises plus de menacer de partir. Ne t’avise pas de me quitter Elwing. C’est moi qui décide quand cela s’arrête et c’est loin d’être fini. »

Relevant son regard vers lui, il le fixait avec colère et tendresse à la fois. Que les mots étaient durs à dire. Ses iris reprirent une couleur plus humaine alors que la colère s’envolait, remplacé par la grande déception de s’être fait trahir encore une fois. D’être trop impliqué, pas assez dur pour que cela n’arrive pas deux fois. Même si sa rage vampirique était partit, il ne lâchait pas pour autant Elwing, ne lui laissant aucune chance de le repousser ni de partir. Car les mots étaient durs à trouver et qu’il avait besoin de la plus grande attention de son infant. Dans un souffle tremblant, il lui dit d’une voix plus posée, plus souple et presque un soupçon de désolation palpable.

« Tu n’as pas à connaître ma vie. Les faits du passé ne sont que des erreurs qui nous mènent jusqu’à ce mur.  Tu as juste besoin de savoir mes ressentis pour toi. Le reste, ce n’est que superflu. Mon passé n’est qu’une guerre parmi tant d’autre, rien d’important pour que tu saches la vérité que mon cœur te souffle. »

Qu’il comprenne. Qu’il arrête de faire remonter les souvenirs. Qu’il soit sien pour toujours.

Seth & Elwing