« Morrigan : déesse celtique de la Guerre, et de la Mort, régnant sur les champs de batailles, dépeinte comme étant une femme d'une très grande beauté. »

Mon père retint principalement le fait que Morrigan était la déesse de la guerre. Et qu'elle était dépeinte comme étant une femme d'une très grande beauté. Le fait qu'elle soit la déesse de la Mort lui importait bien moins... Même si... A vrai dire, il s'agissait, là aussi, d'un côté de mon prénom qui me correspondait plutôt pas mal puisque ma naissance fut suivie de la mort de ma mère. [color=darkred« Morrigan. Morrigan Antonia Avarez... N'est-elle pas magnifique ? Regardez. Regardez moi ce beau visage ! »[/color] qu'avait dit mon père en me prenant dans ses bras, et en croisant de son regard les deux pierres de jade que j'ai pour yeux. Certes, ma mère était morte, et il en était triste... Mais, je crois que, s'il avait eu le choix entre sauver ma mère ou me sauver... Il aurait, de toute manière, décidé de me sauver. Il n'aimait pas spécialement ma mère. Elle était juste une fille, de passage. Mais à la différence des autres, elle tomba enceinte... Et étrangement, à la vue de ma première échographie, il décida qu'il allait me reconnaître. Et il se mit alors à suivre sa grossesse, attendant impatiemment ma naissance. Ma mère eut, tout d'abord, peur qu'il change d'avis en apprenant que son enfant allait être une petite fille et non un petit garçon. C'est ce qu'il me raconta quelques années plus tard, du moins. Mais le contraire se produisit. Il n'en fut que plus heureux, de savoir qu'il allait avoir une princesse à la maison. Il me réserva une aile du manoir, dont les murs furent peints en rose, décorés de rubans, et de choses toutes les unes plus féminines que les autres. Puis il pensa à aller m'acheter personnellement des vêtements, des robes...

Pourquoi avait-elle eu peur que ce soit le cas ? Qu'il ne me reconnaisse finalement pas ? … Peut-être parce que, pour un trafiquant de drogues et d'armes, un grand mafieux brésilien, avec un petit empire à ses pieds, et dans un monde composé essentiellement d'hommes, il est plus simple d'avoir un héritier qu'une héritière ? Alberto Alvarez. Son père avait régné sur le même empire que celui sur lequel il était en train de régné, justement. Une affaire de famille, en somme. Le premier enfant héritait des affaires. Et c'est ce qui avait effrayé ma mère. Qu'il ne veuille pas d'une fille comme premier enfant. Mais à la surprise générale, le contraire se produisit.

Antonia... Mon second prénom. Il y avait une tradition dans la famille. Que chaque enfant ait au moins un prénom commençant par la lettre A. C'est la seule raison pour laquelle mon père décida de me nommer Antonia, et non seulement Morrigan. D'ailleurs, je crois bien ne l'avoir jamais entendu m'appeler Antonia. S'il m'avait attribué ce prénom, c'était plus... Histoire de faire plaisir à mes grands-parents, c'est-à-dire à ses parents qu'autre chose.

[color=darkred« Où est Morrigan ? Appelez-là. Je veux la voir. Oh, et si elle dort, ne la réveillez pas. Enfin, portez-là moi, jusqu'ici. Gare à vous si vous la réveillez. »[/color] J'étais sa princesse. Sa petite princesse, son trésor, sa poupée fragile, et non seulement la sienne, mais aussi obligatoirement celle des domestiques, de ses hommes, de ses collaborateurs, des autres membres de notre famille... J'étais celle dont il fallait prendre soin, qu'il ne fallait jamais contrarier. Et gare à celui qui me faisait pleurer. Ou qui me blessait. Une seule égratignure, physique comme psychologique, et mon père ainsi que ses hommes s'attaquaient à lui. C'est cette protection qui me conféra un si grand pouvoir, que cela soit avec notre entourage, ou même dans mon école. Mon père était plutôt connu. Tellement connu que... Je ne pouvais sortir sans des gardes du corps. Trop dangereux pour moi, étant sa fille et donc, par conséquent, la cible parfaite pour exercer une vengeance contre lui.

[color=darkred« Ma petite princesse... Debout, allez... »[/color] Il m'avait pris dans ses bras, et me caressait doucement les cheveux. Je devais avoir huit ans. J'étais vêtue d'une jolie robe, et mes cheveux étaient attachés en une demi-queue, grâce à un ruban. Il aimait me voir vêtue de robes et de rubans. Il aimait me voir habillée en princesse, en somme. Enfin bref. Les domestiques ne m'avaient pas réveillée. Il était celui qui souhaitait s'en occuper. C'est ainsi que doucement, j'ouvris les yeux. Mes grands yeux verts, les mêmes que les siens. Très tôt, mon père remarqua quelque chose de malicieux dans mon regard. Et rapidement, mon comportement lui prouva qu'il ne s'agissait pas que d'une impression. Mais... Ce n'est pas pour autant qu'il pensa à me léguer les affaires familiales. Il en était hors de question pour lui. Il fallait me tenir éloigner de ce monde. De ce monde bien trop dangereux. J'étais une poupée, j'étais une princesse, et les princesses ne trempaient pas dans ce genre de chose.

Elles ne trempaient peut-être pas dans ce genre de chose... Mais elles devaient tout de même savoir se défendre. C'est bien pour cela qu'il voulait me réveiller, alors que je n'avais que huit ans. Pour m'apprendre à me défendre. Depuis l'âge de six ans, quatre fois par semaine, je m'entraînais à tirer. Au départ, je n'avais eu entre les mains qu'un petit pistolet, chargé de balles à blanc. Et puis, après deux ans d’entraînement, mon père décida qu'on allait, par moments, me donner un pistolet chargé. Parce qu'un pistolet chargé rendait les entraînements plus réels. Parce que cela me forçait aussi à être plus concentrée. Il fallait faire en sorte que, face à un danger, je sois réactive. Que j'appuie sur la détente. Et que je tue la personne si nécessaire. Mais que je ne me fasse pas tuer.

Equitation, danse, aikido, boxe thai, et tir... Des activités féminines s'alliant avec des activités un peu plus masculines. Et que ce soit l'équitation, ou la danse, ou l'aikido, ou tout autre sport, je ne les pratiquais jamais en groupe. Oh, voyons. Moi ? Me mêler à la population ? Mon père préférait me payer des professeurs particuliers, qui venaient m'enseigner tout ce dont j'avais besoin à domicile. De toute manière, notre résidence était de la taille d'un château, et notre parc... Suffisamment grand pour que je puisse y faire de longues promenades sur mes fidèles compagnons équestres.

D'ailleurs, ce fut au cours d'une de mes promenades que je me fis attaquer. Pour la toute première fois. A l'âge de dix-sept ans. Un homme armé avait blessé mon cheval. Et j'étais la prochaine sur la liste. … Heureusement, les entraînements de tir avaient d'ores et déjà porté leurs fruits à cette période-là, et largement. Je me saisis de mon pistolet – mon père me forçait à être armée, toujours, à n'importe quel moment du jour ou de la nuit, et peu importe l'endroit où je pouvais me trouver -, et je l’abatis. Froidement. D'un coup sec. Tuer ou me faire tuer. Pour moi, le choix était simple. Simple comme bonjour. Certes, il avait s'agit de ma première fois... La première fois que j’ôtais la vie. Mais, honnêtement, ce n'était pas la première fois que je voyais quelqu'un ôter la vie à quelqu'un d'autre. Mon père, à lui-seul, devait avoir abattu un nombre incalculable de personnes au long de son existence, sans parler de son réseau.

Culpabiliser ? Non. Je ne ressentis aucune culpabilité. Il avait tenté de me tuer. Il n'avait eu que ce qu'il avait mérité. Lui ou moi. Et à mes yeux, ma vie a plus de mérite que la tienne. Je n'étais pas en tort. Il l'était. Si j'avais tué un innocent, les choses auraient sûrement été différentes. Mais tuer un homme qui tente de m'assassiner, et culpabiliser ? Hors de question. Mon éducation devait y être pour quelque chose. Mon père m'avait appris, très jeune, que la vie des autres ne valait rien par rapport à la mienne. L'important était moi. Les autres avaient, certes, de l'importance... Mais leur importance était mineure.

Une garce ? C'est ce que je suis. Petite, je n'étais qu'une peste. Et puis au lycée, je deviens une garce. Mais c'est tout de même étrange de voir à quel point les garces peuvent avoir du succès, non ? Et puis... Mon père avait l'air bien content de me voir agir de la sorte. Donner des ordres, effrayer et me faire respecter. Je lui ressemblais en grande partie. Il avait réussi son coup.

« Où suis-je ?... » Le bateau. Notre yacht. Il avait l'air d'être en piteux état. Du moins, lorsque j'ouvris les yeux, c'est la seule chose que je vis, au loin. Notre yacht. L'équipage avait disparu. Mon père ? Il ne faisait pas partie du voyage. Il avait du travail. J'étais donc partie seule, en direction de la Floride. Mais au final... Nous nous étions écrasée. Comment allions-nous rentrer ? Bon, de toute manière, mon père allait faire des recherches. Il allait me retrouver. Ce n'était pas le soucis. Oui, il allait me chercher, et me retrouver. … Du moins, c'est ce que j'essayais de me dire pour rester calme, pour ne pas paniquer. Difficilement, j'essayai alors de me relever. Mon corps était couvert de bleus, à de nombreuses endroits. Sûrement le fait que je sois en bikini qui avait fait ça. J'avais, du coup, été plus exposée aux coups. Si seulement j'avais su, je n'aurais pas penser à bronzer dans une telle journée.

Les bleus... L'équipage... Rapidement, ces choses-là constituèrent le cadet de mes soucis. Rapidement, des hommes se dirigèrent vers moi. Ils avaient un drôle de sourire. Un drôle d'air. Une drôle d'apparence. Ils ne paraissaient pas humain. Et il ne me fallut que peu de temps pour comprendre qu'ils ne l'étaient pas. Ce n'est qu'à cet instant-là que j'aperçus l'équipage. Ou plutôt, les cadavres des membres de l'équipage, que ces deux hommes semblaient avoir laissé derrière eux.

J'avais beau crier, me débattre, crier encore, me débattre... Rien. Ils n'avaient pas l'air décidé à me lâcher. Mais j'étais décidée à ne pas me laisser faire. Me faire tuer si jeune. Hors de question. Il en était hors de question. J'aurais l'air de quoi, moi ? Morrigan Antonia Avarez, la fille d'Alberto Avarez, tuée à un si jeune âge. Par des gens louches en plus. Enfin, de toute manière, s'il n'arrive pas à me retrouver, il pensera sûrement que je suis morte... Mais même. Il en était hors de question. Je n'allais pas me laisser tuer. Je me débattus alors comme une lionne. Sans succès. Je crus un moment que j'allais simplement suivre les autres membres de l'équipage... Alors, pour avoir une mort un minimum significative, je m'empressai de cracher à l'un d'eux au visage. « POURRITURE ! VERMINE ! » Et alors qu'il s'apprêtait à se débarrasser de moi en plantant ses crocs dans ma gorge... Chose qui me surpris d'ailleurs, et me fit comprendre que non seulement il ne s'agissait pas d'un être humain mais que c'était un vampire... Bref, un homme intervint. Encore un peu, et je ne faisais plus partie de ce monde. Il avait déjà percé ma peau, et un long filet de sang s'était mis à couler le long de ma gorge.

Par la suite, les événements se bousculèrent. Ce même homme finit par me prendre à son service. Comme esclave. Moi ? Une esclave ? Ha. La blague. Après lui avoir désobéi pendant une certaine période puis, surtout, après avoir tenté de l'empoisonner en mettant de l'eau bénite dans son verre, il finit par me revendre. A une jeune femme. Ava. En apprenant qu'il allait s'agir d'une femme, je l'avais, je m'étais un peu inquiétée. Les femmes ne m'aiment généralement pas, c'est un fait. Les femmes sont des pestes entre elles, et s’entre-tuent. Sauf que lorsque je fis sa rencontre... Je me rendis rapidement compte qu'Ava... Etait un certain type de femmes. Un certain type de femmes avec lesquelles je pouvais bien m'entendre. Adorable. Bisounours. Vous voyez le genre ? Si, au départ, j'eus tout de même quelques réserves à son égard, elles s'envolèrent rapidement. Elle me traitait comme son égal. Elle m'aidait à ranger, me demandait à mon avis... Et au départ, elle supporta même mes réponses désagréables. Adorable. Et ce genre de fille... Ce genre de fille réellement adorable, sincèrement adorable... Eh bien, je les aime bien. Parce que s'il n'y avait que des garces telles que moi sur cette planète, les femmes n'existeraient plus depuis bien longtemps.