Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours survécu au lieu de vivre. J'ai toujours trouvé une bouée de sauvetage pour m'aider à tenir et à continuer d'avancer. Je ne sais pas où je vais mais j'espère toujours qu'après chaque épreuve que j'endure, l'histoire continuera en étant plus belle qu'avant.

Quand j'étais enfant, je ne savais ce que c'était que de s'amuser, de rire haut et fort, d'être heureux de rentrer à la maison. Certains ont dit que j'ai grandi beaucoup trop vite, apprenant par mes parents que la vie pouvait être dure et sans pitié. Mon père était un homme violent. Avec ou sans prise d'alcool, quand il rentrait le soir du travail, il trouvait toujours quelque chose, une raison quelconque pour frapper ma mère. Le repas pouvait être servi, la maison propre, mes devoirs fait... il y avait toujours quelque chose qui lui déplaisait et ma mère subissait son courroux. Plus d'une fois elle a du aller à l'hôpital pour des blessures, et à chaque passage elle était tombé dans l'escalier, ou n'avait pas fait attention où elle allait, et à chaque fois je l'entendais dire au médecin qu'elle pouvait être très maladroite parfois. Je ne subissais pas les coups de mon père, sûrement que j'étais trop jeune et qu'il aurait de graves problèmes si c'était le cas. Mais il m'arrivait parfois de prendre la défense de ma mère et de me retrouver avec elle dans la salle des urgences, dans l'attente d'un médecin. Je devenais alors une enfant agitée qui n'avait pas fait attention où elle mettait les pieds, que je devais tenir ça de ma mère. Je n'ai jamais tenté de dire le contraire, imaginant parfois que mon père décide de me corriger. Jusqu'à mes six ans, je mena cette existence. La boule que j'avais dans le ventre ne disparaissait jamais. Je vivais constamment dans la peur et par un moyen quelconque, je survis à cette époque de ma vie. La délivrance si je puis dire, se manifesta un jour en rentrant de l'école. D'habitude le quartier où je vivais était très calme, mais là une animation hors du commun secouait la rue. La première chose que je remarqua fut la foule. Amassé à quelques mètres de ma maison, ils regardaient tous quelque chose que je ne voyais pas. Pas encore. Je me faufila entre les jambes pour atteindre le premier rang. Des barrières devant mon nez empêchaient les badauds d'atteindre une zone où se bousculait tout autant de monde. Je voyais des uniformes, reconnaissant des pompiers et des policiers. Ils entraient et sortaient de ma maison et je commença à réellement me demander ce qui se passait pour un tel brouhaha. Sans savoir comment, je réussis à passer sous la barrière de sécurité, à rejoindre la porte d'entrée de la maison sans que personne ne m'arrête, et à entrer dans le salon. Je n'eus que peu de temps pour voir la scène, dix secondes tout au plus, avant qu'on se rende compte de ma présence et qu'on m'emmène ailleurs. Ma mère gisait sur le sol, une marre rouge l'encadrant. Je ne compris pas vraiment ce que je vit ce jour-là, pas tout de suite en tout cas. On m'expliqua que ma mère était décédée. Elle avait reçu une balle dans la tête, sûrement de la part de mon père. Tout ce qui suivit n'est maintenant qu'un flot d'images, de sensations, de paroles, comme si toute cette période sortait d'un rêve. Je ne me rappelle même pas avoir éprouvé de la tristesse pour la mort de ma mère, ou quand mon père fut mis en prison. Je ne me rappelle pas avoir pleuré quand je quitta la maison de mon enfance pour ma première famille d'accueil. J'ai enfouie ces souvenirs là au plus profond de moi parce que ce fut des moments où je ne tentais plus de survivre. Je flottais au gré du courant qui m'emportais de famille en famille, de maison en maison. Les souvenirs qui remontent de ma mémoire ensuite sont ceux que j'ai de la famille Sherridan. Ils m'ont recueillie deux ans après la mort de ma mère. Ils ont vite su me comprendre, que ce soit les parents ou leur fils aîné. Patients, ils ont su percé une brèche dans ma carapace et m'ont montré que je pouvais aussi être aimée. Ils prirent soin de moi et m'aimèrent. D'ailleurs ils me donnèrent la meilleure éducation possible. Sport, langues étrangères et musique étaient leurs hobbies et je mis toute ma volonté pour y exceller. Je pratiquais donc des sports de combats, appris le français, l'espagnol et le russe, et je jouais même du piano ! Ils m'ont apporté autant que si j'étais leur propre fille en fait. Je continuais ma survie en leur apportant ce qu'il désirait : une fille à leur image. Je tentais d'avoir les meilleures notes possibles, d'être toujours la meilleure de peur qu'ils me rejettent et que je sois à nouveau ballotter de famille en famille. Mais il n'en fut rien. Aucune menace de ce genre ne sortit jamais de leur bouche. J'avais seize ans quand je compris vraiment ce que voulait dire le mot vivre. Je fis la connaissance d'un garçon, enfin un homme. Plus âgé que moi nous nous entendions pourtant à merveille. Avec lui j'avais l'impression de me laisser aller, d'être vraiment moi. Je n'étais pas la fillette terrorisée par son père, ou la parfaite jeune fille qui réussissait tout ce qu'elle entreprenait. J'étais juste moi. Mais notre différence d'âge nous sépara bien malgré nous. Il voulait découvrir l'Amérique mais moi je n'étais qu'au lycée. Il me demanda de l'accompagner mais je ne pouvais pas tout plaquer comme ça. Le lycée, ma famille, mes amis. Il partit donc seul mais m'envoyais une lettre à chacune de ses escales. La dernière date d’août 2005, en provenance de La Nouvelle-Orléans. L'ouragan Katrina balaya la ville à la même époque et je n'eus plus jamais de lettres. Je compris qu'il avait du être porté disparu mais jamais je n'eus de confirmation de sa mort. Cette perte m'attrista énormément et parfois je rêve encore de lui. À 18 ans je suivis ses traces et entreprit de voir le monde. Je commença par rester en Europe où je vivais de petits boulots comme serveuse jusqu'à ce que je décide de vendre des photos que j'avais prise. Un talent inné apparemment faisait qu'avec un appareil photo entre les mains les images que je capturais, les moments que je gravais, avaient un petit truc en plus. Je fus vite recrutée par une agence de presse qui me demandait des clichés pour accompagner certains articles. Mes frontières ne s'arrêtaient à présent plus à l'Europe et je voyageais dans le monde entier. L'Asie fut ma première destination avec la Chine, le Japon, l'Inde... puis on m'envoya en Afrique. Et quelques mois plus tard, les États-Unis s'ouvraient à moi ! Enfin jusqu'à ce que mon avion amerrisse en plein dans le triangle des Bermudes. Un endroit plein de légende et qui se montra très peu accueillant ! Apparemment l'île que nous avons réussi à rejoindre, avec le reste de l'équipage, est dirigée par des vampires. Moi qui croyait avoir survécu toute ma vie, aujourd'hui je teste la survie primaire, la plus fondamentale. Celle pour rester en vie. Les premiers pas sur l'île furent certainement les plus difficiles. Beaucoup de survivants de notre équipage furent enlevé par des vampires. Enfin je n'appris cela qu'un peu plus tard. Ma pratique du sport me permis de m'en sortir en courant à travers les bois. Un homme, là depuis quelques temps déjà, me montra le chemin et m'appris les endroits dangereux, ceux pour chasser, les plantes que l'on pouvait consommer mais surtout ce que nous fuyons. Il me parla des vampires et de ce qu'il savait de l'histoire de l'île. Il a une manière bien à lui de survivre, et sans vraiment savoir pourquoi, il m'as pris sous sa protection. Mais chaque jour à son lot de danger, et nous devons redoubler d'efforts pour ne pas se faire prendre. Cela fait seulement deux mois que je me cache dans la forêt et la fatigue se fait ressentir de plus en plus chaque jour...