Depuis que ma créatrice Lisette m'a transformé en vampire, je n'ai jamais vraiment travaillé. Enfin,tout est relatif puisque j'ai bien entendu été au service de cette dernière durant de nombreuses années, mais en soit, je n'ai jamais exercé de profession bien spécifique. Désireux de fuir un destin funeste, Heartkiller est ce qui me semblait être l'échappatoire rêvée. J'avais tout prévu afin de ne pas me faire remarquer et surtout, ne pas être reconnu par une personne indésirable. Le fait d'avoir tué ma créatrice et commis de nombreux meurtres n’arrangeaient pas les choses, certes, mais mon changement de nom pouvait me permettre de rester dans l'ombre suffisamment longtemps afin de pouvoir tâter le terrain. Ma vie sur l'île aux vampires devait être discrète et sans trop d'importance. Enfin, c'est ce qui était initialement prévu ; Initialement prévu avant que de nombreux éléments viennent bouleverser ces plans. Tout d'abord, j'étais loin d'imaginer que je pouvais faire partie de la garde royale. Après tout, c'était assez ironique quand on savait que de nombreux gardes de ce genre m'avaient longtemps poursuivi, en vain. C'est comme si je devenais le chat après avoir été souris. Mes talents en tant que combattant ont grandement étonné un des Bridgestone à la tête de la ville, et plus précisément le chef des armées. Quand il m'a proposé de le rejoindre, je n'ai pu refusé. Malgré mes précédents soucis avec l'autorité, j'estime que la famille Bridgestone est différente et qu'elle mérite de preux combattants pour la défendre. Voilà pourquoi je devins en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire un soldat a guéri. Je me souviens d'une période -toujours humain- où j'ai servi pour l'Indépendance de L’Écosse. J'avais suivi des entraînements intensifs dont j'ai conservé quelques réflexes de base. Le fait de devenir un vampire accentua ces capacités et me voilà enrôler dans une nouvelle armée. En soit ce n'était pas aussi dramatique que ça, tant que personne ne me reconnaissait.

Ce nouveau statut m'a permis de faire plusieurs rencontres perturbantes. D'abord Esfir C. Bridgestone, pour laquelle je ressens des choses plutôt complexes. Elle est tout à fait différente des autres femmes, mêlant un visage enchanteur et une innocence déconcertante pour un vampire. Depuis que nous nous côtoyions, je n'avais d'yeux que pour elle. Néanmoins, son statut royal et mon passé tumultueux ne sont pas compatibles. Je ne peux m'empêcher de me dérober au fur et à mesure que nos entrevues deviennent ambiguës. Sa famille, les autres frères et sœurs Bridgestone, sont tout sauf commodes. De plus, il semblerait qu'ils protègent extrêmement bien Esfir, ce qui compromet grandement ma couverture de vampire noble ordinaire, qui plus est irréprochable. Toujours est-il que cette attirance met en péril mon intégration sur l'île. Ensuite, j'ai eu l'occasion de rencontrer il y a peu l'ambassadrice de la Russie, Nymphea Todorov. Comme si je n'avais pas ma dose avec les familles royales, j'ai suffisament sympathisé avec cette dernière pour passer une bonne partie de mon temps libre à ses côtés. Lors de notre entrevue, elle m'a présenté un professeur de combat, qui se trouvait également être sa meilleure amie. Et oui, en réalité, il s'agissait d'une professeur de combat. Relativement perplexe, elle m'a convaincu et il nous arrive même de nous côtoyer. En soit, je la considère comme une amie, même si ce concept est encore flou à mes yeux. Des années de cavales en solitaires ont le don d’introvertir n'importe qui. Toujours est-il que la vampire en question se prénomme Ashley et qu'elle possède un réel talent pour toute sorte de combat.
Même si je suis dors et déjà un entraînement méticuleux avec Seth Bridgestone, le Chevalier Noir d'Heartkiller, il est toujours possible d'en faire plus pour progresser. C'est pour cette raison que j'ai accepté dernièrement de suivre certains cours dispensés par Ashley. Après tout, cela constitue une manière supplémentaire d'entretenir mon corps d'athlète.

Ce à quoi je ne m'étais pas attendu, c'était certainement d'être à deux doigts de me prendre une belle pâtée, par une femme qui plus est. Moi macho ? Juste un peu alors. J'étais tellement concentré sur le fait de ne pas la blesser que je me suis presque fait laminer. Pour finir, notre duel s'est terminé ex æquo, sans vrai vainqueur donc. Mon ego et moi-même avions besoin d'une revanche. Je ne pouvais tout simplement pas me faire à l'idée d'avoir perdu ou du moins, de ne pas avoir gagné. En outre, j'avais besoin d'un combat en bonne et due forme pour découvrir lequel de nous deux méritait de gagner. C'est pour cette raison que je lui ai donné rendez-vous, à tout hasard, dans une ruelle étroite et peu fréquentée. J'aurai très bien pu choisir la caserne d'entraînement, mais je ne voulais pas que quelqu'un voit ma défaite dans le cas où Ashley serait victorieuse. Nous avions rendez-vous à la tombée de la nuit, dans la dite petite rue où je patientai bien sagement. Et cette fois-ci, je comptai bien être sans aucune pitié.
Je m'attendais presque à ce qu'elle me tombe littéralement déçu, mais elle avait visiblement décidé de commencer par un minimum de formalités. Alors que je l'aperçus à l'angle de notre point de rendez-vous, je croisai les bras, écartai légèrement les jambes avec une de ces expressions qu'on pourrait traduire par « Même pas peur » ou « Qu'est ce que t'attends ». Laissant ce débordement de confiance de côté, je lui tendis la main comme pour la saluer, une fois qu'elle fut à mon hauteur. « Alors, prête ? » dis-je avec un ton amusé.

Même si cela faisait peu de temps que je séjournais à Heartkiller, j'avais réussi à me faire un cercle de connaissance plutôt étendu. Ce qui est assez étonnant venant de ma part. Je ne dis pas que je suis quelqu'un d'insociable, c'est juste qu'après des années et des années de solitude, ce n'est pas évident de retrouver l'entrain des nouvelles rencontres. Heureusement qu'il y a eu ce voyage aux États-Unis, grâce auquel j'ai réussi à contrôler ma soif sanguinaire et surtout à retrouver la joie de la compagnie d'autrui. Cela m'a bien évidemment permis d'être enclin à toutes sortes de conversation, créant parfois des liens d'amitiés, voire plus. Je ne suis pas du genre à être ami avec tout le monde, étant quelqu'un de très méfiant, mais je me dois d'avoir un minimum de soutient au cas où mon secret serait découvert. J'ai tendance à régir plutôt précipitamment en cas de conflit, et je doute être capable de rester serein et civilisé si jamais quelqu'un me menace de mort. Même si ce sont les Bridgestone qui tentent de m'arrêter, je serai obligé de riposter -au moins pour essayer de sauver mon cas avec des explications-. Je ne pourrai jamais me soumettre comme un vulgaire pantin, peu importe à quel point j'ai merdé. Lorsque j'ai rencontré Nymphea, et surtout quand j'ai découvert qu'elle était ambassadrice de Russie à Heartkiller, je me suis dit que ce serait une belle occasion de nouer des liens avec quelqu'un de relativement puissant. Pour ce qui est d'Ashley, vu qu'elle était sa meilleure amie, je n'avais aucune raison de ne pas sympathiser. Le fait qu'elle soit professeur de combat était un avantage de taille.

D'après ce que j'ai pu comprendre, la jeune femme n'était pas du genre à se lier d'amitié avec n'importe qui. Étonnement, le courant était très vite passé entre nous. Peu importe à quel point notre esprit de compétition est élevé, à côté de celui-ci, nous pouvons très bien nous côtoyer sans se taper dessus. Pour ma part, je suis un très gros mauvais joueur, raison pour laquelle je n'ai pas supporté que notre dernier combat soit ex æquo. De toute manière, à chaque fois que mon amour-propre est blessé, je le prends très mal. En ce qui concerne Ahsley, elle réagit de manière beaucoup moins impulsive. Je suis dans l'action et elle, dans la réflexion. En soit, nous sommes un peu complémentaires. Nous sommes absolument redoutables. J'ai déjà vu de nombreuses vampires aussi impitoyables qu'elle, mais je sais pas, c'est différent. Je pense que c'est la première fois que j'ai l'occasion de me battre avec une femme dans ce contexte -d'où le fait que je trouve cette situation étrange-. Je n'ai aucun scrupule à frapper une femme qui me menace de mort, mais c'est la première fois que je fais ça dans un cadre « amical ». À l'entraînement, nous nous battons forcément entre soldat, donc entre hommes ; Par conséquent, cela est complètement différent quand je me livre à un combat avec Ashley.

La demoiselle était arrivée pile à l'heure. Je pris la peine de l'observer quelques minutes. Elle portait un jean moulant et un maillot rouge sanglant accompagné d'une veste en jean. Elle était très séduisante, mais je ne la considérais pas comme une future conquête. Il s'agissait d'une amie et d'une partenaire de combat, point. De mon côté, j'étais vêtu de noir, comme à mon habitude. Un pantalon confortable, un tee-shirt près du corps et ma veste en cuir favorite. Je ne pus m'empêcher de remarquer son petit sourire en coin lorsqu'elle remarqua mon attitude hautaine. Elle s'avança doucement vers moi, mais de manière franche. Ma remarque eut le don de lui faire lever les yeux au ciel, puis elle accepta mon geste de politesse en me serrant la main. C'était plus fort que moi, j'utilisai une poigne un peu trop ferme pour une femme. Enfin, même si ce n'était pas une petite chose délicate, c'était la moindre des galanteries. Sauf que ce soir, je n'avais pas envi d'être galant. Nous avions tout le temps pour ça plus tard, autour d'un verre et dans un autre contexte. Elle répondit avec un petit sourire narquois qui traduisait son amusement : « Prête mon chère Isaac ! J’espère que tu t’es bien entrainé. » Comme si je ne m'étais pas entraîné ! Je comptais sur elle pour faire en sorte que le combat soit de taille. Je détesterai me battre pour rien.
Je poursuivis à mon tour : « Quelle question ! » et lui tournai le dos pour faire quelques pas en arrière. C'était plutôt risqué de tourner le dos à l'un de ses adversaires, mais ça me plaisait de tenter le diable. Finalement, environ un mètre plus loin, je m'arrêtai et me remis face à Ashley, qui était déjà en position de combat. Je fis de même avant de lui lancer, arrogant à souhait : « Les femmes d'abord ».