"S'il vous plaît, monsieur, venez m'aider, j'ai mal, monsieur..."
L'homme s'approcha de la jeune fille, à terre. Il posa un genou sur le sol et posa sa main sur l'épaule de la pauvre fillette. La rue était presque déserte, quelques voitures étaient garés. Les néons rouges des bars éclairaient les trottoirs, où plusieurs femmes semblaient faire le tapin. De grands poteaux lumineux éclairaient aussi la rue, les prostituées s'adossaient à eux, comme pour rester dans la lumière. L'homme rentrait chez lui, retrouver sa femme et ses deux beaux enfants. Il sentait l'alcool à plein nez, la vodka, Jack Daniel's et pleins d'autres mélanges affreux.
"Qu'est ce qu'y a ma petite? Tu t'est fait mal à la cheville?"
La jeune fille acquiesça, il était donc trop bourré pour se demander que faisait une fille de son âge dans une rue pareil à cette heure-ci, ou alors il était juste trop idiot. Les femmes au loin regardaient la scène avec effroi, certaines préféraient changer de trottoir. Elle était déjà venu par ici, elle avait déjà fait ce genre de chose.
Il commença à inspecter sa cheville, toutes les trois secondes, elle faisait comprendre qu'elle souffrait. Elle avait une technique toute prête, et elle avait appris avec le temps, à être toujours de plus en plus convaincante. On ne savait plus distinguer le vrai du faux, encore moins quand on était bourré comme lui.
Il essayait de voir ce qu'il n'allait pas mais il ne voyait rien.
"Tu veux que j'appelle ta maman?"
Lux s'esclaffa, sa mère? Ça faisait bien longtemps qu'elle se faisait bouffée par les vers dans la terre moite.
"Ma maman? Vous êtes sérieux?"
Et avant qu'il n'ait eu le temps de répondre, Lux attrapa son cou d'une main ferme et planta ses deux cros dans sa jugulaire flamboyante. Le sang coulait à flot dans sa gorge, juteux, épais, chaud. Ce qu'elle préférait par dessus tout était la chaleur que l'on ressent en buvant du sang, ça lui rappelait son enfance, les chocolats chauds, c'était un peu sa madeleine de Proust. L'homme étouffait des cris, sa chemise tâchée de quelques gouttes d'alcool était maintenant ravagée par le sang. Ses jambes tremblaient. Il essayait d'attraper la tête de la jeune fille tant qu'il était en vie, mais l'autre main de Lux n'eu pas de mal à l'intercepter. La jeune fille prit une bonne dernière gorgée avant qu'il ne meurt. Son dernier souffle.
Lux prit une grande inspiration et poussa le corps à terre. Elle sortit un petit miroir de poche pour tenter d'enlever le sang autour de ses lèvres. Elle essuya les coins de sa bouche avec ses pouces avant de se relever. Elle frappa le corps avec ses pieds, pour vérifier si il n'était pas encore vivant, mais en même temps vu comment elle l'avait drainé, cela aurait été un miracle.
Elle se rapprocha du cadavre pour le humer, oui, il était assez imbibé d'alcool pour le brûler. Elle attrapa un paquet d'allumettes écrasé dans sa poche arrière et alluma la flamme. Elle jeta l'allumette sur le corps sans vie et le regarda brûler doucement.
Les prostitués avaient déguerpi, elle était seule avec le nouveau tas de cendres. Elle repensait à sa famille, à lui, à sa victime. Des remords? Non, elle était heureuse de les débarrasser d'un déchet pareil. Qui voudrait d'un père, d'un mari qui rentre au beau milieu de la nuit en empestant l'alcool. Personne.
Elle soupira une dernière fois quand le corps eut fini de brûler et partit en sautillant. C'était une bonne nuit, productive, elle s'était bien amusée.


Lux rentrait chez elle. Son chez elle était en fait une maison close de luxe où sa prostituée de mère l'avait conçu avec un client inconnu. Elle avait vécu ici, grandi ici, et elle ne s'en plaignait pas. Elle avait une belle vie, une chambre à elle toute seule, et les prostitués s'occupaient bien d'elle. Elle pouvait manger à sa faim et elle était libre de faire ce qu'elle voulait, tant qu'elle ne venait pas piquer des clients.Car il y avait des jeunes filles de son âge qui travaillait déjà ici, mais sa mère faisait tout pour la préserver de ce genre de vie. Faire le tapin, ce n'était pas une façon de vivre. Il fallait qu'elle tombe amoureuse d'un homme riche et qu'elle se marie. Sa mère avait déjà tout prévu. Son future, son mariage et son mari. Un client régulier lui avait parlé d'un étrange jeune homme riche et séduisant qui cherchait une jeune fille à épouser. Et qui de mieux que la toute jeune Lux, qui du haut de ses 14 ans, arrivait déjà à faire chavirer les hommes. La jeunesse a de bons aspects, mais au XIXème siècle, les gamines de 15 ans étaient déjà mariée.
Il fallait organiser le rendez vous, de nuit, car pendant le jour, l'homme voyageait pour vendre ses marchandises à travers la Nouvelle Orléans. Il fallait préparer la jeune fille, la mettre dans ses plus beaux vêtements, mettre en avant son innocence. Une robe blanche, il lui fallait une robe blanche, immaculée.
Quand il entra dans la demeure, toutes les femmes se retournèrent vers lui, même si certaines avaient des clients sur leurs genoux, elle tournait la tête pour regarder l'homme charmant qui venait d'ouvrir la lourde porte. Même les clients semblaient fascinés. Une prostituée s'approcha de lui, pour tenter d'établir un contact avec lui, car en plus de ne pas être désagréable à regarder, il avait l'air plutôt riche. Mais la mère de Lux arriva et la fit fuir d'un geste de la main.
"Veuillez me suivre monseigneur."
L'étage était plus calme, bien qu'on entende quelques ébats dans les multiples chambres. Elle ouvrit une porte coulissante qui donnait sur un salon aux dorures flamboyantes, un salon. Lux se tenait près du piano et laissait échapper quelques notes. Quand la porte s'ouvrit, elle s'empressa de se relever en époussetant sa robe, elle lui fit une légère révérence et un sourire.
Il laissa échapper un sourire à son tour, il semblait lui plaire.
"Veuillez nous laisser seuls, gente dame, j'aimerais discuter seul avec cette charmante jeune fille."

La porte se ferma. L'homme se rapprocha du bar pour se servir un verre de whisky.
"Sais-tu qui je suis?"
Lux hocha la tête.
"Vraiment? Je suis Boldizsar Báthory, viens d'un pays très lointain dont tu ignores surement le nom. Je suis venue à la Nouvelle Orléans pour les affaires, et pour rencontrer un vieil ami. Et lors de mes nombreux voyages, j'ai pensé qu'il me fallait une femme, pour entretenir mon... héritage. Un de mes clients m'a parlé de toi et de ta mère. D'habitude, je ne fréquente pas ce genre d'endroit, mais je dois avouer que maintenant, si j'ai la chance de rencontrer une jeune fille comme toi, je n’hésiterais plus."
Lux ne pouvait pas se détacher de son visage sans imperfections, mais d'une blancheur immaculée. Elle se rendit alors compte que pendant tout son discours, il n'avait pas encore une fois touché à son verre d'alcool. L'homme remarqua son questionnement, et sourit.
"En fait, je ne bois pas, c'était juste pour t'impressionner, un vrai homme boit non? Enfin, je sais que ta mère ne peut attendre de nous voir marier, mais toi le désir tu réellement?"
Lux hocha la tête, elle ne savait pas trop quoi répondre, mais si sa mère le voulait ainsi, alors ainsi soit-il.
"Très bien, très bien, alors il ne me reste qu'une chose à faire."
Il sortit une petite boîte de son veston. Posa son verre sur le piano et s'agenouilla.
"Lux Clariss Greene, voulez vous devenir ma femme?"