Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ou plutôt de la journée. Depuis ma rencontre avec Anastasia hier, il m’a été impossible de trouver la paix nécessaire pour me laisser aller au sommeil. Toute cette histoire était folle, je me suis senti faible, ne pouvant rien faire pour aider ceux que j’apprécie. Mince alors, une esclave c’est impossible ça, où est-ce que je me suis retrouvé ?! Je me frotte le visage, énervé et fatigué de me tourmenter depuis plusieurs heures déjà. Allongé dans mon hamac je soupire. J’ai l’habitude d’être seul, je me fiche bien de n’avoir personne à supporter mais quand on veut sauver quelqu’un c’est très difficile de se dire que malgré l’envie et bien rien ne se réalise. Hier j’étais persuadé que je pouvais prendre Anastasia avec moi et la protéger mais non. Elle est repartie voir son maître, ce vampire qui est l’empereur de la cité apparemment. Moi qui avais espéré que le destin existait, alors à quoi cela aura servis que je tombe sur elle si c’est pour la laisser retourner se faire fouetter et traiter comme une moins que rien par un vampire cruel ? A quoi bon tout ça en fait ? A rien. C’est dur de l’avouer mais pour l’instant je n’ai pas eu de moments pouvant me donner l’espoir de vivre pour quelque chose. Je devenais de plus en plus un sauvage, j’avais l’impression de régresser, loin de toute civilité, loin de ma famille et encore plus de ma femme et mon fils morts.

Bon ça suffit pour aujourd’hui. Il faut que j’arrête de réfléchir, ce n’est pas bon et si ça continue je vais me retrouver à être crevé alors que la nuit arrivera. Pour pas que ça arrive il faut que je laisse mon cerveau au calme, faut pas que je le fatigue. J’enfile un jean troué, un marcel kaki et des baskets avant d’aller croquer dans des pommes que j’avais cueillis il y a maintenant quelques jours. J’ais perdu du poids depuis les deux semaines que j’ai passé ici, il faut dire que ce n’était pas facile de se remplir l’estomac et j’avais déjà été entraîné pour ce genre de situation du coup je savais quoi manger et à quelle quantité. J’essayais de prendre des muscles en contre partie pour me maintenir au top de ma forme. Nouer des liens avec les Grimm m’avait bien aidé, ils m’avaient donné pas mal de choses pour m’aider, pieux, nourritures, des lieux pour chasser etc… Même si Soraya n’était pas une femme que j’aimais beaucoup fréquenter par simple fierté mal placée, son frère, lui, je le trouvais plutôt cool. Un peu le même état d’esprit que moi, en tout cas le principal qui est d’aimer casser du vampire. Je suis en mode Survivor depuis mon arrivée ici et voir cette femme tuer de sang-froid un innocent avait fini par me décider à choisir mon camp. J’ai donc vite compris que pour garder ma liberté et tenter de survivre il me fallait tuer aussi ses viles créatures. Si cet homme qui avait côtoyé ma femme avant son accident était l’un des leurs alors peut-être que sa mort n’avait rien d’un accident…

J’avais eu un contact avec une succube que j’avais réussis à approcher d’assez prêt sans me faire tuer ni capturer. Je me suis alors lancé dans un lien plus compliqué que pensé, normalement je l’aurai tué mais là, j’ai réussis à feindre une amitié et à avoir sa confiance, assez pour qu’elle me rapporte quelques informations sur cet Eleazar. J’ai donc appris qu’il avait une sorte de bras droit, une femme succube et qu’il était un vampire noble. Il n’allait donc pas être facile à atteindre et seul que pourrais-je bien faire ? Je n’en sais rien, mais j’ai besoin de réponses et de toute façon je préfère me mettre en danger que de me morfondre chez moi en attendant que mon heure vienne. Avant de filer, cette succube me donna une information des plus intéressantes. Aujourd’hui il sortirait de la cité pour faire une ronde dans la jungle et surement seul. Voilà ma chance.

Après avoir jeté ma deuxième pomme par la fenêtre je place deux pieux à ma ceinture, me frotte la tête, le visage, roule des épaules pour faire craquer mes omoplates ainsi que ma nuque puis me mets en route. Je me sens bien prêt à me confronter à ce vampire blond. Je commence alors ma marche, coupant des lianes barrant le chemin et me fond dans la nature. Elle devient petit à petit un endroit familier et ça m’inquiète, ça ne fait que confirmer un peu plus que je vais y passer le reste de mon existence. Cette idée est dure à accepter, en fait qui le pourrait, surtout après seulement deux semaines ici ? Ce maudis espoir, il nous raccroche à quelque chose qui ne viendra jamais et quand on s’en rend finalement compte ça nous brise. Je ne suis pas loin de l’être mais je tiens bon, l’armée, le FBI… Tout ça m’a donné un mental de fer. Enfin… Après bien un quart d’heure de marche j’arrive à l’orée d’une grande clairière. Le soleil s’est couché depuis quelques minutes mais la pleine lune éclaire mon champ de vision. Des fleurs de toutes les couleurs tapissent cette étendue d’herbes vertes. Je sais que je ne suis pas à mon avantage à cette heure-ci mais je n’ai pas le choix, Eleazar ne sortira que la nuit vu qu’il brûlerait en plein soleil. Je m’arrête un moment, respire un bon coup puis avance. Je suis à découvert mais d’après les indications je dois traverser cette clairière. C’est donc lentement et aux aguets que je franchis les premiers mètres. Quand soudain une silhouette fait son apparition. Je me fige. Réflexe totalement débile vu que je ne deviens pas invisible seulement en arrêtant de bouger mais sur le coup je ne trouve que ça à faire. Après tout cette silhouette féminine m’est bien trop familière….

Le temps se fige. Que m’arrive-t-il ? Des souvenirs jaillissent à m’en faire exploser ce qui me tient de cerveau. La logique du monde en prend un sacré coup, je suis complètement perdu, le sol sous mes pieds s’est ouvert et m’envoie direct dans les tréfonds du néant. La chute est interminable, la douleur me parcourant le cœur me torture et finit par imploser. Ce visage que j’ai rêvé, que j’ai pleuré, que j’ai envié et que j’ai souhaité revoir plus que tout en sachant que c’était impossible. Ce visage se tient là, devant moi… Mes yeux noirs rencontrent les siens couleurs sang. Ils ont changés ce n’était pas sa couleur, je le sais, je me souviens comme si je venais de la quitter. En fait en y regardant de plus près tout est différent malgré que tout soit comme dans mes souvenirs. Mes yeux parcourent son corps dans les moindres détails mais je ne bouge toujours pas. Je réalise, j’essaie de me raccrocher à une partie d’elle qui me réconforterait, qui me dirait que ce sont deux personnes différentes, que je me goure, que je dois rêver ou bien cauchemarder. La peau est plus claires, mais peut-être que c’est la clarté de la lune qui modifie ça, les yeux aussi tant qu’on y est… Non, non et non. C’est impossible ! Mon cœur palpite de plus en plus vite alors que la réalité me happe violemment, elle ne prend plus de gants avec moi de toute façon. C’est violent, c’est douloureux et c’est perturbant. Mon regard qui s’était perdu dans le vide se relève en même temps que moi face à elle. Face à Amanda.

Je reste tout d’abord bouche bée. Comment réagir ? Que fait-elle là ? C’est tout à fait impossible, je l’ai vue morte, je suis allé à son enterrement, j’ai dû faire le deuil aussi pénible que cela devait être. J’ai affronté la réalité, avoir perdu celle qu’on aime et son futur enfant m’a même fait perdre l’esprit pendant plusieurs mois. Tout cela… Tout cela pour la retrouver là, devant moi, debout sur une île inconnue du monde entier. Cette île qui regroupe la plus forte population vampirique et où tous les naufragés se font capturer, tuer ou bien doivent survivre du mieux qu’ils peuvent. J’ai envie de m’approcher d’elle, de la toucher mais tout mon corps me l’interdit. Ce que je vois ce n’est pas une humaine, ça m’arrache le cœur mais je sais que j’ai raison. Elle n’a jamais eu ce regard hautain ainsi que cet air supérieur auparavant. Elle prend ensuite la parole : « Logan... Quelle surprise ! Que fais-tu ici ? C’est dangereux pour un humain de se promener seul le soir en ces lieux, c’est infesté de vampires, ne le sais-tu pas ? » Un tremblement me secoue l’échine. Même son timbre de voix est différent tout en étant le même. Mon regard qui plus tôt était inexpressif se fait d’un coup plus sombre. La colère monte en moi. Mes poings ainsi que ma mâchoire se crispent et mon torse se bombe sous la respiration plus intense que j’exerce. Je suis sur le point d’exploser. Je suis envahie par la haine, par la colère, par la tristesse et l’incertitude. Que dois-je faire ? Il est clair que cette… Cette Amanda est un vampire et qu’elle n’est pas un sosie vu qu’elle me reconnait.

Je n’arrive même pas à savoir de quoi j’ai envie. La tuer ? L’embrasser ? Me sauver ? Aucun ne me semble la bonne solution. Impossible que je la tue ainsi sans lui avoir parlé, impossible que je l’embrasse alors que je pensais l’avoir perdue à jamais et qu’elle réapparait en buveuse de sang et impossible que je me sauve, déjà elle me rattraperait en moins de deux puis j’ai besoin de savoir. Savoir pourquoi elle est encore vivante, pourquoi c’est une des leurs et pourquoi elle a tant changé. Tous les moments que j’ai construit avec elle, semblent bien loin. Alors qu’il y a quelques minutes je pouvais me remémorer tous ces moments, me souvenir des sentiments que je ressentais, là rien ne vient. J’ai simplement envie de revenir en arrière et de changer d’avis, de rester dans mon cabanon jusqu’à la fin de la nuit. Pourtant je ne peux pas le faire et il faut que je réagisse. Elle semble plus sûre d’elle que je le suis, moi. Je suis intrigué de voir que me revoir ne lui fait à ce point ni chaud, ni froid. Soit elle savait que j’étais sur l’île, soit elle a réellement changée du tout au tout. « Toujours aussi séduisant cela dit. J’ai toujours eu un goût exquis... ». Je recule d’un pas, arquant un sourcil. Son regard a changé et son sourire en coin me rebute. Elle fait l’aguicheuse ce qui ne lui va vraiment pas, pas à l’Amanda que je connaissais. Ma main droite se rétracte automatiquement vers mes pieux accrochés à ma ceinture sans pour autant les empoigner. J’essaie de remettre de l’ordre dans mes pensées pour pouvoir tenir tête. Ça ne m’aidera en rien si je tourne de l’œil ou je ne sais quoi, puis de toute façon je ne me suis jamais évanouie donc pourquoi ça m’arriverait maintenant ? Parfois j’aimerai être faible et sensible, je n’aurai pas à affronter de douleurs aussi intenses.

Puis la colère revient. Mon index la pointe alors que j’ai un mouvement de recul. « OK… OK… Merde c’est quoi ce foutoir? Amanda tu es… Vivante ? » Mon corps se libère et commence à rebouger normalement. J'ai envie de casser quelque chose, je suis plus énervé que jamais. Ma main qui la pointait il y a quelques secondes vient maintenant frotter mon visage. Je baisse la tête un instant, reprend mon souffle puis me décide à me confronter, une fois de plus, à l’horrible réalité qui se tient face à moi. « Regarde toi, tu es devenue l’une des leurs… » Je dis ses paroles avec haine et tristesse mélangées. Ma tête hoche de gauche à droite comme le renie de l’éventualité. « Ne me parles pas comme si de rien était ! Tu n’as pas oublié alors ne joues pas avec moi… » Toujours aussi crispé je lâche un juron en foutant un coup de poing dans le vide. Je me détourne d’elle un instant pour faire les cents pas mais revenant vite afin de pouvoir la garder à l’œil. Je réfléchis, je réfléchis encore et encore. Puis je me fige. Ma tête tourne vivement vers elle et alors je vois. Mes yeux s’écarquillent et dans un souffle quelques mots s’échappent de l’emprise de mes lèvres. « Ne me dis pas que le bébé est aussi…. » Elle a le ventre plat. Le médecin légiste m’avait dit qu’elle l’avait perdue mais après ce que je vois là, je me dis que tout ça aurait pu être du début jusqu’à la fin de beaux mensonges. A la base les vampires ne sont pas censés pouvoir enfanter vu que leur corps est mort mais j’ai déjà du mal à accepter qu’Amanda soit bien là et en vampire alors l’idée folle que notre enfant ait pu survivre me vient naturellement. Mes yeux noirs la fixe, aucun sourire, le cœur et l’âme à vif j’ai l’impression que tout ça est en réalité un cauchemar.

C’est une sacrée épreuve à laquelle je me confronte. Je veux bien accepter l’idée que des vampires existent, que cette île en abritent la plus part et qu’ils nous chassent presque toutes les nuits. Je suis prêt à vivre avec ça, à me battre pour ma survie dans un monde nouveau où le surnaturel en régis les lois. Déjà c’était un morceau pas facile à avaler mais au final je suis bien obligé pour ne pas me faire tuer au bout d’un jour sur Heart Killer. Là c’est différent. Je vois mon ex-femme que j’avais enterré il y a de cela deux ans maintenant. Je la vois en plus de ça transformée en vampire. Comme dirait la plus part des jeunes aujourd’hui : Wath’s The Fuck ?! Cette vérité ne me plaît pas, mais alors pas du tout, déjà parce qu’un mort ne reviens normalement pas à la vie, ensuite parce qu’elle a bien trop changée pour que je puisse à nouveau espérer. C’est qui ce foutu dieu qui joue avec moi ? Veut-il qu’un des hommes sur terre se traine une existence complètement pourrie pour équilibrer la balance avec tous ses riches qui mènent la belle vie ? Et bien sûr faut croire que ça tombe sur le bon vieux Logan. J’ai vécu une enfance difficile, un travail qui m’a mis en danger quotidiennement, j’ai même été à la guerre où j’ai vu des tas d’innocents mourir devant moi. J’ai dû tuer pour vivre, j’ai dû faire face à la perte de mes proches et ensuite me retrouver sur cette île maudite. Maintenant je dois encore accuser le coup ? Ah mais que la vie est comique. Ne peut-on pas me laisser un seul petit moment de répit ?

Mes yeux se ferment pour se rouvrirent à nouveau sur elle. Ses bras se sont croisés ce qui lui donne un air supérieur qui me donne envie de vomir. Tout ce qu’elle est devenue est tellement dégoûtant que j’ai même du mal à rester trop longtemps à la regarder. Elle souille l’image que j’avais d’Amanda, de celle qu’elle était avant l’accident. Tout se réinitialise, nos liens, nos sentiments… J’ai beau ne pas le vouloir mais plus les secondes défilent plus Amanda devient une étrangère. « Fantastique, n’est-ce pas ? J’ai eu ce privilège, en effet. » Je rigole jaune. Fantastique… Quelle prétention ! Elle a eu un lavage de cerveau en prime ce n’est pas possible. J’essaie de me calme, d’enlever la colère qui envahit tout mon être mais c’est plus fort que moi. Alors que je fais les cents pas pour réfléchir, elle, elle ne bouge pas d’un pouce. Ses yeux me toisent et elle semble même agacée de tous les mouvements que j’exécute. Puis une fois n’est pas commune comme on dit. Cette fois non pas un poignard qui me transperce le cœur. Non mais qui a dit qu’il me restait un cœur au point où j’en suis ? Non, là elle me l’arrache carrément à main nu. Lentement et avec désir, elle me l’extirpe pour le réduire en lambeau sous mon nez. « Bien sûr que non, ne sois pas ridicule ! Cet enfant n’a jamais vu la lueur du jour... Ni de la lune. » J’ai un mouvement sec vers elle que je stoppe immédiatement. Mes poings serrés au point de me faire saigner, j’ai l’irrépressible envie de lui décalquer la mâchoire. Elle a dit les mots de trop et c’est maintenant fini. Fini l’espoir qu’elle puisse avoir quelque chose en lien avec mon Amanda. Ma femme est morte il y a deux ans et celle que je vois en face de moi n’est rien d’autre qu’un vampire bon à mourir comme tous ceux qui habitent ici.

Je vais pour répliquer quand elle se jette sur moi. Non préparé et surtout sa vitesse étant trop rapide, je me fais plaquer au sol. Ma tête percute douloureusement la terre et je n’ai le temps de rien faire qu’elle s’empare de mes deux pieux pour les planter de part et d’autre de ma tête. Elle prend ensuite mes poignets dans ses mains et me ramène les bras au-dessus de ma tête. Rien de très rassurant en temps normal, je suis vraiment dans une posture pas en mon avantage. Mais je crois que vous avez pas bien compris… Qu’ai-je donc à perdre ? Voilà, c’est donc pour ça que je ne panique pas, que je reste calme et affichant même un rictus sarcastique sur mon visage. « Crois-tu vraiment que j’ai oublié ? Je me souviens d’absolument tout. Notre rencontre dans ce bar où je bossais, ta demande en mariage le jour de mon anniversaire, cette maison qu’on projetait d’acheter, même si elle n’était pas dans nos moyens. Les volets étaient d’un vert immonde et tu m’avais dit que c’était la première chose que tu allais changer quand on aurait signé l’acte d’achat. Je me souviens d’absolument tout Logan. » L’entendre dire mon prénom me fait me crisper. Je ne veux plus qu’elle le dise, pas comme ça et surtout pas en racontant des moments que nous avons vécus ensemble comme une vulgaire histoire qu’elle aurait appris la veille. Je reste allongé, mon regard la transperçant. Je n’ai plus de problème à la dévisager, elle ne représente que l’ombre néfaste de mon ancien amour. Puis mon regard est attiré par ses fines lèvres qu’elle entrouvre pour laisser sortir deux canines bien blanches. Je soupire et laisse retomber ma tête au sol. Mon regard se perd ensuite dans le ciel étoilé. Ce soir j’ai ma vie qui ne tient qu’à un fil et je crois bien n’avoir jamais été dans une position aussi délicate. Rien à voir avec la guerre, ce n’est pas un inconnu qui risque de m’ôter la vie mais bien mon ex-femme qui a jeté à la poubelle toute son humanité. Oui… Elle n’est plus humaine c’est clair et net.

« Tu es un humain, à Heartkiller, et je suis une succube. Ici les humains deviennent esclaves et s’ils se rebellent, ils meurent. En tant que succube d’Eleazar j’ai le devoir de te ramener à mon Maître et rien, jamais rien ni personne ne me détournera de mon devoir envers lui. Alors parce que je me souviens Logan, je te laisse le choix. En récompense de mes loyaux services, Eleazar m’a promis un esclave que je pourrai choisir. Soit je t’amène à lui et lui dit que tu acceptes de tenir ce rôle, soit je t’amène à lui et le préviens que tu peux être dangereux. Dans ce cas je ne pourrai rien faire d’autre pour toi que t’offrir une mort rapide. » Je reste un instant silencieux. Tout s’emboite et pour une fois je ne laisse rien transparaître de la stupeur qui pourtant me prend. C’est donc cet Eleazar qui l’a transformée, c’est lui qui me l’a pris et a tué notre enfant. C’est lui qui lui a retourné le cerveau ou en tout cas qui l’a incité à le rejoindre. Je ne sais pas pourquoi ni comment il s’y est pris mais je dois avouer qu’en la voyant je peux le féliciter… Je lève les yeux au ciel et laisse sortir un ricanement. « Eleazar hein… Tu es tombée bien bas pour avoir un maître Amanda. Tu n’imagines pas à quel point tu me dégoûtes. » Je ne pèse pas mes mots aussi bien qu’elle. Comme j’ai dit c’est terminé, mon cœur n’existe plus, elle me l’a arraché. Au moins elle a réussis à me faire accepter la réalité à un temps record. « Si tu te souviens aussi bien que ça de moi, tu devrais savoir que je préfère encore mourir maintenant que devenir comme toi… » Et ce n’est pas si bien dire. J’ai envie de la secouer, elle m’a retranché dans mes limites, je veux savoir jusqu’où elle serait prête à aller aussi. J’étire ma tête vers le haut et la penche sur le côté pour laisser mon cou bien dégagé. Un sourire en coin je joue à pile ou face avec la mort. « Et bien vas-y, tues ton ex-mari ! Tu sembles en mourir d’envie… Mais sache que si tu me transformes je te retrouverais, tu tuerais et je me tuerais ensuite. » Je suis prêt à mourir depuis mon arrivé sur l’île et je sais bien qu’aucuns survivants ne viendrait à mon secours à un moment pareil. « Je n’ai rien à perdre depuis cet accident. J’y ai perdu celle que j’aimais et notre futur enfant. » Mon regard ne décroche pas du sien, je veux voir dans ses yeux si elle est réellement prête à tuer celui qu’elle aimait il y a à peine deux ans.

Qui aurait pu croire que je me retrouverais dans cette position ? Je ne suis pas le genre d’homme qui aime être soumis et encore moins par une femme. Je ne suis pas macho, je ne l’ai jamais été d’ailleurs, mais j’ai certain principes. On pourrait dire que je suis de la vieille école pour ça mais je m’en fiche, je suis un homme alors je me dois d’être fort. Depuis mon enfance j’ai grandis ainsi. J’ai dû porter sur moi des responsabilités d’adultes alors que je n’avais que treize ans. Ce soir si je devais mourir je voudrais simplement pouvoir revoir mon frère mort. Mais après tout ce dieu qui semble s’amuser avec moi ne me laisserai surement pas cette chance. Je ne réagirais pas ainsi si celle qui était à califourchon sur moi n’avait pas été ma femme. Je crois bien que je me serais battu jusqu’au bout. Je suis un battant, je ne baisse pas les bras et même si c’est le stéréotype du héros américain d’aujourd’hui, je n’ai rien d’un héros. Un héros ne tue pas des innocents et il n’obéit à personne quand il sait que l’ordre n’est pas juste. Moi j’ai fait tout ça plusieurs fois même. J’ai eu des regrets, des cauchemars mais contre toute attentes ils ne m’ont pas hantés, j’ai pu reprendre une vie normal, oublier en quelque sorte ce que j’avais pu ressentir. J’avais réussis à vivre avec alors que la plus part des soldats sombraient dans la folie en revenant d’Irak. Peut-être que j’ai quelque chose qui cloche, mais je dois avouer que c’est surement mieux ainsi, au moins je n’ai pas eu besoin de prendre un ticket pour l’hôpital psychiatrique.

Amanda resserre son emprise autour de mes poignets. Ses cheveux tombent sur ses épaules en cascades et me frôlent presque le visage. J’ai beau essayer de me retenir de respirer seulement pour un humain ça finit par nous être vital. Son odeur parcourt tout mon être, malgré tout, malgré le temps, son odeur reste la même. Je m’éloigne d’elle sentimentalement parlant mais tout me pousse au contraire. Ce n’est pas la même, ce n’est pas la même. Je me tourne cette phrase une bonne centaine de fois pour ne pas craquer. Elle est froide autant physiquement que dans sa façon de parler, elle a les lèvres rougies pour je ne sais quelle raison et ses yeux couleurs sang me permettent de me maintenir à la réalité. C’est un vampire et plus précisément la succube d’Eleazar. « J’en ai une vague idée si... Pourtant ici tu es sur mon territoire. Je suis respectée à HeartKiller, et entre Eleazar et moi il n’y a pas de relation maître/esclave, nous sommes dans la confiance et le respect, quoique tu puisses en penser. Ici je fais partie de l’élite. » Je ricane une nouvelle fois, étouffant mon rire dans une légère quinte de toux. « Laisse-moi rire… Pour moi tout ça c’est des belles conneries de vampires. T’es simplement son objet favoris mais il te laisse croire le contraire ! » Cette idée me révulse. J’imagine alors tout ce qu’il a pu lui faire. Il a osé m’enlever ma femme, tuer mon futur fils, la changer en vampire sanguinaire et en plus de ça il l’a surement touchée. Ma mâchoire se crispe pendant un instant et je ferme les yeux pour ne pas m’énerver, pas encore. Elle semble énormément attachée à lui comme un chien fidèle à son maître, prêt à se jeter sous les roues d’une voiture si c’est pour le sauver. Elle réagit de la même façon et je crois bien n’avoir jamais croisé de personnes aussi dévouées. Le lavage de cerveau à la vampire est donc si efficace que ça ?

« Je ne suis pas là pour t’offrir ce que tu préfères Logan. » Je tourne mon visage d’un côté puis d’un autre pour me faire craquer la nuque. Cette position plus la tension qui me parcourt le corps entier ne fait pas un bon mélange. L’herbe est humide et la terre irrégulière m’offre des creux par-ci par-là avec des cailloux qui me rentre dans la chair à deux endroits distincts, le bas du dos et sous mon épaule gauche. Je retourne mon attention sur elle. « Tu m’offres le choix entre te suivre et devenir ton esclave ou bien me tuer… Je choisis tout simplement. » Je zappe le moment où elle me présenterait à Eleazar, en fait je ne veux pas le rencontrer pas avant d’être sûr de pouvoir lui planter un pieu dans son cœur surement déjà en cendre. « Tu crois que je n’ai pas voulu me tuer moi aussi ? J’ai essayé, heureusement sans succès. Quoiqu’il en soit je ne parle pas de te transformer... Et tu viendras avec moi, que tu le décides ou non. » J’ai envie de lui répondre du tac au tac mais je me retiens. Après tout si elle décide de vraiment m’emmener avec elle, j’aurai le temps nécessaire pour continuer à parler. Je ne la lâche donc pas du regard tout en enregistrant la moindre de ses paroles. « Ne m’oblige pas à te prendre assez de sang pour que tu sombres dans l’inconscience le temps que je te ramène avec moi. Je le ferai, n’en doute pas un instant. » Son visage s’avance ensuite plus prêt du mien. Ses lèvres effleurent les miennes que je laisse figées. Je ne sais pas trop ce qu’elle a en tête mais même si elle me révulse, le désir que j’aie s’illumine sous ce rapprochement. Un désir que je ravale aussi vite qu’elle reprend sa position initiale. Je retiens un soupire et m’oblige à tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de prendre à mon tour la parole. « Je n’en doute pas, tu es bien trop différente pour que je m’amuse à mettre en doute tes paroles… » Impossible de vous dire pourquoi ni comment mais j’ai comme un poids qui s’enlève de mes épaules. J’ai l’impression d’avoir enterré enfin ce chagrin qui me persécutait depuis l’accident. J’ai Amanda devant – ou plutôt sur – moi, je sais qu’elle n’est pas la même, pourtant cette discussion, cette colère que j’ai exprimé… Tout ça résonne comme un repentis. Je ne sais pas encore si je dois prendre tout ceci assez bien ou pas, mais qui vivra verra. Bon ok, je ne sais pas encore si je vivrais bien longtemps vu que je vais rentrer dans la cité mais au moins je me sens plus léger.

Ce qui est certain c’est que je ne vais pas mourir avant de me trouver devant Eleazar alors je me détends légèrement. Je prends un air moins grave puis feignant une grimace en coin je reprends la parole. « Bon ce n’est pas que t’avoir sur moi ne me plaît pas mais ce n’est plus très confortable comme position… Nous aurons tout le temps de discuter sur le chemin à mon avis. » Je me repasse ensuite vingt fois la même phrase que tout à l’heure, « ce n’est pas la même » puis en rajoute une : « Je déteste les vampires » pour bien me remettre ces idées-là en tête et que je ne les oublies pas pour les beaux yeux rouges sangs de mon ex-femme qui représente à elle seule tout ce que je hais et tout ce que je désir.

Allongé sous son poids plus léger que je pensais je me demande pourquoi tout a si facilement basculé. Ma vie est un champ remplis de péripéties plus farfelues, plus douloureuses les unes que les autres et me voilà à sourire malgré tout. J’imagine que pour Amanda ça n’a pas été une partie de plaisir aussi… Enfin je dis ça mais au final je n’en sais rien puis elle semble plus épanouie que jamais en suceuse de sang. Je fais comme si de rien été et ce poids en moins sur mes épaules m’aide bien mais à l’intérieur une bataille fait rage entre la raison et la haine. Parce que je me dis que tout est de la faute de cet Eleazar et je ne suis pas bête, je sais très bien que si je lève le petit doigt sur lui Amanda serait prête à me tuer. Moi celui qu’elle a aimé elle serait surement ravie de me trancher la gorge si j’entailler son maître adoré. Quelle ironie, vive l’amour ! A quoi bon l’avoir aimé, à quoi bon avoir pu mourir pour elle si en moins d’une demi-seconde elle pourrait m’ôter la vie sans regrets ? Je n’avale toujours pas la façon dont elle a balayé l’enfant que nous étions sur le point d’avoir. Ce qu’elle m’a dit sonné comme un soulagement, comme si c’était quelque chose de vraiment insignifiant de donner de l’intérêt au fœtus qui grandissait en elle et qu’elle a perdu. Voilà pourquoi je sais que je me trouve en grande partie devant une inconnue. Amanda aurait été une mère formidable, faisant passer notre fils avant elle et le chérissant comme la prunelle de ses yeux.
Mais dieu avait d’autres projets pour elle et pour moi. Jamais je ne connaitrais la joie d’être un père, d’avoir une famille, de rentrer chez moi après le boulot et retrouver ma femme aimante ainsi que mes enfants surement un peu difficiles à éduquer mais que je protégerais plus que ma vie elle-même. Je vais mourir ici, au mieux dans un combat contre Eleazar que j’emporterai avec moi, au pire en tant qu’esclave qu’il prendra un malin plaisir à torturer. Je me demande alors si mes frères et sœurs pensent à moi. S’ils croient que je suis mors ? Surement, après tout j’ai eu un crash d’avion et disparu… Mon père avec sa saleté de prostitué n’est surement même pas au courant et ma mère alcoolique doit être encore plus imbibée que d’habitude. Magnifique. Non il ne vaut mieux pas que je continue à penser à tout ça, cette vie n’est dorénavant plus un lien, il faut que je la mette de côté pour pouvoir avancer comme j’ai l’habitude de faire. « Tu aimerais bien, n’est-ce pas ? » Je reste muet mais mon regard en dit assez long comme ça. Ce n’est aucunement le fait d’aimer ou pas que ce soit ainsi, je sais pertinemment que ses vampires changent de humains par simple cupidité, à celui qui aurait le plus beau chef d’œuvre, le plus joli jouet et le meilleur esclave. A un détail prêt, il serait esclave par envie et en aimant ça. Je me contente de sourire et la laisse dans son délire. Je vois dans son regard qu’elle est réellement certaine de ce qu’elle avance puis comme dit plus tôt, Eleazar semble représenter énormément pour elle donc mieux ne vaut pas que je le dénigre de trop pour l’instant. Ça me fout la rage de devoir me dire tout ça, de voir qu’elle est raide dingue de ce gars…. Ce gars qui a bousillé ma vie.

« Pourquoi ? Avant tu ne me croyais pas quand je te disais quelque chose ? » Un sourire en coin se forme à nouveau et je hausse – comme je peux – les épaules. « Non, je savais quand tu mentais c’est différent… » La voir feindre un sourire me déstabilise. J’ai l’impression de la retrouver et c’est mauvais signe. Ce n’est pas la même Logan, fait pas le con ! Que mon cœur arrête de s’emballer pour ça, que mon désir retombe aussi vite que tout à l’heure, Amanda n’est plus qu’un vampire qui pourrait me tuer juste parce que son maître le lui demande. Je ne dois plus rien ressentir pour elle, je dois l’effacer et surtout ne plus la considérer comme celle que j’ai aimé. Mais… Ce n’est pas facile, je ne suis pas si fort que ça, pas aussi vite. Quand elle me parle comme ça j’ai l’impression de nous revoir dans notre premier appartement, sur le canapé, elle dans mes bras devant un film que je finissais toujours par critiquer et elle qui me taquinait pour me faire rager encore plus. Ça finissait toujours par des rires et souvent sous la couette. Des fois j’étais le plus fort et on se chamaillait jusqu’à ce que je la laisse gagner, puis parfois elle me retournait comme une crêpe et fière d’elle, elle se jetait ensuite dans mes bras. Mais tout ça, tous ses moments de bonheurs ne sont que de simples souvenirs que je dois vite effacer parce que celle que j’ai en face de moi ne sera plus jamais comme ça. « Merci de te montrer raisonnable. » Je reste muet et la laisse se relever. Je soupire soulagé de ne plus sentir son emprise sur mes poignets et me redresse après elle. Je me fais rouler une épaule, celle que le caillou torturait depuis le début puis machinalement me baisse pour prendre mes pieux. Mais je m’avise jetant un coup d’œil à Amanda avant de suivre la direction qu’elle me pointe du doigt. « Bon j’imagine que je ne vais pas en avoir besoin. » Je soupire puis commence à marcher. Je me dirige vers la cité et vers Eleazar par la même occasion. Prenez-moi pour un fou mais tout ça m’excite malgré tout. Je vais enfin l’avoir en face de moi, me reconnaîtra-t-il ? Reconnaîtra-t-il le visage de l’homme dont il a foutu la vie en l’air ? Ce qui me réjouit le moins c’est son histoire d’esclave, je n’ai aucunement envie de faire le bon chienchien à qui on lance un os au sol après avoir tout mangé. Elle me laisse passer devant et je ne me fais pas prier, de toute façon je suis comme son prisonnier donc bien évidemment qu’elle ne me laissera pas derrière sans surveillance. « Comment t’es-tu retrouvé ici ? » Je continue sans me retourner. « Toujours aussi curieuse alors… » Un trait de caractère qu’elle avait déjà avant l’accident mais je ne m’avancerais pas à lui rappeler. Je marche sur quelques mètres dans le silence puis reprend la parole. « Un crash d’avion, je voulais me faire une nouvelle vie en Australie. Je pensais pas à ce genre de vie mais bon… Je ferai avec ! » Je souris sans joie, accusant en même temps le poids de mes paroles.

On finit par rerentrer dans la forêt. Je pousse une branche de devant moi et en la retenant pour ne pas qu’elle revienne sur Amanda. Un geste plus instinctif qu’autre chose, en tout cas c’est ainsi que je me rassure. Je me suis décidé à ne plus la voir en tant qu’humaine. « Et toi si je peux me permettre… Comment tu t’es retrouvé ici ? Un choix ? » Je sais bien que peu importe la réponse ça ne changera rien mais je veux savoir ce qu’il s’est passé, j’en ai marre d’être l’ignorant… « Tu vois ce qui me fout le plus en rage Amanda c’est que tu ais parlé ainsi de notre enfant. Je veux bien accepter que maintenant nous sommes ennemis, que tu sois l’objet d’un vampire et préfères un mec accro au glauque à celui avec qui tu as partagé un bon moment de ta vie. Mais parler ainsi de l’enfant que nous aurions pu avoir… Je crois bien que je te hais plus pour ça qu’autre chose. » Je parle en gesticulant comme à mon habitude avec mes mains. Je suis assez expressif et même si mes paroles sont dures, je n’ai jamais été hypocrite, Amanda le sait, si j’ai quelque chose sur le cœur je le dis, quitte à blesser. Je ne compte pas la jouer autrement avec elle, pas quand nous sommes tous les deux. Elle a encore ses souvenirs d’humaine donc ça signifie qu’elle peut réagir comme une humaine. Puis alors que j’attends sa réaction j’entrevois à travers les arbres plus loin, les murs de la cité. Nous y voilà.

Je n’ai jamais été un homme au caractère facile. Je le sais très bien et Amanda aussi le savait très bien. Je me suis forgé un caractère en adéquation avec tout ce que j’ai dû vivre donc aujourd’hui il m’est impossible de changer quoi que ce soit, surtout que le présent n’est pas plus doux que le passé. Cette maudite île n’est pas un lieu paradisiaque idéal pour se reposer et je défie les vieux riches de venir y séjourner leur retraite. Cependant j’ai tenu deux semaines sans me faire attraper, deux semaines c’est plus long que beaucoup de naufragés mais comparé aux survivants que j’ai croisé, ce n’est pas non plus le maximum. Je m’en veux, surtout que je me fais capturer par ma femme, enfin je ne sais plus trop comment la définir. Il est clair que nous n’avons plus de lien amoureux et en plus de ça c’est mon ennemie. Cependant je l’ai toujours vu comme telle donc ce n’est pas aisé de me dire que désormais elle est un simple vampire. Alors que nous marchons dans la forêt je commence à me demander comment je m’organiserai, il est clair que je ne vais pas rester esclave ad vitam aeternam mais entrer dans la cité est une occasion en or pour mener mes petites recherches. J’attends de trouver Eleazar et voir comment lui rendre la pareille, je ne suis pas un homme banal qui s’arrête à des limites, non moi j’ai des objectif et peu importe si les concernés sont des vampires ou des humains. Si je n’ai pas de but mieux vaut mourir et celui que j’ai me donne bien trop d’entrain pour me laisser moisir en tant qu’esclave sans broncher. Si j’échoue et que je meurs et bien tant pis, j’aurai essayé, mais cette idée n’est pas la plus présente dans mon esprit. Je suis sûr de moi, plus entêté vous ne trouverez pas.

Parfois je me laissais aller à l’idée de devenir comme eux pour pouvoir mieux les exterminer. Mais ce n’est pas la solution qui me plaît le plus, à vrai dire ça me fou les boules de me restreindre à une telle faiblesse. Ce n’est pas pour les autres humains, non, c’est pour moi. Je les hais, je hais ce qu’ils sont et ce qu’ils font ici donc pourquoi risquer de leur faire plaisir en les rejoignant ? Puis vu les talents qu’ils ont à retourner le cerveau de quelqu’un ça me tuerait qu’ils y arrivent avec moi. Donc et bien je me suis résolu à rester humain et à trouver comment me venger de ce vampire du mieux que je pouvais. Ça va surement prendre du temps j’en suis conscient mais j’y arriverai, je réussirai à lui faire autant de mal qu’il m’en a fait. Bien sûr je pense que si je peux aller jusqu’à le tuer je le ferai parce qu’il aura plus de chance de me rendre le triple que le contraire. Entrer dans cette cité me permettra surement de voir son entourage, je m’entends bien ne pas lui faire de mal via Amanda, sauf si je réussis à la rallier avec moi… Ce qui me semble impossible pour l’instant. Tout en réfléchissant à ça, je manque presque d’écouter ce qu’elle me dit. « Non. C’était juste le chemin. Après ma transformation, j’ai été amenée ici, il me fallait être entourée pour mon apprentissage, et comme je voulais mourir, il fallait me surveiller. » Entourée hein… La bonne blague. J’esquisse un sourire. Tout ça me semble bien trop ’’beau’’ pour être vrai, je suis certain que ce qu’il y a dans la tête de son maître c’est quelque chose de plus vil qu’une simple aide… Puis l’ambiance prend pas mal de degrés en moins, j’ai beau ne pas la voir je sais que ce que je viens de lui lancer sur notre enfant ne lui a pas plu. « Cet enfant, je l’ai pleuré bien plus que tu ne l’imagines. Et j’ai aussi pleuré celle qui devait le mettre au monde. Je ne me suis pas éveillée vampire et heureuse en un claquement de doigts figure-toi ! » Je soupire et laisse s’échapper un sifflement agacé. Je n’aime pas qu’on me prenne pour un idiot et vu comment elle me l’a dit tout à l’heure c’est qu’elle ne ressent plus rien à ce sujet.

Je vais pour rajouter quelque chose quand elle reprend la parole. « Mais je préfère qu’il soit mort. Tout simplement parce que si ça n’avait pas été le cas, ça voudrait dire qu’il est vampire. Et les enfants vampires... On ne les éduque pas comme on éduque les adultes, ils deviennent sauvages, ingérables. Alors oui, je préfère que les choses se soient passées ainsi au vu des circonstances. Tu peux me haïr pour ça... Mais tu aurais eu deux vampires à haïr aujourd’hui au lieu d’un. » Je serre les poings énervé. Elle n’a pas à souhaiter ce qu’il s’est passé, elle n’a pas à parler aussi légèrement de la haine que j’ai pour elle ou pour ce qui aurait été notre enfant. N’a-t-elle vraiment plus aucune humanité en elle ? Je m’oblige à attendre quelque seconde avant de lui répondre pour ne pas faire l’impulsif. « Détrompes-toi, je ne te hais pas parce que tu es un vampire mais parce que tu penses comme eux. Celui que je hais c’est ton cher maître et contrairement à toi j’aurai simplement préféré que rien de tout ça n’arrive. » Je savais que sur ce sujet qui nous différenciait ça allait faire comme nos chamailleries. Chacun resterait dans son camp et continuerait de le défendre tant que l’autre ne cèdera pas. Je ne compte pas fléchir sur ça et elle non plus apparemment.

Puis elle me sort un discours digne d’un hippie humanitaire. « L’humain règne en maître absolu sur la terre. Supérieur aux animaux et aux plantes, il en fait ce que bon lui semble. Il détruit les forêts, il tue des animaux pour se sustenter, apprivoise chiens et chevaux... Mais voilà, l’humain n’est pas l’être supérieur ultime sur cette planète. Nous sommes plus forts, plus rapides, moins fragiles, immortels. Alors nous nous comportons avec vous comme vous le faites avec les animaux, et vous ne le supportez pas. Il n’y a rien de mal à être un vampire, pas plus que d’être un humain. » Cette approche n’est pas bête en soit, mais le problème c’est qu’elle me parle à moi et non pas à un homme quelconque. Alors que nous sortons de la forêt je laisse mon regard virevolter sur ces remparts dignes des films médiévaux. « N’essaie pas de trouver des excuses, je ne suis pas du genre à excuser ce que l’homme fait à la planète donc ce n’est pas le bon discours à me faire. Tout ce que je vois c’est que vous chassez et tuez des innocents. Vous les réduisez en esclaves et vous vous croyiez supérieur. Tu devrais être contente, tu es arrivé à leur niveau au moins maintenant… » Parler de ça m’énerve et ça peut paraitre étrange mais même si elle est devenue l’une des leurs je n’aime pas m’énerver contre elle. Quand nous étions ensemble nos querelles d’amoureux ne duraient pas très longtemps, je détestais me mettre en rogne contre elle, je préférais vite tout arranger pour repartir sur de bonnes bases et pouvoir à nouveau rire avec elle, l’embrasser et la serrer contre moi. Ce soir j’ai toujours la même impression, parler ainsi me fout la boule au ventre et ça me démange de tout arranger. Cependant je n’en ferais rien, j’imagine qu’elle ne s’attend pas non plus à redevenir bonne copine avec moi. Nous finissons donc par arriver à l’entrée de la cité et les gardes nous regardent à peine. « Ne fais pas de vagues Logan, essaie de faire taire cette colère générée par le passé et vois comment tu pourrais vivre au mieux ton avenir à HeartKiller... Avec moi. » Je manque de m’étrangler. Je me retourne vers elle très, très surpris de ce qu’elle vient de dire. J’ai envie de lui crier un gros « Quoi ? » mais je n’en fais rien. Des vampires trainent partout et je ne préfère pas trop attirer l’attention, je sais bien que maintenant que je suis à l’intérieur des remparts mon statut a changé. Je ravale donc ma salive puis enlève l’expression surprise de mon visage pour me remettre à marcher à son niveau. Je lui réponds donc de voix basse. « La bonne blague. Je vais éviter de faire des vagues oui mais c’est tout… Maîtresse ! »

Au fond de moi j’ai envie qu’elle se morde les doigts de ce qu’elle me fait, j’ai envie que les regrets la ronge et qu’elle soit presque au bord des larmes de devoir faire ce qu’elle fait. Mais je sais bien que ce n’est que des fantasmes. Elle aime son devoir, elle aime obéir et ne pas avoir à réfléchir quand son cher Eleazar lui demande de tuer ou de capturer des humains. Est-elle différente avec moi ? J’aimerai peut-être oui, mais je n'en sais rien je ne l’ai jamais vu avec d’autres humains. On s’arrête ensuite devant une porte en bois massif et elle y frappe trois coups avant qu’un garde ne l’ouvre. Ils échangent deux mots, simplement pour qu’il me trouve une chambre où je serais seul. Comment je dois le prendre ? Suis-je à envier ou le contraire ? Je n’en sais rien, peut-être bien que sur ce coup elle me fait une faveur. Le gardien s’inclina sans grande conviction je crois que l’idée de ne pas pouvoir lever la main sur moi ne lui plaisait guerre. Moi ça m’étire un large sourire avant de l’effacer aussitôt après qu’il m’ait envoyé un regard digne de ses animaux sauvages prêt à bondir sur vous. Amanda lève donc les yeux vers moi. « Ca ne sera pas long, je fais en sorte d’accélérer les choses. » Je passe ma main sur ma nuque puis étire mon dos en ne la lâchant pas du regard. « Ok miss… Enfin maîtresse ! » Je prends ça peut-être trop à la légère mais au point où j’en suis-je peux en profiter un peu. Le gardien s’écarte donc pour me montrer la route, dans ce cas un long couloir en pierres apparentes à notre droite. Je m’avance d’un pas, me retourne vers Amanda et lui fais un clin d’œil avant de prendre la route. Après quelques mètres je sais qu’Amanda est maintenant loin car le gus qui me suit semble s’agiter. Il doit hésiter entre réellement me laisser sans rien ou désobéir pour un petit bobo par-ci par-là. Faut croire qu’Amanda a de l’influence parce qu’il ne fait rien malgré que nous marchions maintenant depuis bien dix minutes. Ce bâtiment ne semblait pas si grand vu de l’extérieur, au moins c’est sûr que pour retrouver le chemin de la sortie faut avoir un bon sens de l’orientation parce que tout se ressemble ici.

Puis d’un coup je sens un courant d’aire me frôler, le gardien m’a surpassé à une vitesse surnaturelle et me stoppe en me foutant un coup de poing dans mon épaule. Cet enf**** ! Je ramène automatiquement ma main sur mon épaule et me mords les lèvres pour ne pas jurer ou le traiter de tous les noms. Au début courbé à cause de la douleur qui me parcourt l’épaule, je finis par me redresser en essayant de garder mon calme. Lui sourit et me montre à ma gauche une porte. « Voilà ta chambre… Pas trop mal esclave ? » Je passe ma langue sur mes lèvres pincées et commence à rentrer dans la chambre. « Non ça va jusqu’à aujourd’hui les piqûres de moustiques ne m’ont pas fait mal… Gardien. » Je ressens son hésitation à me tuer sur le champ ou pas, mais quand je me retourne pour lui faire face avec un petit sourire, lui a perdu le sien et est toujours hors de la chambre. Il siffle donc entre ses dents des jurons et un « Attention à toi plus tard » avant de disparaître en prenant bien attention de verrouiller la porte avant. Une fois fait, je soupire et me laisse tomber sur le lit bien plus dur que ce que je pensais. La chambre n’est pas bien grande mais c’est tout de même mieux que ce j’imaginais. Je voyais les esclaves dans des cages humides à dormir à même le sol. Là j’ai un lit qui peut faire deux places et même un meuble avec une chaise en face. Sur le côté j’ai un lavabo et un pot dont j’imagine que trop bien l’utilité. On est retourné au moyen âge, tout est éclairé par des bougies. Mon épaule me lance mais j’ai mon cœur qui m’empêche d’y faire trop attention. Ce satané gardien, je lui ferai payer, à cause de lui je vais avoir un beau bleu et pourtant je sais très bien qu’il n’y a pas mis toute sa force. Tsss. Agacé je me redresse en position assise et pose ma tête dans le creux de mes mains attendant qu’Amanda revienne, avec ou sans Eleazar.

Dans cette chambre qui devient telle une cellule de prison je me sens déjà comme un animal sauvage qu’on a enfermé. Je lève mes yeux vers le mur en face de moi et plonge dans diverses réflexions. La flamme danse et emmène avec elle plusieurs ombres qui virevoltent partout dans la pièce. J’ai l’impression de ne plus être sur l’île, c’est bizarre, pour moi elle représente ce que je vivais c’est-à-dire un cabanon sans bougies donc sans lumière la nuit et avec le stricte minimum. Humide, même froid, sans aucun confort. Là, même si au niveau humidité ce n’est pas bien différent, il fait tout de même moins froid et le lit est dix fois plus agréable que le vieux tissu suspendu qui me servait de hamac. Un bien pour un mal ? Non quand même pas, je préfère vivre dans le cabanon en tant qu’homme libre qu’ici en tant qu’esclave. Cependant comme ça tombe bien pour mes recherches et comme je ne compte pas m’éterniser ici, autant en profiter. Je me relève douloureusement pour essayer de voir à travers la fenêtre mais le verre est aussi épais qu’un cul de bouteille, impossible de déceler le moindre détail extérieur. Tout ce qui s’était passé ce soir m’avait démoli, j’avais le corps souffrant par tous ce que j’avais pris. Je passe alors machinalement ma main sur mon épaule endolorit et grimace alors que j’appuie légèrement sur l’endroit où ce foutu gardien ma frappé. J’y jette donc un coup d’œil et découvre une grosse plaque rouge qui se marie plutôt bien avec la luminosité ambrée qui règne dans la chambre.

Debout je me demande ce qu’il se passera maintenant. Amanda est partie chercher Eleazar et la confrontation n’est qu’une question de temps. Le tout est de savoir si je pourrai contenir toute la haine que j’ai envers lui. Pourrais-je feindre mon envie de vengeance assez bien pour qu’il ne la décèle pas ? Peut-être qu’il me faudrait un peu plus de temps, un peu plus d’assurance et d’expérience en matière de discussion avec un vampire pour pouvoir échanger avec lui. Mais tant pis, ce soir normalement je n’en aurai pas le choix. Tout reposera sur les quelques premières minutes, si j’arrive à me tenir face à lui sans le tuer du regard et bien tout devrait se passer sans problèmes. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire comme on dit, surtout avec moi. Je me redirige donc vers le lit où j’étais assis en arrivant et me replace à l’identique, replongeant mon visage dans le creux de mes mains. Fermer les yeux me fait du bien, ça me repose l’esprit et me détend un minimum. Je prends une grande inspiration qui ravive plusieurs douleurs que j’avais presque oublié et expire tout lentement. Je sais au moins qu’une fois dans ce lit je dormirai comme un bébé. J’espère en tout cas parce que je sens que j’ai besoin de sommeil, depuis mon arrivée sur l’île je n’ai pas eu droit de dormir plus de 4h d’affilées. Deux semaines comme ça et en plus le stress permanent de devoir faire attention pour ne pas se faire capturer… J’ai réellement besoin de sommeil.

Puis j’entends des pas dans le couloir, Amanda et Eleazar surement. Je ne bouge pas en attendant dans le calme le plus profond possible. Mes yeux s’ouvrent sur le sol et je laisse mes bras tomber sur les genoux. L’homme que je hais le plus est derrière cette porte aux côtés de la femme que j’ai aimé plus que tout. Puis la poignée se tourne dans un grincement strident et la porte en bois laisse apparaitre Amanda. Amanda toute changée, les cheveux détachés et avec une longue robe bleu en voile. Sublime, je la regarde entrer… Seule. Mon regard le cherche mais je ne vois que du vide. Elle referme ensuite la porte derrière elle et je comprends alors qu’il ne viendra pas. Mais pourquoi a-t-elle pris la peine de se changer ? Je ne comprends pas vraiment, en même temps c’est une femme donc je ne peux pas non plus tout savoir. « Eleazar est à l’extérieur... Il faudra attendre un peu. » Je le savais ou en tout cas je m’en suis douté. Cependant quelque chose a changé chez elle, je ne sais pas si c’est le fait d’avoir changé d’habit mais elle a quelque chose de différent comparé à tout à l’heure. De mon regard j’essaie de percer le sien mais j’avoue ne pas avoir anticipé ce qu’elle fit. Passant ses mains dans son dos, je vois alors sa robe glisser le long de ses épaules, sa taille et ses hanches pour finir au sol. Nue et d’une peau aussi blanche que ce que j’avais vu dehors elle s’approche de moi. Mon regard longe son corps, ce corps que j’avais touché un nombre incalculable de fois et que j’avais désiré plus que tout. Alors qu’elle s’agenouille face à moi je ferme mes yeux. Il faut que je réfléchisse, il ne faut pas que je cède, son comportement est bien trop différent pour que ça ne cache rien de louche.

Puis elle place ses mains sur mon visage et presse ses lèvres contre les miennes. Au début un baiser léger qui se change en un plus passionné, mélangeant sa langue avec la mienne. Je n’arrive pas à croire que j’embrasse un vampire, je n’arrive pas à croire que j’embrasse ma femme que je croyais morte. Pourtant, le désir est ravivé par ce baiser et pas qu’un peu. Je me sens au bord de l’explosion, au bord de la rupture. Je tiens le temps du baiser mais c’est trop m’en demander. A partir du moment où je rouvre mes yeux sur elle s’en est fini. Mon esprit part en vrille et ne laisse place qu’au désir bien trop longtemps refoulé. Je retire mon marcel en ne prenant pas garde à la douleur à mon épaule et passe ma main dans sa chevelure tout en reprenant le baiser, cette fois plus brutale. Je m’avance vers elle la forçant à se relever et la plaque au mur derrière. Mes lèvres quittent les siennes pour descendre dans son cou, sa peau est froide mais ça ne me perturbe pas plus que ça pour le moment. Ma main gauche descend le long de sa poitrine, de sa taille et jusqu’entre ses jambes. Puis je m’arrête, le souffle court, relève ma main et la plaque au mur à côté d’elle. « Pourquoi tu fais ça ? » Cette épreuve n’est pas des plus faciles pour moi. J’ai tellement de désir pour elle que je serais prêt à lui faire l’amour sans cesse pendant plusieurs jours s’il le faut. Mais tout ça… Ce n’est pas normal. « Tu ne peux pas savoir comme j’ai envie de toi, mais vu la soirée je pensais que tu serais plus du genre à me torturer plutôt que… Ça. » J’ai beau m’être arrêté, je reste là, plaqué contre elle avec toujours autant de désir en moi. Ma mâchoire est crispée tellement j’ai du mal à me retenir mais je veux savoir, hors de question qu’elle se joue de moi.

Son parfum remonte le long de mon être et se loge dans mon cerveau, me faisant revivre nos plus beaux souvenirs, nos plus torrides nuits. Il est clair que j’ai toujours trouvé Amanda plus séduisante et plus belle que n’importe quelle femmes, je ne l’ai jamais trompé et l’idée ne me venait même pas à l’esprit, j’avais la femme parfaite pour moi. Tout m’attirait chez elle et là, de ressentir cette proximité, ces lèvres sur les miennes ça ne fait que me donner l’impression de revenir en arrière. C’est plus fort que moi, malgré tout ce qu’elle est devenue et bien son corps m’appelle et le mien répond plus que souhaité. Après sa mort j’avais eu une relation plus sexuelle qu’autre chose avec Anastasia mais ce n’était pas pareil, ça n’a jamais été pareil et ça ne sera jamais pareil. Si j’étais du genre à croire aux âmes sœur je vous dirais qu’Amanda était la mienne. Mais je ne suis pas vraiment très croyant donc je ne vous le dirais pas, la seule chose c’est que ce que je ressentais pour Amanda, jamais je ne le ressentirai à nouveau pour une autre femme. Mon corps entier est sous tension, j’ai l’impression que mes muscles vont éclater à force de se contracter. Je peux très bien me laisser aller, en fait je n’attends que ça, mais sa réaction est tellement étrange que je sens l’anguille sous roche. Seulement est-ce que ça vaut la peine de ne pas profiter de ce moment pour pouvoir gouter à son corps une nouvelle fois ? Je devrais justement faire comme si de rien était, après tout si elle vient d’elle-même c’est qu’elle a toujours envie de moi.

« Parce que j’en ai envie... » Bon voilà j’ai la confirmation. Mon regard se baisse le long de sa nuque pour atterrir sur sa poitrine. Elle n’a pas changé d’un poil, puis en même temps ça ne devrait pas m’étonner, elle est devenue immortelle, elle ne changera plus jamais. Moi si j’ai de la chance je vais pouvoir vieillir et atteindre mes beaux jours pour enfin mourir, si j’ai moins de chance je mourrais tué par un buveur de sang. Sur cette île je ne crois pas que la moyenne d’âge pour décéder est ben haute. Après tout ma vie ici est comptée, combien de temps vais-je rester vivant ? Autant c’est une question de jours ou bien d’heures. Donc même si c’est seulement une hypothèse et que je ne compte pas me laisser tuer si facilement qui sait si cette nuit sera ma dernière ? Un sourire m’éclaire de l’intérieur. C’est alors que je sens un contact froid sur ma joue. Amanda y a posé sa main et plante son regard dans le mien. « Jamais je n’ai voulu te torturer. A ton avis, pourquoi j’ai décidé de te prendre comme esclave ? C’est pour te protéger. J’ai beau mépriser les humains à présent, je ne peux oublier à quel point tu m’as rendue heureuse quand j’en étais une. Je t’ai tant pleuré... Je ne voudrais pas qu’on te fasse de mal. J’étais en colère tout à l’heure, justement parce que je sais le sort réservé aux humains ici. Il fallait que ça soit moi qui te ramène plutôt qu’une autre succube, pour ta sécurité. Je ne fais pas tout ça pour te torturer. » Je laisse s’échapper un soupir. Je commence à en avoir marre de toutes ses histoires, me prendre la tête avec elle, m’énerver, me faire capturer… Tout ça m’a exténué. Je fais donc l’impasse sur la partie esclave pour garder le mieux de tout ce qu’elle m’a dit. J’essaie cependant de ne pas m’y accrocher, sachant qu’elle a beaucoup changé je ne peux pas réellement lui faire confiance, je ne sais pas comment sont traités les esclaves, tout ça n’est peut-être qu’une supercherie pour me faire flancher et me faire devenir l’un d’eux. Après tout ils savent mieux que quiconque retourner le cerveau pour que les gens les rejoignent par leur bon vouloir au final.

Je repose ma main sur son épaule et la descend le long de son bras en une caresse. « Je dois donc te remercier alors… » Cela sonne plus comme une interrogation dans ma tête mais je l’exprime comme une affirmation comme ça elle y trouve ce qu’elle souhaite et si ça peut la rendre encore plus ’’gentille’’ avec moi et bien ça me va. Après tout tant que je suis dans cette cité autant jouer à peu près bien l’esclave docile. Enfin c’est facile à dire, je ne pense pas pouvoir être comme ils veulent surtout une fois que je serais face à Eleazar. Enfin pour Amanda je peux faire l’effort, ça m’évitera de m’apporter plus de problèmes que je risque de créer après. Ses lèvres retrouvent ensuite les miennes et finissent par se diriger vers mon oreille. « J’ai envie que tu me fasses l’amour... J’ai envie de toi... » Très bien, maintenant j’arrête de faire mon difficile. Un sourire en coin, je descends ma main vers mon jean, déboutonne et laisse tout tomber à mes pieds avant d’envoyer balader mes affaires plus loin. Elle comme moi maintenant nus, je prends sa cuisse et la relève contre moi tout en l’embrassant langoureusement. J’ai envie de la sentir, de me sentir en elle et de ne plus réfléchir. Je la soulève alors contre le mur et me laisse aller en elle. Ça n’a pas résisté et cette sensation fini de m’achever. Je lui fais alors l’amour par moment plus brutalement que d’autres, laissant la passion me guider. Je goûte à chaque partie de son corps, je la redécouvre comme pour la première fois et fait durer le plaisir. Que ce soit contre le mur, sur le lit, par terre ou sur le meuble je continue de lui faire l’amour sans ressentir la fatigue. Mon être entier et en ébullition et je sens que c’est un plaisir plus que partagé. Tous les gémissements, tous les petits cris qu’elle peut laisser échapper ne font que plus me donner envie d’elle, plus vite, plus doucement, avec délicatesse et avec sauvagerie. J’ai la sensation que le plaisir n’a pas de limite ce soir.

Puis après un laps de temps que je n’ai pas pris la peine de compter, alors que je nous sommes sur le lit, moi sur elle, alors que j’ai arrêté de compter le nombre de fois où elle a jouie et que j’ai pour ma part atteint la limite trois fois sans avoir réussis à assouvir ma soif, à ce moment-là, la fin se fait sentir. Plus pour ma part à vrai dire, je suis humain je n’ai pas autant d’énergie que ceux de son espèce même si je ne pense pas que beaucoup d’hommes auraient tenus aussi longtemps que moi cette nuit. Je me retiens le plus possible mais il suffit alors qu’elle bouge son bassin pour réduire à néant mes efforts. Je l’emporte avec moi dans la jouissance puis le souffle court, je reste sans bouger un instant. « Je… » Je me pince les lèvres entre deux inspirations. J’avais pour l’habitude de lui dire que je l’aimais quand nous faisions l’amour. On n’était pas le genre de couple à se faire des papouilles en publique et se dire ’’je t’aime’’ tout le temps. On profitait souvent de ce moment pour se le dire, pour mettre du poids sur nos mots. Mais aujourd’hui ça ne se fera pas, non je ne peux pas lui dire, pas parce que ça serait mentir, après tout j’ai toujours aimé Amanda et ça ne change rien, cependant nos relations sont bien trop difficiles et dignes d’un film dramatique pour se laisser aller à des sentiments. Je me retire alors d’elle, pose un instant ma tête sur son ventre et m’assois au bord du lit, je donnerai n’importe quoi pour une bonne cigarette là. Après avoir repris mon souffle, je tourne ma tête vers elle et admire son corps une nouvelle fois avant de tendre ma main vers la sienne et la serrer. Un acte bien tendre comparé à ce que j’étais prêt à faire lorsqu’on était dans la clairière. Puis je la relâche pour me frotter la nuque, moi qui voulais me détendre, tout ça n’avait pas vraiment aidé. « Tu comptes faire quoi maintenant ? » Ma voix est grave comme la plus part du temps que je parle calmement sans hausser le ton. Amenant deux doigts sur mes lèvres, je damnerais réellement pour une clope. Je tourne alors mon regard vers le sien. « Vous n’avez pas de cigarettes ici ? » Je doute que les vampires en fument mais ça ne tente rien d’essayer…

Cette soirée est en soit un paradoxe à elle seule. J’ai été en colère, triste, haineux, envieux, joueur et sentimental. Rien de tout ça ne colle, rien ne de tout ça ne devrait être vécu en seulement quelques heures. Pourtant ça s’est bien passé et mon cœur exténué tout autant que mon corps ne faisait que me le rappeler. J’ai pourtant la sensation d’être plus léger tout en ayant le cœur plus meurtrie. J’ai eu ces deux dernières heures un plaisir non mesurable de pouvoir regoûter aux délices du corps d’Amanda. De pouvoir prendre un plaisir que j’ai tant recherché depuis sa soi-disant mort me donne à nouveau du courage et me satisfait bien plus que j’imaginais. Le pire dans tout ça c’est que je me trouve faible, je ne suis pas aussi fort que je l’aurai cru, même face à Amanda. Merde c’est une autre femme normalement alors pourquoi agit-elle tout de même comme la femme que j’ai connu ? Si seulement elle crachait sur moi comme ses confrères et qu’elle m’envoie valdinguer à travers la pièce en un revers de main. Là je pourrais la haïr, la détester et avoir plus envie de l’étriper plutôt de la serrer dans mes bras. Je m’énerve, comme si je me trahissais moi-même en faisant ce que je fais. Dans la clairière j’étais pourtant persuadé que ça se passerait autrement, tout était fait pour que nous devenions les pires ennemis, les sentiments rayés j’aurai pu avoir le courage de lui planter un pieu dans le cœur si elle avait voulu me tuer. Là, j’ai beau essayer de m’en convaincre, je serais bien incapable de le faire et ça joue fortement contre moi tout ça. Elle est peut-être très forte, elle joue surement avec moi, après tout c’est elle qui a changé, qui a pris du pouvoir, moi je suis toujours le même, avec un cœur et du sang dans les veines.

Après ces deux heures de plaisirs, d’excitations et de passions charnelles, elle arrive à me transpercer le cœur en quelques mots. « Moi aussi... » Ce n’est pas ce que je veux entendre, ce n’est pas ce qu’elle devrait dire. Ma mâchoire se resserre ainsi que mes poings mais aucun son ne sort de ma bouche. Je ne regrette pas cette nuit, mon désir était tel que ma soif maintenant assouvis, je n’ai pas à m’en vouloir, c’était aussi bien pour moi que pour elle apparemment. Nos retrouvailles sont vraiment explosives. Assis, j’essaie de remettre de l’ordre dans mes pensées et peut-être mettre la plus part de côté pour pouvoir m’apaiser. J’ai l’impression que mon cerveau se consume à petit feu. « Je sais pas. J’ai rien de prévu à mon agenda. » Sa voix est plus posée comme si tout ça est normal, après tout je ne suis pas le seul avec qui elle couche ici, je ne sais même pas si je veux en savoir plus et elle ne risque pas de me le dire de toute façon. « C’est une denrée rare ici. Je ne peux rien te promettre, mais je vais essayer de t’en trouver. » Je passe ma main dans mes cheveux ébouriffés puis soupire. « Laisse tomber c’est pas grave, j’en profiterai pour arrêter toute façon. » Une discussion bien banales pour deux personnes qui se retrouvent dans des circonstances qui elles, sont loin d’être banales. Je sens alors ses mains se poser dans mon dos, monter sur ma nuque et ses lèvres se poser sur ma peau. Ma tête se baisse sous ses caresses et ma respiration se calme enfin. Elle a toujours été douce humaine, il faut croire qu’elle n’a pas perdu ce côté-là non plus… Ou alors on revient à la même chose, c’est une bonne comédienne. Puis ses doigts glissent sur mon épaule droite et effleurent délicatement l’hématome que le gardien m’a laissé tout à l’heure en cadeau de bienvenue. « C’est le gardien qui t’a fait ça ? » Je savais bien qu’elle réagirait mais je ne compte pas me reposer sur sa possible autorité auprès de ce vampire gardien. Mes yeux se rouvrent et je regarde le mur en face de moi avec dureté. J’imagine déjà ma vengeance et je brule à l’idée de lui foutre une raclée avant de déguerpir, hors de question qu’il ne soit puni avant que je ne le touche. Je tourne alors ma tête vers celle d’Amanda en prenant un air plus doux qu’il y a quelques secondes et feins la surprise. « Tiens, je ne l’avais même pas remarqué, j’ai dû me cogner, ce n’est rien de bien grave… » Je ne suis pas bête et je sais qu’elle ne l’est pas non plus elle aura surement un gros doute sur ce que je viens de dire mais j’espère au moins qu’elle ne le punira pas. Si elle le fait tant pis pour moi. Je décide donc de changer un peu l’ambiance, me lève enfile mon jean et retourne vers elle. Je m’accroupis face à elle, passe ma main le long de sa joue, un geste dont je préfère passer outre au niveau explications et lui souligne sa lèvre inférieur de mon pousse. « Je trouve tout ça bien étrange comme situation, tu as quelque chose derrière la tête surement et pourtant je ne peux pas oublier les sentiments que j’ai pour toi. Ça va être très difficile de… » Je soupire à nouveau. « Non rien… Tu comptes faire quoi de moi maintenant, maîtresse ? Si c’est bien comme ça que je dois t’appeler. » Un sourire forcé né sur mes lèvres et mon regard retrouve le sien. Même après avoir fait l’amour et jouie plusieurs fois, son corps nu devant arrive à réveiller ma virilité à nouveau et me donner des envies d’elle.

Quelle soirée. Je ne sais pas vraiment ce que je dois en tirer, tellement de choses se sont déroulées. Il y a de cela quelques heures j’étais encore libre dans la jungle de l’île à manger une pomme dans ce cabanon qui commençait à finalement me plaire et me voilà maintenant au cœur de la cité, en tant qu’esclave et finissant de faire l’amour à mon ex-femme que je croyais morte. Je défie quiconque de trouver mieux ! Assis au bord du lit, je profite de la proximité de nos corps, la sentant si douce et si froide dans mon dos. Ses mains caressent mon corps et ravivent une bonne centaine de souvenirs similaires d’il y a plus de deux ans. Des souvenirs chaleureux qui réussissent à me redonner du baume au cœur quand j’y songe, mais là c’est différent, ces souvenirs ne sont pas destinés à me rappeler ma douce femme, non car elle est là. Elle a un pouvoir puissant, surement le plus puissant sur cette île, elle a détenu mon cœur entre ses mains pendant plusieurs années et je crois bien qu’elle en a garder un morceau. Ce n’est pas comme ça que ça devrait se passer, mais après tout je suis bien sur une île remplie de vampires donc ça ne devrait pas me choquer plus que ça. Maintenant je dois faire avec et je vais devoir survivre du mieux que je peux, je vais essayer de garder mes idéaux tout en sachant très bien qu’ils m’éloigneront d’Amanda.

Sa main se pose un instant sur l’hématome et je soupir de soulagement, elle est froide mais ça a certains bienfaits, surtout dans ce cas. « Mmm… Si tu le dis… » Je le sens qu’elle ne me croit pas mais elle doit savoir comment je suis et peut-être que ça ne marchera pas mais tant pis j’aurai essayé. Si je peux faire regretter à ce gardien son geste je le ferai sans nul doute. Je pose un instant ma main sur la sienne et me lève pour remettre mon jean. Ce n’est pas vraiment que je n’aime pas être nu, à vrai dire je pouvais rester une journée sans vêtement avec Amanda quand on n’avait rien à faire mais ici l’humidité et la fraicheur ne me plait pas vraiment. Puis je ne connais pas vraiment quand ça fonctionne et je n’ai pas envie qu’Eleazar ou un autre vampire vienne faire des siennes alors que je n’ai rien sur moi. Quand je retourne vers Amanda je perçois une petite moue qui me donne envie de sourire, mon cœur se voit même battre un peu plus vite contre mon gré. Je me laisse aller et je n’aime pas ça, je n’arrive pas à résister et même si c’est surement dû à la fatigue et aux sentiments que j’ai pour elle, je trouve ça faible et je me déteste d’être ainsi. Je n’arrive pas à faire comme elle, je n’arrive pas à lâcher prise et me laisser aller, depuis maintenant bien trop longtemps j’ai perdu la faculté d’être serein. Pourtant j’essaie, je me lance même dans une explication de ce que je ressens quitte à la troubler. « De ? » Je ne lui réponds pas, je ne sais pas ce qu’elle en pense, si ça l’importe réellement ce que je ressens. Un vampire peut-il réellement encore éprouver des sentiments ? Après tout ils n’ont plus de cœur et même si c’est une image pour parler d’amour je me demande si ça influe vraiment sur les sentiments. Ils perdent bien leur humanité après tout. Mais vous me direz que les animaux peuvent aimer… Serait-ce une excuse pour me réconforter ? Je n’en sais rien, c’est bien trop nouveau et compliqué pour l’instant.

« Devant les autres, pour notre sécurité à tous les deux. Un vampire qui éprouve ne serait-ce que de la pitié ou de la sympathie pour un humain est mis au ban de la société, alors nous... Nous ne peut exister que quand nous sommes seuls. Et quand nous existe, je suis Amanda. » Elle a toujours eu cette éloquence, elle a toujours su trouver les mots au contraire de moi. Je suis très mauvais pour dire ce que je ressens et y mettre les formes, je suis même assez maladroit ce qui m’a valu pas mal de quiproquo par le passé. Quand c’est pour exprimer ma colère j’utilise mes poings, ma force mais quand ça concerne quelque chose de plus délicat comme l’amour ou bien la tristesse je suis bien le dernier à savoir l’exprimer. Son front se pose contre le mien et je sens son souffle sur mes lèvres. « Ce que j’ai derrière la tête... Ne plus être séparée de toi, réussir à imposer mon idée à Eleazar. Tu pourras avoir une chambre dans ma suite, on pourrait se retrouver toutes les nuits. Pour tous je rejoindrais mon jouet préféré, toi et moi on saurait que je rejoins l’homme que j’aime. Je prends des risques, mais tant pis, je veux te savoir en sécurité auprès de moi. C’est si dingue que ça tu crois ? J’étais plus sensée t’aimer Logan... Mais je crois que c’est plus fort que moi. Ça l’a toujours été. » Mes poings se referment et je me retire, m’éloignant d’elle. Rien qu’entendre ce nom, Eleazar suffit à me faire bouillir de rage. Ma haine envers lui a pris une ampleur certaine et je ne serais pas satisfait tant que je ne lui aurais pas fait payer le mal qu’il m’a fait. Je me pose contre le meuble près de la fenêtre et croise les bras, réfléchissant à ses paroles. « Amanda ce que tu me dis… Je ne peux pas vivre ainsi et tu le sais très bien, j’ai eu la sensation que tu étais prête à me tuer tout à l’heure dans la clairière, je me suis convaincu que j’avais perdu la femme que j’aimais et que j’allais même devoir l’affronter si je ne veux pas y laisser ma peau ! » Tout est en train de voler en éclat dans mon esprit. Je réussis à encore trouver la force de me mettre dans tous mes états. Je pose mes mains sur le rebord du meuble de part et d’autre de moi, me laisse respirer un peu puis m’avance vers elle. Je m’allonge sur le dos et pose mes mains sous ma tête. « Tu voudrais me faire vivre comme esclave, me cacher alors que moi je voudrais te faire quitter ce monde-là qui t’empêche de me voir. Si tu souhaites vraiment être avec moi, pourquoi ce bannissement t’inquiète ?... Enfin je me doute bien de ce qui te retient, ou plutôt de qui te retient ici… » Mon regard et ma voix se durcissent à ce moment-là. Son visage me revient et me donne envie d’éclater de rage. Je passe ma main droite sur mon visage pour m’obliger à penser à autre chose, il risque d’être un sujet bien plus présent dans les jours qui vont suivre donc autant ne pas m’énerver de trop pour l’instant. J’expire lentement puis rouvre les yeux pour regarder Amanda. Ses cheveux tombent gracieusement le long de son dos. Je redresse mon buste et pose ma main sur sa tête pour la faire glisser en une caresse jusqu’à son cou. « Je ressentirai toujours de l’amour pour toi Amanda, mais ici ça risque de compliqué pas mal de choses. »

Qui suis-je vraiment? Cette question passe en boucle alors que j’écoute attentivement ce que me dit Amanda. Quelles sont mes convictions ? Mes limites ? Pourrais-je me résigner à une vie telle qu’elle me la présente seulement parce que j’aimais la Amanda d’il y a deux ans ? Mon cœur hésite ce qui est plutôt rare, je ne suis pas du genre à douter, même si je regrette je suis celui qui répondra du tac au tac et j’assumerai toutes mes décisions. Là c’est plus délicat mais je n’arrive pas tellement à savoir pourquoi. C’est un fait, j’aime Amanda, je l’ai toujours aimé et ça ne changera pas. Mais cette succube qui se tient devant moi reflète quelque chose de différent. Dans l’instant même, je crois bien que je ferais tout pour être avec elle mais après… Cette situation m’énerve, je n’aime pas ne pas savoir, je n’aime pas être en position de faiblesse. Me voilà à câliner cette femme, celle que j’ai épousé et qui pourtant à dû prendre autant de vie que moi voir plus en seulement deux ans. Je n’ai pas à la sermonner, je n’ai pas été un homme qu’on peut qualifier de bon, j’ai fait du mal à des innocents et j’ai tué comme une machine sans me poser de questions. Amanda est-elle un peu dans ce genre-là maintenant ? Elle fait ce qu’Eleazar veut d’elle après tout. Mais ce n’est pas celle que j’ai connu et celle qui me convenait. Aujourd’hui tout est différent, nos natures, nos vies et nos convictions. Le seul point commun reste nos sentiments l’un pour l’autre. Pour certain ça suffirait largement mais pas pour moi. En vue du changement effectué chez elle, je n’arrive pas à me rassurer seulement en l’écoutant dire qu’elle m’aime. Si jamais c’était le plan je serais tombé dans le panneau comme un débutant et si c’était vrai et bien il me faudra bien plus que des paroles avant d’accepter ça.

Quand je me suis laissé attraper, je comptais fuir de la cité dans quelques jours, ou même semaines, tout dépendrait de comment est la vie. J’ai besoin de récolter des informations et de trouver le point faible de ce satané vampire. Amanda m’a pris de court avec ce qui vient de se passé, je ne sais pas si je ne préférais pas que ça reste de l’indifférence entre elle et moi. Tout me semble plus compliqué maintenant et je n’aime pas ça. « Si je te suivais dehors, as-tu la moindre idée des conséquences que ça aurait ? Ce ne sont pas quelques succubes, mais toute la garde qui partirait à notre recherche, et il n’y aurait aucun endroit où se cacher. Mon odeur est imprimée partout dans ce palais, ils n’auraient qu’à suivre ma trace, et une fois qu’ils nous auraient retrouvés, ils ne nous demanderaient pas gentiment de rentrer. Au mieux ils nous tuent, au pire ils s’amusent à nous torturer avant. Il n’y a nulle part où aller dans ce monde où on pourrait se cacher d’eux, même si on quittait cette île. Voilà pourquoi ça m’inquiète. » Je dévie mon regard d’elle et croise les bras. Je vois bien la scène oui mais ça ne me fait ni chaud ni froid, je n’ai pas peur de ses suceurs de sang, je compte bien me confronter à l’un d’eux à nouveau. J’ai réussis à survivre à plusieurs attaque de leur roi César alors je ne pense pas que je perdrais la vie face aux autres. Bien entendu dans l’optique où ça serait des combats un contre un. Après je ne dis pas que je survivrais à une attaque nombreuse, je ne suis pas un surhomme et eux sont bien plus forts en force et vitesse. Arrêtons de penser à ça, je n’en suis pas encore là et de toute façon Amanda n’est pas pour cette idée. Mais je sais bien que ce n’est pas la fuite qui lui fait peur. « Ne cherche pas d’excuses, je sais bien que tu ne veux pas quitter Eleazar… » Et voilà rien que de prononcer son nom et mon corps entier est en feu, j’ai envie de lui exploser la mâchoire et de le faire rôtir à petit feu en dégustant l’image de son visage tordu par la douleur se réduire en cendre devant moi.

« Je ne t’envoie pas aux galères Logan. Tu ne bosserais pas 20 heures par jour sur quelque chose d’épuisant, tu ne dormirais pas à même le sol avec juste de la paille pour masquer tes excréments, tu ne serais pas mal nourri et sans aucune hygiène ! Je te parle de venir vivre dans ma suite, un endroit luxueux où tu aurais un bon lit. Tu devrais porter des messages si j’en ai besoin, veiller avec d’autres humains à garder les lieux propres... Je sais que ce n’est pas la fonction la plus valorisante, mais elle te permettrait de rester en vie, d’être avec moi, de pouvoir passer des heures privilégiées en ma compagnie, des moments où on sera seuls et où on pourra se laisser aller à nos sentiments sans rien risquer. » Je me raidis encore plus. Ses paroles ne me plaisent pas, je ne suis pas un esclave qu’elle vient d’avoir et dont elle a eu le coup de cœur, merde j’ai été son mari et si elle m’aime elle ne voudrait pas m’infliger ça. Voilà pourquoi je suis encore plus certain qu’elle n’est pas la même. Je ne suis pas un exemple, je lui disais plus tôt de quitter son château pour me suivre mais comparé à elle je ne lui offre pas une vie d’esclavagisme. Après tout dépend du point de vue mais pour moi c’est hors de question d’accepter ça. Cependant je ne peux pas tout nier en bloc, sinon mes prochains jours ici vont être difficile, si elle n’a pas confiance en ma docilité je vais avoir de la surveillance constamment sur le dos. Je me frotte la mâchoire en soupirant quand elle reprend la parole. « Si je ne t’aimais plus, crois-tu que je serais là en ce moment, à te dire tout ça ? Penses-tu vraiment que je serais prête à me battre pour t’avoir à mes côtés si je n’en avais pas une envie profonde ? Ça serait tellement plus facile de te livrer et d’oublier cette rencontre. Si je ne t’aimais pas, je pourrais, sans le moindre problème, et mon existence ici continuerait comme si de rien n’était pendant que tu atterrirais chez n’importe quel vampire noble du palais. Mais je ne peux pas, je ne pourrais pas me résoudre à te laisser encore, je t’aime, et effectivement ça ne rend pas les choses faciles. La seule question qui se pose maintenant c’est... Est-ce que TOI, tu veux être avec moi ? » Je me lève du lit, je n’arrive pas à rester sur place sans bouger, tout ça me dérange trop pour que je sois calme.

Je refais les cent pas dans cette petite chambre, le sol en pierre toujours aussi froid. Malgré toute la chaleur qu’ont dégagée nos corps, le froid vient me piquer la peau et quelques frissons me parcourent les bras et le dos. J’imagine bien qu’Amanda ne le sent pas, elle ne ressent rien à part peut-être la chaleur du feu vu que ce n’est pas vraiment leur ami si on les met sur un bucher. Moi en attendant j’ai encore du sang dans mes veines et un cœur qui bat donc j’attrape mon tee-shirt au sol légèrement humide et l’enfile. Je m’arrête ensuite à côté de la porte en bois et face à elle, je pose mon épaule, les bras croisés. « Si je ne voulais pas être avec toi, j’aurai tenté de m’enfuir quoiqu’il m’en aurait couté. Mais ne confond pas tout, ça ne veut pas dire que je souhaite vivre en tant qu’esclave privilégié attendant sagement derrière que tu finisses de coucher avec Eleazar pour revenir me voir… » Mes poings se serrent mais je souffle lentement pour reprendre un peu de calme. Je ne dois pas faire trop le rebelle, cependant je ne suis pas du genre à dire ’’oui madame’’ et elle le sait surement. Je baisse un instant la tête et la redresse vers elle en essayant de faire abstraction du désir que revient en la voyant si parfaite. « Tu ne te bats pas pour moi Amanda, tu n’es pas prête à faire face à qui que ce soit pour moi et encore moins ton… Maître, alors ne raconte pas n’importe quoi. Je ne suis peut-être pas mieux, je te mets en danger en voulant que l’on s’enfuit mais comparé à toi je ne vais pas baiser avec une femme tout simplement parce qu’elle dit qu’elle est ma maîtresse. Je n’accepterai jamais cela donc, je vais rester ici parce que tu m’as capturé mais tant que tu ne te seras pas défait de ton Eleazar je préfère encore que tu me traites comme un esclave quelconque… Je ne suis pas celui qui passe en second plan, pas tant que tu seras pour moi une priorité. » Je sais bien qu’elle ne s’en défera pas de son maître pas tant que je lui aurais planté un pieu dans le cœur mais au moins elle sait ainsi que je ne vais pas faire le gentil chienchien. Hors de question, ça serait me tuer à petit feu et je n’en suis pas à ce stade, j’aime Amanda oui mais pas celle qui se fait ainsi dominer. Qu’elle m’envoie voir un autre vampire, peu m’importe je ne supporterai pas de le voir la toucher devant moi.

La tension est montée d’un cran dans la chambre, alors qu’il y a dix minutes nous y faisions l’amour maintenant c’est à celui qui cèdera à la colère. Je n’y peux rien, après tout je ne l’avais pas revue depuis deux ans, je croyais qu’elle était morte et mon désir m’a consumé et m’a laissé profiter de son corps pendant plusieurs heures. J’ai rien à me reprocher ni à regretter, j’ai pu à nouveau ressentir des sentiments même s’ils ont vite pris une tournure plus dramatique si je puis dire. Ma raison avait failli quand nos corps se mélanger mais maintenant que c’est clair, j’ai plus que du mal à accepter tout ça. Ma vie en tant qu’esclave, le fait d’hésiter à rester avec Amanda ou continuer mon combat et bien sûr la proximité qu’ont Amanda et Eleazar et que je verrais très certainement d’ici peu. Il est clair que je ne suis pas d’humeur à les voir se tripoter devant moi et même si Amanda n’en aura pas l’idée, lui je suis sûr qu’il l’aura. Ce qui m’énerve aussi c’est de penser qu’elle peut se jouer de moi, je ne sais pas à quel point elle a pu changer, autant tout ça n’est qu’un jeu pour elle et elle va bien rire avec ses potes buveurs de sang en leur racontant la soirée au tour d’un verre. Je n’ai aucune garantie qu’elle est sérieuse, même si son visage semble laisser paraître de la sincérité, j’ai vu beaucoup de vampires feindre des émotions pour appâter des humains. C’est ça le problème, dois-je la voir comme Amanda ou comme une succube ? Elle est les deux mais la moindre erreur pourrait me coûter cher. Pas forcément la vie, au pire si je crève et bien tant pis mais si jamais je laisse mon cœur s’ouvrir à elle et qu’elle me trompe… Je crois bien que je me perdrais dans une colère bien plus noire que celle que j’ai envers Eleazar.

Seulement voilà, je ne suis pas un homme qui va étaler tous ses ressentis et ses doutes pour aller mieux, non, je garde tout en moi et j’observe. Je verrais bien par la suite, selon comment elle réagit etc. si elle se paie ma tête ou pas. Pour l’instant son regard ne semble pas vraiment joyeux, son visage s’est endurci et ses yeux sont devenus presque noir. Soif ou colère, je ne préfère pas vraiment savoir en fait. « Je ne te parle pas d’Eleazar, je te rappelle seulement ce qui arriverait immanquablement si on s’enfuyait, même si je décidais de le quitter, ce qui n’est pas une option. » Même si elle ne me parlait pas de lui, pour ma part je n’ai que son nom à la bouche. Il est l’objet de toute ma haine et le déclencheur de ma malchance donc je lui ferais payer cher. Malheureusement pour moi, il est bien mieux placé que moi pour faire du mal, je n’ai rien contre lui donc je ne peux rien faire pour l’instant. Comme dit plus tôt il est de toute façon hors de question que je me serve d’Amanda dans cette histoire, je ne m’abaisserai pas à ça et je ne veux pas lui faire du mal à elle. En attendant je crois bien que mes mots sont un peu trop tranchants, je n’ai pas vraiment pris des pincettes et je le ressens dans ses réponses. « Je suis une succube je te rappelle... Ça change des choses, même si mes sentiments pour toi semblent avoir été gravés dans la pierre. » Je chasse vite fait bien fait de mon esprit une chanson qui me vient en tête en écoutant la fin de sa phrase pour redevenir sérieux. Je reste un instant silencieux, je n’ai pas vraiment de chose à redire, je sais mieux que quiconque qu’elle est une succube et que c’est la raison des problèmes qui nous séparent. Elle serait humaine, échouée tout comme moi on ne serait pas en train de parler de ça et surtout pas ici. Même esclave, j’aurai simplement tout fait pour la libérer et vivre avec elle. Là c’est différent, même si je veux la sauver, même si j’étais prêt à mettre à feu et à sang toute la cité pour la faire s’enfuir avec moi, elle me planterait surement au pas de la porte pour rester avec son maître. Je crois même qu’elle n’hésiterait pas à me tuer sur ordre. On tourne en rond dans nos discussions et ça se fait sentir.

« Tu m’es resté fidèle depuis ma disparition ? Tu as couché avec une autre ? Pourquoi ? Parce que tu l’aimes ? C’est mieux ? » Mon regard, précédemment poser au sol, se relève automatiquement vers elle avec la tension me montant dans la nuque. C’est trop pour moi. « Quoi ? Non mais je rêve ! Déjà tu étais morte, je ne t’ai jamais été infidèle. Que veux-tu que je te dise, que je regrette de ne pas avoir retrouvé l’amour ? Que toi tu as bien raison de coucher avec Eleazar et que je devrais vivre avec ? Après tout, quoi de plus normal que de voir sa femme dans le lit d’un autre… Vas-y amène une autre esclave on se fera un plan à quatre tiens ! » Je ne suis pas vraiment crédible, je m’emporte plus qu’autre chose et ce que je dis n’avance en rien la situation mais j’ai besoin de me défouler. Qu’elle me sorte n’importe quelles excuses, je n’accepterais jamais sa liaison avec ce vampire, en tout cas pas devant moi. Ce sentiment de jalousie est différent de ceux qu’on a en temps normal, il est plus lié à la haine que j’ai envers ce gars. Elle aurait retrouvé un homme, un homme qui n’aurait pas été la cause de tout ceci et qu’elle aimerait bien plus que moi… Et bien je la laisserai, je suis protecteur et fidèle, je ne suis pas possessif. Là c’est différent, tout est différent. Qu’ils se bécotent ok, mais pas sous mes yeux, je serais prêt à mettre ma vie en danger rien que pour lui en coller une à cet Eleazar. Puis le ton monte pour elle aussi.

« Tout ce qui t’intéresse, c’est ta foutue fierté, ne me dis pas que tu penses à moi. Je suis une vampire, je ne suis plus humaine. Le soleil est mortel pour moi, je me nourris de sang. Ici tout est fait pour les vampires, nous avons tout le confort que notre nature réclame. Mais ça n’est pas important vu que toi tu devrais te rabaisser à faire quelques poussières, hein ? Je ne pourrai pas redevenir humaine Logan, même si je le voulais... Alors désolée d’envisager une solution pour qu’on ne soit plus séparés, désolée qu’il n’y ait que celle-là, désolée d’avoir eu la mauvaise idée de plaire à un vampire au point qu’il me transforme, désolée d’avoir eu la faiblesse d’essayer de faire en sorte de m’adapter à une nouvelle vie qui m’était imposée et qui serait éternelle, désolée que du coup ma nature ait éveillé une façon de penser qui est indispensable à ma survie et qui se développe dans ce but sans qu’on puisse rien y faire ! Quoi que tu en penses espèce de tête de mule j’essaie de te protéger, et je le ferai malgré toi. Maintenant pousse-toi ! » Je soupire, irrité et me décale d’un pas de la porte en la laissant se rhabiller sans rien dire. Je n’ai plus rien à lui dire pour ce soir et je ne compte nullement la retenir. On ne se comprend pas et ça ne changera surement pas de sitôt. Le regard fixe, droit devant moi je la sens s’arrêter à mes côtés, prête à sortir. « Je te traiterai comme les autres. Mais ne t’attends pas à être frappé, mal nourri ou mal logé. Ce n’est pas mon genre au risque de te décevoir ! » Mon silence est sa réponse. Elle sort donc en claquant la porte derrière elle et j’entends donc ses pas colériques s’éloigner de la chambre. Je reste quelques minutes debout sans bouger, me repassant la soirée et la dernière scène dans ma tête. J’ai envie de casser quelque chose mais rien n’est assez bien dans la pièce pour ça donc je finis par m’étaler sur la lit où l’odeur d’Amanda est encore imprégné. Je ferme les yeux. Le soleil n’est surement pas loin de se lever et la tension me rongeant depuis le début de la nuit s’amenuise pour laisser place à la fatigue. J’aurai préféré qu’elle soit assez en colère pour me laisser me débrouiller avec un autre vampire mais elle n’a pas voulu lâcher le morceau. Dommage, je ne sais pas combien de temps cette amertume va persister mais il va falloir que je trouve une solution et que je me remette vite en cause pour réussir ce que j’ai entrepris de faire ici sans que mes problèmes avec Amanda ne viennent tout fausser. Je finis donc après bien une heure de réflexion à me laisser m’endormir avec quelques inquiétudes vis-à-vis de ma prochaine nuit ici.

END