A peine arrivée, déjà ton amie t'avait embarquée avec elle pour chercher les quelques humains qui demeuraient dans cette forêt énigmatique. Tu l'avais suivie, docilement, comme tu le fais toujours, ayant confiance en elle. Elle savait sûrement où elle allait, elle avait déjà dû repérer une piste. Ton coeur battait à cent à l'heure. La jungle avait beau être silencieuse pour le moment, presque morte, tu sentais cette tension, ce sentiment de traque imprégné dans l'air. Tu bondis habillement sur un tronc d'arbre renversé, aussi souple qu'un chat, pour prendre de la hauteur. L'odorat stimulé par tous les parfums qui émanait de la forêt tu n'arrivais pas à faire le tri parmi tout ce qui venait assaillir tes narines. Tu pouvais sentir la mousse et l'humidité du lieu comme la chaleur que dégageait les quelques animaux qui vous entouraient. Tu n'avais jamais vu tes facultés comme quelque chose d'étrange mais à l'instant tu te demandais bien si un humain pouvait lui aussi être aussi proche de la nature que tu l'étais. Question idiote, bien sûr qu'il ne pouvait pas. C'était une capacité de vampire. Mais toi tu ne voyais pas vraiment l'infime écart entre vampire et humain n'ayant jamais été humaine. Tu ne pouvais pas savoir ce que c'était, juste l'imaginer à l'inverse de ton amie Opium qui avait été transformée. D'ailleurs en parlant d'elle, tu partis la rejoindre en lançant des coups d'oeil à droite à gauche, comme fascinée par la nature qui t'entourait sans pour autant oublier d'être vigilante. Car sur ses gardes il fallait être dans cette jungle.
Un vampire fendit l'air à toute vitesse, déterminé. A coup sûr, si tu n'avais pas eu une vision de vampire tu ne l'aurais pas vu passer et d'ailleurs ça t'avait sorti de tes rêveries de voir que certains vampires avaient déjà trouvé des proies alors que vous depuis tout à l'heure vous vous perdiez en contemplation. Tu sentis le coude de ton amie s'enfoncer dans tes côtes alors qu'elle affichait un sourire amusé, un brin moqueur. Tu souris à ton tour en te remémorant la scène. Sérieusement, il avait carrément tout défoncé sur son passage ! Il était fin lui ! Il y en avait qui étaient vraiment déterminés à gagner ce soir... ça te faisait un peu frisonner. Tu perdais du temps depuis tout à l'heure à t'émerveiller devant un rien et à te poser des questions futiles pour quelqu'un de ton espèce. Mais c'était une vraie maladie, tu n'arrivais pas à te concentrer plus d'une minute sur la chasse, il faut dire qu'il y avait tellement de choses à voir ce soir. La pleine lune éclairant les lieux plus que de coutume. Opium t'interpella de nouveau pour te montrer un puma qui passait au loin devant vous. Tes yeux s'écarquillèrent, devenue guimauve face à cet énorme félin que tu aurais bien ramener comme peluche au palais. Et ça y est... vous voilà reparties dans vos délires... A cette allure demain vous seriez toujours là sans aucun humain, juste vous deux, votre cerveau d'illuminées et peut-être Nessie aussi. Oui, elle devait sûrement être là celle-là, cachée quelque part. En tout cas, toi t'avais pas trop envie de la voir, vous étiez pas vraiment amies. Parce que oui, folle que tu étais, tu croyais toi aussi comme Opium que Nessie était une entité maléfique bien réelle. Bande de cinglées.


Toutefois, alors que tu admirais toujours les milles et une merveilles de la nature, ton odorat, encore sensible pour une enfant-vampire, se mit à te chatouiller. Tu en oubliais complètement les fleurs bleues qu'Opium avait trouvé et qui plus est la chasse à laquelle tu étais sensé participer. Ce parfum... Tu ouvris deux grands yeux paniqués. Un humain avait été blessé ? Tué ? Tu tournais la tête vers Opium, complètement affolée. Il était interdit de verser une goutte de sang pendant la chasse ! Or, ce que tu sentais c'était bien du sang humain ! Tu voulais partir. Pourquoi ? Pour deux choses ; parce que tu ne voulais pas avoir un quelconque rapport avec ce crime et aussi parce que tu sentais que tu n'allais pas rester aussi lucide très longtemps. Non. Certainement pas. En effet, tu sentais tes canines s'allonger à mesure que l'odeur de sang devenait plus persistant, comme envahissant l'air d'un nuage carmin. Car oui, avec le sang te montant à la tête tes hallucinations arrivaient à leur tour et tu voyais vraiment cette nuée rouge vous entourer. Tu commençais progressivement à perdre le contrôle, à ne plus toucher terre, les idées à moitié claires que tu essayais pourtant d'ordonner. Instinctivement tu avais fermé la bouche pour ne pas montrer tes canines sorties à ton amie, tu ne voulais pas l'inquiéter mais à force de lutter contre ta nature ton visage commençait à se crisper. Tu tenais ton poing fermé de sorte que cela en devenait douloureux. Sang. Soif. Voilà les deux mots qui défilaient dans ta tête à la vitesse de la lumière. « Je crois qu'on a un problème... Je... Tu sens comme moi ? Je ne suis pas folle au point d'avoir des hallucinations olfactives ?! » Les yeux dans le vague tu ne répondais pas à ton amie. Ton air était terne, inquiétant et tu te forçais à garder tes lèvres collaient pour ne pas montrer que tu avais déjà perdu le contrôle. L'odeur s'imposait, tu n'arrivais plus à l'éviter et tu déglutis en sachant que tu allais bientôt t'absenter au profit de ton autre toi. Tu n'avais même plus la force de fuir. Non, en fait tu luttais pour ne pas bouger parce que tu savais qu'un pas en avant et hoplà, tu allais foncer vers l'origine du sang pour te nourrir. « On fait quoi ? » Tu levais les yeux vers ta partenaire, à moitié absente. Complètement désemparée. A coup sûr, ce n'est pas toi qui allait l'aider, tu ne pouvais déjà pas te porter assistance... Et alors que ton amie devait se poser des questions sur la meilleure méthode à adopter, disons que toi tu te posais des questions d'une autre nature. D'ailleurs il y avait certaines questions qui se mêlaient aux tiennes qui n'étaient pas de toi, mais des voix qui te poursuivaient sans cesse. Du genre *Ah à table tout le monde ! A quelle sauce on va le manger notre petit humain ?! Umbry, va chercher à manger au lieu de rester platée-là !* Tu essayais de les éviter mais c'était comme si elles criaient dans ta boîte crânienne. T'avais envie de t'excuser auprès de ton amie pour ce qui allait se passer si tu te transformais en monstre et alors que tu la sentais prendre ton bras pour t'emmener vers le lieu du crime tu voulus prendre tes jambes à ton cou pour partir en sens inverse. Non, tu pouvais pas y aller. Tu voulais retenir Opium de faire ça. Et elle dû sentir ton désarroi au final puisqu'elle pinça ton nez entre ses doigts. Tu trouvais ça mignon de la part de ton amie mais malheureusement un peu trop tard. Un cri résonna dans la forêt et tu ne pus te retenir. Tu n'étais plus toi-même et qui était à ta place ? Darky. Oui c'était le surnom que tu lui avais trouvé. Même si elle, elle disait s'appeler Eris.. Ouais, t'étais deux personnes bien différentes dans ta tête en fait. Sans compter les voix que t'hébergeais gratuitement. Gouvernée par ta soif de sang, tu écartas Opium sans ménagement comme si elle n'était qu'une pure inconnue. Une pure inconnue qui osait en plus te priver du parfum de l'hémoglobine. Sans la regarder, tu partis toute seule à grande vitesse vers la source de tous vos problèmes. T'étais devenue comme le vampire que vous aviez vu plus tôt. Une machine de guerre, toi non plus tu ne prenais plus le temps d'éviter les obstacles, à quoi bon ? Tu voulais arriver là-bas le plus rapidement possible parce que tu avais faim. Ton ventre réclamait à manger et il fallait espérer qu'aucun humain ne se mette sur ta route sinon c'était lui qui allait devenir ton quatre heure. Non, c'est sûr. La douce et gentille Umbrella n'était plus là à présent.