Incube. Succube. Un titre bien défini, selon le sexe du vampire. Ce même titre représente également une marchandise. Nous sommes proches des esclaves. Toujours à suivre les ordres d'un maître que nous ne choisissons pas. Marchandise comme seconde nature, nous sommes avant tout des larbins qui chassent d'une façon étrange. Le lion guette sa proie avant de lui sauter dessus. Nous faisons de même, nous la guettons avant de la séduire. La faire quitter la foule. Nous isoler. Afin de permettre à ce fameux maître de ce nourrir du sang de cette victime qui s'est retrouvée, quelques instants auparavant, sous notre charme. Notre beauté est notre outil de chasse. C'est grâce à cette dernière que nous réussissons à garder notre tête. Mais également grâce à notre pouvoir de séduction. Les nombreuses années d'existences m'ont permis de maîtriser cet art. Affirmer ma perfection serait faux. Malgré tout, je reste doué. Il faut dire que j'ai l'habitude de travailler en binôme, avec mon frère jumeau. Nous séduisons les futurs mets de notre maître. Nous nous éloignons de la foule jusqu'à ce que nous soyons tranquilles. Et à ce moment, elle apparaît. La peur se voit toujours sur leurs visages. Avec le temps, le sentiment de culpabilité disparaît. Celle avec qui nous avons discuté. Celle qui s'est parfois confiée à nous. Cette même personne auprès de qui nous nous inventons une vie d'étudiants le plus souvent. Celle-ci disparaît. Vidée de son sang sous nos yeux. L'attachement est parfois rapide. Trop rapide.

Un siècle. Cent années de loyaux services auprès d'une même personne. Une première pour moi. Comme pour lui. Nous avons l'habitude d'être pris pour objets. Narcisse et moi sommes des Incubes étranges. Les nobles nous achètent par curiosité avant tout. Qu'est-ce que ça fait de posséder deux Incubes à l'apparence physique identique ? Des jumeaux. Une fois que cette curiosité malsaine est terminée, nous avons toujours été vendu. Et un nouveau curieux nous achetait. Un seul soucis est présent. Déplaisant pour tous. Deux Incubes qui ramènent constamment les mêmes proies. Travailler ensemble. Voila ce qui dérange le plus souvent. Chaque être de notre rang est seul, normalement. Nos différents maîtres se retrouvaient, donc, avec une quantité moindre de nourriture par rapport au chasseur. Après quelques années, nous changions donc souvent de maître.

Un maître. Un autre maître. Encore un autre. Cela permet, en fin de compte, de voyager. J'en ai vu des pays. Principalement d'Occident. J'ai, malgré tout, une fois terminé dans les contrées lointaines de la Chine. Heureusement, ce vampire nous a gardé quelques mois avant de nous vendre à un noble Irlandais. Une famille de la noblesse bien étrange. Partageur, nous avons terminé au service de tous les membres de cette dernière. Je me souviens particulièrement de l'un d'entre eux. Aaron. Je l'ai toujours trouvé charmant. Surtout à regarder. En tant que respectueux des règles et ce, malgré mon insolence, je n'ai jamais eu de réel soucis avec lui. Nous sommes restés quelques années sous leurs ordres pour, ensuite, être de nouveau vendu.

Suite à quelques recherches depuis notre arrivée à Heartkiller, j'ai réussi à retrouver l'adresse de cet ancien maître. Nous nous sommes déjà croisés, rapidement, en ville. Je partais chasser ou retournai auprès de mon maître actuelle, la princesse de Russie. C'est lors d'un départ en mission que j'ai décidé d'aller le voir. Prétextant une course à faire auprès de mon jumeau, il était parti sans moi comme je le lui avais demandé. Mes mains frottaient frénétiquement sur mon corps, passant du bas de mon t-shirt pour descendre au niveau de mes poches. Ce mouvement répétitif me faisait comprendre que le stresse montait en moi. Plus de trois-cent ans d'existences et, pour la première fois, j'allais remercier l'un de mes anciens maîtres. Ce fut, une fois arrivé à hauteur de sa porte d'entrée, l'occasion de me calmer. Entrer sans invitation. Cela ne se fait pas et malgré mon petit manque d'éducation, je vais être tout à fait correcte. Dans la mesure du possible, bien entendu. Je laisse entendre ce bruit si distinctif. Celui de ma main qui frappe le bois, doucement, afin de faire savoir à l'hôte de la demeure, ma présence. « Monsieur Lewis ! » Laissais-je entendre tandis que ma main revenait dans ma poche arrière. Attendre n'est pas mon fort. Je me mets donc à chantonner, bouche fermée, une musique étrange que j'avais entendue quelques jours avant ma transformation. Souvenir lointain mais toujours présent d'une époque révolue. J'entendis la porte s'entre-ouvrir. Relevant la tête, je stoppai tout mouvement de mes cordes vocales un court instant. Avant même de le voire apparaître, je laisse sortir quelques mots. « Hey ! Alors. Il paraît qu'on tient un restaurant maintenant ? » Façon étrange de saluer mon ancien maître. Malgré tout, il doit avoir gardé une certaine image de mon côté insolent. C'est à ce moment que le stresse m'envahit de plus belle. Et mon insolence est, d'une certaine façon, un mécanisme qui me permet de maîtriser ce stress. Malgré tout, je sais que cela ne plait pas à beaucoup de monde. Voila la raison pour laquelle je préfère me taire. Restant là, debout, face à cette porte qui continuait de s'ouvrir face à moi.