Issue de la noblesse anglaise, je fus toujours entourée de mes frères et sœurs ainsi que de l’amour de mes parents. De ce fait, je n’eus jamais à me plaindre de mon petit train de vie ou d‘un quelconque manque d‘affection. Certes, je n’étais pas aussi libre que je l’aurais souhaité car il fallait respecter quelques conditions dans ma famille et privilégier l’éducation aux loisirs, mais dans l’ensemble j’eus une enfance plutôt heureuse.

Ainsi, c’est vers l’âge de seize ans que je fis mes premiers pas dans la société en participant à mes premières soirées. Soirées durant lesquelles je m’étais fait une certaine réputation. A cette époque, alors que j’étais encore très jeune, tout le monde voyait déjà en moi une future grande héritière et surtout un bon parti pour un futur mari, chose qui me donnait la nausée. En effet, à seize ans, entendre tout le monde vous dire « Que vous êtes intelligente » « Comme vous êtes belle aujourd’hui » « Celui qui vous épousera aura beaucoup de chance » c’est assez troublant. D’autant plus que je n’avais pas dans l’optique de me marier vite, au contraire, je préférais amplement savourer ma liberté !

D’ailleurs, c’est lors d’une réception donnée chez un certain Alexander, un homme riche et très estimé qui était en fait un vampire - chose que nous ne savions pas bien entendu - que j’avais assisté au drame le plus horrifiant de ma vie. Une soirée qui resta à jamais gravée dans ma mémoire. Aujourd’hui encore je me souviens parfaitement de chaque détail et surtout de l’emplacement de chaque corps après le carnage le plus immonde qu’un homme ait jamais pu effectuer. Enfin, un homme… une créature.

En effet, ce vampire, un fou allié, mais surtout un proche de Lorcan Bridgestone, décida ce soir-là de manger la moitié des membres de l’aristocratie de la ville, soit une vingtaine d’habitants. Lorsque mon tour arriva, alors que la plupart des invités étaient déjà en train de baigner dans une mare de sang, j’eus la chance, ou plutôt la malchance vu ce qui m’arriva ensuite, d’avoir un pendentif en argent, une croix plus précisément, qui pendait à mon cou et qui violemment arrêta le vampire dans sa démarche. Regardant avec un sourire amer mon collier, il m’avait alors demandé très poliment de bien vouloir l’enlever. A cet instant, même si j’étais complètement perdue et traumatisée, mon instinct de survie me poussa néanmoins à refuser l’offre si gentiment formulée de celui qui venait de massacrer tous les invités et qui se tenait toujours, sans pour autant s’en soucier, au beau milieu des cadavres. A la place de le jeter par terre, j’avais certes enlevé mon collier, mais pris soin surtout de le coller contre la joue de ce monstre. En réalité, je ne savais absolument pas quel pouvoir avait l’argent sur les vampires mais je le compris bien vite en voyant la peau de mon vis-à-vis brûler peu à peu.
L’observant s’écrouler à terre, je m’étais précipitée vers la sortie pensant je-ne-sais-pourquoi qu’avec l’aide de mes seules jambes je pourrais le distancer. Seulement, je n’avais pas prévu le fait qu’il ne soit pas seul ce charmant vampire cette nuit-là et pour avoir blesser son collègue inutile de vous dire que je fus sévèrement punie.

D’ailleurs, lorsque je me réveillai après avoir perdue une grande partie de mon sang et m’être évanouie, je compris avec effroi qu’ils m’avaient enfermée dans une sorte de cave, qui ressemblait plus à une cellule de prison si vous voulez mon avis, d’où aucune issue ne pourrait m’aider à m’échapper. La raison étant qu’en fait, il n’y avait pas la moindre fenêtre et que la porte était fermée de l’extérieur. Je vécus donc dans ce trou à rats pendant plusieurs jours, peut-être plusieurs semaines à vrai dire ; je n’en avais aucune idée. Deux fois par jour, je recevais la visite de mes si gentils kidnappeurs qui venaient me donner à manger pour que je ne meurs pas d'affaiblissement. En effet, pour eux j’étais comme une poche de sang, lorsqu’ils avaient faim, ils venaient s’abreuver à mon cou et en échange pour me permettre de reprendre des forces plus vite ils me donnaient quelques gouttes de leur sang. A chaque fois qu’ils faisaient ça, je grimaçais et bougeais dans tous les sens pour montrer mon mécontentement seulement ils n’en avaient que faire, ils étaient les plus forts et ils le savaient. Toutefois, pour ma part, boire du sang était quelque chose de répugnant surtout quand ce sang venait de ces créatures diaboliques. J’avais l’impression de faire honte à ma famille et surtout de me faire honte à moi-même en étant réduite à cette position.

De plus, lorsque c’était Alexander qui venait prendre mon sang, je me retenais de crier tellement la douleur était intense. Il n’avait pas digéré le coup de la croix et c’est en me torturant qu’il savourait sa vengeance. Quant à moi, je n’attendais qu’une chose qu’il en ait fini une bonne fois pour toute et que je puisse enfin mourir tranquille. Du coup, je n’arrêtais pas de les provoquer, tout les deux et lorsqu’Alexander me disait « Tu vas t’excuser maintenant » je lui répondais « non » sans plus. Ce qui amusait son congénère et énervait d’autant plus le vampire. Je n’étais pas folle, ni apeurée, loin de là seulement je préférais amplement qu’il me tue que de voir continuer ce manège morbide.

Cependant, un jour, un incendie se déclara dans le manoir. Enfermée je m’étais dit que ça y est c'était fini. Seulement, plusieurs heures après alors que tout avait été brûlé, je m’étais réveillée bel et bien vivante, ou plutôt mort-vivante. Plus tard, je compris que c’était le sang de vampire dans mes veines au moment de ma mort qui m’avait transformée en cette espèce. Et c’est pour cette raison que je m’étais mise à haïr encore plus Alexander, celui qui avait tué toute famille et celui qui m’avait changée en monstre assoiffé de sang.

Par la suite, je m’appris toute seule comment survivre et maitriser mes instincts pour ne pas être découverte des humains et me faire traquer comme une sorcière ; étant donné que la nuit du sinistre, les deux vampires avaient pris la poudre d’escampette. Ce début de nouvelle vie étant rude, je me forgeai un caractère de battante. Plusieurs fois, bien avant qu’ils soient devenus les rois d’Amérique, j’avais côtoyé les Bridgestone. Aussi, lors de la guerre civile, il est bien naturel que je fus une des vampires de leur clan. C’est d’ailleurs durant cette période que je recroisai la route de ce charmant Alexander mon « créateur » ou du moins « celui qui avait provoqué ma transformation et m’avait laissé brûler dans leur sous-sol ». La rencontre fut froide. Je crois qu’il fut le plus choqué de nous deux. Il n’en menait pas large, même en étant le plus vieux, il semblait s’aplatir devant moi comme s’il avait vu un revenant. En effet, il ne s’attendait certainement pas à ce que son sang lors que ma mort ait fait de moi ce que je suis à présent. Il pensait certainement que la petite Rozen était morte, calcinée, comme une vieille histoire appartenant au passé.
Etant donné qu’il était aussi du côté des Bridgestone pendant la guerre, je ne fis rien contre lui pour me venger. Pour moi, une belle vengeance devait se préparer !

Aussi, lorsque les Bridgestone montèrent sur le trône, en raison de mon âge et de ma fidélité, je fus nommée avocate de la famille, au même titre que dix autres vampires du royaume ; j’étais donc une noble. Aussi, c’est à partir de cette époque que je commençai à me faire des relations et à avoir mes premiers esclaves – des humains dont je ne savais quoi faire à vrai dire et qui quittaient le manoir très vite, car faute de savoir quoi en faire et bien je m’en nourrissais. C’est donc là que je fis la rencontre de Dorian Farwell mon « frère ». Enfin. Un vampire qui possédait le même créateur que moi. Rien de réellement fraternel en fait. Au début, je me méfiais de lui. Plusieurs vampires m’avaient dit qu’il était fourbe, manipulateur et sadique, c’est d’ailleurs ce qui lui avait valu de s’élever dans la hiérarchie pour être au plus proche des Bridgestone. Suivant mon instinct comme à mon habitude, je n’avais donc rien fait pour me rapprocher de lui ou même lui adresser la parole. De plus, il était très proche d'Alexander, alors j’avais toute les raisons de le mépriser.

Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’il me proposa son marché ! Tuer notre créateur, rien que ça. Enfin, pas que ça me déplaisait juste que venant de lui, cela me paraissait très étrange. D’autant plus que dans notre société, tuer celui qui nous avait mis au monde était quelque chose de puni de mort, de la vraie mort, j’entends. Dans un premier temps, j’avais refusé son offre, j’avais peur que ce soit un piège. Puis, j’avais fait des recherches, envoyé des espions pour savoir pourquoi Dorian pouvait détester Alexander et je tombai sur une histoire plutôt très bien cachée, celle de sa transformation. On peut d’ailleurs dire que dans son cas les choses n’avaient pas été faites dans la douceur, même moi ce n’était rien par rapport à lui…

Suite à ces révélations, j’avais revu mon jugement et finalement le marché avait été conclu. Bien sûr, chacun de notre côté avions assuré nos arrières au cas où l’un fasse un coup tordu à l’autre, et c’est ainsi que c’était préparé le meurtre d’Alexander. Nous tinrent tout deux parole et à partir du 24/06/1975 plus personne n’entendit parler de notre créateur. Une enquête fut ouverte par la famille royale, mais sans succès. Ainsi, étant les deux seuls successeurs du vampire, c’est à nous que revinrent les titres de conseillère et deuxième secrétaire. Depuis, il va s’en dire que nous faisons toujours très attention à nos arrières et même si ma vie à quelque peu changé depuis ce bond en avant dans la hiérarchie, j’essaie de rester la vampire la plus normale possible, veillant bien à ce que personne ne me mette de bâtons dans les roues sinon il finira certainement comme ce très cher Alexander. Hormis si cette personne s’appelle Cesar Bridgestone bien sûr. A ce moment-là les choses risquent d’être plus compliquées. D'ailleurs, depuis quelques jours, j'ai pas mal de soucis qui me trottent dans la tête, dont un rapport qui m'est parvenue et où sont mentionnés les noms de mes frères et soeurs, censés être tous morts...