La Russie, mon pays natal me manque. Puis-je écrire mon histoire, ma vie avant celle que j’ai aujourd’hui sans crainte que quelqu’un puisse découvrir celle-ci ? De toute façon, je n’en ai que faire. Si j’ai envie d’écrire mon histoire, je le ferais. Je m’appelle Lucille Botenkov. Je suis née à Moscou, un mois de Janvier. Et j’ai 16 ans. Autant dire tout de suite que j’ai la vie devant moi. Malheureusement, je sens que la vie, ce que j’aurai pût vivre m’échappe complétement en ce moment. Je n’ai plus le contrôle de rien. Et un sentiment de frustration se faufile doucement dans mon corps pour me dire « tu as vu Lucille ? C’était une mauvaise idée que d’aller faire un voyage à New York. »

Je regarde par la fenêtre. C’est tout ce que je peux faire. Les journées défilent doucement comme un sablier. Je suis dans le sablier. Je suis une esclave, depuis deux mois. Une esclave. Cela s’est passé très vite. J’étais partie dans le but de revoir mon cousin aux Etats-Unis. J’étais vraiment excitée ! J’aimais voyager, découvrir de nouvelles cultures et me faire plein d’amis. J’avais déjà imaginé mon voyage, ce que je ferais, ce dont je profiterai. Les Etats-Unis me changeraient vraiment de la Russie. Je l’aimais ce pays, c’était mon pays. Bien sûr, il manquait bien quelques petites choses. Les plus riches avaient le droit d’avoir une bonne éducation mais les pauvres devaient se surpasser. Je n’ai jamais eu à me plaindre cependant et je regardais les pauvres en me disant « les pauvres ! » rien de plus. Oui j’étais née dans une famille riche. Une famille aimante. Ma mère était professeur à l’université et j’espère qu’elle l’est toujours. Mon père est un député. Mes sœurs font des études et moi j’étais la petite dernière. J’ai reçu une très bonne éducation. En plus des cours je faisais du piano, du dessin. Et j’aime toujours ça. D’ailleurs, pendant mes journées, je m’occupe en dessinant et jouant des mélodies que je n’arrivais pas encore à faire. Je suis une esclave mais je n’ai quand même pas à me plaindre. Dimitri me traite bien contrairement à d’autres. Je les entends crier parfois et je me bouche les oreilles. C’est quelque chose que je ne peux pas supporter. Pas pour l’instant. Mais revenons-en à mon voyage en Amérique du Nord. Enfin… celui que je devais faire. J’étais excited. Je sautais partout, je chantais dans les couloirs de mon manoir. Et ! J’étais un vrai petit ange avec mes parents. Ce qui était chose rare. En cours, j’attendais l’heure de sortie. Je ne pouvais plus rester en place. J’étais devenue hyperactive. Jusqu’au jour… Jusqu’à ce jour béni où le bateau arriva. Mes parents près de moi, m’embrassant encore et encore. Je n’aimais pas toute cette démonstration d’amour. Mais je me laissais faire. Un dernier souvenir que j’emporterai de mes parents. Maintenant je regrette un peu de ne pas avoir pût leur dire que je les aimais de tout mon cœur. Puis je montais sur le bateau. J’y voyais là un avenir prometteur. Heureux. Les deux premiers jours se passèrent très bien. Et le troisième fut un jour fatal. Le jour qui ne pourra jamais s’enlever de mes souvenirs. Le jour où le bateau fut pris dans une sorte de… tout s’est passé si vite, je n’ai pas eu le temps d’analyser. En train de lire dans ma cabine, j’ai juste senti une secousse. Puis une autre et encore une autre avant de me cogner la tête très fortement sur le mur. En me réveillant j’étais sur une île. J’ai eu du mal à me relever et lorsque je suis sortie des limbes, j’ai regardé autour de moi. Des arbres. Du vert, du bleu, du jaune. Mais pas de grands immeubles, ni des gens qui partaient faire les courses. Et puis, surtout, je n’étais pas dans un port. Je me rendis compte plus tard que le bateau se trouvait près de moi mais la tête à l’envers si je puis dire. Je ne savais pas ce qu’étaient devenus mes compagnons d’infortune. Mais ce que je savais en revanche c’est qu’il y avait un homme devant moi. Grand, ténébreux. Des cheveux bruns. Il avait l’air viril et dangereux. Levant les yeux vers lui, je lui demandais de l’aide. Oh ! Il m’avait bien aidé ! Dimitri,c'est son nom.

Je n’en raconterai pas plus sur mon passé. Cela fait trop mal. D’autant plus que je le vois tous les jours. Celui que je dois appeler maître. Dimitri, un russe comme moi. Ironie du sort, il est né dans la même ville que moi. Je ne sais rien d’autre sur son sujet. Mais, comme un insecte je mets à profit mes oreilles. J’écoute ce qui se dit. J’espère qu’un jour je pourrais me servir de ce que j’ai appris pour réussir à fuir. J’ai 16 ans. J’ai toute ma vie devant moi. Je ne peux décemment pas rester enfermée comme un animal de compagnie. Oui, j’entends les cris. Alors j’essaie de me résonner mais cette idée, l’idée de fuir ne me quitte pas. Je cherche des sorties de secours. Je n’en trouve pas. Je me laisse le temps. Rester auprès d’un vampire suceur de sang ? Très peu pour moi. Il y a bien Ava. Oh ! Ava. Une esclave tout comme moi. Je la considère comme une sœur. Douce, gentille, attentionnée. Je fais semblant de ne pas comprendre ce qui se passe entre elle et le maître (ce mot me tord les lèvres et me fait mal au ventre). J’aimerai lui dire qu’ils ne peuvent pas se mettre ensemble. Mais ce n’est pas mon rôle et je n’ai pas envie de me mêler des affaires qui ne me regardent pas. Entre Dimitri (je ne peux pas me résoudre à l’appeler maître) et moi c’est toute une autre histoire. Je ne le comprends pas. Je n’arrive pas à l’analyser. Je ne lui obéis que très peu, pourtant il ne me torture pas. Il me hurle quelques fois dessus quand je le regarde bizarrement… J’ai un traitement de faveur et je pourrais l’utiliser à bon escient. J’attends l’heure de ma fuite et je prie pour que celle-ci arrive vite !