C'est drôlement dangereux de s'attacher à quelqu'un, c'est incroyable ce que ça peut faire mal. Rien que la peur de perdre l'autre est douloureuse. C'est moche de guetter un signe de quelqu'un pour se sentir heureux...

juliott.

Il est difficile de définir le rôle de la musique dans la société d’aujourd’hui. Aujourd’hui, nous associons presque automatiquement cet art, l’un des arts les plus anciens de ce monde, au simple divertissement! Nous vivons dans une société où la musique nous suit dans nos diverses activités et, ainsi, occupe un rôle relativement secondaire. La musique est plus qu’un simple divertissement. La musique est un vaisseau. Un vaisseau à travers le temps, un vaisseau nous faisant explorer nos désirs, nos idées et, surtout, un moyen pour nous de venir à terme avec nos émotions. La musique, et par ricochet un musicien, n’a pas pour unique but de divertir l’individu… Mais de lui prendre la main et de le transporter. C’est peut-être pour ça qu’Eliott a toujours rêvé d’être musicien. Le jeune homme s’est toujours sentit différent de tous les êtres que pouvait contenir son cercle social. Ce n’est que lorsqu’il fit danser ses doigts sur les clés usées d’un piano ayant fait son temps qu’il a su qu’il est, et sera toujours, un artiste. Que c’est à travers sa musique qu’il véhiculera ses émotions. Que c’est à travers sa musique qu’il désire toucher les gens. Que c’est à travers sa musique qu’il veut les voir… Vivre! Mais avec l’artiste vient l’incompréhension… Et la question demeure : un artiste peut-il, finalement, être compris?

« C’est triste ce que tu joues… », lui signale l’une des serveuses du Killer Burger. Le timbre de sa voix, ma foi aigue, tire Eliott de son état de transe et le force ainsi à pivoter vers cette jeune humaine, à la chevelure d’un doré étincelant. Les perles de jade de la jeune serveuse ne se détournent malheureusement de l’incube alors que ce dernier incline légèrement la tête sur le côté, visiblement à la recherche de non seulement la pertinence de son commentaire, mais des mots adéquats pour lui répondre. Encore une chance, elle reprend la parole. « Quelqu’un m’a toujours dit que les êtres les plus souffrants de ce monde sont les artistes.. », baissant le regard vers le plancher, Eliott se pince les lèvres avant de formuler tout simplement « En quoi? » par simple curiosité. De nouveau, il darde son regard dans le sien, analysant chaque faits et gestes de cette serveuse qui, très franchement, est l’une des multiples raisons pour lesquelles l’incube ne met que rarement les pieds au Killer Burger. « Parce que vous êtes seuls… Et incroyablement incompris… », laisse-t-elle échapper de ses lèvres naturellement rosées, ses sourcils tristement haussées. Incompris? … Eliott? Vraiment?! Observant cette jeune serveuse retourner à son boulot, le jeune vampire ne tourne que légèrement la tête vers l’instrument auquel il donnait vie il y a de cela quelques minutes et le regarde du coin de l’œil. Peut-être qu’elle a raison, au final. Tous les artistes sont seuls. Tous les artistes sont incompris et ils transmettent cette noirceur à travers leur art.

Le vent caresse sa peau froide. Un vent qui, autrefois, aurait fait soulever ses poils en un frisson qui lui aurait traversé le corps. Un frisson qui ne le possèdera plus, un sentiment qui fait référence à la personne qu’il était jadis. Un jeune homme qui, jour après jour, heure après heure, minutes après minute, seconde après seconde, s’approchait vers l’inévitable. Son seul ennemi à l’époque? … Le temps. Son seul ennemi aujourd’hui? … Lui-même. Il est la cause de sa propre destruction. Une destruction qui aurait pu être évitée si jamais…

Non. Pas ce soir, Eliott. Tu ne vas pas, encore, penser à elle. Combien de fois va-t-il encore se déresponsabiliser quant à sa nouvelle nature? Combien de fois va-t-il injustement accuser Juliet pour ce qu’il est devenu? N’est-ce pas ce dont il a voulu : ne jamais vieillir? Ne devrait-il pas penser à la rouquine avec reconnaissance?! Il avait besoin d’elle. Il avait besoin d’elle et elle est partie. Où est passé l’éternité qu’ils se sont promis?

Glissant ses doigts sur la surface de l’eau claire, le jeune incube pousse un profond soupire alors qu’il ferme les yeux. Il n’arrive même plus à ressentir la fraîcheur de l’eau, ni l’inconfort du feu. Il n’arrive plus à apprécier la douceur de l’herbe, le picotement du gazon lorsqu’il ne fait que traverser la paume de sa main sur le bout de chaque tige. L’éternité qu’ils se sont promis prend une toute autre définition… Une amertume qu’il n’arrive pas à cacher lors des moments où la solitude lui inflige une douleur sans pareille. Si seulement il pouvait avoir la certitude qu’elle est en vie! Peu importe où elle se trouve sur l’Île, s’il peut avoir ne serais-ce qu’un signe qu’elle ne s’est pas fait emporté par la mort.

Soudainement, mêlés à la mélodie des cascades, des bruits de pas en provenance de derrière lui attirent son attention et le sortent de son éternelle solitude. Son corps se raidit, ses sourcils se froncent et je peux vous garantir que si son cœur pouvait battre, il cognerait contre sa poitrine avec véhémence en ce moment. Sans perdre la moindre seconde, il se tourne face à l’individu (ou la créature) qui interrompt sa solitude… Et ce qu’il vit aurait fait cesser les battements de son cœur. Assis sur le gazon, il se lève et observe la rouquine avec ébahissement. « Juliet?!... », souffle-t-il au bord du désespoir. L’a-t-il enfin retrouvé?